Egeablog - Résilience japonaise - Commentaires2023-06-28T12:43:19+02:00Olivier Kempfurn:md5:fc9dfa5de5fd9856c4c7bdd45e8ff3c1DotclearRésilience japonaise - Jean-Pierre Gambottiurn:md5:3b724293019c0e40150e77a1806cfd852011-03-16T21:55:00+00:002011-03-16T21:55:00+00:00Jean-Pierre Gambotti
<p>Les hasards de la lecture m’incitent à revenir sur le concept de résilience, intervention que je voulais éviter car, à mon sens, l’acception basique du Livre Blanc ne méritait pas que l’on s’écharpât entre egea.istes…Mais les bonnes feuilles publiées dans Le nouvel Observateur de deux livres posthumes de <strong>Claude Lévi-Strauss</strong> qui rassemblent des textes et conférences sur la civilisation japonaise, tout en me renvoyant à mon inculture, m’ont poussé à m’interroger sur la résilience des Japonais et du peuple japonais.<br />
S’appuyant sur des faits de la vie quotidienne et des particularités de la langue parfaitement établis, page 137, Lévi-Strauss assure que « <em>l’anthropologue se refusera à considérer ces menus faits comme des variables indépendantes, des particularités isolées. Il sera au contraire frappé par ce qu’ils ont de commun. Dans ces domaines différents et sous des modalités différentes, il s’agit toujours de ramener vers soi, ou de ramener soi-même vers l’intérieur. Au lieu de poser au départ le «moi » comme une entité autonome et déjà constituée, tout se passe comme si le Japonais construisait son « moi » en partant du dehors. Le « moi » japonais apparait ainsi non comme une donnée primitive, mais comme un résultat vers lequel on tend sans certitude de l’atteindre</em>. » Rien de plus différent en quelque sorte que « l’âme occidentale » et « l’âme japonaise » et la question qui vient à l’esprit, c’est quid de la résilience dans ces circonstances où le « moi » se construit par le travail de forces centripètes, c'est-à-dire par l’agglutination de ce qui vient de l’extérieur. Sans avoir, bien entendu, la prétention d’apporter une réponse, on peut avancer l’hypothèse que le courage du peuple japonais et le courage des Japonais face aux cataclysmes sont de même nature parce que le « moi »individuel est directement le produit de la psyché collective et que ce faisant la panique, l’égoïsme et le sentiment d’impuissance se déchainent d’autant moins que l’individu est la pluralité.<br />
Ainsi la résilience des uns participe-t-elle à la résilience de l’autre et réciproquement. Mais il faudrait aller plus loin dans cette hypothèse et vérifier la validité d’autres concepts de la théorie de Boris <strong>Cyrulnik</strong>, identifier le tuteur de résilience et apprendre à se battre contre les murmures des fantômes quand c’est le peuple tout entier qui a été traumatisé. Démarche pas aussi inutile et dérisoire, même pour la très cartésienne approche de la résilience proposée dans notre Livre Blanc.<br />
Très cordialement.<br />
Jean-Pierre Gambotti</p>
<p><ins>égéa </ins>: deux commentaires au commentaire</p>
<p>1/ Pourquoi les Japonais ont ils choisi de modèle occidental, et comment expliquer qu'ils y aient réussi ?</p>
<p>2/ Joseph <strong>Henrotin </strong>viendra animer le prochain Café stratégique, le 28 avril, pour parler de résilience stratégique : occasion d'approfondir ces questions.</p>
Résilience japonaise - urn:md5:65dc465c6f401ad11b5b048898d917052011-03-16T21:55:00+00:002011-03-16T21:55:00+00:00
<p>Un fort bon article.<br />
Ici nous sommes bien dans l'information et non dans le journalisme, merci beaucoup.</p>
<p>Je ne vais pas en rajouter beaucoup ici, juste ce qui me semble important pour la compréhension des comportements au Japon, et sur l'aspect gestion de crise:<br />
- La population étant beaucoup moins préparée à l'urgence nucléaire, il y avait un fort risque de panique, sur Tokyo les achats pour stocker de la nourriture ont causé des files d'attentes et de petites pénuries, pénuries qui ont été une des raisons principales pour les mères pour aller avec leurs enfants retrouver la famille dans les campagnes. Et non pas la peur des retombées.<br />
- Après les premiers vents tournés vers les terres,quelques compteurs Geigers non officiels ont été mis en ligne de diverses manières, les résultats ont très fortement calmé les inquiétudes sur un potentiel mensonge d'état.<br />
