Egeablog - Grands auteurs
2023-06-28T12:43:19+02:00
Olivier Kempf
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Dotclear
Les Tragiques, leçon huguenote (Thomas Flichy de La Neuville)
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2018-02-28T17:23:00+00:00
2018-03-01T09:31:21+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<p>Relire les anciens, notamment ceux du XVII° siècle. Voici une gourmandise réservée au lettrés mais qui peut intéresser l'officier et le stratégiste. C'est ce que nous propose Thomas Flichy de La Neuville avec sa lecture des <em>Tragiques</em>, d'Agrippa d'Aubigné.</p>
<p><img src="http://www.egeablog.net/public/.Agrippa_d_Aubigne_m.jpg" alt="Agrippa_d_Aubigne.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="Agrippa_d_Aubigne.jpg, mar. 2018" /></p> <p>LES TRAGIQUES, UNE LECON HUGUENOTE SUR LE SENS DU COMBAT, POUR L’OFFICIER PLONGE DANS LA GUERRE CIVILE</p>
<p>Thomas Flichy de La Neuville</p>
<p>Au temps où les académies militaires n’existaient pas encore, les leçons aux futurs officiers se faisaient en plein air et en bouts rimés. Les maîtres étaient alors soldats et poètes. Agrippa d’Aubigné fut sans doute le plus grand d’entre eux. Le choc de la violence guerrière, loin de le briser, lui donna cette sorte d’extra-lucidité lui permettant de prophétiser à haute voix sur le sens du combat militaire. Aucune page des <em>Tragiques</em> - cette chanson de Roland du premier XVIIe siècle - n’aurait pu être écrite par un homme de cabinet. <em>Mes yeux sont tesmoings du subject de mes vers</em><a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/1" title="1">1</a> rappelait l’auteur à qui voulait l’entendre. Mais Agrippa ne se contenta pas de narrer la guerre, il se plut surtout à légitimer par ses écrits poétiques la nécessité d’un protestantisme de combat s’appuyant sur ses atouts intellectuels et artistiques afin d’obtenir sinon la suprématie politique, du moins des concessions suffisamment nombreuses pour que sa survie fût garantie à long terme. Il ne fait aucun doute que pour Agrippa, les coups d’épée comptaient infiniment moins que l’acier de ses vers<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/2" title="2">2</a>. C’est sans doute la raison pour laquelle les <em>Tragiques</em> constituent une leçon d’un grand intérêt politique pour l’officier soudainement plongé dans les affres de la guerre civile.</p>
<p>FAIRE LA GUERRE EN UN MONDE RENVERSE</p>
<p>Le point de départ du combat religieux et politique mené par Agrippa d’Aubigné est certainement ce renversement du monde dont il s’affirme le témoin oculaire. Ce dernier donner lieu à une grande profusion de métaphores. La première est celle du roi-berger qui s’est progressivement allouvi et a fini par dévorer son peuple : « <em>Ces tyrans sont des loups, car le loup, quand il entre dans le parc des brebis, ne succe de leur ventre, que le sang par un trou et quitte tout le corps, laissant bien le troupeau, mais un troupeau de morts</em> »<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/3" title="3">3</a>. La seconde image est celle du triomphe des « <em>hermaphrodites, monstres effeminez, corrompus bourdeliers, et qui estoient mieux nez pour valets de putains que seigneurs sur les hommes</em> »<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/4" title="4">4</a>. Mais Agrippa d’Aubigné ne se contente pas de flétrir les penchants supposés d’Henri III, il s’en prend également à son entourage qui « <em>par le cul d’un coquin fait chemin au cœur d’un Roy</em> »<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/5" title="5">5</a>. Dans ce monde à l’envers, le sceptre est désormais « <em>au poing d’une femme impuissante</em> » pour laquelle, l’auteur se borne à émettre un vœu : « <em>pleust à Dieu aussy qu’elle eust peu surmonter sa rage de régner</em> »<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/6" title="6">6</a>. Dans ces circonstances étranges, le dieu qui présidait à la guerre semble lui-même avoir changé : les Anciens honoraient Mars, mais dans cette France à l’envers, c’est le funeste Saturne qui préside aux destinées des gens d’armes. Ceux-là se croient guerriers. Hélas, ils ne sont que gladiateurs<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/7" title="7">7</a>. <em>Nos pères étaient Francs, nous voici esclaves</em> s’indigne Agrippa d’Aubigné qui – dans une vision prophétique – imagine l’Océan remontant vers les sources des fleuves français afin de laver le sang qui descend de leur cours<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/8" title="8">8</a>.</p>
<p>L’ETAT ETRANGE D’UN PAYS AVANT LA GUERRE CIVILE</p>
<p>Avant que la guerre n’éclatât, la France, en fausse paix, semblait errer comme un spectre entre la vie et la mort. Dans ce pays en dépression, tout était abruti, « <em>en sommeil lestargic, d’une tranquillité que le monde cherit, et n’a pas connoissance qu’elle est fille d’enfer</em> »<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/9" title="9">9</a>. Mais cette paix, n’était que « <em>la soeur bastarde de la paix</em> »<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/10" title="10">10</a>. Le peuple était ensorcelé<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/11" title="11">11</a>, la masse avait « <em>dégénéré en la mélancholie</em> »<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/12" title="12">12</a>. Les élites elles-mêmes semblaient avoir quitté toute apparence humaine, d’où l’invocation du poète : « <em>O ploïables esprits : o consciences molles, téméraires jouets du vent et des parolles, vostre sang n’est point sang</em> »<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/13" title="13">13</a>. Dans ce cadre, il suffisait d’une étincelle pour que se déclenchât « <em>l’embrazement de la mimorte France</em> »<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/14" title="14">14</a>. Le conflit intérieur devient une « <em>guerre sans ennemy, où l’on ne trouve à fendre cuirasse que la peau ou la chemise tendre</em> »<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/15" title="15">15</a>. Le camp religieux opposé fut qualifié de barbare et de « <em>Français de nom</em> ». Quant aux combats, ils renversèrent eux-mêmes la géographie habituelle des guerres de conquête. Ainsi, les places de repos devinrent places étrangères, «<em> les villes du milieu des villes frontières</em> »<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/16" title="16">16</a>. Le corps de la France était alors « <em>tout feu dedans, tout glace par dehors</em> »<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/17" title="17">17</a>. Devant les divisions intérieures, Agrippa d’Aubigné refusa de céder à ceux qui souhaitaient « <em>couler les exécrables choses dans le puits de l’oubly</em> »<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/18" title="18">18</a>. <em>Preste-moi, Verité, ta pastorale fronde</em><a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/19" title="19">19</a> écrivait t’il avant de vilipender ce prince qui combattait sur un singe à cheval. Quant aux combats, le poète nous en laisse enfin quelques images fulgurantes : « <em>Voicy le reistre noir foudroyer au travers les masures de France, et comme une tempeste, emportant ce qu’il peut, embrazer tout le reste</em> »<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/20" title="20">20</a>.</p>
<p>Au cours de sa quête pour remettre le monde à l’endroit, Agrippa d’Aubigné fut marqué par le traumatisme de la guerre civile et l’on peut avancer que l’écriture poétique eut pour lui une fonction presque thérapeutique. Malgré les déboires militaires du camp protestant, le poète fait assaut d’optimisme surnaturel, affirmant : <em>Nostre luth chantera le principe de vie</em> <a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/21" title="21">21</a>. Il prophétise également l’impossibilité pour l’adversaire de défaire des hommes de guerre ayant déjà fait don par anticipation de leur vie : « <em>L’ennemy mourra donc, puisque la peur est morte</em> »<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/22" title="22">22</a>. Quant aux jeunes officiers qui combattront après lui, il leur adresse cette dernière admonestation :</p>
<ul>
<li>« Cherche l’honneur, mais non celuy de ces mignons,</li>
<li>Qui ne mordent au loup, bien sur leurs compagnons.</li>
<li>Qu’ils prennent le duvet, toy la dure et la peine;</li>
<li>Eux le nom de mignons, et toy de capitaine »<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/23" title="23">23</a></li>
</ul>
<p>TFLN</p>
<p>++Notes
++<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/1" title="1">1</a> Agrippa d’Aubigné, Les tragiques, 1615, p. 44
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/2" title="2">2</a> op. cit., p. 73
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/3" title="3">3</a> Ibid., p. 50
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/4" title="4">4</a> Ibid., p. 90
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/5" title="5">5</a> Ibid., p. 107
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/6" title="6">6</a> Ibid., p. 54
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/7" title="7">7</a> Ibid.,p. 65
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/8" title="8">8</a> « L’Occean donc estoit tranquille et sommeillant au bout du sein breton, qui s’enfle en recueillant tous les fleuves françois, la tournoyante Seine, la Gironde, Charente et Loire, et la Vilaine. Ce vieillard refoulloit ses cheveux gris et blonds sur un lict relevé dans son paisible fonds, marqueté de coral et d’unions exquises, les sachets d’ambre gris dessoubs ses tresses grises » mais soudain « la mer alloit, faisant changer de course des gros fleuves amont vers la coulpable source d’où sortoit par leurs bords un déluge de sang »
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/9" title="9">9</a> Agrippa d’Aubigné, op. cit., p. 115
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/10" title="10">10</a> Ibid., p. 53
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/11" title="11">11</a> Ibid., p. 76
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/12" title="12">12</a> Ibid., p. 37
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/13" title="13">13</a> Ibid., p. 79
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/14" title="14">14</a> Ibid., p. 58
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/15" title="15">15</a> Ibid., p. 201
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/16" title="16">16</a> Ibid., p. 41
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/17" title="17">17</a> Ibid., p. 52
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/18" title="18">18</a> Ibid., p. 101
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/19" title="19">19</a> Ibid., p. 74
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/20" title="20">20</a> Ibid., p. 44
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/21" title="21">21</a> Ibid., p. 70
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/22" title="22">22</a> Ibid., p. 74
<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/02/28/23" title="23">23</a> Ibid., p. 110</p>
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L’Inde ancienne au chevet des politiques (Kautilya + Boillot)
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2017-08-26T10:11:00+01:00
2017-08-26T14:25:06+01:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
