Egeablog - Lucien Poirier, le plus grand stratégiste - Commentaires2023-06-28T12:43:19+02:00Olivier Kempfurn:md5:fc9dfa5de5fd9856c4c7bdd45e8ff3c1DotclearLucien Poirier, le plus grand stratégiste - yves cadiouurn:md5:aa8c987a5a333646a8c1bd51215e08072013-04-25T20:36:00+00:002013-04-25T20:36:00+00:00yves cadiou
<p>Ce que vous écrivez concernant Lucien Poirier et les penseurs de la dissuasion est parfaitement exact. Nous avons connu, dans les années soixante, une période d’intense « exception française » dans le domaine stratégique : la France pensait différemment des modèles dominants. Notons au passage, car évoquer le passé permet d’analyser le présent, qu’aucun Livre Blanc n’était nécessaire.<br />
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Pourtant l’on doit à la vérité de mentionner que la doctrine élaborée à cette époque-là entraîna quelques effets négatifs qui se font encore sentir aujourd’hui. Les penseurs que vous citez n’y sont pour rien.<br />
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A cette époque des cohortes d’officiers plus ou moins supérieurs, confondant discipline intellectuelle et garde-à-vous intellectuel, ont transformé la doctrine en dogme. En 1972 un Livre Blanc officialisait le dogme et débutait une période de vingt ans d’immobilisme. Pourtant on aurait dû se poser encore quelques questions parce que d’abord le missile Pluton et plus tard les opex, n’entraient pas dans le schéma imposé par le dogme.<br />
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Dans les années soixante-dix on s’est beaucoup interrogé, mais en vain, pour faire entrer dans le dogme le missile Pluton qui avait été voulu par Charles de Gaulle : super-artillerie destinée à interdire à l’ennemi de concentrer ses moyens ? C’était alors oublier que nous n’avions aucun système pour détecter ces concentrations. Arme de dernier avertissement ? C’était alors oublier que l’on donnait ainsi à l’ennemi le droit d’aller jusqu’où il voulait tant que ce dernier avertissement n’était pas tiré. L’on a même inventé un mot impossible : préstratégique.<br />
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L’explication fut donnée par Alexandre Sanguinetti mais elle passa inaperçue parce qu’elle n’entrait pas dans le dogme. Notre dissuasion nucléaire trouvait son origine (et c’est encore valable aujourd’hui, l’ASMP-A ayant remplacé le Pluton) dans le constat que les Américains n’avaient pas débarqué le 6 juin 40 : le Pluton serait le premier cran d’une escalade nucléaire dont personne ne saurait, de ripostes en ripostes, où elle s’arrêterait. L’escalade déclenchée par la France n’épargnerait pas le territoire des Etats-Unis qui subirait soit des coups directs, soit des retombées toxiques. Par conséquent nos alliés, qui ne sont pas nos amis, avaient (et ont encore aujourd’hui) tout intérêt à intervenir à notre profit avant que nous tirions nucléaire. D’où que vienne l’agresseur, nous ne connaîtrons plus la solitude de juin 40.<br />
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Aujourd’hui, cette donnée fondamentale n’est pas encore entrée dans tous les cerveaux et c’est pourquoi quelques penseurs fatigués et largués préconisent la disparition de notre armement nucléaire. Il est vrai qu’après un demi-siècle la doctrine Poirier peut sembler inadaptée, du moins la doctrine telle qu’elle a été comprise et transformée en dogme : celle qui peinait à intégrer le Pluton, aujourd’hui l’ASMP-A et la menace tacite qu’il adresse à nos alliés.</p>