- Par ailleurs, le souhait de ne pas fuir correspond à une notion de corps, il ne s'agit pas le moins du monde de respecter une règle, mais de respecter son prochain. "Si je m'enfuis je ne respecte pas le travail des 50 de Fukushima" "Si je m'enfuis je risque de participer à la création d'un mouvement de panique". Ceci pour permettre de relativiser la pertinence de la référence à cette grande femme d'état francaise que nous avons dans les commentaires précédents.</p>
<p>NB: J'étais à Tokyo vendredi dernier dans les millions qui ont marché paisiblement pendant de longues heures vers leurs foyers.</p>
Résilience japonaise - yves cadiouurn:md5:c22ec08a7c17e6c5bfed4be14c2b97b52011-03-16T21:55:00+00:002011-03-16T21:55:00+00:00yves cadiou
<p>Excellente intervention de Charlotte Nel parce qu’elle nous rappelle
la relativité de ce que nous écrivons ici : ce ne sont rien de plus que
de « belles réflexions intellectuelles » face à un événement qui est
supposé « saisir d’effroi la Terre entière ». Mais on peut entrer dans
le concret, ce que je vais faire maintenant au regard de mon expérience
professionnelle passée en Protection civile.<br />
<br />
Concernant cet effroi supposé, je vais citer une fois de plus les
Guignols de C+ : « vous regardez trop la télévision ». Lorsqu’on essaye
de s’informer par l’audiovisuel, au bout de dix minutes on ne sait plus
où on en est. Lorsqu’on essaye de s’informer par la presse écrite, on
est toujours en retard de 24h, ce qui n’est guère rassurant non plus.
Heureusement on a la Toile qui nous permet de nous informer sur des
sites qui à la fois ne font pas de sensationnel et sont à jour.</p>
<p>Aujourd’hui il est clair que la presse classique peut chercher à
nous refaire le coup de Tchernobyl (avril 1986) mais que, grâce à la
Toile, ça ne marchera plus. Je peux vous parler des conséquences de
Tchernobyl en France parce qu’à l’époque j’étais en préfecture,
directeur départemental de la protection civile d’un département peu
peuplé au centre de la France. Tchernobyl fut incontestablement une
catastrophe, mais une catastrophe locale et non mondiale ni même
européenne. Je dis bien LOCALE, comme Fukushima est une catastrophe
locale dont nous ne subirons aucune conséquence physique en France,
dom-tom inclus.</p>
<p>Le département dont je dirigeais le service de protection civile
(j’en ai déjà parlé ici à l’occasion de la « guerre » des raffineries) <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2010/10/22/R%C3%A9quisition%2C-p%C3%A9trole-et-d%C3%A9fense#c2036" rel="nofollow" title="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2010/10/22/R%C3%A9quisition%2C-p%C3%A9trole-et-d%C3%A9fense#c2036">http://www.egeablog.net/dotclear/in...</a>
, ce département n’était pas particulièrement exposé au risque
radio-actif (pas d’installation nucléaire aux environs, pas de convois
ferrés ni routiers transportant des matières radioactives en transit)
mais mon service était équipé, comme dans tous les départements de
France depuis les essais nucléaires américains et soviétiques fort
polluants des années cinquante, d’un réseau de détection de la
radioactivité atmosphérique. Ce réseau, nommé « radia-air », était (est
sûrement encore aujourd’hui) parfaitement entretenu et constamment
modernisé depuis sa mise en place. Il consiste en des compteurs reliés
à des capteurs sur les toits de toutes sortes de bâtiments
administratifs dispersés sur le département : sous-préfectures,
hôpitaux, casernes de pompiers, établissements scolaires, mairies, etc.
Dans mon petit département, ils étaient au nombre de vingt-cinq. Ces
appareils étaient très sensibles : pour vous donner une idée de cette
sensibilité, je me souviens que les capteurs détectaient mon approche
parce que je portais une vieille montre phosphorescente aux sels de
radium.</p>
<p>Lorsque l’accident de Tchernobyl s’est produit, j’ai fait régler mes
radia-air à leur sensibilité maximale. Tous ceux qui, comme moi,
avaient accès au réseau radia-air savent qu'aucun détecteur n’a signalé
une radio-activité anormale durant toute cette période, nonobstant les
racontars, rumeurs et fausses nouvelles.</p>
<p>Pourtant la presse, à l’époque, s’est plu à affoler le public.