Fiche de lectureIndeKautilyaPhilosophie politique
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Voici un ouvrage qui suscite l’intérêt. En effet, le « grand public cultivé » européen connaît bien sûr les philosophes grecs et il cite (puisque c’est court et facile à lire) le chinois Sun Tsu. Voici pour les Anciens, nous n’avons plus le goût de les lire comme au temps de Montaigne ou La Boétie. L’ouvrage présenté ici fut composé vers le 4<sup>ème</sup> siècle avant JC, dans une Inde déjà lointaine. Le traité de l’<i>Arthashâstra</i> fut alors rédigé par un certain Kautilya. </span></span></span></p>
<p style="text-align: justify;"><img align="absmiddle" alt="le félin - L'Inde au chevet de nos politiques - Jean-Joseph Boillot" border="1" class="imgBorder" height="340" hspace="0" src="http://www.editionsdufelin.com/a_avt/phlivre/photo/essaidef.jpg" title="le félin - L'Inde au chevet de nos politiques - Jean-Joseph Boillot" vspace="0" width="226" /></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">L’intérêt qu’il revêt est double. D’une part, ce traité de quinze livres comprend une longue partie sur la vie extérieure de l’Etat : diplomatie et stratégie, l’équivalent indien de l’<i>Art de la guerre</i>. D’autre part, une partie sur la politique intérieure, objet du présent volume. Comme le remarque J.-J. Boillot dans sa présentation, le traité est un tournant universel de la pensée politique puisqu’il isole le politique du religieux et en fait une science comme une autre : c’est du Machiavel avant l’heure. Aristote, à la même époque, ne s’intéresse qu’aux régimes politiques, pas vraiment à la question de la gestion de l’Etat.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Le cœur du traité vise à établir « <i>le bon gouvernement d’un pays</i> », au sens le plus large « <i>des régulations permettant le fonctionnement des sociétés et non des seules réglementations légale</i>s ». Comme le remarque également l’auteur, « <i>on retrouve ici une des sources de la laïcité à l’indienne, c’est-à-dire une neutralité politique positive et non négative, vis-à-vis de toutes les traditions et religions</i> » (p. 14).</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">L’ouvrage est articulé en huit livres (sur quinze, les autres étant dédiés, on l’a dit, à la stratégie, voir l’ouvrage de G. Chaliand <a href="https://www.amazon.fr/Trait%C3%A9-du-politique-KAUTILYA/dp/226627046X/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1503736973&sr=8-1&keywords=Kautilya">ici</a>). Le premier s’intéresse aux qualités du bon souverain, le second à la bonne administration, le troisième à la justice, le suivant à la sécurité des biens et des personnes. Le cinquième s’intéresse au bon fonctionnement de l’Etat (face aux coups d’Etat ou aux crises), quand les deux derniers portent « <i>sur les moyens d’assurer la stabilité du pouvoir en place et de régler les troubles dans le royaume</i> ».</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Je ne résiste pas au plaisir de vous donner un aperçu : « <i>Ce qui gouverne le monde, ce sont soit des actions humaines – la bonne ou la mauvaise politique (</i>naya<i> et </i>apanaya<i>) – soit des événements providentiels –le hasard ou la malchance (</i>aya<i> et </i>anaya<i>). Ce qui est imprévisible est providentiel. Atteindre des résultats qui semblaient presque impossibles est ce qu’on appelle la chance. Ce qu’on peut anticiper relève par contre de l’humain et chercher à atteindre des résultats désirés relève de la politique. Ce qui permet d’obtenir des résultats favorables, c’est la bonne politique, tandis que des résultats désastreux sont le résultat d’une mauvaise politique : c’est prévisible. Par contre, la malchance due à la providence ne peut pas être anticipée</i> » (p. 95). </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Voici donc un bref ouvrage qui en 120 pages permet d’aborder l’œuvre d’un maître méconnu de la philosophie politique mais aussi de la stratégie. La présentation très claire faite par Jean-Jacques Boillot, spécialiste de l’Inde (nous avions remarqué à l’époque son <i>Chindiafrique</i>) permet d’entrer dans l’œuvre avec une typographie aérée. Enfin, j’ai confié l’ouvrage à un de mes proches, fasciné par l’Inde et pas du tout spécialiste de science politique : son témoignage ci-dessous permet de donner un autre angle de lecture, je l’en remercie vivement.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><i><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Comment interpréter « chevet » et définir « nos politiques » ? Cet ouvrage devrait être offert à quiconque se targue de devenir un responsable politique, mais chacun trouvera là matière à réflexion. Le philosophe comme le financier, le paysan comme le savant. Cet ouvrage est déroutant tant il semble en mesure d’être un guide pour l’homme de la Polis.</span></span></span></i></p>
<p style="text-align:justify"><i><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Alors revenons au mot de chevet. Oui, il pourrait être le guide de survie de nos politiques, tant comme individus que comme système de gouvernement. Cet écrit traverse les siècles et nos géographies comme pour réveiller les consciences, s’il en reste à nos dirigeants. Il demeure en effet tout à fait actuel, là est la grande surprise</span></span></span></i><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><a href="http://www.editionsdufelin.com/o-s-cat-r-593.html">L’Inde ancienne au chevet des politiques</a>, <span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Kautilya et Jean-Joseph Boillot. Editions du Félin, 2017, 125 pages, 12,5 €. 4<sup>ème</sup> de couverture : </span></span></span> Écrit il y a plus de vingt-cinq siècles, l’Arthashâstra propose une véritable doctrine de l’État, moderne, bienveillant et efficace. Kautylia, surnommé le Machiavel indien, porteur d’un conservatisme éclairé y défend autant le bien-être du peuple que l’autorité de son Roi.<br />
De cet immense traité, Jean-Joseph Boillot a extrait, traduit et adapté les grands principes de la bonne gouvernance. Parfaitement intemporelles, les questions qu’il aborde sont parfois même d’une étonnante actualité. Comment choisir ses ministres et mettre à l’épreuve leur moralité ? Comment assurer la sécurité des biens et des personnes ? Quel soin porter aux finances publiques et en prévenir les détournements ? Quelle place accorder à la justice ? Qu’est-ce que la souveraineté de l’État ?<br />
Alors que les grandes démocraties occidentales souffrent d’une profonde crise de gouvernance, que leurs dirigeants et leurs programmes ne sont plus capables d’enrayer la montée des populismes, le citoyen trouvera peut-être un peu de réconfort et le politique un peu d’inspiration à la lecture de l’un des plus grands traités de l’Inde ancienne</p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">O. Kempf</span></span></span></p>
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Le Discours de la servitude volontaire de La Boétie
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2017-08-16T09:23:00+01:00
2017-08-16T09:23:00+01:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
Grands auteursLa BoétiePhilosophie politique
<p style="text-align: justify;">Qui connaît Étienne de La Boétie ? On lui associe le nom d’une rue huppée de Paris… les plus cultivés penseront au <em>Discours de la servitude volontaire</em>, sans bien savoir de quoi il s’agit. Justement, voici une bonne occasion de creuser un peu et de lire ce bref opuscule (une cinquantaine de pages en format poche) d’un auteur du XVI<sup>è</sup> siècle.</p>
<p><img alt="Discours de la servitude volontaire" class="Book-cover aligncenter" height="438" src="http://editions.flammarion.com/media/cache/couverture_medium/flammarion_img/Couvertures/9782081375017.jpg" width="266" /></p>
<p style="text-align: justify;">Un classique à la langue d’autrefois. Convenons en tout de suite, la lecture n’est pas aisée car il y a une vraie distance entre le <em>françois</em> de jadis et celui que nous pratiquons aujourd’hui. Cependant, le texte est lisible et compréhensible sans efforts, surtout que les éditions modernes (j’ai utilisé celle de Garnier-Flammarion) donnent suffisamment de notes de bas de pages pour expliciter ce qui serait obscur.</p> <p><!--more--></p>
<p style="text-align: justify;">Au fond, ce n’est pas la langue qui rebute vraiment, mais surtout la composition du texte. Voici en effet un « fleuve oratoire », pour reprendre l’expression d’un critique. Une dissertation, un déroulé rhétorique, une homélie civique… En fait, un texte ramassé dont on ne voit pas le plan, un pamphlet « à l’honneur de la liberté, contre les tyrans ». L’esprit contemporain est habitué soit à des pamphlets courts, où le style se suffit pour ménager l’effet, soit à des textes plus longs mais organisés (je ne parle pas du nouveau roman, s’entend) avec des structures visibles, prises intellectuelles qui aident à poursuivre l’escalade vers un dénouement qui conclut. Point de ça ici, mais une suite d’arguments, tous un peu similaires, sans qu’on y discerne à l’abord l’organisation ou l’économie générale. Voilà ce qui rend ce texte malaisé à lire.</p>
<p style="text-align: justify;">Œuvre de culture ? oui-da puisqu’il s’agit d’une bonne façon de revenir à ces textes du XVI<sup>è</sup>, ce siècle qui donna naissance à la pensée politique moderne : Machiavel, Thomas More, Claude de Seyssel, Jean Bodin ou encore Erasme et Luther et bien sûr Montaigne, l’éditeur de l’œuvre posthume, fidèle ami de La Boétie, « <em>parce que c’était lui, parce que c’était moi</em> », selon la formule célèbre définissant cette amitié.</p>
<p style="text-align: justify;">La démarche générale du texte est la suivante : le constat que les peuples sont dans l’état de servitude : plus exactement, s’il est acceptable qu’un peuple obéisse à ceux qui le gouvernent, il est anormal qu’il se soumette au joug d’un seul. Cette anormalité n’est explicable qu’à une seule condition : c’est que les peuples <em>veulent</em> cette servitude. Il expose une théorie de la nature humaine : à la fois la diversité de l’humanité, le rôle dominant de la raison et la liberté foncière des hommes : « <em>il ne fait pas de doute que nous soyons naturellement libres</em> ».</p>
<p style="text-align: justify;">Dès lors, pourquoi cette tolérance à la servitude ? Relevons d’abord un présupposé chez La Boétie : celui de l’État moderne et <em>public</em>, distinct donc des rapports privés entre le gouvernants et les gouvernés : on est donc sorti de la société féodale où justement ces rapports privés, individuels, fondaient l’ordre public et l’organisation sociale. Nous sommes bien au XVI<sup>è</sup> siècle ! Cela sous-entend d’ailleurs un postulat de conscience politique chez les gouvernés : au fond, c’est parce que ceux-ci sont des « citoyens » (je n’ai pas relevé le mot qui est donc ici anachronique) qu’il est anormal qu’ils acceptent la servitude.</p>
<p style="text-align: justify;">L’avilissement de ces rapports politiques a deux causes : la dénaturation des gouvernés et la dénaturation des gouvernants. « <em>C’est le peuple qui s’asservit, qui se coupe la gorge</em> » ; quant au gouvernement, s’il est d’un seul, c’est forcément celui d’un tyran : pas de distinction entre bonne monarchie et mauvaise tyrannie, comme chez Jean Bodin. Pour La Boétie, la monarchie est tyrannie et le tyran a « <em>la force pour ôter tout à tous</em> ». Le pouvoir politique est dénaturé.</p>
