Egeablog - Film2023-06-28T12:43:19+02:00Olivier Kempfurn:md5:fc9dfa5de5fd9856c4c7bdd45e8ff3c1DotclearUn peuple et son roiurn:md5:8c2835bb7b6b3e90684cbe0b43d61dba2018-10-02T13:45:00+01:002018-10-02T13:45:00+01:00Olivier KempfFilmFilmHIstoirePhilosophie politiqueSchoellerUn peuple et son Roi<p>Nous l'attendions depuis... 2011 : le dernier film de Pierre Schoeller vient de sortir. Pierre Schoeller est l’auteur de "L'exercice de l’État", film dont nous avions dit à l'époque le plus grand bien (<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2011/10/31/L-exp%25C3%25A9rience-de-l-Etat">voir ici</a>). Nous étions impatient de vérifier que l'opus suivant serait de la même qualité. Il l'est, avec pourtant des variations qui en font un film différent du premier, même si la réflexion politique sous-jacente est elle aussi remarquable.</p>
<p><img src="http://fr.web.img5.acsta.net/c_215_290/pictures/18/08/02/12/06/1793783.jpg" alt="" /> <a href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=256870.html">source</a></p> <p>Disons d'abord ce que le film n'est pas : ni une biographie des derniers jours de Louis XVI, ni une histoire de la Révolution française. Bien sûr, le film comporte des éléments de ces deux thèmes mais là n'est pas son sujet. Le titre dit tout, finalement : centré sur le peuple, le film cherche à montrer l'évolution du regard du peuple sur son roi. Voici mis en scène le net processus de distanciation à multiples registres entre un peuple (aujourd'hui, on dirait l'opinion publique) et son chef de l’État (avec plusieurs dimensions évidentes : sacrées, mythiques, psychologiques -père du peuple, comme Louis XII - ,...).</p>
<p>Le peuple donc, centré sur une famille élargie du faubourg Saint-Antoine. Confessons que le début est un peu laborieux et qu'on se met à craindre une symbolique trop lourde avec la lumière apparaissant dans la rue, à mesure que les ouvriers font tomber les créneaux de la Bastille. Heureusement, ce style ne dure pas. Le chef de famille n'est pas le père (puisque rappelons-le, le père est le Roi, symboliquement), mais "l'Oncle", formidable Olivier Gourmet que l'on retrouve avec plaisir, sept ans après son rôle de ministre dans l'exercice de l’État. L'intérêt porté à une famille du faubourg permet de suivre les évolutions des consciences et les débats politiques, mais aussi familiaux ou spirituels (car la question de la relation religieuse n'est bien sûr pas absente, même si elle n'est traitée qu'à petites touches).</p>
<p>Le Roi, porté par un Laurent Lafitte crédible, semble distant. Il doit prononcer dix répliques sur l'ensemble du film : non que c'est un personnage secondaire mais justement, son silence dit tout de sa difficulté politique.... même si une larme coulant lors de la signature d'une première Constitution montre une conscience nette du processus en cours, ou surtout un cauchemar (P. Schoeller aime les rêves, on l'a vu dans son opus précédent) où il est aux abois devant les reproches de ses aïeux (Louis XIV, Henri IV et Louis XI) de trahir l'héritage : la puissance, le cynisme et la ruse reprochent à ce Roi débonnaire de ne pas peser sur les événements. Au fond, il se laisse mener par eux et n'a plus de cours sur les événements... métaphore des dirigeants contemporains et reprise de la thématique de l'exercice de l’État.</p>
<p>Voici alors le troisième personnage, celui qui n'est pas indiqué dans le titre et qui occupe un rôle central : l'Assemblée nationale dont on suit les débats successifs au manège (mais aussi les lobbies et groupes d'influence, avec la mise en scène du club des Cordeliers). Marat est terrifiant de vulgarité, beaucoup plus qu'un Robespierre habituellement caricaturé et traité ici comme un glacial intellectuel, se contrôlant en permanence. L'Assemblée qui se transforme en Convention est le lieu des débats, elle est le troisième personnage du film, elle aussi à plusieurs voix, comme le peuple qui assiste des tribunes. Certes, quelques épisodes de la Révolution sont mis en scène (la marche des femmes sur Versailles, les événements du 10 août) et si on voit que Paris et ses habitants pèsent sur le cours politique, là n'est au fond pas ce qui intéresse P. Schoeller.</p>
<p>Les débats législatifs et politiques, leur lente articulation et évolution, la cristallisation d'idéologies successives, la montée en puissance d'un "populisme" (de gauche !) constituent finalement le troisième ressort de ce film : quid de la médiation entre un peuple et son chef d’État ? quid des "représentants", quel est leur rôle ? Comment refléter idées et évolutions du peuple dans un débat public où les outrances trouvent finalement à prendre le pas sur le bien commun, annihilant toute action publique ? Comment articuler "sur les deux jambes", comme le dit un député, le législatif et l'exécutif, pour obtenir l'équilibre ? Questions d'époque, questions bien contemporaines... Elles passionnent le peuple et laisse le Roi indifférent, fataliste qu'il est de son propre destin. Pas besoin de Roi dans une République ? mais après ? les questions demeurent et sont toujours contemporaines.</p>
<p>Voici donc un film assez littéraire, imprégné de philosophie politique, servi par une mise en image raffinée et des jeux d'acteurs sobres. Disons le mot : un des meilleurs films sur la Révolution française. On ne saurait pourtant le réduire à un film d'histoire : là n'est pas l'ambition du réalisateur, qui a voulu se servir de cet arrière-plan pour continuer son interrogation politique sur la pratique du pouvoir.
Convenons qu'il ne transporte pas au premier abord mais qu'il convertit peu à peu, au point d'en sortir convaincu.</p>
<p>O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/10/01/Un-peuple-et-son-roi#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2219Au revoir, là hauturn:md5:fbe90f76546bc5d6eec3e697e61122a92017-11-02T18:09:00+00:002017-11-04T22:34:22+00:00Olivier KempfFilmAu revoir là hautCinémaDupontel<p>Voici un excellent film qui prolonge sa carrière grâce à un bouche à oreille mérité. Comment une histoire commencée l'avant-dernier jour de la Première Guerre mondiale, poursuivie par l'histoire d'une gueule cassée et une arnaque aux monuments aux morts, peut-elle rencontrer un tel succès ? par la grâce, tout simplement.</p>
<p><img src="https://media.senscritique.com/media/000017063191/source_big/Au_revoir_la_haut.jpg" alt="" /></p> <p>Un très très grand film, ce qu'indique un signe qui trompe rarement : à la fin, les gens ne se précipitent pas pour se lever et atteindre la sortie au plus vite. Ils restent dans leur fauteuil, prolongeant l'atmosphère du film qui les a emmené si loin. Albert Dupontel se métamorphose en quelqu'un de très grand qui bâtit une belle œuvre, dépassant le tendre trublion jouant les humbles au grand cœur qui était jusque-là sa marque de fabrique.</p>
<p>Voici donc l'histoire d'un trio : celle d'un binôme de soldats, réunissant un petit comptable simplet et un fils de rupin doué d'un bon coup de crayon, que le hasard des tranchées et de la guerre réunit par-delà les classes sociales ; face à eux, un lieutenant sans scrupules, avide d'avancement et d'enrichissement. Nous sommes le 9 novembre, le lieutenant déclenche une dernière attaque, l'artiste en sort défiguré après avoir sauvé son copain qui se met en devoir de lui faciliter son retour à la vie.</p>
<p>Mais réussit-on une vie quand on a perdu, au sens propre, la face ? Nous voici confrontés au retour de ces vétérans à la vie "normale", laissés à leur sort comme dans toute après-guerre, plongés dans les affres d'une gueule cassée comme la Chambre des officiers nous l'avait déjà montrée. Le salut passe par la construction de masques qui permettent à l'artiste de cacher le trou béant et de retrouver une apparence. Un masque, quoi. C'est vertueux, un masque, parfois.</p>
<p>Cette renaissance passe également par une certaine vengeance : l'artiste retrouve son coup de crayon et organise, avec l'aide du simplet, une gigantesque arnaque aux monuments aux morts.</p>
<p>Taisons la fin pour s'attarder sur l'essentiel : la poésie, l'harmonie, l'embellissement et pour tout dire la délicatesse de ce film qui est enlevé et très rythmé, sans aucun des artifices habituellement retenus pour capter l'attention. Une émotion douce avec pourtant de très belles créations cinématographiques : les masques, bien sûr, ou encore des effets spéciaux suffisamment invisibles pour donner ce délicieux sentiment de magie. Le plus important reste bien sûr le jeu des acteurs, toujours justes avec des seconds rôles très soignés.</p>
<p>Bref, un très bon moment qu'il faut se dépêcher d'aller voir, non par nostalgie, mais parce que la grâce ne dure jamais très longtemps, même au cinéma.</p>
<p>O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2017/11/02/Au-revoir%2C-l%C3%A0-haut#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2151La grande bellezzaurn:md5:bd94a61d4f7e0d88b4fd9b253443d6ea2013-05-23T21:50:00+00:002013-05-23T21:50:00+00:00Olivier KempfFilm<div class="post-excerpt"><p>Voici un film étonnant, et remarquable à bien des points de vue. Cela faisait quelques semaines qu'il n'y avait pas grand chose au ciné, et voici ce film arrivé sans annonce. La seule affiche nous décide, avec Madame, et nous y allons, sans trop savoir sur quoi tomber. C'est un film qui va au-delà de <strong>Fellini</strong> ou de la <em>Dolce Vita</em>, même si les références sont évidentes. Et <strong>Sorrentino</strong> réussit à être encore plus fort que <strong>Fellini</strong>, avec un film métaphysique, malgré l'abord.</p>
<p><img alt="" src="http://fr.web.img5.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/021/21002178_20130429173420254.jpg" /></p></div> <div class="post-content"><p>Gep Gambardella, le héros, n'est pas simplement mondain : c'est le roi des mondains. De son appartement dominant le Colisée, il organise des fêtes toutes plus ou moins orgiaques, ou des dîners de vieux intellectuels qui se connaissant par cœur. S'agit-il seulement des affres de la vieillesse qui frappent Don Juan sexagénaire ? cette vue serait trop simpliste.</p>
<p>En fait, ce film est une vanité. Vous savez, ces peintures "mortes" du XVII° siècle, où apparaissaient toujours une tête de mort, afin de signifier le destin ultime : vanité des vanités, tout est vanité.</p>
<p><img alt="" src="http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/35/Pieter_van_Steenwyck_001.jpg/220px-Pieter_van_Steenwyck_001.jpg" /></p>
<p>Gep est vain, le sait, et n'est pas vaniteux. Il démontre d'ailleurs une certaine humanité, et même d'une bienveillance "anormale" pour un mondain qui ne vit qu'à la surface des choses. Le film montre ces vanités, celles de ce monde décadent et débauché. Mais alors que tant d'autres se complaisent dans un voyeurisme indulgent, malsain et complice, <strong>Sorrentino</strong> réussit à garder la distance envers ses excès. Il les montre, sans aller trop loin, justement. Le film montre toutes les vulgarités de l'époque, l'art, la littérature, les postures, les impostures, la drogue, toutes ces pratiques modernes et dévoyées et convenues.</p>
<p>Mais surtout, il montre la vacuité et la solitude de chacun, et leur humanité faseillante sous le vernis craquelant du monde. Le monde est laid, et on devrait normalement être misanthrope. Mais cette humanité déchue, cette triste condition humaine est également capable d'un peu de tendresse. Car Gep, c'est vous, c'est moi. Il est toujours impeccablement habillé, et son dandisme est l'écho de notre volonté commune de nous présenter sous notre meilleur atour, de tromper l'autre, de maquiller, de <em>trucare</em>. Nous sommes tous mondains, mais Gep est le roi des mondains, un nouveau Brummel.</p>