Peut-être souvenez-vous de cette formule percutante du « nuage qui
s’est arrêté à la frontière » : c’est que les Allemands, sous
l'influence des Grünen, se sont affolés alors qu’il n’y avait pas lieu.</p>
<p>Aujourd’hui encore, les supposés mensonges officiels sont un refrain
qui revient. Mais les menteurs sont ceux qui accusent de mensonge. Ce
qui est rassurant pour le présent et l’avenir, c’est que le même
mensonge médiatique n’est plus possible désormais : en 1986, quelques
uns comme moi ont pu rassurer des amis et des proches qui les
interrogeaient. Pour chacun de nous c’était quelques dizaines de
personnes qui pouvaient répéter l’info, mais la vérité n'avait que la
force d'un murmure contre le tintamarre médiatique.</p>
<p>Aujourd’hui grâce à la Toile quelques centaines de gens, comme moi à
l’époque (quelques dizaines par département), sont capables de diffuser
des infos par mailing-list ou sur des blogs. Ces infos seront reprises
sans déformation (copier-coller) avec indication de leurs origines,
diverses et dignes de foi : fonctionnaires de préfecture, directeurs
d’école ou d’hôpital, pompiers, gendarmes, stations météo, autant de
gens qui n’ont aucun motif de mentir.<br />
Par conséquent le bidonnage (pardon : l’intox) qui eut lieu à l’occasion de Tchernobyl en 1986 n’est plus possible de nos jours.</p>
<p>Mesdames et Messieurs les directeurs départementaux de la Protection
civile, ainsi que vous les chefs d’établissement qui êtes équipés de
capteurs radia-air auxquels vous n’avez peut-être pas prêté attention
jusqu’à présent, on compte sur vous et sur la Toile pour rétablir la
vérité quand des petits malins lanceront des bobards pour « saisir
d’effroi la Terre entière ».</p>
<p>Fukushima, comme Tchernobyl en son temps, est certes une catastrophe mais LOCALE.</p>
Résilience japonaise - boris friakurn:md5:ccf355777672da178301055a6a5fdbd22011-03-16T21:55:00+00:002011-03-16T21:55:00+00:00boris friak
<p>La résilience du "troisième type", c'est à dire ni celle de la
physique des matériaux ni celle de la psychologie, mais celle du Livre
blanc est facilitée par l'action efficace, rapide et déterminante des
services publics.</p>
<p>On ne manquera pas de critiquer à outrance la gestion de crise du gouvernement japonais.<br />
Alors que les ministres d'un pays que nous connaissons et aimons bien
se mettent à balbutier des inepties lorsque se produisent des chutes de
neige, comparables à celles de ce mercredi au Japon..., les forces
d'auto défense ont su déployer 100.000 soldats à J + 3.</p>
<p>Les rédacteurs du Livre blanc et les français attendent-ils vraiment une capacité identique de la part de leur armée ?</p>
<p>La culture du risque et la maîtrise des crises reposent sur des
techniques, de l'anticipation et des exercices honnêtement "débriefés".</p>
<p>Mon sentiment est que le général Copel, au sein du haut comité pour
la défense civile (site web très intéressant), prêche dans le désert
depuis des années et que la France refuse de se préparer à être
résiliente. Peut-être en se disant que, le jour venu, une bonne "com"
suffira.</p>
Résilience japonaise - behachevurn:md5:beb68015eff7ab4afc280951dbce93222011-03-16T21:55:00+00:002011-03-16T21:55:00+00:00behachev
<p>Cette réticence à utiliser le terme de résilience vient sans doute
du fait que l'idée, originellement mécanique, est en soit généralement
mal comprise. Le concept s'adresse à la tenue au choc et non la tenue à
une contrainte. La brièveté du facteur temps est fondamentale à l'idée
de résilience.</p>
<p>Aussi à J+5, on ne peut que seulement parler de résilience à l'événementiel :<br />
Après trois premiers chocs (le tremblement de terre, le raz-de-marée et
l'accident nucléaire), les japonais et la société japonaise ont été
assez résilients pour ne pas arriver à la rupture (panique, défaillance
de l'Etat,...). Néanmoins insuffisamment résilients pour que cela ne
laisse pas de profondes séquelles.<br />
(la "limite élastique" à été dépassée)</p>