<p style="text-align: justify;">Cela entraîne des effets calamiteux et notamment, la diffusion par les cercles concentriques de courtisans d’une corruption général au travers de la société entière. La perversion se diffuse.</p>
<p style="text-align: justify;">Attention cependant, le livre n’est pas un manifeste républicain ou un plaidoyer en faveur de la démocratie, ce qui serait des lectures anachroniques. Il y a bien une ode à la liberté, non une subversion politique. Point d’appel au meurtre ou à l’assassinat du tyran, simplement le rappel à la paix et à la loi, inspirées par la raison.</p>
<p style="text-align: justify;">Voici pour la philosophie politique. Le géopolitologue, le stratégiste peut-il y trouver du grain à moudre ? Peu, à vrai dire.</p>
<p style="text-align: justify;">Pointons cependant ce passage (pp.112-113) où il évoque la valeur des combattants dans les batailles : « <em>qu’on mette d’un côté cinquante mille hommes en armes, d’un autre autant (…), les uns libres combattant pour leur franchise, les autres pour la leur ôter. Auxquels promettra-l’on par conjecture la victoire ?</em> ». Évoquant ensuite les batailles de Miltiade, de Léonide, de Thémistocle pour montrer que ceux qui luttent pour leur liberté ont l’avantage : « <em>c’est chose étrange que d’ouïr parler de la vaillance que la liberté met dans le cœur de ceux qui la défendent</em> ». On ne peut s’empêcher de penser au Machiavel de l<em>’art de la guerre</em> qui appelle, quasiment à la même époque, à des armées civiques en lieu et place des armées de mercenaires.</p>
<p style="text-align: justify;">On retrouve la même idée plus loin : « <em>entres autres choses, il dit cela, que les mauvais rois se servent d’étrangers à la guerre et les soudoient, ne s’osant fier de mettre à leurs gens, à qui ils ont fait tort, les armes en main</em> » (135). Mais La Boétie, prudent, met une exception à cette sorte de loi, ajoutant aussitôt entre parenthèses : « <em>(Il y a bien eu de bons rois qui ont eu à leur solde des nations étrangères, comme les Français mêmes, et plus encore d’autrefois qu’aujourd’hui, mais à une autre intention, pour garder des leurs, n’estimant rien le dommage de l’argent pour épargner les hommes)</em> ».</p>
<p style="text-align: justify;">Un autre passage évoque les relations entre la guerre et le politique, de façon légèrement différente de l’approche habituelle, fondée sur Charles Tilly (la guerre fait l’État). « <em>Il y a trois sortes de tyrans : les uns ont le royaume par élection du peuple, les autres par la force des armes, les autres par succession de leur race. Ceux qui les ont acquis par le droit de la guerre, ils s’y portent ainsi qu’on connaît bien qu’ils sont (comme l’on dit) en terre de conquête</em> » (p. 121). Dans ce cas, justement, la guerre ne fait pas l’État, même si elle fait le pouvoir. Mais c’est un pouvoir abusif, selon La Boétie, non un pouvoir durable… sauf à se transmettre par succession héréditaire et obéir alors à la troisième catégorie, celle où le droit est suffisamment ancien pour légitimer le monarque. Ainsi de Denis de Syracuse que la ville chargea de conduire les armées face à l’ennemi et qui, « <em>revenant victorieux, comme s’il n’eût pas vaincu ses ennemis mais ses citoyens, se fit de capitaine roi et de roi tyran</em> » (p. 124). Et l’auteur d’observer le peuple, ayant perdu « <em>sa franchise</em> », « <em>qu’on dirait, à le voir, qu’il a non pas perdu sa liberté mais gagné sa servitude</em> ».</p>
<p style="text-align: justify;">Si La Boétie se réfère régulièrement à des exemples de l’Antiquité, il n’omet pas de citer les puissances de l’époque : ainsi, Venise est le modèle de la liberté (« <em>les Vénitiens, une poignée de gens vivant si librement que</em>… », p. 125) quand la Turquie est l’exemple de la tyrannie contemporaine. « <em>Le grand Turc s’est bien avisé de cela, que les livres et la doctrine donnent, plus que toute autre chose, aux hommes le sens et l’entendement de se reconnaître et d’haïr la tyrannie ; j’entends qu’il n’a en ses terres guère de gens savants ni n’en demande</em> » (p. 131). La censure entraîne la déraison et donc l’obéissance serve.</p>
<p style="text-align: justify;">Notons ceci d’une brûlante actualité : « <em>Les théâtres, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes étranges, les médailles, les tableaux et autres telles drogueries </em>[ici, par métaphore, distraction et divertissement]<em>, c’étaient aux peuples anciens les appâts de la servitude, le prix de leur liberté, les outils de la tyrannie</em> » (137). La formule vaut pour les peuples modernes, ne nous y trompons pas.</p>
<p style="text-align: justify;">Le pamphlet est une charge pour l’époque et La Boétie ne voulut pas le publier de son vivant. Aussi confia-t-il à son ami Montaigne le soin d’éditer le texte à sa mort. Cette prudence se comprend à la lecture du passage suivant, qui est une vraie charge contre la royauté française : « <em>Les nôtres semèrent en France je ne sais quoi de tel, des crapauds, des fleurs de lys, l’ampoule et l’oriflamme. Ce que de ma part, comment qu’il en soit, je ne veux pas mécroire, puisque nous ni nos ancêtres n’avons eu jusqu’ici aucune occasion de l‘avoir mécru, ayant toujours eu des rois si bons en la paix et si vaillants en la guerre (…) ; et encore, quand cela n’y serait pas,</em> [cette dernière précision ruine l’apparente loyauté de l’auteur….], <em>si je ne voudrais pas pour cela entrer en lice pour débattre la vérité de nos histoires</em> [autrement dit : il est possible d’en débattre !], <em>ni les éplucher si privément etc.</em> » (143), « <em>mais je ferais grand tort de lui ôter maintenant ces beaux contes du roi</em> » (144). C’est dit, toute monarchie est tyrannie, il n’y a pour notre auteur aucune exception à cette règle.</p>
<p> </p>
<p style="text-align: justify;">Voici donc un des grands textes politiques français du XVI<sup>è</sup> siècle. Il faut le lire à la lumière de deux autres : <em>La grande monarchie de France</em>, de Claude de Seyssel (1519), et les <em>Six livres de la République</em> de Jean Bodin (1576). Le <em>Discours</em> fut publié anonymement vers 1570 puis plus officiellement vers 1576. Il ne s’agit pas d’un traité de politique, on l’a vu, mais l’œuvre littéraire composée sous le coup de l’émotion par un de nos brillants auteurs. Cette œuvre repose sur des prémices philosophiques qui le rendent très modernes : c’est d’ailleurs cette prescience qui en fit la gloire et continuent de faire de La Boétie une étoile de notre firmament littéraire.</p>
<p>Étienne de La Boétie, <a href="http://editions.flammarion.com/Catalogue/gf/philosophie/discours-de-la-servitude-volontaire">Discours de la servitude volontaire</a>, Flammarion, 2016.</p>
<p>O. Kempf</p>
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A propos d'Huntington
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2013-06-04T20:48:00+00:00
2013-06-04T20:48:00+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<div class="post-excerpt"><p>J'ai déjà, sûrement, parlé d'<strong>Huntington</strong> sur égéa, et à maintes reprises (une recherche me signale que son nom apparaît 28 fois). Mais l'avais-je "critiqué" ? Il semble utile de le faire...</p>
<p><img alt="" src="http://www.france24.com/fr/files_fr/imagecache/france24_169_large/story/huntington-2-m.jpg" /> <a href="http://www.france24.com/fr/20081227-samuel-huntington-auteur-choc-civilisations-decede-harvard">source</a></p></div> <div class="post-content"><p>Est-ce un hasard si un des théoriciens de la mondialisation fut <strong>Samuel Huntington</strong>. Et si son premier article sur le choc des civilisations est publié en 1993, si le livre éponyme est publié en 1996, il connaît réellement le succès après les attentats du 11 septembre 2001 : en effet, ceux-ci semblaient valider la théorie proposée quelques années plus tôt. Et notamment l’idée simple d’une lutte entre notamment l’Occident et l’islam. Constatons que c’est d’ailleurs cette thèse qui est implicitement mise en avant par ceux qui affirment que la religion est un facteur géopolitique.</p>
<p>Selon <strong>Huntington</strong>, le nouveau monde n’est plus celui des Etats ou des idéologies, mais celui des cultures, qui seraient à la source des affrontements à venir. Huntington énumère huit « civilisations » : chinoise, japonaise, hindoue (fondée sur l’hindouisme et recouvrant le sous-continent indien), islamique (fondée sur l’islam), occidentale (Europe, Amérique du nord et Océanie, fondée sur le christianisme), latino-américaine, africaine, et orthodoxe.</p>
<p>Disons tout d’abord la part de vérité qui est dans ce livre : ce n’est pas un hasard si <strong>Braudel</strong> utilise lui-même l’expression de « choc des civilisations ». Ainsi, les civilisations s’entrechoquent et divergent. Toutefois, Braudel évoque la longue durée, quand Huntington laisse entendre une certaine immédiateté de ces conflits. Il reste que ces conflits civilisationnels sont une réalité : tout géopolitologue ne peut qu’en convenir. Les facteurs culturels sont parmi les plus importants et ceux sont ces derniers que les populations saisissent d’abord pour bâtir leurs représentations collectives, à la source de leurs luttes géopolitiques.</p>
<p>Toutefois, si la dispute ne portait que sur le facteur temporel, il s’agirait là d’une discussion bénigne de spécialistes. Or, ce qui gêne le plus chez <strong>Huntington</strong> tient à sa caractérisation des civilisations. D’ailleurs, on a remarqué à quel point elle était variable. Il est exact que le concept de civilisation est malaisé à appréhender, et que toute description se heurte surtout à la question des limites. Constatons pourtant que par souci de réalisme, Huntington a voulu simultanément appréhender le complexe, donc ne pas retenir qu’un seul facteur (l’aire géographique ou la religion ou la langue), et en même temps simplifier. Il en résulte unece rtaine schématisation, selon l’approche quasi déterministe qui ressort des pères de la géopolitique (<strong>McKinder</strong> et <strong>Spykman</strong>).</p>
<p>Pourtant, une lecture attentive d’<strong>Huntington</strong> laisse entrevoir un primat du religieux, même si celui-ci n’apparaît pas de prime abord. Ainsi, les civilisations « territoriales » laissent entrevoir des données religieuses prévalant : l’Amérique latine ne serait pas simplement occidentale, d’une part à cause des contacts avec des civilisations préexistantes (indiennes et aztèques) mais aussi à cause d’une prédominance du catholicisme… Quant à l’Afrique, elle est marquée par un animisme sous-jacent. Le Japon est quant à lui isolé parce qu’il ne peut être simplement bouddhiste mais aussi shintoïste.</p>
<p>Il reste que ce sont les civilisations les plus marquées par le facteur religieux qui posent problème, chez <strong>Huntington</strong> : ainsi, parler de civilisation occidentale en notant son inspiration chrétienne, mais en isolant d’un côté l’orthodoxie, de l’autre un catholicisme sud-américain reste gênant : l’Occident serait donc un protestantisme élargi ? Mais quid des catholiques d’Europe et d’Amérique, quid des juifs ? Réduire le sous-continent indien à l’hindouisme est également gênant. Enfin, unifier l’islam en une seule civilisation témoigne d’une simplification majeure qui peine à décrire le réel.</p>