<p>Gep a écrit, autrefois, un roman qui eut du succès, l'équivalent du Goncourt. Et depuis, critique dans une revue vaguement people, il n’écrit que des articles de commande. Des articles justes, d'ailleurs, pas complaisants, comme cette scène délicieuse où il se moque d'une "artiste" qui débite des ...onneries, comme aux bobo habituels, mais qui ne parvient pas à abuser notre héros. L'homme a du jugement. Une profonde lucidité. Et il voudrait écrire le roman que Flaubert n'a pas écrit, celui qui décrirait le rien, le néant, le <em>niente</em>. Mais si Flaubert ne l'a pas écrit, comment lui, Gep, pourrait-il l'écrire ?</p>
<p>Il se promène donc, longuement, au fond des nuits romaines. Car le monde, celui du film, c'est Rome. Rome nocturne, Rome déserte, Rome éloignée des vues de touriste, Rome isolée où sa solitude se perd, Rome miroir du néant, mais aussi Rome contrepoint, avec ses beautés héritées si opposées à la vulgarité du temps présent. Au passage, cette délicieuse réponse, lorsque raccompagnant une femme qui habite <em>Piazza Navonna</em>, il affirme "ah, vous habitez à la périphérie?".</p>
<p><img alt="" src="http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/97/63/80/20542141.JPG" /></p>
<p>Gep recherche donc la beauté, l'amitié, le sens. Les funérailles sont l’occasion d'une première rencontre avec la mort, où malgré son professionnalisme de mondain, qui sait se comporter ("on ne pleure jamais à un enterrement, il faut laisser cela à la famille, elle a le monopole de la douleur") il se laisse gagner par l'émotion.</p>
<p>Dans ce film turbulent, la religion intervient à la fin, incarnée par deux personnages, un cardinal mondain - dans le monde- et une "sainte", sorte de mère Térésa qui dort par terre, édentée et grimaçante et flétrie et ridée et fripée et amorphe. Elle est quasi anéantie par le poids des ans, mais elle montre une espérance insensée, grimpant à quatre pattes la Scala Santa, à bout de force, malgré le poids des ans, mais tirée par l'espérance, au-delà du sens.</p>
<p>Gep ne se convertit pas puisqu'il est blasé et désinvolte. Son sens à lui, c'est la beauté, cette chose intense et fugace, qui disparaît dès qu'on l'aperçoit. C'est un film métaphysique, non un film religieux. Dans le bouillonnement du monde et sa terrible vacuité, il montre qu'il y a toujours un peu quelque chose, même sous le néant de notre condition humaine.</p>
<p><strong>Toni Servillo</strong> effectue une époustouflante performance d'acteur, à la suite de son rôle dans <ins>Il divo</ins>. Voici un des plus grands comédiens contemporains. Quant à <strong>Sorrentino</strong>, il a réussi à dépasser <strong>Fellini</strong> : chapeau !</p>
<p><img alt="" src="http://static.anygator.com.s3-website-eu-west-1.amazonaws.com/static-anygator2/thumbs/it/41/41eb2ea663d61a29a1b0183abe3cac583f0beb16/big.jpg" /></p>
<ul>
<li><a href="http://cinema.nouvelobs.com/articles/25857-festival-cannes-2013-festivals-interviews-la-grande-bellezza-ou-le-retour-de-toni-servillo-devant-la-camera-de-paolo-sorrentino">Interview</a> de T Servillo</li>
</ul>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2013/05/23/La-grande-bellezza#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1804Hannah Arendturn:md5:db57fa8d1a47aad3a6a84ba84dd890982013-05-08T21:13:00+00:002013-05-08T21:13:00+00:00Olivier KempfFilm<div class="post-excerpt"><p>Comment filmer un philosophe ? Voici la question initiale de <strong>Margaret von Trotta</strong>, cinéaste allemande, avant de tourner ce film passionnant. On est bien sûr loin des biopics habituels de chanteurs, hommes politiques, sportifs, couturières, homme qui a marché sur la lune et autres héros visuels et connus de notre époque. Car qui connaît <strong>Hannah Arendt</strong> ? Je ne me souviens pas d'avoir entendu parler d'elle en philo (bon, d'accord, j'ai pu être distrait). Et son nom n'est apparu que bien plus tard, à la fin des années 1990. Or, ce film donne à réfléchir sur les relations difficiles entre la pensée, la conscience et les sentiments. Et la couverture par H. Arendt du procès <strong>Eichmann</strong>, à Jérusalem, en 1961, est le moyen d'une construction dramatique passionnante où l'on s'aperçoit qu'en fin de compte, ce qui compte, c'est le courage. Vous savez, ce courage intellectuel dont nous avons <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2012/09/18/Courage-intellectuel-%28resuite%29">déjà parlé</a>.</p>
<p><img alt="" src="http://www.francetv.fr/culturebox/sites/default/files/styles/article_view_full_main_image/public/assets/images/2013/04/hannaharendta_0.jpg" /> <a href="http://www.francetv.fr/culturebox/hannah-arendt-margarethe-von-trotta-filme-lintransigeance-de-la-pensee-135151">source</a></p></div> <div class="post-content"><p><ins>L'histoire</ins> : H. Arendt est une philosophe allemande, juive, qui a appris la philosophie avec Heidegger, dont elle a été la maîtresse. Elle fuit en France au moment de l'arrivée du nazisme, puis après avoir été emprisonnée dans un camp, elle réussit à s'enfuir et à rejoindre l'Amérique. Elle s'y installe et mène alors une carrière universitaire prestigieuse. En 1960, elle apprend l'enlèvement d'Eichmann par les Israéliens, un des responsables de la déportation. Elle écrit au <ins>NewYorker</ins> pour proposer de suivre le procès. La série d'articles qu'elle publie à l'issue provoque un scandale incroyable.</p>
<p>Le film tourne d'abord autour de la relation entre pensée et conscience. Autrement dit, Eichmann n'est qu'un pion, il est banal, il n'a jamais pensé : c'est ce que montre à un moment le film, qui reprend des images d'archive du procès, et où le procureur demande à plusieurs reprises au prévenu s'il a pensé (<em>gedacht</em>) : Celui-ci fait répéter à plusieurs reprises la question, comme s'il ne la comprenait pas. HA démontre qu'un monstre peut être banal, que ce n'est pas un ultra sanguinaire, un théoricien, un fanatique. Il se considère juste comme un rouage qui n'a fait qu'exécuter les ordres. C'est la banalité du mal : l’absence de conscience et de pensée arrive à provoquer des désastres... Eichmann n'est pas un monstre au sens où on l'entend habituellement, il est "normal". Même si cette normalité ne l'excuse pas, et si AH considère qu'il est coupable. La question n'est pas celle de la culpabilité, il ne s'agit pas pour HA de l'excuser, mais de montrer les racines de cette culpabilité, qui n'est pas celle qu'on imagine à l'abord.</p>
<p>Mais HA va plus loin : elle remarque qu'un certain nombre de représentants des groupes juifs, déportés, ont peu ou prou transigé : cette banalité du mal n'est pas que d'un seul côté. Cela ne signifie pas que la victime est coupable : la victime est toujours victime, et ici innocente. Simplement que le manichéisme du bien et du mal est tout, sauf évident. Qu'il n'y a pas de simplisme. Cette dernière proposition provoque le vrai, l'immense scandale. En effet, elle suggère une forme de participation des juifs à leur tragédie, ce qui n'est évidemment pas le propos d'HA. Mais ses propos, venant d'une intellectuelle juive, remettent en question, de façon implicite, toute la construction collective de l’Israël de l'époque, dans la définition d'une représentation géopolitique partagée. La ligne de partage n'est pas entre deux collectifs, mais au sein de chaque individu.</p>
<p><img alt="" src="http://www.causeur.fr/wp-content/uploads/2013/04/hannah-arendt-eichmann.jpg" /> <a href="http://www.causeur.fr/hannah-arendt-eichmann,22332#">source</a></p>
<p>Dès lors, le débat entre pensée et conscience se trouve compliqué par un troisième paramètre, celui des rapports avec les sentiments. Cette dimension pathétique prend d'ailleurs un double volet, aussi bien individuel que collectif : individuel dans les rapports avec les amis (ceux qui l'étaient et qui se détournent, ou ce très vieil ami, quasiment de la famille, qui lui reproche de ne pas aimer le peuple juif, et à qui elle rétorque qu'elle ne sait pas aimer des peuples, mais seulement des gens), qu'avec les collectivités : collègues universitaires, société américaine et, bien sûr, autorités israéliennes.</p>
<p>Voilà en effet, le plus marquant, et le plus surprenant dans ce film : la capacité d'HA à se lever contre la totalité de l'émotion, elle qui est la grande philosophe du totalitarisme. Elle a en effet montré que le totalitarisme, totalité du politique, était aussi le naufrage du politique et une caractéristique de la modernité. Elle expérimente ici la totalité de l'émotion... Le film laisse voir l’abîme d'expectative auquel fait face HA, sans d’ailleurs donner de réponse.</p>
<p>Pourtant, là n'est peut-être pas l'ultime interrogation qu'elle se pose : En effet, tout son propos évoque la banalité du mal, comme si la pensée était un moyen suffisant pour avoir la conscience. Et son courage intellectuel lui permet de surmonter l'épreuve du "seul contre tous", de risquer sa réputation pour la vérité, de ne pas sombrer dans les mesquins arrangements. La pensée, dernière garante ? Pourtant, il lui revient alors le souvenir de ses relations avec Heidegger, à la fois intellectuelles et amoureuses. Alors, elle abandonne sa liaison amoureuse avec le philosophe quand elle voit Heidegger se compromettre avec le nazisme. Et lui qui était un des plus brillants philosophes du XX° siècle, un maître de la pensée, n'avait pas l'excuse de son absence de réflexion : lui aussi, comme Eichmann, avait cédé au mal. La banalité du mal frappe aussi les êtres d'exception. Et la pensée n'est pas suffisante pour fonder la conscience, et déterminer le choix entre le bien et le mal.</p>
<p>C'est au fond cette question qui hante HA, à l'issue de son livre sur le procès Eichmann.</p>
<p>Le film rend bien compte de tout ceci, avec une mise en scène variée qui évite astucieusement les "leçons"proférées du haut de la chaire. Nous assistons à une tranche de vie, qui pose bien sûr des questions philosophiques mais qui n'est pas un cours de philosophie. Un film intelligent et bien tourné. A voir.</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2013/05/08/Anna-Harendt#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1787Les gaminsurn:md5:433fefabe6f8acb826867f7b3e7714032013-04-22T12:31:00+00:002013-04-22T12:31:00+00:00Olivier KempfFilm<div class="post-excerpt"><p>Parbleu ! il ne me serait jamais venu à l'idée d'aller voir ce film !!!!! Visiblement, on y a entraîné <strong>Yves Cadiou</strong>, qui nous fait part de son incompréhension. Que je comprends et qui ne donne pas envie d'aller voir le film. Mais je devine que peu de lecteurs d'égéa en avaient/ont vraiment envie ! Merci à Yves, en tout cas, car au-delà du film, il y a quelques indications sur notre époque.</p>
<p><img alt="" src="http://media.rtl2.fr/online/image/2013/0410/7760263556_les-gamins.jpg" /></p>
<p>O. Kempf</p></div> <div class="post-content"><p>« Les gamins » : j’hésite à commenter ce film parce que vous allez encore dire que je suis ronchon. Je ne le suis pas complètement : Sandrine Kiberlain et Alain Chabat sont excellents dans le rôle de deux bobos vieillissants qui n’ont jamais su donner un sens à leur vie. Mais à part ces deux acteurs qui crèvent l’écran dans une comédie qui sans eux serait un navet, c’est un film qu’on peut ne pas aller voir. Pour vérifier ce que je vous dis, empruntez-le à celui qui l’achètera quand il sortira en DVD.</p>
<p>Dès le début on croit deviner qu’à la fin du film la vie de ces deux bobos aura acquis un sens. Mais pas du tout : en fait je m’interroge encore sur cette histoire qui m’a semblé sans queue ni tête. Peut-être n’ai-je rien compris. L’on voit un certain nombre de personnages à qui il arrive un certain nombre d’aventures ou de mésaventures diverses mais des personnages qui n’évoluent pas, dans une situation qui elle-même n’évolue pas. Par moment le spectateur se dit que peut-être quelque chose va se passer mais non : rien ne se passe. C’est sûrement que je n’ai pas compris. Si le but du film est de montrer que dans une vie de bobo il ne se passe rien à l’exception de quelques états d’âmes éphémères, alors c’est réussi.</p>