<p>Reste la question de la tenue à un potentiel 4ème choc avec la possible catastrophe nucléaire.</p>
<p>Quant à la question de la résilience du Japon (Etat, société,
population) à cette semaine noire de crises, on ne pourra en discuter
que dans quelques années au bas mot.</p>
Résilience japonaise - Charlotte Nelurn:md5:f2010b092b3b7d7ac021bde58ca0def12011-03-16T21:55:00+00:002011-03-16T21:55:00+00:00Charlotte Nel
<p>"Résiliance" ... "Jupiter Stator" ... Effectivement nous pouvons
poser nos analyses, tenter de rattacher cet évêment qui saisit d’effroi
la Terre entière à de belles réflexions intellectuelles .<br />
Ne serions-nous pas tous des statues de sel aujourd'hui ?<br />
Là-bas, les japonais, ahuris, continuent comme des fourmis à
méthodiquement combler les brèches d'une fourmilière ravagée et nous
autres, stupéfaits, nous nous arrimons à nos penseurs, nos journaux ...<br />
Il semble que nous arrivions à un véritable réveil des consciences. La
crise économique ne suffisait pas, la nature aurait-elle décidé de nous
secouer ?<br />
Certes, on peut constater que la civilisation japonaise offre, en
apparence, plus de résistance de la part de son peuple que d'autre .
Mais à Haîti aussi, on vit la dignité et le courage quant au travail,
il ne pouvait en être vraiment question. le chômage, la pauvreté et
surtout le fatalisme qui emprisonnaient les haïtiens ne prêtaient pas à
ce genre d'observation ...<br />
Le Japon est un pays riche, les japonais ont conscience de leur valeur
et nous devons les saluer aussi pour cela, mais ne serait-ce pas
justement ce formidable besoin d'être les meilleurs qui leur permet
d'être aujourd'hui aussi exemplaires et de continuer à vouloir vivre au
delà des menaces ?<br />
<ins>égéa </ins>: chère Charlotte, vous avez raison de nous rappeler qu'Haïti ausi a connu un drame. </p>
Résilience japonaise - urn:md5:d60a09fa20991e30348eb6c248da7bc62011-03-16T21:55:00+00:002011-03-16T21:55:00+00:00
<p>Ce que dit Jacques Lecomte est exact à condition de prendre « l’homme » au sens de « l’individu ».</p>
<p>Ce sont les foules qui paniquent, et plus généralement les ensembles
humains non structurés ou mal structurés (c’est d’ailleurs la grande
faiblesse des bandes armées face aux troupes disciplinées).</p>
<p>C’est le moment d’évoquer Jupiter Stator <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Temple_de_Jupiter_Stator" rel="nofollow" title="http://fr.wikipedia.org/wiki/Temple_de_Jupiter_Stator">http://fr.wikipedia.org/wiki/Temple...</a>
mais aussi la maladresse de l’ambassade de France qui donne ouvertement
une consigne d’évacuation, relayant les consignes de nos ministres plus
soucieux de se couvrir par le « principe de précaution » que d’aider,
si peu que ce soit, à éviter la panique : les étrangers qui sont au
Japon sont capables de savoir ce qu’ils doivent faire et il est inutile
de sonner le tocsin spécialement pour les Français, ils ne sont pas
plus idiots que les autres.</p>
<p>La légende dit que Jupiter Stator immobile sur l’itinéraire de
repli, ou plutôt de débandade, de l’armée romaine qui était sans doute
mal structurée ce jour-là, arrêta ainsi la fuite de celle-ci. Dans les
moments d’inquiétude, il faut que quelqu’un joue le rôle de Jupiter
Stator et serve de point de référence : Gallieni en 1914, Churchill en
1940, l’article 16 dans notre Constitution.</p>
<p>Si l’on en croit notre presse qui titre « un Empereur bien
silencieux », personne ne jouerait aujourd’hui au Japon le rôle
d’anti-panique. Pourtant il n'y a pas de panique : ça signifie qu’il y
a un Jupiter Stator même si la culture japonaise est loin de la culture
latine.</p>
<p>L’Empereur a fait à la télévision un communiqué très modéré,
suffisant sans doute pour le public japonais et justement efficace
parce que modéré. Mais visiblement insuffisant au goût de nos
journalistes qui goûtent moins la recherche d’efficacité face à la
catastrophe que les comportements spectaculaires.</p>