<p>Sur ce dernier point, l’actualité récente ne cesse de nous donner des contre-exemples de cette unité de l’islam : ainsi, le conflit en Syrie (mais aussi, désormais, en Irak) ne peut que s’expliquer par la lutte entre sunnisme et chiisme. Pareillement, les émeutes de juin 2013 en Turquie sont surtout le fait d’une minorité alévie (une branche du sunnisme) envers la pratique dominatrice du parti islamiste (et sunnite) au pouvoir à Ankara.</p>
<p>Autrement dit, cette <em>reductio ad relgionem</em>, quoique séduisante apparemment, peine à rendre compte de la complexité du réel. Si la religion est certainement un des facteurs civilisationnels, ce ne peut être le seul et surtout, elle doit être mise en perspective avec d’autres facteurs. Ce constat, de nombreux critiques d’<strong>Huntington</strong> l’ont dressé.</p>
<p><ins>Réf</ins></p>
<ul>
<li>ce <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2009/08/23/Renouveau-des-religions-pas-vraiment">billet</a> sur la crispation des religions</li>
<li>La catégorie <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?category/G%C3%A9opolitique/Grands-auteurs">Grands auteurs</a> (de géopolitique)</li>
<li>La catégorie <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?category/Facteurs-g%C3%A9opolitiques/Religion">Religion</a></li>
</ul>
<p>O. Kempf</p></div>
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Les 20 meilleurs livres de géopolitique
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2013-01-25T19:48:00+00:00
2013-01-25T19:48:00+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<div class="post-excerpt"><p>Voici les résultats d'un petit jeu concours, organisé avec Romain sur Facebook (le gros lot : le sentiment d'avoir participé) : la liste des vingt ouvrages de géopolitique qu'il faut avoir. Un classement 1855 des vins de Bordeaux, en quelque sorte (ben oui, je ne vais pas dire comme tout le monde un "top 20"). Mais vous pouvez avoir d'autres idées, critiquer les présents et les remplacer par d'autres....</p>
<p><img alt="" src="http://avis-vin.lefigaro.fr/var/img/47/11740-650x330-yquem-mouton-rothchild-laville-haut-brion.jpg" /> <a href="http://avis-vin.lefigaro.fr/magazine-vin/o22157-grands-bordeaux-mythiques-du-classement-de-1855">source</a></p></div> <div class="post-content"><ul>
<li>La géographie, ça sert, d'abord, à faire la guerre, de Y. Lacoste.</li>
<li>La Russie, puissance d'Eurasie : des origines à Poutine d'Arnaud Leclercq</li>
<li>La fin de l'histoire et le dernier homme de Fukuyama.</li>
<li>L'océan globalisé : Géopolitique des mers au XXIème siècle (Coutau Bégarie)</li>
<li>Introduction à l'histoire des relations internationales Renouvin-Duroselle</li>
<li>Fronts et Frontières de M. Foucher</li>
<li>La puissance au XXIè siècle de P. Buhler</li>
<li>La Chinafrique par Michel Beuret, Serge Michel</li>
<li>Le choc des civilisations, Huntington</li>
<li>Diplomatie , Kissinger</li>
<li>Géographie politique, Ratzel</li>
<li>"The geographical pivot of history", McKinder</li>
<li>"America's strategy in world politics, the United States and the balance of power" Spykman</li>
<li>Influence de la puissance maritime dans l'Histoire Mahan</li>
<li>Paix et guerre entre nations Aron</li>
<li>"The rise and decline of the state", Van creveld</li>
<li>Géographie des frontières, Ancel</li>
<li>La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II, Braudel</li>
<li>L'islam mondialisé, O. Roy</li>
<li>Géopolitique de la France, OK (ben oui, quand même)</li>
</ul>
<p>Non retenus :</p>
<ul>
<li>"La guerre des salamandres" de Karel Capec. Si si, c'est de la géopolitique, c'est très drôle, c'est un roman comme on disait alors d'anticipation, ça parle de guerre asymétrique, de milieu fluide, de revanche des asservis d'hier, enfin, tout y est...</li>
</ul>
<p>A vous de me dire ce qui manque, ce qu'il faut ôter....</p>
<p>O. Kempf</p></div>
http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/12/28/Le-top-20-des-livres-de-g%25C3%25A9opolitique#comment-form
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Décès du général Poirier
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2013-01-11T16:22:00+00:00
2013-01-11T16:22:00+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<div class="post-content"><p>Le général Lucien Poirier est mort, dans la nuit du 9 au 10 janvier.</p>
<p>C'était le dernier. Le dernier des quatre généraux qui avaient créé la doctrine française de dissuasion, avec Ailleret, Beaufre et Gallois. A l'origine de la théorie des trois cercles, fondateur de la fondation des études de défense nationale (FEDN), c'était donc un des plus grands stratégistes français.</p>
<p><img alt="" src="http://p0.storage.canalblog.com/03/70/58817/32378987.jpg" /> <a href="http://meridien.canalblog.com/archives/2008/11/12/11327721.html">source</a></p>
<p>Le <a href="http://www.defnat.com/site_fr/images/breves/IMLP.pdf">communiqué </a> de la RDN</p>
<p>Son œuvre (voir <a href="http://www.librairie-richer.com/personne/lucien-poirier/105977/">ici</a>) :</p>
<ul>
<li>La Crise des fondements, Paris, ISC/Economica, 1994.</li>
<li>Stratégies nucléaires, Bruxelles, Complexe, 1988.</li>
<li>Essais de stratégie théorique, Institut de stratégie comparée, 1982.</li>
<li>Des stratégies nucléaires, Paris Hachette, 1977.</li>
<li>Stratégie théorique (I, II et III), Economica</li>
<li>Les voix de la stratégie</li>
<li>Guibert</li>
</ul>
<p>Egéa adresse ses condoléances à sa famille et à ses proches.</p>
<p>O. Kempf</p></div>
http://www.egeablog.net/index.php?post/2013/01/11/D%25C3%25A9c%25C3%25A8s-du-g%25C3%25A9n%25C3%25A9ral-Poirier#comment-form
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Haushofer, selon Stefan Zweig
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2012-06-14T19:48:00+00:00
2012-06-14T19:48:00+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<div class="post-excerpt"><p>Je vous ai <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2012/06/11/Le-monde-d-hier-%28Stefan-Zweig%29">parlé l'autre jour</a> de <strong>Stefan Zweig</strong>, cet immense auteur autrichien obligé de fuir très tôt, dès 1933 ou 1934, l'Autriche pour assister de Londres au déchirement européen. J'ai noté dans ce long ouvrage ce témoignage sur <strong>Karl Haushofer</strong>, un des théoriciens allemands de la géopolitique. Il est controversé au motif que ses écrits ont inspiré la théorie allemande du <em>Lebensraum</em>. C'est d’ailleurs au titre de cette compromission injustifiable que la géopolitique a été bannie dès 1945 de l’université française, ainsi que le raconte régulièrement <strong>Yves Lacoste</strong>. L'extrait reproduit ci-dessous montre un visage nuancé de <strong>Karl Haushofer</strong>, selon un portrait écrit en connaissance de cause (en 1942, le déchaînement hitlérien ne fait guère de doute) où la question de l'association de la géopolitique aux thématiques nazies est clairement abordée par <strong>Stefan Zweig</strong>.</p>
<p><img alt="Zweig_Haushofer.JPG" src="http://www.egeablog.net/dotclear/public/.Zweig_Haushofer_m.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" title="Zweig_Haushofer.JPG, juin 2012" /></p>
<p>O. Kempf</p></div> <div class="post-content"><p><em>Parmi les hommes que je rencontrai au cours de mon voyage en Inde, il en est un qui a exercé sur l'histoire de notre temps une influence immense, même si elle ne s'est pas manifestée au grand jour. De Calcutta jusqu'en Indochine, et sur un bateau qui remontait l'Iraouaddi, j'ai passé chaque jour des heures avec Karl Haushofer et sa femme ; on l'avait envoyé au Japon en qualité d'attaché militaire de l'Allemagne. Cet homme maigre, qui se tenait très droit, au visage osseux et au nez en bec d'aigle, me donna la première idée des extraordinaires qualités et de la discipline intérieure d'un officier d'état-major allemand. Auparavant, à Vienne, j'avais naturellement fréquenté à l'occasion des militaires, des jeunes gens aimables, sympathiques et même fort gais qui, pour la plupart issus de familles dans la gêne, avaient trouvé un refuge sous l'uniforme et cherchaient à se rendre leur service aussi agréable que possible.</em></p>
<p><em>Haushofer, en revanche, on le sentait immédiatement, sortait d'une famille cultivée d'excellente bourgeoisie — son père avait publié bon nombre de poèmes et avait été, je crois, professeur d'université — et sa culture en dehors même du domaine militaire était universelle. Chargé d'étudier sur place le théâtre de la guerre russo-japonaise, il s'était familiarisé avec la langue et même avec la poésie japonaises, et sa femme en avait fait autant ; son exemple me fit constater une fois de plus que toute science, même la science militaire, quand on la considère avec une certaine largeur de vues, doit nécessairement s'étendre au-delà du terrain strictement professionnel et toucher à toutes les autres.</em></p>
<p><em>Sur le bateau, il travaillait tout le jour, observait à la jumelle toutes les particularités du paysage, rédigeait des journaux ou des rapports, étudiait des lexiques ; rarement je l'ai vu sans un livre entre les mains. Observateur précis, il savait bien exposer ; j'ai beaucoup appris de lui, au cours de nos conversations, sur l'énigme de l'Orient, et après mon retour je conservai des relations amicales avec la famille Haushofer ; nous échangions des lettres et nous nous rendions visite à Salzbourg et à Munich. Une grave affection des poumons, qui le retint une année à Davos ou à Arosa, favorisa par son éloignement de l'armée son passage aux sciences ; s'étant rétabli, il put se charger d'un commandement pendant la guerre mondiale. Lors de la défaite, je pensai souvent à lui avec sympathie. Je pouvais me représenter combien il avait dû souffrir de voir le Japon, où il s'était fait beaucoup d'amis, parmi les adversaires victorieux, lui qui, dans son invisible retraite, avait travaillé pendant des années à l'édification de la puissance allemande et peut-être aussi de la machine de guerre allemande.</em></p>
<p><em>Il s'avéra bientôt un des premiers à songer systématiquement et avec une grande largeur de vues à une reconstitution de la puissante position de l'Allemagne. Il publia une revue de « géopolitique » et, comme si souvent, je ne compris pas, à ses débuts, le sens profond de ce nouveau mouvement. Je pensai sincèrement qu'il ne s'agissait que d'observer le jeu des forces dans le concert des nations, et même le terme d'« espace vital » des peuples — qu'il fut, je crois, le premier à consacrer —, je ne le comprenais, dans le sens de Spengler, que comme l'énergie relative et mouvante avec les époques que chaque nation en vient à dégager dans le cycle des temps. Même l'idée de Haushofer qui demandait qu'on étudiât plus attentivement les particularités individuelles des peuples et qu'on établît un appareil permanent d'investigation de nature scientifique, me paraissait parfaitement juste, car je pensais que cette enquête devait servir exclusivement les tendances qui visaient au rapprochement des nations.</em></p>
<p><em>Peut-être — je ne puis l'affirmer — les intentions primitives de Haushofer n'avaient-elles vraiment rien de politique. Je lisais naturellement ses livres (dans lesquels, d'ailleurs, il me cita une fois) avec le plus grand intérêt et sans aucun soupçon, j'entendais tous les auditeurs objectifs louer ses conférences comme singulièrement instructives, et personne ne l'accusait de servir par ses idées une nouvelle politique de force et d'agression et de ne les destiner qu'à motiver idéologiquement, sous une forme nouvelle, les vieilles prétentions de la grande Allemagne.</em></p>