<p>Un second couple, des jeunes, la fille du premier couple et son fiancé, est à l’aube prometteuse d’une vie qui s’annonce pourtant, au fond, aussi ennuyeuse et décevante que celle des parents. Le spectateur espère qu’à la fin du film ces jeunes auront compris la misère du destin qui les attend et décideront d’y remédier, mais non : là aussi il y a seulement des états d’âmes qui ne débouchent sur rien.</p>
<p>Autour de ces deux couples, beaucoup de personnages secondaires aux caractères variés mais qui ont un trait en commun : une certaine ambiguïté, chacun à sa façon. Plutôt que de l’ambiguïté qui serait voulue par le scénariste, je crains que ce soit tout simplement de l’incohérence.</p>
<p>Une scène pourrait être réellement significative et même centrale si elle était quelque peu développée : rencontré par hasard, un sosie de François Hollande accepte de poser pour une photo avec les fiancés. On prend bien soin de nous préciser que c’est un sosie : c’est écrit au feutre sur la photo souvenir. Le spectateur peut imaginer, mais rien ne l'incite à imaginer, que les jeunes regarderont cette photo aux alentours de la cinquantaine et comprendront enfin, comme les parents devraient comprendre aujourd'hui, qu’il aurait fallu avoir un but dans la vie.</p>
<p>Intéressant aussi et probablement involontaire tant le ridicule en est effleuré, deux clichés sur l’Afrique : 1 dans l’imaginaire des bobos, il faut aller creuser des puits au Burkina-Fasso, sinon comment feraient-ils sans nous. 2 Dans la tête de ceux qui vendent des clips aux jeunes bobos, l’Afrique (à moins qu'il s'agisse du désert du Mexique) c’est du sable, des cactus, des kalachnikov portées par des filles bien faites (des canons, si j'ose dire), un blindé AML : tout ça fait un excellent décor pour enregistrer la prochaine chanson qui sera à la mode dans les discothèques.</p>
<p>Le spectateur, à la fin de 90 minutes d’ennui au cours desquelles il a failli abandonner plusieurs fois, est récompensé de sa patience : le film se termine par deux minutes marrantes, une scène qui arrive là sans vraiment de lien avec l’ensemble du film et qui pourrait terminer bien d’autres films de la même façon : au cours d’une conférence internationale l’ambassadeur iranien, évidemment barbu et incompréhensible et coléreux, est ridiculisé par une traduction fantaisiste de son discours. Ainsi les spectateurs sortent du cinéma en riant, laissant croire que « les gamins » est un film comique.</p>
<p>Si j’apprends, dans quelques semaines, que ce film a eu un succès populaire, alors je retournerai le voir pour tenter de comprendre.</p>
<p>Y. Cadiou</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2013/04/21/Les-gamins#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1769Lincolnurn:md5:522b158e09beb9831e1c796411377cd82013-02-02T07:18:00+00:002013-02-02T07:18:00+00:00Olivier KempfFilm<div class="post-excerpt"><p>Devant le déluge d'enthousiasme de commande répandu à foison dans les médias, je me vois dans l'obligation de dire que "Lincoln" ne vaut pas le coup. Et pour tout dire, est <ins>franchement mauvais</ins>. Je n'avais pas forcément l’intention d'en faire un billet, mais ce film nous raconte pas mal de choses de l'Amérique.</p>
<p><img alt="" src="http://www.francebleu.fr/sites/default/files/imagecache/agenda_280/evenement/affiche-lincoln-spielberg.jpg" /> <a href="http://www.francebleu.fr/evenements/cinema/avant-premiere-france-bleu-gironde-240197">source</a></p></div> <div class="post-content"><p>1/ Convenons tout d'abord des points positifs. Mettons les au singulier : le jeu des acteurs, avec <strong>Daniel Day-Lewis</strong> qui est tout à fait saisissant, et un <strong>Tommy Lee Jones</strong> mutique à son habitude et décalé dans un costume d'époque. Pour le reste...</p>
<p>2/ Oh! bien sûr, il faudrait qu'on se répande en louanges ! pensez : <strong>Spielberg</strong>, l'Amérique, l'abolition de l'esclavage ! Comment peut-on être contre ? on ne peut en dire "que du bien". Et voici donc des critiques gênés, faisant le boulot et attribuant trois étoiles et expliquant des choses, sans suggérer réellement d'enthousiasme.</p>
<p>3/ Car voici un film grandiloquent, mièvre et bourré de sensiblerie, long et assez ennuyeux, verbeux et confus, où des personnages émus ne cessent de nous bassiner les oreilles de leurs états d'âme (madame Lincoln est absolument insupportable), tout en opérant sans sourciller la plus vile manœuvre de corruption parlementaire et en repoussant la fin de la guerre de trois mois, ce qui provoque "accessoirement" quelques dizaines de milliers de morts supplémentaires. Ben voyons !</p>
<p>4/ Voici au fond le vrai sujet du film : la bonne conscience criarde de l'Amérique, qui nous montre un intégriste puritain, au raisonnement froid et implacable, allant "au bout de ses idées" pour installer ses principes quel qu'en soit le prix. Un idéologue, finalement, matois et calculateur, qu'on nous présente comme un saint homme au nom des "principes". Un pur qui corrompt, et sciemment ! D'autres ont suivi le même type de raisonnement, mais ils n'ont pas gagné, ce qui explique la différence de leur postérité. Robespierre, incorruptible, doit regarder cela avec admiration.</p>
<p>5/ Car voici l'histoire d'une Amérique qui domine une autre par la force(soyons bien d'accord : je n'ai aucune sympathie pour les esclavagistes ni pour les sudistes) et qui impose par la force une fédération. L'Amérique qui invente la première guerre industrielle de l'histoire, bien avant les deux guerres mondiales. Une Amérique qui invente un État militariste dont nous observons encore les métastases de nos jours (ce qui d'ailleurs donne un certain crédit à tous les ploucs opposés aux "dictateurs de Washington"). Oui, Lincoln est symbolique de l'Amérique, et ce mauvais film est symbolique de la façon dont l'Amérique se considère aujourd'hui.</p>
<p>6/ Car là réside l’enseignement du film : il obtient un grand succès outre Atlantique, car il reprend le "récit" commun, comme le dernier témoignage d'une illusion perdue, celle de l'unité américaine. Elle a été obtenue par la force, elle est aujourd'hui en train de se déliter, et chaque Américain en a inconsciemment conscience. Qui sait qu'il y a aujourd'hui sept ou huit procédures de référendum en faveur d'une sortie de l'Union ? Lincoln est une réponse Hollywoodienne à un processus d’éclatement, une tentative de renouer les fils, un hymne patriotique, une reconstruction géopolitique sentimentale et trop démonstrative pour être vraiment convaincante.</p>
<p>En plus, le film est long : économisez (temps de transport compris) quatre heures et prenez un bon bouquin.</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2013/02/02/Lincoln#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1679Blanca Nievesurn:md5:787700fe79da362cc33e4c1156dacdf52013-01-27T22:40:00+00:002013-01-27T22:40:00+00:00Olivier KempfFilm<div class="post-excerpt"><p>J'avais prévu de vous parler du Mali, puisqu'il y a énormément à dire. Cela pourra attendre : il est en effet beaucoup plus urgent que je vous parle du film dont je sors : <em>Blanca Nieves</em>, un chef d’œuvre absolu. Je ne crois pas manier trop l'emphase et avoir utilisé la brosse à reluire jusqu'à présent sur égéa. Il y a eu de très bons films que j'ai signalés. Mais celui-là, c'est la classe exceptionnelle. A voir absolument, d'urgence, en se dépêchant car il ne va pas traîner sur les écrans.</p>
<p><img alt="" src="http://fr.web.img2.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/94/72/99/20410396.jpg" /> source</p></div> <div class="post-content"><p>1/ Comme son nom l'indique, l'histoire est inspirée de Blanche Neige. A ceci près qu'elle est réécrite pour se situer au début du siècle, en Espagne. Le père, célèbre matador, est victime d'un accident dans l'arène, au sixième taureau. Son épouse, enceinte, meurt en accouchant d'une petite Carmen. L'histoire raconte le destin de celle-ci, comment elle est recueillie par sa grand-mère, puis sa marâtre, comment elle s'enfuit pou rejoindre une troupe de nains toreros, etc...</p>
<p>2/ Le film est d'abord "espagnol" : il joue sans cesse sur le registre de la civilisation espagnole, et sa culture partagée par le peuple espagnol, où le flamenco est une danse qui répond à celle des toreros. Et sans être un expert de civlisation hispanique, on est séduit par l'utilisation habile du registre culturel.</p>
<p>3/ Le film est noir et blanc, et noir et blanc. Plein de contrastes, et merveilleusement mis en musique. Oui, il vient après "<em>the artist</em>". Peut-être n'aurait-il pas été possible sans le succès préalable de celui-ci. Mais alors que <em>the Artist</em> est un bon mélo sympathique et à l'intrigue attendue, <em>Blanca Nieves</em> est une tragédie, un pur joyau d'émotion, un chatoiement de lumières et de noirceurs.</p>
<p>4/ Le film évoque la vie, la mort, l'amour, trois composants essentiels, mais aussi la lignée, le destin, la communauté, la famille... Des choses fondamentales et simplement évoquées, avec une caméra tourbillonnant au son des castagnettes et des claquements de main battant la mesure de la guitare sèche.</p>
<p>5/ On sort du film bouleversé d'émotion, car cela ne finit pas comme dans Walt Disney. Un film pour adulte, tellement il porte une âpre intensité, combinant des contrastes violents entre rayonnement extrêmes et noirceurs les plus profondes. Il rafle 16 nominations aux Goya, les Oscars espagnols. Décidément, le cinéma espagnol est capable du meilleur, car je ressors avec le même enthousiasme qu'après <ins>Agora</ins> (<a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2010/01/07/Agora-%3A-%C3%A0-voir-aboslument-!">voir mon billet</a>). Mais autant <em>Agora</em> était remarquable par son intelligence, autant <em>Blanca Nieves</em> touche par son émotion exceptionnelle. C'est une des dix plus belles émotions que j'ai ressenties au cinéma.</p>
<p>Bref, le rater serait non seulement une erreur, mais une faute.</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2013/01/27/Bianca-Nieves#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1674Contes de Noëlurn:md5:94f76638a9fc2795f98b437ea60a81212012-12-18T21:39:00+00:002012-12-18T21:39:00+00:00Olivier KempfFilm<div class="post-excerpt"><p>La période de Noël est propice aux contes de Noël cinématographiques. Et ce soir, il ne sera pas question de géopolitique, mais de plaisir pur. Na.</p>
<p><img alt="" src="http://static.cotecine.fr/tb/Affiches/155x210/ERNEST+ET+CELESTINE.JPG" /> <img alt="" src="http://images.allocine.fr/r_160_240/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/93/43/35/20273834.jpg" /></p></div> <div class="post-content"><p>1/ Contes de Noël, car il faut une âme d'enfant pour aller les voir. çà tombe bien, nous avons tous une âme d'enfant même si nous passons notre temps à la cacher derrière nos préoccupations sérieuses. Or donc, sans aucun prétexte (ni enfant, ni petit-enfant, ni petit neveu, ni moutard de la concierge, non rien que moi et madame K), nous sommes allés, deux soirs de suite, nous accorder deux moments de pur infantilisme. Le pied.</p>
<p>2/ <strong>Ernest et Célestine</strong> : à voir lorsqu'on a plutôt une âme de "petite enfance", genre cinq ans, ce qui est mon cas. Encore un "dessin animé" de souris : après Mickey, Ratatouille et Gus de Cendrillon, cela fait beaucoup, me direz-vous ? Mais celle-ci, de petite souris, est si mignonne. En fait, voici un dessin animé "à l'ancienne", avec traits et aquarelles, et sujets "simples". Du délicat, du charmant, du premier degré, du poétique. Enchanteur et ravissant.</p>
<p>3/ <strong>Hobbit</strong> : là, un sujet d'enfance plus avancé, pré-adolescent en qq sorte. Du rêve,des bons sentiments, du bien et du mal, des méchants on sait qui c'est, des gentils on sait aussi qui c'est, des paysages splendides, des combats et des angoisses, des Elfes, Orques, nains, Orguals, Golum, magiciens, et autres puissances de tout acabit. Le film met un peu de temps à démarrer mais une fois lancé, on goûte son plaisir. Intensément.</p>