<p><em>Mais un jour, à Munich, alors que je mentionnais par hasard son nom, quelqu'un déclara sur le ton de la plus parfaite évidence : « Ah ! l'ami de Hitler ? » Je n'aurais pu être plus étonné que je le fus. Car premièrement, la femme de Haushofer n'était pas de pure race aryenne, et ses fils (très doués et sympathiques) ne sauraient nullement satisfaire aux lois de Nuremberg contre les Juifs. De plus, je ne voyais pas la possibilité d'une relation spirituelle directe entre un savant d'une haute culture, dont la pensée tendait à l'universel, et un sauvage agitateur buté dans un germanisme compris au sens le plus étroit et le plus brutal du terme. Mais Rudolf Hess avait été un des élèves de Haushofer, et c'est lui qui avait établi cette relation ; Hitler, en lui-même peu accessible aux idées d'autrui, possédait cependant dès le principe l'instinct de s'approprier tout ce qui pouvait servir ses buts personnels ; c'est pourquoi la « géopolitique » aboutit et se réduisit pour lui à une politique national-socialiste, il lui demanda tous les services qu'elle pouvait rendre à ses desseins.</em></p>
<p><em>La technique du national-socialisme a toujours été de donner à ses instincts de puissance exclusivement égoïstes un fondement idéologique et pseudo-moral, et cette notion d'« espace vital » fournissait à sa volonté d'agression toute nue un petit manteau philosophique, un slogan qui paraissait inoffensif par le vague de sa définition et qui, en cas de succès, pouvait légitimer toute annexion, même la plus arbitraire, en la représentant comme une nécessité éthique et ethnologique. C'est ainsi mon vieux compagnon de voyage qui — je ne puis dire si c'est en le sachant et en le voulant — est responsable de ce déplacement fondamental et si fatal pour le monde des buts de Hitler, lesquels, à l'origine, ne tendaient qu'au nationalisme et à la pureté de la race mais, grâce à la théorie de l'« espace vital », dégénérèrent ensuite en ce slogan : « Aujourd'hui l'Allemagne nous appartient, demain ce sera le monde entier. » C'est là un exemple significatif de la puissance qu'a une seule formule frappante, par la force immanente de la parole, d'engendrer des actes et d'incliner les destinées, tout comme autrefois les formules des Encyclopédistes sur le règne de la raison(En français dans le texte) aboutirent finalement à leur contraire, à la Terreur et aux émotions collectives des masses.</em></p>
<p><em>Personnellement, Haushofer n'a jamais, à ma connaissance, occupé dans le parti une situation en vue, peut-être n’a-t-il même jamais été membre du parti ; je ne vois nullement en lui, comme les habiles journalistes d'aujourd'hui, une « éminence grise » démoniaque qui, cachée à l'arrière-plan, combine les plus redoutables plans et les souffle au Führer. Mais il ne fait pas de doute que ce sont ses théories, davantage que les plus enragés conseillers de Hitler, qui ont poussé, à son insu ou non, la politique agressive du nazisme au-delà du domaine national étroit dans celui de l'universel. Seule la postérité, avec sa documentation meilleure que celle dont nous pouvons disposer, nous autres contemporains, assignera à cette figure ses véritables dimensions dans l'histoire.</em></p>
<p>in Stefan Zweig <ins>Le monde d'hier</ins>, éditions <em>Livre de poche</em>, pp. 22</p></div>
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De la puissance à l'influence : Pierre Buhler
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2012-05-30T21:36:00+00:00
2012-05-30T21:36:00+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<div class="post-excerpt"><p><strong>Pierre Buhler</strong> est un diplomate qui pense et écrit (en précisant qu'il écrit indépendamment du Quai d'Orsay, ce qui n'a pu lui causer qq froncements de sourcils du côté de la chancellerie, mais qui a su hausser les épaules et continuer à penser, pour notre plus grand intérêt et surtout pour le plus grand bien de la France).</p>
<p>Il est surtout l'auteur d'un remarquable et exceptionnel "<a href="http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0CFYQFjAA&url=http%3A%2F%2Fwww.cnrseditions.fr%2FScience-politique%2F6492-la-puissance-au-xxieme-siecle-pierre-buhler.html&ei=PYzGT9PoKaP80QXd6-DnBQ&usg=AFQjCNF6J3z1E-Ow_CbmSqQgT5TSMZurEQ&sig2=iCax_5Zw3k9LseHgxJIS0g">La puissance au XXIe siècle – Les nouvelles définitions du monde</a>", (CNRS Éditions, préfacé par <strong>Hubert Védrine</strong>), qui a récemment reçu le Prix du Festival de géopolitique de Grenoble (nous avions d’ailleurs <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2012/02/15/FIG-sur-l-%C3%A9mergence">débattu</a> ensemble sur le micro de RFI à cette occasion). J'ai lu cet ouvrage cet hiver, il m'a enthousiasmé, je l'ai conseillé oralement à plein d'amis, l'ai griffonné dans tous les sens, il a pu inspirer tel ou tel billet d'égéa, et je n'ai pas trouvé le temps (mais c'est vrai que je suis très paresseux) d'écrire la fiche de lecture que l'ouvrage mérite.</p>
<p><img alt="" src="http://static.decitre.fr/media/catalog/product/cache/1/image/9df78eab33525d08d6e5fb8d27136e95/9/7/8/2/2/7/1/0/9782271072580FS.gif" /> <a href="http://www.cnrseditions.fr/Science-politique/6492-la-puissance-au-xxieme-siecle-pierre-buhler.html">source</a></p>
<p>En attendant, je suis très heureux de publier l'<a href="http://www.comes-communication.com/files/newsletter/Communication&Influence_mai%202012_Pierre_Buhler.pdf">entretien</a> que <strong>P. Buhler</strong> a accordé à <a href="http://www.comes-communication.com/newsletter_collection.php">Communication et Influence</a>, excellente feuille mensuelle de <strong>Bruno Racouchot</strong> (je le remercie au passage d'avoir bien voulu me laisser reproduire ce texte qui mérite d’être diffusé). Surtout, allez acheter et lire l'ouvrage, c'est un des livres géopolitiques de la décennie : un fond de bibliothèque qui fera date.</p>
<p>O. Kempf</p></div> <div class="post-content"><p><strong>La puissance est un concept qui a plutôt mauvaise presse. Or, avec La puissance au XXIe siècle – Les nouvelles définitions du monde, vous lui avez consacré un ouvrage solidement charpenté, dans lequel vous entendez réhabiliter une certaine approche de la puissance dans la sphère des relations internationales. Comment la voyez-vous ? Et surtout comment peut-on aujourd'hui penser l'articulation des rapports entre la puissance et l'influence ?</strong></p>
<p>Pour bien situer et cerner la question de la puissance dans la sphère des relations internationales, il me paraît important de l'examiner sous trois angles différents. Tout d'abord, il convient d'analyser ce qui en constitue l'essence. A cet égard, il me paraît opportun de reprendre la définition qu'en donnait <strong>Raymond Aron</strong> : "<em>la puissance sur la scène internationale, c'est la capacité d'une unité politique d'imposer sa volonté aux autres unités</em>". Et il ajoutait : "<em>La puissance n'est pas un absolu mais une relation humaine</em>" (<ins>Paix et guerre entre les nations</ins>, Calmann-Lévy, Paris, 1962). A la vérité, pour aborder cette question dans son intégralité, il faut se rappeler qu'il y a une relation congénitale entre puissance et pouvoir. Si les deux termes sont distincts en français, c'est au fond le même concept. Pour preuve, ni la langue allemande ni la langue anglaise n'ont éprouvé le besoin
d'avoir des termes différents, en allemand <em>Macht</em>, en anglais <em>Power</em>.</p>
<p>Si l'on se reporte à ce que disait de la puissance cet autre grand penseur qu'était <strong>Max Weber</strong> – "<em>toute chance de faire triompher, au sein d'une relation sociale, sa propre volonté contre la résistance d'autrui</em>" – il faut bien reconnaître qu'avant d'être une accumulation de moyens, de ressources, de forces, la puissance est d'abord et surtout, volonté. Ensuite, observons qu'au cœur d'une logique de puissance, il y a toujours un besoin de sécurité. Mais l'histoire nous prouve que d'autres causes peuvent expliquer la puissance : la quête de la gloire, la fascination de la puissance pour elle-même… bref, on trouve là bien des mobiles qui peuvent se révéler étroitement imbriqués les uns dans les autres.</p>
<p>Mais plus pertinentes que la finalité ou les mobiles, ce sont les modalités d'exercice de la puissance qu'il convient d'examiner. On trouve là une très large palette, qui part de la guerre, la coercition, la violence, comme autant de modalités premières historiques d'exercice de la puissance. On y trouve aussi la ruse, laquelle, depuis <strong>Ulysse</strong>, s'est
imposée comme une modalité légitime de projection de la puissance. De même, d'autres modalités sont apparues au fil du temps, comme le droit et la fixation de normes. Ou encore les idéologies au sens large, comme le communisme ou les systèmes totalitaires bien sûr. Mais aussi des idéologies universalistes, à l'instar de celle que l'on connaît avec la
Déclaration universelle des droits de l'homme, toutes idéologies qui ont pris une importance croissante au XXe siècle.</p>
<p>Ainsi, au fur et à mesure des progrès de la mondialisation, qui a commencé bien plus tôt qu'on serait tenté de le croire, au fur et à mesure aussi de la complexification grandissante du monde, le recours à la force brute a décru, en même temps qu'on observait des interdépendances, le plus souvent asymétriques, sans cesse croissantes dans le monde, entre les États, les économies, les sociétés… Dès lors, la projection de puissance consiste en une exploitation intelligente de ces interdépendances, pour en extraire des avantages. C'est là que l'on voit apparaître un ensemble de modalités qui relève de moins en moins de la force et de la coercition, mais de plus en plus de la négociation, de la persuasion, de la séduction, du prestige, de la culture, des valeurs, voire de coalitions d'intérêts.</p>
<p><strong>Ce qui relève peu ou prou du soft power, donc de la sphère de l'influence ?</strong></p>
<p>On s'en approche. Mais avant de définir ce <em>soft power</em>, il faut préciser que la vraie puissance dans les relations internationales, ce n'est pas ce qui ressort de la force militaire (qui n'assure le plus souvent que des avantages précaires, en outre difficiles à sanctuariser). C'est bien plutôt ce qui permet d'obtenir un résultat donné, soit par une action ciblée,
soit par le simple effet de la puissance structurelle. Avant de regarder ce que les politologues américains –<strong> Joseph Nye</strong> le premier – ont entendu sous ce terme, il vaut la peine d'examiner les racines mêmes de cette réflexion en scrutant à la loupe la manière dont les États-Unis ont entendu le terme de puissance.</p>
<p>Une universitaire britannique, <strong>Susan Strange</strong>, use ainsi du terme de "puissance structurelle", en expliquant : "<em>c'est parce que les États-Unis jouissent de puissance structurelle qu'ils ne peuvent s'empêcher de dominer les autres : le simple fait d'être là influence les résultats</em>" (<ins>Le retrait de l’État ; la dispersion du pouvoir dans l'économie mondiale</ins>, Éditions du temps présent, Paris, 2011). C'est ce positionnement qu'a théorisé Joseph Nye, un autre universitaire, inventeur du concept de soft power, qui définit en substance ce dernier comme la capacité d'obtenir un résultat recherché et d'altérer le comportement des autres protagonistes dans le sens voulu, et ce pour un coût acceptable. N'oublions pas cependant que si J<strong>oseph Ny</strong>e a été un universitaire, il a aussi été un haut fonctionnaire, un homme politique qui a exercé ses talents sous plusieurs administrations démocrates.</p>
<p>On a donc là un raisonnement de décideur public, qui prend en compte la dimension budgétaire (coût acceptable) pour atteindre un objectif. Déployer des forces armées coûte
extrêmement cher. Donc si pour un résultat semblable et à moindre coût, on peut utiliser des moyens plus subtils, alors il est logique que l'on privilégie cette voie.<strong> Joseph Nye</strong> aime
ainsi rappeler qu'il faut façonner ce que les autres désirent.</p>
<p><strong>Quelles sont les ressources mobilisables dans cette démarche de soft power ?</strong></p>
<p>C'est la combinaison la plus appropriée de toute une palette d'outils. On y trouve l'ensemble des ressources de la persuasion et de la séduction qui s'avèrent moins coûteuses que les ressources coercitives. Déjà, il convient de préciser que les États-Unis représentent à eux seuls la moitié des forces militaires de la planète. Au-delà de leur formidable outil de défense, ils ont des bases à travers l'ensemble du monde et sont liés à d'autres pays par toutes sortes de traités. Mais ils détiennent aussi la majorité des grands groupes d'une communication désormais mondialisée. De fait, après les larges opérations de fusions et acquisitions survenues à la fin des années 1990, l'essentiel de la communication "mondialisée" s'est rapidement retrouvée concentrée entre les mains de six grands groupes, tous américains : AOL-Time-Warner, Universal, Disney-ABC, Paramount-Viacom-CBS, Columbia et enfin News Corp, le groupe de presse de <strong>Rupert Murdoch</strong>. On observe d'ailleurs qu'il y a là une étroite imbrication entre information, entertainment et Internet.</p>
<p>Pour mémoire, rappelons que l'industrie cinématographique américaine réalise un taux de pénétration qui varie entre 65 et 85 % sur le marché européen et dépasse les 50 % dans le reste du monde, à l'exception de l'Inde. Si l'on se penche maintenant sur ce qui se passe dans le champ de l'éducation et de la recherche, on note que les universités américaines accueillent chaque année plus d'un demi-million d'étudiants étrangers, notamment asiatiques. Ils vont après leurs études revenir dans leur pays d'origine, bardés de diplômes au standard américain, mais aussi se trouver conditionnés dans leur manière de réfléchir par un mode de pensée qu'ils vont ensuite appliquer dans leur vie professionnelle au quotidien.</p>
<p>Il faut ajouter à cela ce que je nomme l'archipel de l'économie du savoir, les laboratoires, le capital-risque, les clusters de R&D, etc. Souvenons-nous qu'aux Etats-Unis, l'effort de recherche et développement, public et privé, s'élève à environ 400 milliards de dollars par an, soit autant que le niveau de tous les autres membres du G8 réunis. Il y a de même une domination claire des Etats-Unis en ce qui concerne les publications scientifiques et bien sûr en ce qui concerne les palmarès mondiaux en matière d'enseignement supérieur et de recherche. Ce qui accroît encore la fascination des étudiants, enseignants et chercheurs de la planète entière, avides de participer à l'aventure et auxquels les Etats-Unis ouvrent largement leurs portes. Ainsi, la boucle est bouclée... On doit aussi prendre en compte les think tanks et autres fondations...</p>
<p>Oui. Il faut ajouter à ce tableau les "communautés épistémiques", à savoir ce vaste ensemble constitué par des think tanks, des fondations, bref des gens qui se retrouvent dans des séminaires, des colloques et autres symposiums, et échangent – encore et toujours en anglais, devenue langue pivot et de référence – pour déterminer les formes, les concepts, les modes de diffusion du savoir. Cette langue véhiculaire, l'anglais, impose de fait une hégémonie tout à la fois formelle et méthodologique, ce qui n'est pas sans avoir des effets directs sur l'élaboration et l'expression de la pensée.</p>
<p>C'est cet ensemble qui forme le creuset des concepts et des idées de demain, et prépare de fait ce que nous pouvons appeler la pensée dominante. Ces modalités de projection
de l'influence se trouvent de fait réparties sur une large palette.</p>
<p>Dans le cas des Etats-Unis, on observe donc un vrai continuum, une réelle complémentarité entre hard power et soft power, qui s'explique aussi par une complexification accrue du monde. Comme le soulignent <strong>Robert Keohane et Joseph Nye</strong>, "<em>au fur et à mesure que la complexité des acteurs et des questions s'accroît, l'utilité de la force décroît et les lignes de partage entre politique intérieure et politique extérieure s'estompent</em>" (<ins>Power and Interdependance ; World Politics in Transition</ins>, Little Brown & Co, Boston, 1977).</p>
<p><strong>Puissance et influence restent tout de même deux termes connotés négativement aux yeux de la grande majorité de nos contemporains…</strong></p>
<p>Pour la puissance, c'est certain. Elle présente une aura sulfureuse. D'abord parce qu'elle reste assimilée aux excès auxquels elle a donné lieu à travers l'histoire. Aussi est-il tentant d'imputer un certain nombre de faits tragiques à une application démesurée et irraisonnée de la puissance. D'ailleurs, c'est en réaction contre ces excès de la puissance
que s'est développée l'aventure européenne dans l'immédiat après-guerre. Souvenons-nous que symboliquement, le socle initial de la construction européenne a consisté à mettre sous l'autorité d'une entité supranationale ces deux ingrédients fondamentaux des industries d'armement qu'étaient le charbon et l'acier. L'Europe que nous connaissons s'est bel et bien bâtie sur un postulat de rejet de la puissance.</p>
<p>Et aujourd'hui encore, quand des États – en particulier la France – essaient d'instiller dans la construction européenne des démarches de puissance étatique, ils se heurtent à de nombreuses difficultés imputables au refus très net de certains États d'une semblable logique.</p>
<p>Pour ce qui est de l'influence, le constat mérite d'être plus nuancé. Certes, pendant la Guerre froide, on parlait d’États sous influence, et l'Union soviétique usait du terme d'influence pour des opérations bien précises, à connotation souvent négatives : manipulation, désinformation, etc. Fort heureusement, cette approche me paraît révolue. Et
justement, si j'ai écrit ce dernier ouvrage sur La puissance au XXIe siècle pour lequel vous m'interrogez, ma préoccupation a été de débarrasser la réflexion sur la puissance et
l'influence de toutes les scories qui se sont attachées à ces concepts, en essayant d'en avoir une vision claire, la plus objective possible et surtout dépassionnée.</p>
<p>Car il faut bien constater que s'il y a eu rejet de ces concepts au nom de la morale, il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui, la logique profonde qui est celle de la puissance continue d'ordonner la dynamique mondiale et l'ordre des choses dans l'arène internationale. Observons par exemple que les pays émergents de la planète – Chine, Brésil, Inde… – ne s'embarrassent pas de ces réserves morales ou mentales. Ces États déploient des stratégies de puissance parfaitement classiques, sans états d'âme, comme on le voyait faire dans l'Europe des XIX et XXe siècles.</p>
<p>Mon propos est relativement simple : ne nous laissons pas inhiber par un langage moralisateur sur la puissance et l'influence, car c'est bien là le jeu qui se déroule aujourd'hui sous nos yeux à la surface du globe. Si l'on en refuse les prémices, les postulats et les modalités, on risque fort de se réveiller un jour bien affaibli face à d'autres États qui auront eu recours aux méthodes constantes de la puissance et de l'influence pour s'imposer comme des acteurs-majeurs dans la distribution de cette puissance.</p>
<p><strong>Quelles sont justement les caractéristiques de la puissance aujourd'hui ?</strong></p>
<p>Elle ne se manifeste plus prioritairement par des actions de coercition, bien plutôt par tous ces moyens d'influence que nous venons d'évoquer, liés au soft power. C'est par ces modalités que nous venons de décrire que les États peuvent – et doivent, de mon point de vue – occuper l'espace que leur dictent leurs fondamentaux. Or, sous cet angle, on doit
reconnaître que la France dispose d'un capital considérable.</p>
<p>Héritiers d'une longue histoire, qui a connu des vicissitudes diverses, les Français doivent se rappeler que leur pays s'est imposé sur la carte de l'Europe et a su faire rayonner son
prestige grâce à sa culture, sa langue, sa pensée. La France occupe une place éminente dans l'Europe et le monde. Elle siège au conseil de sécurité de l'ONU, elle a une culture reconnue et appréciée en matière de gestion des affaires internationales, elle dispose d'une force de dissuasion et d'un outil militaire respecté.</p>
<p>Mais aucune position n'est jamais acquise. Souvenons-nous du mot de <strong>Bismarck</strong> qui réclamait une place au soleil pour sa patrie sur la scène internationale, on sait ce qu'il advint par la suite. Toujours dans cette perspective, il faut se rappeler aussi que la France a su, au cours de son histoire, très prosaïquement développer une authentique culture de la puissance.</p>
<p>Au-delà de ces aspects institutionnels, il y a également des fondamentaux. Sur le plan démographique, la France connaît un sort plutôt heureux en Europe, ce dont nombre de nos voisins ne bénéficient pas. Nous avons un socle éducatif de qualité, une culture scientifique de très haut niveau, avec des niches où nous excellons, comme les mathématiques, la physique nucléaire, la recherche agronomique, la médecine... Nous disposons également d'un tissu d'entrepreneurs méconnu et d'une qualité de vie qui nous permet d'attirer les élites du monde.</p>
<p>Ces atouts sont cependant obérés de faiblesses. En premier lieu une structure économique qui subit le coût de la dépense publique (55% du PIB), laissant de la sorte une faible marge de manœuvre pour l'investissement. Les très grandes entreprises françaises réussissent souvent avec brio, mais plutôt à l'international, ce qui fait que nous ne bénéficions pas forcément dans l'Hexagone des retombées positives. Et simultanément, nos PME-TPE sont trop peu robustes, ce qui nuit à notre compétitivité. Enfin, autre faiblesse, l'organisation de notre pays. Il y a à l'évidence une place à prendre pour une authentique politique publique visant à exploiter au mieux nos atouts. Ce qui implique prioritairement d'en finir avec une malheureuse inclination française pour des comportements de village gaulois…</p>
<p>Ces chamailleries franco-françaises sont proprement incompréhensibles vues de l'extérieur et souvent nous coûtent fort cher. Souvenons-nous de notre échec il y a quelques années face à la Corée dans le domaine nucléaire aux Emirats arabes unis, alors que nous avions tous les atouts en main. On observe de même des dysfonctionnements au
sein même des administrations. A cet égard, la critique dressée par votre dernier invité, <strong>Christian Harbulot</strong>, dans le précédent numéro de Communication & Influence sur cette incapacité française à sortir du mode de travail en silo sans jamais parvenir à travailler en transversal, est parfaitement juste, qu'il s'agisse d'entreprises ou d'administrations.