<p>4/ Un peu de géopolitique ? quand même ? Oh, qq chose de très léger, à la hauteur de ces enfantillages : deux films qui sont autant de représentations de l'Occident : celui-ci est non seulement une culture héritée, comme on le dit trop souvent, il est aussi une culture construite, et toujours en construction. Replonger dans l'art de l’enfance, c'est replonger dans nos racines et dans notre identité. D'où l'urgence intemporelle de ces deux films.</p>
<p>Car là réside la vraie utilité des contes, alors qu'on a passé l'année à nous parler des comptes....</p>
<p>Olivier Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/12/18/Contes-de-No%25C3%25ABl#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1631Argo, l'Iran, les Etats-Unisurn:md5:75d115a698ff4b33a9f730abccda78b32012-11-11T21:01:00+00:002012-11-11T21:01:00+00:00Olivier KempfFilm<div class="post-excerpt"><p><ins>Argo</ins> est un film qui mérite le détour, et pas seulement parce que c’est un bon spectacle ou que <strong>Ben Afflek</strong> est décidément un acteur sobre et intelligent. Il raconte l’histoire de l’extraction de six diplomates américains qui avaient réussi à s’échapper de leur ambassade quand celle-ci est submergée par les manifestants iraniens en 1979, ouvrant la porte à une prise d’otages de 444 jours et ouvrant le long contentieux américano-iranien, qui dure encore de nos jours. Le prétexte pour les faire sortir du pays consiste à les présenter comme une équipe de repérage cinématographique canadienne qui repart tranquillement au pays, une fois son job fait. Ce divertissement amène à se poser la question des relations entre l’Iran et les États-Unis.</p>
<p><img alt="" src="http://static.olj.me/images/news/medium/782159_12648860196.jpeg" /></p></div> <div class="post-content"><p>Le film est plaisant car il évite aussi bien la bonne conscience des films de droite américaine que la bonne conscience des films de gauche américaine. Le rythme est vif sans artifice, avec des répliques extrêmement savoureuses, comme celle-ci : « Bien, il va donc falloir trouver une star qui soit crédible, avec de l’influence, assez patriote pour le faire, tout en sachant tenir sa langue, et tout ça gratuit ». Éclat de rire garanti. On appréciera également la reconstitution savoureuse de la fin de ces années 1970, à grosses lunettes, moustaches énormes et papiers peints horribles.</p>
<p>Le film prend également Hollywood comme sujet, allant au-delà du <em>show biz</em> habituel s’attardant sur les paillettes et les <em>people</em>. L’utilisation de Hollywood comme instrument du <em>soft power</em> américain est depuis longtemps connue et analysée. Ici, il s’agit d’autre chose : du montage d’une <em>info ops</em> avant la lettre, aux cris de « plus c’est gros, plus il faut le médiatiser, plus il y a de chance que ça passe ». Le mécanisme est passionnant, d’autant qu’il est associé à une opération de la CIA. Stratégiquement, c’est parce que c’est énorme que cela réussit : voici bien un mécanisme de surprise qui veut tromper les schémas de pensée de l’adversaire.</p>
<p>Accessoirement, on notera que l’opération indirecte a eu plus de résultats que l’opération directe qui sera lancée un peu plus tard, et qui échouera lamentablement, les hélicoptères commando s’écrasant dans un haut plateau iranien. De ce point de vue, l’opération contre <strong>Ben Laden</strong> a été bien mieux préparée… mais il s’agissait d’une cible unique, mort ou vive et plutôt morte que vive, quand en 1980, il s’agissait de récupérer 450 otages d’un coup…</p>
<p>La relation américano-iranienne est l’autre sujet du film. On y voit des barbus excités, mais aussi l’exaspération américaine devant l’impuissance à faire quoique ce soit pour les otages (avec cette merveilleuse invention journalistique du décompte quotidien « cela fait x jours que les otages sont retenus »). Dans le contexte actuel, l’observateur peut l’interpréter de plusieurs façons : à la fois le rappel du radicalisme des iraniens (qui va dans le sens du durcissement), mais aussi l’évocation d’une victoire, et surtout, en creux, la démonstration que les choses ne sont pas bloquées comme elles purent l’être et que les marges de manœuvre américaines sont plus grandes.</p>
<p>On sent bien en effet, depuis plusieurs mois, que B. <strong>Obama</strong> n’est pas sur une ligne dure avec l’Iran. Il a temporisé les excitations israéliennes, en attendant trois élections. La sienne est acquise, il ne reste plus qu’à attendre à court terme la réélection de <strong>Netanyahou</strong> en janvier pour relancer les choses. En effet, les négociations ont l’air d’être menées en sous-mains depuis quelques mois avec l’Iran. Toutefois, il faut également attendre le résultat des élections iraniennes. Personne ne s’attend à un triomphe de l’opposition, mais au contraire à la fin du jeu interne au régime, entre la ligne du Guide et celle d’<strong>Ahmadinedjad</strong>.</p>
<p>Celui-ci semble en mauvaise posture, mais tant que les jeux ne sont pas faits, personne n’acceptera de transiger à l’extérieur, sous peine de se voir accuser par l’autre de trahison. Cette troisième élection étant passée, alors on peut envisager le grand deal : l’Iran accepterait de demeurer un État du seuil nucléaire, donc un pays officiellement non nucléaire, ce qui devrait satisfaire les Occidentaux, et en tous cas les Américains. En échange, on accepterait un adoucissement des sanctions économiques qui sont en train d’étrangler le pays et de faire monter la tension interne.</p>
<p>Ceci, bien sûr, en espérant qu’un autre choc régional, en Syrie, Palestine ou dans la péninsule, ne vienne bouleverser ce scénario qui n’est pas hollywoodien. La nomination envisagée de John <strong>Brennan</strong> à la succession de David <strong>Petraeus</strong> à la tête de la CIA accréditerait ce scénario, lui qui est connu pour tenir de la « patience stratégique » envers l’Iran.</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/11/11/Argo%252C-l-Iran%252C-les-Etats-Unis#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1590James Bond, un homme si convenableurn:md5:467cf5d8de5666fd0df571dd3bea2a202012-10-26T23:07:00+00:002012-10-26T23:07:00+00:00Olivier KempfFilm<div class="post-excerpt"><p>Rentrant hier soir par l'autoroute, traversant l’Argonne et la Champagne, j'écoute France Inter qui est la seule radio audible dans ces contrées lointaines. Et les journalistes annoncent le dernier 007, en expliquant que c'est shakespearien, tout comme le réalisateur, <strong>Sam Mendes</strong>. Arrivant à la maison, j'ouvre le journal du soir, Le Monde, notre article des élégances morales et intellectuelles, et voici là encore que <strong>James Bond</strong> fait l'objet d’un édito flatteur et "intelligent". Fichtre : quel marketing ! Qu'est-ce à dire ?</p>
<p><img alt="" src="http://www.justmusic.fr/wp-content/uploads/2012/10/adele-skyfall.jpg" /> <a href="http://www.justmusic.fr/actualites/ecoutez-un-extrait-de-skyfall-bo-de-james-bond-par-adele-20772">source</a> (pour écouter Adèle, pas blanc sec)</p></div> <div class="post-content"><p>1/ A première vue, sans avoir vu le film, on craint tout simplement qu'on déstructure encore plus que d'habitude, et que le héros à une dimension "humaine" qu'il est déchiré, qu'il a des tendances homosexuelles et besoin de maman et que M joue en fait ce rôle là. Ben voyons. Du coup, le film est forcément "un des meilleurs opus de la série", n'est-ce pas ? Curieusement, <ins>Libération</ins> tombe moins dans le panneau et nous donne un article distancié qui donne à sentir autre chose.</p>
<p>2/ On y va inquiet, en se demandant si James ne devient pas un acteur de théâtre : sanguinolent et incompréhensible, sauf par les habitués du festival d'Avignon, avec la touche intello qui fait si convenable et qui permet à un journal du soir, prescripteur du nouvel ordre moral, d'en dire du bien. Je crains le pire. Et me mets à penser que j’aimais bien quand c'était moins violent et plus simple.</p>
<p>3/ Il faut toujours être prévenu et un peu hostile : du coup, quand on voit le film, on peut avoir des bonnes surprises. Et c'est ce qui se passe. Pour dire les choses d'un mot : voici un film européen, loin de toutes les fantasmagories américaines d'une certaine époque, loin de la violence et du style "jeu vidéo technologique" des derniers numéros.</p>
<p>4/ Les poursuites sont simples, les scènes de combat pas trop longues, les James Bond Girl n'en rajoutent pas des tonnes, le méchant n'est pas à la tête d’une auto-organisation ultra technologique, et campe un personnage excellent (qu'est-ce qu'il est bon : pas de bon film sans bon méchant), les clins d’œil et citations sont là comme il faut où il faut, pas de scènes de torture ni ces longs tunnels psychologiques où l'on veut absolument nous montrer que James n'est pas qu'un tueur en série et que ça a une âme, ces petites bêtes là, des gadgets réduits au minimum, la présentation habile de nouveaux personnages destinés à renouveler des figures-types. <strong>Daniel Craig</strong> réussit même à avoir un peu d'humour, et le réalisateur prend juste son temps pour qu'on puisse apprécier les décors.</p>
<p>En un mot, voici un film sobre. Et très réussi. Et c'est effectivement un des meilleurs opus de la série.</p>
<p>Well done Mister Bond.</p>
<p>Et bon anniversaire !</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/10/26/James-Bond%252C-un-homme-si-convenable#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1574To Rome with loveurn:md5:b3fbe13d519c024e65534e48d2d0db942012-07-13T22:29:00+00:002012-07-13T22:29:00+00:00Olivier KempfFilm <div class="post-content"><p>Vu le dernier <strong>Woody Allen</strong> : le meilleur des dernières années (depuis <em>Match Point</em> ?). Léger et intelligent. A voir en VO, l’anglais comme l'italien sont compréhensibles sans sous-titres. Et on a Rome en toile de fond, sans que cela fasse touriste puisqu'on nous raconte des histoires, mais avec ce charme latin qui rend cette ville si plaisante, malgré les touristes.</p>
<p><img alt="" src="http://4.bp.blogspot.com/-uWBULm3o3NQ/T_Sn0E1RA3I/AAAAAAAADsw/V8rjKuIoBX0/s320/to-rome-with-love.jpg" /></p>
<p>Idéal pour commencer l'été.</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/07/13/In-Rome-with-love#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1472Fondamentauxurn:md5:2a0477626369873ebf4e59d3dce00a862012-06-21T22:53:00+00:002012-06-21T22:53:00+00:00Olivier KempfFilm <div class="post-content"><p>Court billet.</p>
<p>Je reviens du cinéma (Adieu Berthe) avec des moments d'anthologie : le croque-mort qui répète "<em>il faut revenir aux fondamentaux</em>", et on s'aperçoit que cette expression venue d'on ne sait-où se retrouve dans la bouche des managers, des coachs, des journalistes, des décideurs d’entreprises. Bref, un poncif, "frappé au coin du bon sens"... qui est partout et ne veut rien dire.</p>
<p><img alt="" src="http://www.franceinter.fr/sites/default/files/imagecache/scald_image_max_size/2012/06/11/383457/images/enterre%C3%B9ent20108174.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-20120516_105732.jpg" /> <a href="http://www.franceinter.fr/emission-on-aura-tout-vu-valerie-lemercier">source</a></p>
<p>Autre grand moment : "<em>on a développé un biseness sur e-bay : des cercueils d'occasion, ça fonctionne du tonnerre, c'est grâce à ça qu'on coule pas. Et la clientèle internationale !!! heureusement qu'elle est là !</em>"</p>
<p>Absurde, et en même temps si vrai. Autant dire qu'il y a tout un tas d'observations si justes....</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/06/21/Fondamentaux#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1452Les trois films de guerre qu'il faut posséder dans une filmothèque idéaleurn:md5:2cabc24e6547fb7eed9c38b4dfdb387f2012-05-20T19:10:00+00:002012-05-20T19:10:00+00:00Olivier KempfFilm<div class="post-excerpt"><p>Le jeu concours et donc terminé. On peut bien sûr se reporter aux <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2012/05/16/Jeu-concours-sur-AGS#comments">résultats détallés</a> mais j'en ai profité pour faire un billet. Bravo aux seize participants, bravo aux cinq gagnants.