Si nous voulons retrouver une authentique stratégie de puissance, nous devons donc très vite et sans tabous réfléchir à la manière idoine de combler ces faiblesses,
d'élaborer une politique publique cohérente et volontaire, ce qui sous-entend de revoir notre organisation, nos modes de travail, de pensée et d'action.</p>
<p><strong>Quid de l'Europe dans ce contexte ?</strong></p>
<p>Dans cette stratégie, il y a une évidente dimension européenne. Bien sûr, entre les États-membres, on observe des rivalités. Mais il y a aussi des intérêts communs nettement plus forts entre ces États européens qu'à l'égard des pays tiers. Il existe donc un intérêt public européen qu'il convient de promouvoir. La France serait ainsi bien inspirée d'utiliser avec
intelligence cette machine à fabriquer des normes qu'est l'Union européenne, notamment pour promouvoir notre propre vision de ce qu'est un bien public européen. On pourrait de la sorte plaider pour que nous utilisions de manière beaucoup plus énergique l'atout formidable que constitue le droit d'accès au marché européen, d'autant que ce dernier est le plus grand du monde.</p>
<p>Une autre piste mérite enfin d'être explorée. Il existe un large espace pour nous imposer dans le débat d'idées. Nous avons indéniablement des choses à dire au monde, mais nous n'avons pas toujours les bons outils – sinon une réelle volonté – pour faire passer nos messages. Par pusillanimité, par négligence, par timidité ou complexe d'infériorité – au demeurant injustifié – on refuse de prendre la parole ou de faire passer des messages via des stratégies d'influence.</p>
<p>C'est là à mon sens une erreur. Il est impératif que nous repassions à l'acte, d'autant que la voix de la France est attendue plus souvent dans le monde qu'on ne peut l'imaginer dans l'Hexagone, et ce en bien des circonstances. Faire partager nos analyses, notre façon de voir, nos idées, en un mot être un acteur du débat d'idées est important, voire capital. C'est une condition-clé pour retrouver notre aura sur la scène internationale et donc participer aux affaires du monde. Cette posture permettra de mieux défendre aussi nos savoir-faire, nos technologies, en un mot elle contribuera grandement à défendre nos intérêts.</p>
<p><strong>Le mot de la fin ?</strong></p>
<p>Comme je l'écris dans la conclusion de l'ouvrage, Napoléon voyait dans ses victoires le sourire de la chance. La puissance, qui s'inscrit dans la durée, ne doit rien, pourtant, au hasard. Elle doit un peu au génie ou à l'audace, et beaucoup à la méthode. La puissance appartient à ceux qui en comprennent les règles, qui savent en assembler les ressources et en forger les instruments, qui savent en réinventer les formes et les modalités, bref, à ceux qui savent appliquer à leur profit la grammaire subtile et changeante de la puissance.</p></div>
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Hommage à Hervé Coutau-Bégarie
urn:md5:f46e3472bf498bec78a726d94218378c
2012-02-26T19:07:00+00:00
2012-02-26T19:07:00+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<div class="post-excerpt"><p>Comme bien d'autres, après bien d'autres, j’aimerais rendre hommage à HCB. Dans ces cas là, on hésite toujours entre les aspects personnels et des aspects plus généraux. Je tenterais de joindre les deux en montrant qu'il fut à la fois un émetteur, un passeur et un formateur.</p>
<p><img alt="" src="http://ecx.images-amazon.com/images/I/41UZf8Z3VLL._SL500_AA300_.jpg" /></p></div> <div class="post-content"><p>1/ Un <ins>émetteur</ins> : c'est-à-dire un producteur d'idées, un analyste, un chercheur. HCB réunissait deux qualités rarement jointes : il avait une grande érudition, qui ne l'empêchait pourtant pas de trouver des idées novatrices. Réunir les deux aspects est exceptionnel, et il faut tout d'abord insister sur cette qualité première. Un érudit qui avait des idées !</p>
<p>2/ Comme bien d'autres, je l'ai découvert sur les bancs de l'amphi Foch, il y a plus de dix ans. Avec cette capacité éblouissante d'à peine ouvrir ses notes et de continuer son propos là exactement où il l'avait laissé la semaine précédente. Agrémentant le discours de suffisamment d’anecdotes et de traits d'esprits pour que les potaches qui devaient l'écouter l'écoutent réellement au lieu de se réfugier dans les bras de Morphée ou du Midi Olympique. Un maître, c'est à dire capable d'assurer le <em>magister</em> du haut de l'estrade, s'inscrivant en cela dans la longue continuité de l’université française.</p>
<p>3/ Dans cette auguste assemblée, on nous distribuait deux livres : son traité de stratégie (et celui de Chauprade). Je dois à la vérité de dire que j'ai lu les deux après être sorti de ladite école. Mon côté indiscipliné, sans doute, de ne pas vouloir se laisser imposer ses choix. Mais mon côté discipliné aussi, sans doute, qui considère que si on me propose des livres, c'est qu'il y a peut-être une bonne raison. Et je n'ai pas été déçu, car voici deux traités qui permettent de bien débuter dans la vie intellectuelle. LA traité de Stratégie demeure la référence, celui auquel on se reporte dès qu'on s'interroge sut tel sujet pour avoir les références, les perspectives, les citations.</p>
<p>4/ Toutefois, on ne saurait restreindre l’œuvre d'HCB à cette seule somme stratégique : c'est un grand spécialiste de la stratégie navale, ce qui l'a amené à étudier telle ou telle zone maritime, géographiquement circonscrite, ce qui l'amenait sur les rivages de la géopolitique. Ainsi, il était capable de produire des analyses prospectives comme celle sur le monde en 2030, dont j'ai par ailleurs rendu compte. Un stratégiste, mais pas seulement; un navaliste, mais pas seulement; un géopolitologue, mais pas seulement : Tout cela à la fois.</p>
<p>4/ Car nous abordons ici l'autre grande qualité d'HCB : celle de <ins>passeur</ins>. Car c'est d'abord un héritier. Au sens noble du terme, celui qui transmet le patrimoine et le développe, à la mesure de son talent (au sens évangélique du terme). Ainsi, Coutau-Bégarie est celui qui a perpétué l'école stratégique française : on peut se reporter pour cela à l'ouvrage de <strong>Lars Wedin</strong> (« <ins>Marianne et Athéna : la pensée militaire française du XVIIIème siècle à nous jours</ins> » chez Economica en 2011), paru l'an dernier, pour dégager les différentes généalogies intellectuelles de la pensée stratégique française. Disons qu'on observe assez bien, me semble-t-il, le fil qui relie <strong>Castex</strong> à <strong>Poirier</strong> à <strong>Coutau-Bégarie</strong>.</p>
<p>5/ Mais un bon héritier est celui qui développe et transmets. HCB a fondé l'Institut de Stratégie Comparée (devenu Institut de Stratégie et des Conflits), qu'il a couplé à la Commission Française d'Histoire Militaire, faisant du site <a href="http://www.stratisc.org/">stratisc.org</a> LA référence de la pensée stratégique française. Il a été directeur de recherches en stratégie à l’École de guerre (EdG), président de la Commission française d’histoire militaire, professeur au Cours Supérieur d'Etat-major (CSEM), directeur d'études à l’École pratique des hautes études et professeur à l'ICES. Il a été le directeur de publication de la revue Stratégique, co-directeur (avec <strong>Lucien Poirier</strong>) de la collection Bibliothèque stratégique chez Economica, membre du comité scientifique de la revue Nordiques.</p>
<p>6/ Ici, je me permets de faire appel à deux souvenirs personnels : j'ai en effet soumis deux articles à Stratégiques : tous deux ont été publiés, sans discussion. Je veux bien croire qu'ils pouvaient être intéressants, mais je ne doute pas qu'il s'agissait, pour le directeur de publication, d'encourager un jeune auteur à écrire. En diffusant, il encourageait, et il faut l'en remercier collectivement.</p>
<p>7/ Voici en effet la dernière qualité de <strong>Coutau-Bégarie</strong> : celle d'avoir été un <ins>formateur</ins>. Bien sûr, à travers ses cours qui ont marqué une génération d'officiers au CID (au sens propre : une quinzaine d'années). Mais aussi au travers de ses encouragements et conseils et exigences envers les jeunes. Je constate que toutes les jeunes pousses de la pensée stratégique française actuelle sont passées entre ses mains : <strong>Joseph Henrotin</strong>, <strong>Olivier Zajec</strong> (qui a assuré cette année le cours de stratégie à l'école de guerre), <strong>Benoit Durieux, Jérôme Pellistrandi, Jean-Luc Lefèvre</strong> pour ne citer que ceux que je connais directement et avec qui j'en ai parlé. C'est ici la dernière fusée de cet étage de transmission. Je me souviens de soutenances de thèse où il fit autorité grâce à son mélange de rigueur ne laissant rien passer et de bienveillance attentive pour encourager à avancer.</p>
<p>8/ Une dernière anecdote. L'an dernier, nous lancions avec AGS les cafés stratégiques. Nous venions de nulle part, étions des purs inconnus, animés du seul intérêt pour ces matières stratégiques et de la seule volonté de contribuer au débat. Quand je lui ai demandé, il n'a pas hésité alors pourtant qu'il souffrait déjà de sa maladie, malgré une rémission temporaire. Ce soir là (voir le billet sur AGS où nous avons mis en ligne la vidéo de son intervention), il a comme d'habitude brillé, maniant l'humour et la langue de vérité qui donnent une telle saveur à des analyses extrêmement fournies. Il s'agissait pour lui non de se mettre en scène, mais d'encourager, encore et toujours, les cercles stratégiques qui participent à cette exception française.</p>
<p>Au fond, il était rigoureux et drôle : un homme libre. Cela lui attira bien des amitiés. Et bien des inimitiés. Les sots ont toujours peur des grands. C'était un très grand.</p>
<p>Monsieur le professeur : continuez de veiller sur nous de là-haut : les conversations avec Ardant du Picq, Foch, Clausewitz, Mahan et Castex doivent être passionnantes. Et merci, merci pour votre œuvre et ce que vous nous avez donné.</p>
<p>Une messe en son honneur sera donnée à la chapelle de l'Ecole militaire, le jeudi 1er mars à 10h.</p>
<p><ins>Coutau-Bégarie sur égéa</ins> :</p>
<ul>
<li>l'<a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2012/02/24/D%C3%A9c%C3%A8s-d-Herv%C3%A9-COutau-B%C3%A9garie-%28J.-Pellistrandi%29">hommage</a> de Jérôme Pellistrandi</li>
<li>HCB dans la <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2012/02/07/Pens%C3%A9e-strat%C3%A9gique-fran%C3%A7aise">pensée stratégique française</a></li>
<li>Stratégiques, et la <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2010/09/21/Vauban%2C-1er-g%C3%A9opoliticien-fran%C3%A7ais">publication par HCB</a> d'un article sur Vauban</li>
<li>Fiche de lecture sur son ouvrage <ins>L'Amérique solitaire</ins> : <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2010/01/25/Les-alliances-des-Etats-Unis">ici</a> et <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2010/03/03/L%E2%80%99Am%C3%A9rique-solitaire-de-H-Coutau-B%C3%A9garie">ici</a></li>
<li><a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2009/08/29/2030%2C-la-fin-de-la-mondialisation-par-H.-Couteau-B%C3%A9garie">Fiche de lecture</a> de son ouvrage : <ins>2030, la fin de la mondialisation</ins></li>
<li>et sur AGS, l'<a href="http://alliancegeostrategique.org/2012/02/24/herve-coutau-begarie-1956-2012/">hommage</a> de Stéphane Taillat, et la vidéo du café stratégique du 8 décembre 2010 : pour entendre et voir HCB une dernière fois.</li>
</ul>
<p>O. Kempf</p></div>
http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/02/26/Hommage-%25C3%25A0-Herv%25C3%25A9-Couteau-B%25C3%25A9garie#comment-form
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Décès d'Hervé Coutau-Bégarie (J. Pellistrandi)
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2012-02-24T22:42:00+00:00
2012-02-24T22:42:00+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<div class="post-excerpt"><p>Vous avez appris le décès d'<strong>Hervé Coutau-Bégarie</strong>. Voici dès ce soir l'hommage de Jérôme Pellistrandi, qui l'a bien connu. Lire aussi l'<a href="http://alliancegeostrategique.org/2012/02/24/herve-coutau-begarie-1956-2012/#more-11444">hommage</a> de Stéphane Taillat sur AGS. J'y reviendrai demain.</p>
<p>Qu’il repose en paix.</p>