Et surtout, voici les films qui manquent et qui doivent impérativement apparaître dans la prochaine série pour constituer la filmothèque idéale du film de guerre.</p>
<p><img alt="" src="http://a7.idata.over-blog.com/362x500/0/00/74/35/0001a/le-crabe-tambour-8794-1834977044.jpg" /> <a href="http://bloggerinfabula.blogspot.fr/2012/03/le-crabe-tambour-de-pierre.html">source</a></p>
<p>J'ai fait une petite synthèse, même si j'incite le lecteur à aller lire les <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2012/05/16/Jeu-concours-sur-AGS#comments">explications</a> de certains des votes, qui sont intéressantes. Il trouvera la liste ci-dessous (et pourra ajouter des votes s'il n'a pas déjà voté, ou faire de nouvelles propositions). Six films recueillent trois votes : cinq américains, un français.... Et sur les huit films recueillant deux votes, un seul français également. Est-ce à dire que le film de guerre est d'abord une histoire américaine ?</p>
<p>Merci de votre participation.</p>
<p>O. Kempf</p></div> <div class="post-content"><p><strong>Films ayant recueilli trois votes</strong></p>
<ul>
<li>Le crabe tambour</li>
<li>Stalingrad</li>
<li>La chute du faucon noir (Black Hawk Down)</li>
<li>Full Metal Jacket</li>
<li>Platoon</li>
<li>No Man's land</li>
</ul>
<p><strong>Films ayant recueilli deux votes</strong></p>
<ul>
<li>les sentiers de la gloire</li>
<li>Il faut sauver le soldat Ryan</li>
<li>Le bateau » Das Boot</li>
<li>Le pont de la rivière Kwaï</li>
<li>Un taxi pour Tobrouk</li>
<li>Apocalypse Now</li>
<li>Hamburger hill</li>
<li>Inglorious basterds</li>
</ul>
<p><strong>Films ayant recueilli un vote</strong></p>
<ul>
<li>la mémoire de nos pères</li>
<li>Dien Bien Phu</li>
<li>L'ennemi Intime</li>
<li>Alexandre Nevski</li>
<li>Le jour le plus long</li>
<li>Band of Brothers</li>
<li>The Pacific.</li>
<li>Mais où est donc passée la 7ème compagnie ?</li>
<li>On a retrouvé la 7ème compagnie.</li>
<li>La 7ème compagnie au clair de lune.</li>
<li>Les croix de bois</li>
<li>Waterloo (de Bondartchouk)</li>
<li>Les quatre de l'infanterie.</li>
<li>brother's war</li>
<li>les insurgés</li>
<li>The Hurt Locker</li>
<li>le 9ème escadron</li>
<li>la grande illusion</li>
<li>Opérations jupons"...</li>
<li>L'honneur d'un Capitaine,</li>
<li>La grande vadrouille</li>
<li>Voyage au bout de l'enfer</li>
</ul></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/05/20/Les-trois-films-de-guerre-qu-il-faut-poss%25C3%25A9der-dans-une-filmoth%25C3%25A8que-id%25C3%25A9ale#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1418Margin call : Glaçant, surtout la stratégieurn:md5:5d6906be53aa9a75471470e3340d67e72012-05-15T19:09:00+00:002012-05-15T19:09:00+00:00Olivier KempfFilm<div class="post-excerpt"><p>J'ai vu l'autre jour Margin call, film américain racontant la chute de Lehman Brothers. Film passionnant et glaçant, mais passionnant. Est-ce simplement l'histoire de la banque spéculative ? Non, il y a plus....</p>
<p><img alt="" src="http://www.aucinema.com/wp-content/uploads/2011/09/Margin-Call-New-Poster-229x300.jpg" /></p></div> <div class="post-content"><p>1/ <ins>On connaît le scénario</ins> : un jour de purge de personnel, un des employés virés avec la sidérante brutalité américaine remet à un de ses collaborateurs une clef USB où se trouvent l'état de ses recherches. Le petit jeune bosse le soir et découvre l'impensable : la banque qui a monté un produit dérivé a accumulé des risques qui commencent à se révéler. Du coup, son compte-rendu monte la hiérarchie dans la nuit jusqu'à provoquer une réunion du CA à deux heures du matin.</p>
<p>2/ On remarquera la <ins>raison de l'erreur</ins> : la modélisation mathématiques à la base de la constitution du produit (mélange de bonnes créances et de créances pourries) est fondée sur des séries statistiques, auxquelles on a appliqué un ajout de 15 à 20 %. Voici l'illustration parfaite d'une cause de surprise stratégique, telle qu'égéa la mentionne depuis longtemps et que <a href="http://philippesilberzahn.com/">Philippe Silberzahn</a> a bien expliqué : prolonger des courbes n'est pas le bon moyen d'anticiper l'avenir. C'est pourtant là-dessus que sont fondés tous les modèles, qui échouent tous à être fiables. Cela provoque alors<ins> l'échec des stratégies, et même de la considération pour la stratégie</ins>.</p>
<p>3/ Une anecdote : je discutais ce WE avec un proche qui a un très haut poste (N-1) dans une FMN importante (et américaine). Je lui posai la question de la stratégie, et de la direction de l'entreprise. J'ai bien senti que pour lui, c'était une question un peu fumeuse, que ce qui compte c'est le compte-rendu trimestriel, et que l'essentiel du métier de direction consiste à connaître tous les détails... Cela confirme la confiance dans le<ins> facteur humain</ins>. Et pour revenir au film, on s'amusera de constater qu'à chaque fois qu'on montait un échelon hiérarchique à qui on rendait compte du problème, celui-ci disait : ne me montre pas les chiffres et les formules, "speak English" : des professionnels de la banque refusaient donc cette logique de "chiffre et de formule".... Car ce qui fonde leur décision, ce n'est pas ce modèle, c'est la réalité et sa "signification". <ins>Elle repose sur des mots, non des équations..</ins>.</p>
<p>4/ On passera sur les<ins> portraits des différents protagonistes</ins>, qui nous montrent leur humanité et leur cynisme et leur petitesse et leur soumission au système : c'est à la fois glaçant et amusant. Et on notera au passage la description de ce rôle emblématique (de bouc émissaire dirait presque <strong>René Girard</strong>) de la banque et du système financier, affublé de toutes les critiques et en même temps absolument nécessaire : à l'aube, dans un trajet en voiture en sorte de <em>road movie</em> bancaire, le petit chef explique aux <em>rookies</em> le pourquoi du comment.</p>
<p>5/ Mais finalement, le plus saisissant est le personnage joué par<strong> Jeremy Irons</strong>, au sommet (de son art, et de la banque). Je ne m'attarderai pas sur le cynisme, ni même sur la décision prise et la façon de la mettre en œuvre (il faut quand même que vous ayez envie d'aller voir le film...). Non, le plus fascinant c'est la rapidité de la décision, sa brutalité et sa radicalité. C'est une grande leçon. <ins>La stratégie, c'est d'abord le stratège</ins>, celui conduit la guerre. On peut y voir du cynisme absolu, qui rend le film glaçant. Mais pour les grandes batailles, pour les grandes décisions, il faut de grandes âmes. Et c'est une grande âme (je n'ai pas dit une âme bonne... : nulle éthique ou moralité là-dedans). Là encore, il demande qu'on lui parle anglais. Mais sa décision, absolument stratégique, ne repose pas sur les mots, mais sur la décision. Là repose l'essentiel, là repose le grand chef : l'esprit de décision, quasi instinctif, qualité qu'on ne peut enseigner, qui se fabrique par l'expérience, et qui vient beaucoup de la pratique du risque.</p>
<p>6/ Je crois que beaucoup de décideurs ont <ins>perdu l'habitude du risque</ins>. Ce que le film nous montre, c'est quelqu'un qui sait prendre des risques pour emporter la décision, donc la bataille. L'analyse stratégique vient après, quand on dépiaute cette décision pour comprendre ses voies et ses moyens.</p>
<p>Même si<strong> J. Irons</strong> expose, en fin de compte, la vraie règle qui l'a conduit à prendre cette décision : celle de l'inéluctabilité de la crise dans le système capitaliste. Ou plutôt des crises, répétitives et sans cesse surmontées. Voilà peut-être la seule loi stratégique qui l'inspire et qui fonde sa décision : <ins>la prolongation d'une série</ins>. Ce que justement, je dénonçais en entrée....</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/05/15/Margin-call-%253A-Gla%25C3%25A7ant%252C-surtout-la-strat%25C3%25A9gie#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1412Décès de Pierre Schoendoerfferurn:md5:77199bba8df89c25e3cbecad01717b5e2012-03-14T12:04:00+00:002012-03-14T12:04:00+00:00Olivier KempfFilm <div class="post-content"><p>Je viens d'apprendre la mort de Pierre <strong>Schoendoerffer</strong>. En attendant la chronique cinéma qui paraîtra ce soir sur AGS, je tiens dès à présent à dire ma tristesse devant ce cinéaste qui a marqué au moins deux générations : 317ème section, Crabe Tambour, Honneur d'un capitaine constituent des repères extrêmement importants pour comprendre certaines guerres, et au-delà la guerre, le rôle du chef dans cette guerre. Je voudrai saluer l’intensité et la gravité du regard profondément humain de <strong>Schoendoerffer</strong> et adresser mes condoléances à sa famille et à ses proches.</p>
<p><img alt="" src="http://www.courrier-picard.fr/var/plain_site/storage/images/actualites2/telex/le-cineaste-et-romancier-pierre-schoendoerffer-est-mort/6937844-1-fre-FR/Le-cineaste-et-romancier-Pierre-Schoendoerffer-est-mort_medium.jpg" /> <a href="http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites2/Telex/Le-cineaste-et-romancier-Pierre-Schoendoerffer-est-mort">source</a></p>
<p>Je vous signale dès à présent le <a href="http://www.numilog.com/LIVRES/FICHES/126665.Livre">livre</a> de<strong> Bénédicte Chéron</strong> qui vient de sortir : je publie la semaine prochaine un entretien avec elle, qui sera l’occasion de revenir sur l’œuvre de ce grand cinéaste, et sur la double question de la guerre et de sa représentation.</p>
<p><img alt="" src="http://couverture.numilog.com/9782271071439_w150.jpg" /></p>
<p>RIP.</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/03/14/D%25C3%25A9c%25C3%25A8s-de-PIerre-Schoendoerffer#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1353La dame de ferurn:md5:a0e908b7574a9159ebe31bbada17465f2012-02-20T19:21:00+00:002012-02-20T19:21:00+00:00Olivier KempfFilm<div class="post-excerpt"><p>Je suis entré dans la salle de cinéma avec du scepticisme, et en suis ressorti convaincu. Voici donc un film, <ins>La dame de fer</ins>, qui peut être propice à la réflexion, malgré ses apparences. Bon, d'accord, c'est un peu soap, mais pas seulement.</p>
<p><img alt="" src="http://www.guide-irlande.com/wp-content/uploads/dame-de-fer.jpg" /> <a href="http://www.guide-irlande.com/2012/02/05/cinema-quand-meryl-streep-devient-la-dame-de-fer/">source</a></p></div> <div class="post-content"><p>1/ <ins>Ce film aurait pu être plus directement "politique"</ins> : aussi bien sur la scène intérieure (la révolution néo-libérale, la grève des mineurs, la gestion de l'IRA) que sur la scène extérieure (pour la période, la discussion avec l'Europe, la Perestroïka, la guerre des Malouines). Or, délibérément, le film ne raconte pas cette histoire là : en ce sens, il ne s'agit pas d'un documentaire. Ce qui ne signifie pas que ces événements sont absents : juste qu'ils sont en arrière-plan, et qu'ils ne sont pas le "sujet". Le sujet, c'est <strong>Margaret Thatcher</strong>.</p>
<p>2/ Bien sûr, on a là <ins>un biopic</ins> avec ce qu'il faut d'émotion pour faire pleurer Simone. Grâce à un double ressort : le deuil du mari qui a été négligé (sur le thème "la femme et son couple un peu cabossé"), mais aussi les troubles de la mémoire (sur le thème : "ouh! la! la! le vieillissement nous touche tous, même les plus grands, nous sommes bien peu de choses ma pauvre dame"). Si on en reste là, c'est de la bonne machine, efficace et émouvante : cinématographique. Avec une <strong>Meryl Streep</strong> étonnante, adoptant un phrasé anglais superbe, et confirmant qu'elle est une très grande actrice.</p>
<p>3/ Alors ? alors, pourquoi en faire un billet sur un blog de géopolitique ? <ins>Parce que la géopolitique admet l'influence du facteur humain</ins>. Bien sûr, il s'agit des populations, et aussi de leur représentations. Mais il ne faut pas oublier un facteur particulier, celui de l'homme d’État. Trop souvent oublié comme sujet d'étude, alors pourtant qu'il est essentiel dans notre compréhension des rapports de forces et des intentions des puissances.</p>
<p>4/ Ce fut la réflexion que je me faisais, au long du film : un homme d’État n'est pas qu'une résultante d'intérêt,<ins> c'est d'abord un homme</ins> (bon, ici, une femme, mais vous m'avez compris). Et le fait qu'il ait marqué l'histoire, et qu'il soit devenu un grand homme d’État, force justement à se poser la question de sa personnalité, de son rôle en tant qu'être humain.</p>
<p>5/ On se reportera ici à deux livres qu'il faut lire, car ils illustrent, différemment mais avec la même interrogation, <ins>cet état de l'homme d’État</ins>.</p>
<ul>
<li>tout d'abord, la deuxième partie de "<ins>Introduction à l'histoire des relations internationales</ins>" (Pocket, Agora, 1991), par <strong>P. Renouvin</strong> et<strong> JB Duroselle</strong>. Le deuxième partie, écrite par <strong>Duroselle</strong>, s'intéresse justement à l'homme d'Etat : un livre écrit en 1964 et qui reste d'actualité.</li>
<li>ensuite, le livre de <strong>Jean-Yves Haine</strong>, "<ins>les États-Unis ont-ils besoin d'alliés?</ins>" (2003, Payot) qui lui aussi, dans des circonstances plus contemporaines, montre l’importance de la psychologie de l'homme d’État dans la prise de décisions d'importance.</li>
</ul>
<p>6/ Un homme d’État est d'abord un homme politique, qui passe ses journées à mener une vie idiote, à assister à des réunions les plus emm... tes les unes que les autres, à passer ses week-end à aller dans les maisons de retraite, sur les marchés ou dans les assemblées générales d'associations les plus diverses, à subir des calculs politiques outs plus trash les uns que les autres, car la politique est d'abord un combat (aucun néo-schmittisme là-dedans : juste l'observation que la lutte électorale est une lutte où il faut beaucoup de caractère). Un métier ingrat, très mal vu, avec peu de récompenses, quoiqu'on en dise. Et je suis sincèrement admiratif de ceux qui s'y consacrent, car je crois qu'ils ne font pas ça pour l'argent ou les honneurs ou les passe-droits. La dernière fois que j'ai dit ça, on m'a pris pour un fou, on a cru que j'avais moi-même des calculs politiques, on a interprété. Or, il n'y a pas à interpréter : <ins>ce métier ne vaut pas le coup</ins>. Car justement, on abandonne sa personne. Sa vie privée.</p>
<p>7/ Un homme d’État, <ins>par construction, est un homme "public"</ins>. A peu près aussi mal vu que les femmes publiques. Cette publicité de l'homme politique qui déconstruit sa personnalité, on en avait déjà eu un aperçu dans l'excellent film "<ins>l'exercice de l’État</ins>", <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2011/10/31/L-exp%C3%A9rience-de-l-Etat">dont je vous avais déjà parlé</a>, et qui racontait justement cette histoire. Ici, dans la dame de fer, on est dans la situation après l'exercice de l’État : quand l’homme se retrouve seul et doit se reconstruire, si c'est possible.</p>
<p>8/ Du coup, et c'est le deuxième enseignement de ce film, on pose la <ins>question de la continuité</ins> : de ce qui existait avant, pendant et après l'action. Qu'est-ce qui a fait que cet homme (cette femme) a eu cette influence dans ces conditions ? On le voit, et le film le montre habilement en mélangeant les flash-back (ah ! l'interrogation permanente de la mémoire, si bien vue quand Maggie signe ses Mémoires -ses Mémoires!- et se trompe de signature, inscrivant son nom de jeune fille), et en remontant aussi bien à la Margaret Thatcher premier ministre qu'à la jeune fille si fortement influencée par son père, et assumant sa faiblesse initiale (femme et fille d'épicier, rendez vous compte) pour la transformer en atout de son intégrité.</p>
<p>9/ Ce qui surprend, c'est la <ins>détermination</ins>. L'absolue détermination, et la conviction que les idées, simples peut-être, mais enracinées, peuvent changer le monde. Là réside peut-être la différence entre Maggie et ses concurrents : elle y croit. Le triomphe de la volonté, on l'observe. Jusque dans ses maladresses, comme cette scène pénible où elle gourmande et corrige le numéro 2 du gouvernement. La volonté, quasi churchilienne, qui la fait entrer dans l'histoire. Moment remarquable de décision au moment des Malouines : l'envoi de l'armada, mais aussi la décision de couler le bateau. Et immédiatement, la lettre manuscrite écrite à chacune des 300 familles de militaires tués. La volonté n'est rien sans l'authenticité. L'homme d’État, celui qui rentre dans l'histoire, est d'abord lui-même. C'est d'abord un homme, ou une femme, qui réussit à dominer les institutions et les circonstances pour changer le cours de l'histoire. A ses risques et périls. Au point de perdre le fil de sa vie. La différence entre un homme d’État et un homme politique de circonstance, changeant au gré de la brise, incapable de tenir face à la bourrasque de l'histoire. L'un est cohérent, l'autre incohérent.</p>
<p>10/ Film émouvant, et qui rend sympathique Margaret Thatcher. Si vous arrivez avec des préjugés, notamment idéologiques, vous serez déçus. Mais si vous vous posez la question de l'humain, alors, ce film est nécessaire.</p>
<p>Enfin, cette belle citation, reprise dans le film : "<em>Watch your thoughts for they become words. Watch your words for they become actions. Watch your actions for they become...habits. Watch your habits, for they become your character. And watch your character, for it becomes your destiny! What we think we become. My father always said that... and I think I am fine</em>." Splendide !</p>
<p>What we think we become ! Et donc, la conclusion : just think ! Beau programme pour égéa.</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/02/20/La-dame-de-fer#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1326La taupeurn:md5:66f02f9ea388aa2308641d27da46950b2012-02-09T21:49:00+00:002012-02-09T21:49:00+00:00Olivier KempfFilm<div class="post-excerpt"><p>Je l'attendais avec intérêt : bon, ben voilà. Pas mal, mais pas extraordinaire.... Disons que c'est un film d'espionnage, mais l'anti-James Bond. Pour fans de Le Carré et amateurs d'ambiance anglaise.</p>
<p><img alt="" src="http://cdn-premiere.ladmedia.fr/var/premiere/storage/images/cinema/news-cinema/box-office-us-la-taupe-et-young-adults-prouvent-le-succes-des-limited-release-3037686/52542286-1-fre-FR/Box-office-US-La-taupe-et-Young-Adults-prouvent-le-succes-des-limited-release_image_article_paysage_new.png" /></p>
<p>1/ En fait, pour qui (à suivre)</p></div> <div class="post-content"><p>1/ En fait, pour qui a lu Le Carré, on passe son temps à comparer ce qu'on voit à l'écran avec les souvenirs qu'on a du livre : le grand problème des adaptations, surtout quand on se souvient du dénouement.</p>
<p>2/ Un film lent, et psychologique : probablement plus proche du vrai espionnage en ce qu'il nous montre à quel point il s'agit d'abord d'une activité humaine.... même si l'intensité du HUMINT pose qq questions : si les Américains ont fait des excès avec leur technologisation à outrance, on observe ici une caricature inverse, ultra psychologique, et l’œuvre d'un romancier. Au fond, pour Le Carré, l'espionnage n'est que la matière à deux ambitions : décrire des ambiances et des environnements, et construire des machines psychologiques ultra-sophistiquées.</p>
<p>3/ Par conséquent, on passe son temps à retrouver cette ambiance simili-proustienne qu'on avait dans les romans. Là, ceux qui en plus n'ont pas souvenir des années 1970 n'apprécieront probablement pas, même s'il y a des Morris en bois, une Alvis, des Opel Kadett (ne faut-il pas dire Vauxhall?) et une très belle DS à toit ouvrant. Le travail de reproduction de l'atmosphère est particulièrement réussi : les lunettes, les tenues, les papiers peints, l'ameublement urbain....</p>
<p>Bref, une madeleine anglaise, pleine de l'humidité brumeuse qui sied en ces contrées, avec des silences, de la tenue, de la réserve, et cette cérébralité qu'on appelle du flegme. A voir en VO parce que l'on comprend tout et on entend très bien les accents de classe.</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/02/09/La-taupe#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1312Trois films récents (Guilhem Penent)urn:md5:2f1622ae6144f0672ce9450d210235802011-12-15T20:54:00+00:002011-12-15T20:54:00+00:00Olivier KempfFilm<div class="post-excerpt"><p><strong>Guilhem Penent</strong>, l'excellent animateur <a href="http://terrealalune.blogspot.com/">De la terre à la lune</a>, nous propose ici la critique géo-culturelle de trois films (Contagion et Apollo 18), rebondissant sur les <ins>Marches du pouvoir</ins> dont j'avais parlé l'autre jour. Et il s'interroge sur la notion de film politique, et où surtout on apprend que les bloggueurs sont les méchants! Merci à lui (car il n'en croit pas un mot, et son billet prouve au contraire leur utilité!).</p>
<p><img alt="" src="http://images.allocine.fr/r_160_240/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/85/31/66/19802301.jpg" /> - <img alt="" src="http://images.allocine.fr/r_160_240/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/85/47/45/19795909.jpg" /> - <img alt="" src="http://images.allocine.fr/r_160_240/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/85/45/03/19806486.jpg" /></p>
<p>O. Kempf</p></div> <div class="post-content"><p>Pour Olivier Kempf (<a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2011/11/08/Films-en-cours">ici</a>), le nouveau film de <strong>George Clooney</strong>, <ins>les Marches du Pouvoir</ins> , sorti en octobre dernier, n’est « <em>pas mal, mais moins éblouissant que l'exercice de l'Etat : bref, une bonne machine américaine</em> ». Le propos pourra sembler un peu rapide. Il n’en constitue pas moins une bonne entrée matière pour la comparaison que je vous propose ici. Partant de l’idée que ce film est très « américain », au sens du public qu’il vise comme du sujet qu’il traite, nous essayerons de le confronter à deux autres productions hollywoodiennes récentes : j’ai nommé, <ins>Contagion</ins> de <strong>Steven Soderbergh</strong> (novembre 2011) et <ins>Apollo 18</ins> de <strong>Gonzalo López-Gallego</strong> (septembre 2011).</p>
<p>Il est vrai que cette perspective n’est pas habituelle. Pour preuve, la sortie simultanée de <ins>L’Exercice de l’Etat</ins> (octobre 2011), de même que le « renouveau » plus général du film politique français, ont non seulement pris le pas sur les autres comparaisons possibles mais semblent également avoir imposé une grille de lecture particulière sur <ins>Les Marches du Pouvoir</ins> qui ont en quelque sorte « pâti », sauf commercialement à l’évidence, de cette conjoncture. Ainsi, peu ont finalement remarqué que de politique, nulle mention n’était faite : « <em>Et la politique dans tout ça? La politique au sens de l’action publique, de la possibilité de faire quelque chose qui influe sur le sort de ses concitoyens, en bien ou en mal. Disparue, pas même mise en question, mais placée d’emblée hors champ, hors sujet.</em> »</p>
<p>Or voilà un paradoxe. Parmi l’ensemble des réalisateurs des trois productions que j’ai sélectionnées, <strong>Clooney</strong> est sans doute le plus susceptible d’inspirer un film politique.</p>
<p>D’ailleurs, nombreux sont ceux qui, aux Etats-Unis, du moins à gauche, n’hésitent plus à parler ouvertement de <strong>Clooney</strong> comme « <em>our Ronald Reagan</em> ». Et ne s’est-il pas justement attribué le rôle d’un candidat à la nomination Démocrate dans ce film qu’il a à la fois co-écrit et dirigé ?</p>
<p>Encore faut-il remarquer que le gouverneur <strong>Mike Morris</strong> – le personnage interprété par Clooney – n’apparaît que rarement à l’écran. Ses convictions, ses principes et ses compromis tragiques sont certes traités mais restent toujours en arrière plan. Et pour cause, l’histoire est centrée sur <strong>Stephen Myers (Ryan Gosling</strong>), le jeune adjoint du directeur de campagne qui est persuadé que son candidat est le bon, celui dont l’Amérique a besoin. Les choses changent lorsqu’il met la main sur des informations susceptibles de bouleverser toute la campagne des primaires. Il doit alors choisir entre sa carrière et ses principes. L’hésitation ne sera que de courte durée.</p>
<p>Ce faisant, <ins>les Marches du Pouvoir</ins> ne s’avèrent être qu’une ultime reprise d’un thème classique : les individus, y compris ceux en apparence idéalistes, font ce qu’ils doivent faire pour s’imposer, même si cela signifie aller à l’encontre de leurs principes. Toutefois, il n’y a rien de politique – entendue comme Démocrates vs. Républicains, Gauche vs. Droite – dans cela. Et pour cause, le secret que <strong>Myers</strong> découvre est tout sauf idéologique. <strong>Morris</strong> n’est pas un affreux « socialiste » qui tromperait le citoyen américain. Non, ce qui intéresse, c’est le scandale. Le spectateur ne peut dès lors tirer qu’une seule conclusion : ceux au gouvernement ne sont pas là pour changer les choses ; ils sont là parce qu’ils ont un appétit insatiable et corrupteur pour le pouvoir…</p>
<p>… ou est-ce bien le cas ? C’est ici que la comparaison avec le nouveau film de <strong>David Soderbergh</strong> est intéressante. De prime abord, <ins>Contagion</ins> apparaît comme le « globalisation thriller » du moment. Tout commence avec une femme d’affaire américaine (<strong>Gwyneth Paltrow</strong>) qui contracte un virus à Hong Kong. Déjà deux minutes, et voilà qu’elle décède. Qui sera le suivant parmi le casting des célébrités : <strong>Matt Damon, Kate Winslet, Marion Cotillard</strong> ? Or justement, rien à voir avec le film catastrophe classique dans lequel un virus emporte la moitié de l’humanité, les zombies s’occupant du reste. Comme le montre le même commentateur, « <em>Contagion is less a thriller than a medical procedural that takes us step by step from the beginning of an epidemic to its end</em> ». Dès lors, il n’est pas étonnant d’entendre les spectateurs parler d’ennui et les critiques évoquer un navet juste « bon pour la santé ».</p>
<p>Pourtant il y a un intérêt réel dans ce film, et il n’est pas que pédagogique. Car ici, non seulement le gouvernement n’est pas corrompu, mais il est même efficace. Le trait ne serait-il pas un peu forcé ? Le film précédent a en effet laissé au spectateur songeur une tout autre vision, d’autant plus que celui-ci est naturellement méfiant envers ses gouvernants comme l’indiquent les sondages américains et français. Mais la surprise est tout aussi forte du côté d’Hollywood comme en témoigne le New York Times : « <em>in the 1970s it was the government that played the villain while this time it’s on the side of righ</em>t ».</p>
<p>De fait, pour <strong>Dan Drezner</strong>, « <em>Soderbergh does not bother with the anti-government paranoia that <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/%E2%80%A6" title="…">…</a> earlier films possessed in their DNA. Instead, the treatment of the Centers for Disease Control, Department of Homeland Security, and World Health Organization officials is fair. They are depicted as flawed but well-meaning bureaucrats, getting some decisions right and some wrong</em> ». <strong>Joshua Keating</strong> partage ce sentiment. « <em>Steven Soderbergh's very good new film Contagion can <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/%E2%80%A6" title="…">…</a> be read as an argument for the necessity of strong states and government intervention in an era of global threats</em> ».</p>
<p>Dire que les gouvernements ne peuvent pas tout faire ne doit donc pas revenir à dire qu’ils ne peuvent rien faire. Voilà qui pourrait être une leçon de <ins>Contagion</ins>. Encore que <strong>Soderbergh</strong> en profite pour glisser une autre critique. Une question reste en effet en suspens : si les gentils sont les bureaucrates, qui est donc le méchant ? Eh bien, il s’agit tout simplement d’un blogger interprété par <strong>Jude Law</strong> qui, détectant le virus avant tout le monde, en profite pour s’enrichir. Non seulement son ascendant sur les gens est du plus mauvais genre (comme le dit un personnage : « <em>Blogging is not writing. It's graffiti with punctuation</em> » !!), mais encore répand-il des rumeurs tout aussi dangereuses au sein de la population crédule.</p>
<p>En exprimant sa foi dans les institutions et le gouvernement, <ins>Contagion</ins> ne pouvait de fait que s’opposer aux théories du complot dont le succès dépend justement de la méfiance des populations envers le Big Government et dont Internet permet aujourd’hui la diffusion massive. Tel est d’ailleurs le thème du dernier film de <strong>Gonzalo López-Gallego</strong> sorti cet été après une campagne virale longue de plusieurs mois.</p>
<p>Prenant la forme d’un documentaire, le film raconte comment le fameux programme américain de vol habité en direction de la Lune a survécu, contrairement à ce que l’histoire officielle prétend, à Apollo 17. En 1974, une mission spatiale secrète est envoyée sur le sol sélène sous le prétexte – fallacieux – d’y installer un dispositif d’espionnage militaire. D’étranges phénomènes ne manquent cependant pas de se produire. Aux restes ensanglantés d’une expédition soviétique également secrète, s’ajoutent la rencontre des deux astronautes américains avec des formes bizarres cachées dans les roches lunaires et qui s’avèrent être le premier contact extra-terrestre jamais fait par l’homme, mortel qui plus est, et par voie de conséquence l’abandon par la hiérarchie militaire et le gouvernement américain. « <em>In space no one can hear you scream</em> » indiquait déjà <ins>Alien</ins>, en 1979.</p>
<p>Pour le critique, « <em>Despite all its flaws, Apollo 18 deserves credit for the things it does get right</em> ». Au-delà du réalisme et du jeu des détails que les passionnés d’espace ne manqueront pas d’apprécier, <ins>Apollo 18</ins> impressionne par l’utilisation qu’il fait de la « théorie du complot ».</p>
<ul>
<li>1) Celle-ci est tout d’abord une expérience à continuer en dehors de la salle de cinéma. Les spectateurs sont ainsi invités par deux fois – au début et à la fin – à découvrir la vérité « vraie » du programme Apollo en allant sur un site www.lunartruth.com. Qui plus est, la conclusion ouverte s’achève sur un avertissement sinistre (« <em>Apollo missions brought 840 pounds of lunar rock samples back to earth. Hundreds were given away to dignitaries of foreign countries. Many of those "gifs" were stolen or are now missing</em> ») qui paraît également prémonitoire aujourd’hui que nous apprenons la gestion lamentable de la NASA !</li>
<li>2) Si la thèse du complot fait montre ici d’une puissance inégalée, c’est aussi via le renversement original qu’elle opère. En effet, loin des thèses habituelles qui depuis quarante ans sèment le doute parmi 6% des Américains, le film s’appuie sur l’idée selon laquelle le programme d’expédition Apollo a bel et bien conduit des hommes à marcher sur la Lune. Tout comme pour le dernier <ins>Transformers</ins>, ce sont désormais les motivations véritables qui sont interrogées et non pas tant la réalité des faits eux-mêmes (« <em>There is a reason we’ve never gone back to the moon</em> »). Pourquoi être allé sur la Lune dans le cas de <ins>Transformers III</ins>. Pourquoi ne pas y être resté dans le cas présent. Dans ces conditions, les théories du complot se complexifient et gagnent en diversité, tout en suscitant aussi des discours contradictoires et peut-être mutuellement destructeurs.</li>
</ul>
<p>Ce constat fait dire à <strong>Drezner</strong> que l’influence d’Internet est sans doute exagérée dans le film de <strong>Soderbergh</strong>. « <em>Myths and rumors can spread on the Internet, but so can the corrections of those myths. In the end, someone like Krumwiede <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/i.e.%20Jude%20Law" title="i.e. Jude Law">i.e. Jude Law</a> would affect a very narrow, already paranoid subculture -- the larger effect would be minimal</em> ». Il n’empêche que, des trois films présentés ici, <ins>Contagion</ins> s’avère certainement être le plus progressiste et le plus optimiste comme le souligne un critique déjà cité. Cette analyse, faite à la lecture du premier mandat <strong>Obama</strong> et de l’espoir auquel il ne semble pas avoir répondu, est sans doute recevable. Si <strong>Clooney</strong> joue sur le cynisme de la vie politique, <strong>Soderbergh</strong> croit encore que les gouvernements sont capables si ce n’est omnipotents…</p>
<p><ins>Apollo 18</ins> et les autres théories complotistes auront donc toujours la possibilité de jouer sur les imperfections des gouvernements. Si la bêtise peut parfois être ignorée, il est toutefois difficile de rester stoïque devant l’ignorance et l’arrogance, surtout lorsqu’elles sont combinées. La rigth stuff elle-même ne peut y résister comme en témoigne l’ancien astronaute d’Apollo 11, <strong>Buzz Aldrin</strong>.</p>
<p><strong>Guilhem Penent</strong>, <a href="http://terrealalune.blogspot.com/">De la Terre à la Lune</a></p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2011/12/12/3-films#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1250Films en coursurn:md5:c78ac6ced67b7eb4782e5449c33cc7182011-11-09T12:25:00+00:002011-11-09T12:25:00+00:00Olivier KempfFilm<div class="post-excerpt"><p>Allez, pour vous détendre après le gros billet d'hier soir, un peu de ciné. Pas mal de films qui évoquent, de près ou de loin, des sujets d'égéa :</p>
<ul>
<li>Les marches du pouvoir</li>
<li>Les intouchables</li>
<li>Forces spéciales</li>
<li>L'ordre et la morale</li>
</ul>
<p><img alt="" src="http://www.gralon.net/articles/vignettes/thumb-le-processus-de-creation-d-un-film---etapes-et-intervenants-1496.gif" /> <a href="http://www.gralon.net/articles/art-et-culture/cinema/article-le-processus-de-creation-d-un-film---etapes-et-intervenants-1496.htm">source</a></p>
<p>Je reprendrai la grille du <strong>Canard enchainé</strong> : « Les films qu’on peut voir cette semaine », « Les films qu’on peut voir à la rigueur » et « Les films qu’on peut ne pas voir ». Certains que j'ai vus, d'autres pas.</p></div> <div class="post-content"><p>Les films qu'on peut voir : <strong>Les intouchables</strong></p>
<p><img alt="" src="http://3.bp.blogspot.com/-PqoW7kKb2PU/TqVolMEbawI/AAAAAAAAAFI/NTYquQvaeA8/s320/Intouchables-affiche.jpg" /></p>
<p>Vu hier soir : derrière les bons sentiments à la chaîne et les gags dus au contraste des situations, j'y vois surtout un reflet du rêve français, celui de l'égalité interclasses et donc intercommunautés. Je l'ai vu porte Maillot (clientèle BCBG de Neuilly et du XVI°) : applaudissements à la fin (aussi parce que pour une fois, il y a un personnage de riche qui est sympathique : et puis ce public a l’habitude d'applaudir au concert ou au théâtre). Ainsi, une ode à l'assimilation à la française. Plus géopolitique qu'il n'y paraît : les succès populaires sont toujours utiles pour analyser les représentations collectives.</p>
<pre></pre>
<p>Les films qu’on peut voir à la rigueur : <strong>Les marches du pouvoir</strong></p>
<p><img alt="" src="http://www.cinemactu.com/Cinema/Les-marches-du-pouvoir/Les-marches-du-pouvoir.jpg" /></p>
<p>Du Georges Clooney (on ne le voit pas beaucoup, mesdames, désolé) : politique à la sauce américaine, sur des préoccupations américaines : le pouvoir des médias, la corruption mentale des conseillers de communication, l'ambition du pouvoir au mépris de toues ses valeurs. Pas mal, mais moins éblouissant que <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2011/10/31/L-exp%C3%A9rience-de-l-Etat">l'exercice de l'Etat</a> : bref, une bonne machine américaine. En complément du film de Schoeller, qui doit être vu en premier (précipitez-vous y si ce n'est pas encore fait)</p>
<pre></pre>
<p>Les films qu’on peut ne pas voir : <strong>Forces spéciales</strong>, commentaire envoyé par RP (merci)</p>
<p><img alt="" src="http://www.defense.gouv.fr/var/dicod/storage/images/base-de-medias/images/terre/terre-images/image-breves/affiche-forces-speciales/1437862-1-fre-FR/affiche-forces-speciales_article_demi_colonne.jpg" /></p>
<p>Décidément le cinéma français que j’aime par ailleurs, n’est jamais aussi mauvais que lorsqu’il tente d’imiter un cinéma d’action américain dont le thème est la guerre. Le pire est lorsqu’il se mêle d’en glorifier les acteurs. Soit on tombe dans la caricature, soit dans l’antimilitarisme puant, soit comme, et c’est cette fois-ci le cas, le poncif le plus éculé.. Tous les ingrédients y sont : Une journaliste jeune et jolie, antimilitariste, qui tombe dans de l’humanitaire basique, et qui succombe au charme d’un Benoît Magimel qui fait ce qu’il peut et qui campe un membre des forces spéciales au QI d’une huître. Un bon et bel Afghan qui se sacrifie pour sauver un village, dont les habitants sont massacrés par les méchants talibans.. Une extraction improvisée menée par des amateurs juste bons à défourailler à tout va sans souci de la gestion des munitions. D’ailleurs ils changent d’armes au gré des plans..Un magnifique noir comme chez nos amis-ricains aussi peu convaincant en commando marine mais ô combien sympathique. Une élimination progressive d’un commando perdu au Pakistan et qui rentre à pied, une horde de talibans aux fesses avec la journaliste préalablement libérée, et qui finira par sauver les deux éclopés restants.. La scène où l’amiral la prend sur son dos vaut son pesant de moutarde.. Quant à l’armée française, le patron des forces spéciales est aussi convaincant qu’un personnage de pub pour une assurance.. Allez une belle occasion ratée, qu’on se rassure, l’anonymat des FS sera préservé, on devine que ce commando est de bric et de broc, l’œil exercé aura reconnu l’insigne des commandos marine, un insigne para, et peut-être un tireur d’élite du CPA qui finit par se sacrifier, on ne comprend pas très bien pourquoi. Bref un film au ratage mémorable, allez y faire un tour, vous y verrez tout ce qu’il convient de ne pas faire lorsque l’on appartient aux Forces spéciales..</p>
<p>A lire aussi, ce <a href="http://www.lesgrandesoreilles.com/pourquoi-le-film-forces-speciales-se-fait-zigouiller-par-la-presse-12647">billet</a> au ton différent.</p>
<pre></pre>
<p>Ultime catégorie que n'utilise pas le Canard, mais moi j'ose : les films qu'on ne doit pas voir :</p>
<p>Quant au film de Mathieu Kassovitz “<strong>L’ordre et la morale</strong>”, un autre interlocuteur me dit que "c'est une imposture en faveur des indépendantistes kanaks". Je n'ai vu que la bande annonce : ça m'a fait l'effet de beaucoup de clichés, un vision moralisatrice de l'histoire, sans nuances. Un film "engagé". Bof.</p>
<p>O. Kempf</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2011/11/08/Films-en-cours#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1208L'exercice de l'Etaturn:md5:fcac536d77d07e6e75f7c5747dcc06992011-10-31T20:02:00+00:002011-10-31T20:02:00+00:00Olivier KempfFilm<div class="post-excerpt"><p>Lors du dernier festival de Cannes, trois films français parlaient de politique. Les journalistes présents sur place se sont évidemment ébaubis sur deux d'entre eux, que je ne suis bien sûr pas allé voir. En revanche, le troisième vaut absolument le détour, comme je l'avais signalé à l'époque (<a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2011/05/23/Espagne%2C-M%C3%A9diterran%C3%A9e%2C-soleil">voir ici</a>, point 7).</p>
<p><img alt="exercice_de_l_etat.jpg" src="http://www.egeablog.net/dotclear/public/.exercice_de_l_etat_m.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" title="exercice_de_l_etat.jpg, oct. 2011" /></p></div> <div class="post-content"><p>1/ Tout d'abord, un mot ou deux sur les deux autres films à négliger. Le premier s'intitule <ins>La conquête</ins>, et raconte la campagne présidentielle de N. Sarkozy. Si j'ai bien compris (comme avec les livres, j'arrive à critiquer les films que je n'ai pas vus...), il n'y a aucune réflexion, et le but du jeu consiste à savoir quel rôle joue cet acteur, et s'il est ressemblant : "<em>eh! t'as vu, Chirac, il le faisait, hein ?</em>" "<em>Ouais, mais Villepin, c'était pas ça</em>". Bref, divertissant, un Koh Lantah politico-médiatique à regarder si on n'a pas suffisamment sa ration communicante des mêmes personnages, en vrai. Pas mon cas.</p>
<p>2/ L'autre film qui a suscité l’enthousiasme de nos journalistes cannois était celui de Cavalier intitulé <ins>Pater</ins> : je n'ai rien compris à l'histoire, sinon qu'il n'y avait pas d'histoire et seulement le dialogue de deux gars qui se racontent des coups sur le pouvoir. Bref, un cinéma d'auteur à la française, qui s'attire les louanges obligées des obligés qui ne comprennent rien (il n'y a rien à comprendre) mais n'osent pas le dire, car autrement ils ne seraient pas critiques de cinéma. Autant le premier était divertissant, autant celui-ci avait l'air carrément ...iant.</p>
<p>3/ Quand l'automne fut venu, fort logiquement, le dernier sort en salle et mérite, enfin, l'attention. Bien évidemment, il faut passer outre les commentaires des journalistes qui n'ont vu, bien sûr, que la femme nue au début du film : du coup, forcément, freudisme à mon secours, le pouvoir est un désir sexuel. Ben voyons. C'est un peu plus compliqué que ça, et ce n'est pas ce qui rend le film intéressant.</p>
<p><img alt="" src="http://www.avoir-alire.com/local/cache-vignettes/L600xH399/image_pouvoir-9f943.jpg" /></p>
<p>4/ Car il y a une double histoire dans ce film. La première traite de l'homme politique, celui qui exerce le pouvoir, les fonctions de l'Etat. Ce qu'on y apprend, c'est que le pouvoir corrompt. Et il n'a pas besoin d'être absolu pour corrompre absolument. Oh! pas de ces corruptions visibles et scandaleuses : prévarication, concussion, népotisme, vénalité.... qui anime la rubrique fournie des scandales politico-financiers. Non, la corruption de l'âme. Car le plus étonnant, chez ce ministre des transports dont on suit la vie de ministre, c'est que c'est un gars bien : on se demande d’ailleurs comment il est arrivé à ce poste, sachant qu'il n'est pas issu d'un grand corps (ni inspecteur des finances, ni X mines : une bille, quoi), qu'il n'a pas d'enracinement électoral, qu'il n'est pas un cacique du parti... Vraiment, comment est-il arrivé là ? Un miraculé de la société civile, sans doute. mais civil, on ne le reste pas longtemps....</p>
<p>5/ Un gars bien, qui a le souci humain de ses subordonnés, qui est manifestement ému par la mort qu'il rencontre au tournant d'une route enneigée des Ardennes, qui est sincèrement aimant envers son épouse...... et le film raconte comment, imperceptiblement, entre les coups fourrés des autres ministres et des hauts fonctionnaires, entre la pression des journalistes et le souci de l'image qui fait sens selon les conseils de l'attachée de presse (<strong>Z. Breitman</strong>), entre l'abandon d'une posture politique (privatisera-t-il les gares ?), la recherche d'une circonscription quitte à déplacer l'occupant au mépris de toutes les convenances,l'amitié fragile avec le seul être auquel il fasse encore confiance, son directeur de cabinet (<strong>Michel Blanc</strong>), notre ministre (<strong>O. Gourmet</strong>) abandonne, peu à peu, ses repères et ses principes pour ... pour une illusion, un poste, encore un, dont on se demande bien sûr s'il mérite tous ces sacrifices.</p>
<p>6/ L'histoire d'un gars bien qui laisse toutes ses valeurs, corrompu par l'exercice du pouvoir.</p>
<p>7/ L'autre histoire, moins directe, est celle de la perte de l'Etat : on sent son affaiblissement constant tout au long du film, mais l'essentiel réside dans ce dialogue entre Gillles (le dir cab) et Bosner, un de ses copains de l'ENA qui pantoufle dans le civil, dans un diner d'adieu triste comme un repas funèbre célébrant les obsèques de la grandeur de l'Etat. Ils s'interrogent : pourquoi rester ? pour servir ? pourquoi quitter l'Etat ? cet "Etat de misère", jeu de mot qui dit tout de l'abandon de l'Etat : l'Etat qui s'abandonne, l'Etat qu'on abandonne, ce même Etat dont l'exercice rend pourtant fou, alors pourtant qu'il a de moins en moins à offrir. Cette deuxième histoire rend la première encore plus paradoxale. Pourquoi Saint-Jean, notre ministre des transports (on appréciera son nom, d'ailleurs, puisqu’il perd sa vertu), pourquoi Saint-Jean abandonne-t-il ses valeurs pour une chimère ?</p>
<p>8/ On comprendra alors que la scène du début, ce cauchemar, n'est pas celui d'un fantasme, d'un appétit de pouvoir : au contraire, il est celui d'une dévoration, le crocodile mort (empaillé) et vivant (son œil observe) engloutissant toute beauté. Plus loin, un deuxième rêve montre l'étouffement et l'asphyxie de Saint-Jean : c'est le même, mais il n'est plus observateur, il est dévoré, alors.</p>
<p><img alt="" src="http://www.avoir-alire.com/local/cache-vignettes/L600xH400/reve_inaugural-8c496.jpg" /></p>
<p>Une profonde méditation sur l'Etat et son service. La leçon est claire : ne vous approchez pas de son sommet, vous y perdrez tout.</p>
<p>O. Kempf</p>
<p>8/</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2011/10/31/L-exp%25C3%25A9rience-de-l-Etat#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1199