<p><img alt="" src="http://www.stratisc.org/act/act_HCBegarie.gif" /> <a href="http://www.stratisc.org/act/act_HCBegarie.htm">source</a></p></div> <div class="post-content"><p>Hervé COUTAU-BEGARIE</p>
<p>Le Professeur Hervé Coutau-Begarie nous a quitté après plus d’une décennie de lutte contre la maladie. Maladie qu’il a affrontée avec le courage d’un guerrier qui s’est battu pied à pied contre le mal qui le rongeait.</p>
<p>Mon premier contact avec le professeur s’est fait avec la recension de son livre sur le problème du porte-avions et qui confortait par une analyse stratégique l’importance que représentait le porte-avions pour notre pays. C’était en 1992 alors que le chantier du Charles de Gaulle était plus que laborieux. Cette recension, la première pour moi, fut publiée dans la revue Défense nationale.</p>
<p>J’ai enfin rencontré le professeur lors de ma scolarité au Collège Interarmées de Défense avec la sixième promotion (1998-1999). Hervé conduisait de façon magistrale le cours de stratégie dans l’amphi Foch de l’Ecole militaire. La liste des officiers qui l’ont religieusement écouté est longue et chaque stagiaire, français, mais aussi étranger, ne pouvait être qu’admiratif devant l’ampleur du savoir du Maître, mais aussi sur sa capacité à englober les affaires du monde dans une approche stratégique de haute volée. En cela, la scène de l’amphi Foch se justifiait pleinement.</p>
<p>J’ai alors décidé de me lancer dans l’aventure d’une thèse de doctorat sous la direction d’Hervé. Je n’avais alors certainement pas pris conscience de l’effort que cela signifiait, surtout avec l’exigence d’un tel directeur qui, au final, en savait toujours plus que vous-même sur le sujet à traiter.</p>
<p>Mon parcours doctoral fut long, très long. Une décennie, avec des périodes plus ou moins intenses de recherches et d’écriture, mais aussi des périodes de latence au gré de mes affectations et de mes engagements opérationnels. Provincial, je profitais des passages à l’Ecole militaire pour venir rendre compte et partager un peu quelques réflexions avec Hervé dans son bureau, tandis que sa fidèle secrétaire et collaboratrice, Isabelle Redon, mettait en forme une œuvre continue faite d’articles et de livres qui constituent un corpus sans équivalent.</p>
<p>Hélas, au cours de ces longues années, j’ai vu Hervé peu à peu être confronté à la maladie, mais son élégance naturelle, ses profondes convictions chrétiennes et son sens du service ne laissaient aucune place à la plainte. Quelle leçon de courage et d’humilité !</p>
<p>Peu à peu, ma thèse a pris corps, tandis que je m’inquiétais pour la santé du Professeur. A chaque fois que nous nous voyions, avec un Coca Cola dont il était friand, nos échanges m’enrichissaient et me montraient combien le stratégiste qu’il était nous permettaient de mieux appréhender la complexité du monde et donc de mieux faire notre métier d’officier.</p>
<p>A l’été 2009, déjà très affaibli, il avait pris le temps de relire ligne par ligne mon travail et de me donner des pistes de progrès.</p>
<p>A la rentrée 2010, à la fois la maladie le rongeait et en même temps, il me pressait d’achever ma thèse. Grâce à son énergie et à ses encouragements, j’ai ainsi pu soutenir ma thèse le 25 janvier 2011, juste quelques jours avant mon départ pour le Collège de Défense de l’Otan.</p>
<p>Grâce à Hervé, j’ai pu conduire ce travail et le mener à bien. Et durant toutes ces années, j’ai pu mesurer combien le Professeur Coutau-Begarie avait par son œuvre contribué à faire rayonner la pensée stratégique française, loin des effets médiatiques, loin des discussions du Café du commerce ou de la Rotonde Gabriel. Son œuvre, qu’il convient désormais de faire vivre, le situe dans la grande lignée des stratégistes français tel que Poirier, Beaufre et bien sûr Castex qu’il admirait profondément.</p>
<p>Merci Hervé pour l’exemple donné, pour l’immense tâche que tu as mené jusqu’à la fin pour faire vivre la stratégie et donc pour contribuer directement à la défense de la France.</p>
<p>Colonel Jérôme PELLISTRANDI</p></div>
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Turgot : géographie politique
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2011-07-16T18:32:00+00:00
2011-07-16T18:32:00+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<div class="post-excerpt"><p>La lecture des grands auteurs est toujours bénéfique. AInsi, je suis toujours à la recherche des ancêtres de la géopolitique française, et je suis tombé sur ce texte de Turgot, intitulé "<ins>Plan d'un ouvrage sur la géographie politique</ins>" et datant de 1751. Je vous en ai parlé l'autre jour, voici le texte mis en ligne, tiré de cette <a href="http://www.eliohs.unifi.it/testi/700/turgot/plangeo.html">page</a> (que je remercie au passage).</p>
<p><img alt="" src="http://u.jimdo.com/www7/o/sb90d8afdfc008378/img/i12c20e01bfda7359/1279032497/std/a-r-j-turgot-1727-1781.jpg" /> <a href="http://u.jimdo.com/www7/o/sb90d8afdfc008378/img/i12c20e01bfda7359/1279032497/std/a-r-j-turgot-1727-1781.jpg">source</a></p>
<p>On est absolument sidéré par la modernité de l'approche. Je cite depuis longtemps l'apport de <strong>Montesquieu</strong>, que je tiens pour un des plus grands théoriciens français de géopolitique (contrairement à ce qu'on croit, "<ins>L'esprit des lois</ins>' n'est ni un ouvrage juridique ni seulement un ouvrage de philosopie politique, mais d'abord un ouvrage de géopolitique). Je ne parle même pas de <strong>Vauban</strong> (j'ai déjà écrit à son sujet). Il faudra désormais compter <strong>Turgot</strong> comme un des grans ancêtres, prérévolutionnaires. A lire et relire.</p>
<p>O. Kempf</p></div> <div class="post-content"><p>Anne-Robert-Jacques <strong>Turgot</strong></p>
<ul>
<li>Plan d'un ouvrage sur la géographie politique</li>
<li>Édition HTML par Guido Abbattista et Rolando Minuti pour Cromohs© (marzo 1996)</li>
</ul>
<p>(Idées générales; divers aspects de la géographie politique.—Esquisse du plan; mappemondes politiques.—Première mappemonde: les races —Deuxième mappemonde: institution des peuples sur le globe, les colonies et les guerres; les climats.—Troisième mappemonde: la Gréce — Quatrième mappemonde: l'époque d'Alexandre. Cinquième mappemonde: la République romaine — Sixième mappemonde: L'Empire romain; Constantin; les religions; l'intolérance; le christianisme — Septième mappemonde: les Barbares; Mahomet — Les Pays-Bas) (A. L., copie — D. P., II, 166, reproduction avec quelques altérations)</p>
<ol>
<li>1. Le rapport de la géographie physique à la distribution des peuples sur le globe, à la division des États. Vue générale de la division des peuples considérée historiquement. De la formation des États, de leurs réunions. Principes de ces réunions tirés du droit public, combinés avec les obstacles ou les facilités qu'y mettent les situations respectives des provinces.</li>
<li>2. La géographie considérée par rapport à la balance du commerce, à la richesse respective des différentes contrées, aux denrées différentes qu'elles produisent, aux branches de commerce qui naissent de ces variétés, à la circulation des marchandises, d'abord en général du globe ou de climat à climat, de celle de peuple à peuple, de celle de province à province.</li>
<li>3. La géographie considérée par rapport aux facilités plus ou moins grandes des communications par terre, par mer et par rivières. Des effets de cette communication sur les conquêtes, sur les ligues, sur les intérêts respectifs des États et sur les craintes qu'ils peuvent inspirer. De ses effets sur les différentes branches de commerce relatives à la nature des denrées plus ou moins faciles à transporter, plus ou moins précieuses, sous un volume et un poids plus ou moins grands.</li>
<li>4. La géographie considérée par rapport aux différents gouvernements, aux différents caractères des peuples, à leur génie, à leur valeur, à leur industrie; séparer ce qui appartient là dedans aux causes morales: examiner si les causes physiques y ont part, et comment.</li>
<li>5. Le résultat de tous ces principes et leur application, aux intérêts des princes, aux rapports des parties du monde, à ceux des États de l'Europe dans leur situation présente, à leur puissance, à leur commerce, à leurs intérêts faux ou vrais, leurs vues, leurs espérances bien ou mal fondées, aux différents systèmes de politique embrassés successivement par chaque cour, au système de l'équilibre, aux révolutions ou possibles, ou vraisemblables. L'application de ces principes à la politique intérieure, à la situation des capitales, à la division des provinces, à la distribution de l'autorité dans ses différents départements, à la balance du commerce, aux diverses branches de productions et de commerces qu'il convient de favoriser, à l'établissement des ports de mer, des chemins, des points de réunion, des capitales, des provinces, des tribunaux, des gouvernements municipaux, de celui même des communautés; à la balance de la capilale et des provinces, des villes et des campagnes, des provinces et des villes entre elles. Du rapport de la nature du gouvernement à l'étendue des États.</li>
</ol>
<p>Il me semble que toutes ces idées développées formeraient ce que j'appelle la géographie politique.</p>
<p>On peut faire une division plus générale encore, et comprendre tout ce qui regarde le rapport de la géographie à la politique sous deux articles: la diversité des productions et la facilité des communications; ce sont là, en effet, les deux éléments variables d'après lesquels il faut résoudre tous les problèmes de la géographie politique. Il faudrait cependant y ajouter encore la division des États, qui dépend en partie de ces deux principes, mais qui tient aussi en partie aux événements fortuits qui se sont succédé dans la suite des temps.</p>
<p>On peut ranger tout ce qui regarde la géographie politique sous deux divisions; la géographie théorique, et la géographie historique.</p>
<p>La première n'est guère que le rapport de l'art du gouvernement à la géographie physique; comme la terre est le théatre de toutes les actions humaines, cet objet renfermerait presque tout l'art de gouvernement, et pour ne pas l'y insérer tout entier, il faudrait souvent faire violence à la suite des idées. Mais si on y fait entrer tout, pourquoi déguiser un traité complet de gouvernement sous ce nom étranger de géographie politique ? Ne vaut-il pas mieux présenter la partie sous le nom du tout, que le tout sous le nom de la partie, quelque principale qu'elle puisse être ?</p>
<p>La géographie politique positive ne renferme que deux parties, le présent et le passé. L'état actuel du monde politique, les différentes forces des nations, leurs bornes, leur étendue, leurs qualités physiques, morales et politiques: c'est-à-dire, la quantité d'hommes, les richesses de chaque État, le caractére de ses habitants, la facilité ou les obstacles que met à leur agrandissement la nature de leur gouvernement, le commerce des differéntes nations, leurs prétentions respectives, leurs intérêts faux ou vrais, le chemin qu'ils suivent à présent, et la direction de leurs mouvements vers un progrès plus grand encore ou vers leur décadence; voilà la vraie géographie politique, à prendre le mot de géographie sous le sens dans lequel il est pris ordinairement, d'une description de la terre. Mais la géographie, par là même qu'elle est le tableau du présent, varie sans cesse; et puisque tout ce qui est passé a été présent, l'histoire, qui est le récit du passé, doit être une suite de ces tableaux de l'histoire du monde pris dans chaque moment. Je parle de l'histoire universelle.</p>
<p>Si l'on comprend dans la géographie l'état des nations, il y a bien peu à ajouter à la géographie des différentes époques pour en faire l'histoire universelle, tout au plus les noms et les actions de quelques hommes; en un mot, l'histoire et la géographie placent les hommes dans leurs différentes distances; l'une exprime les distances de l'espace, l'autre celles du temps. La description nue des terrains, d'un côté, la suite sèche et numérale des années, de l'autre, sont comme la toile où il faut placer les objets. La géographie ordinaire et la chronologie en déterminent les situations; l'histoire et la géographie politique les peignent de leurs propres couleurs. La géographie politique est, si j'ose ainsi parler la coupe de l'histoire. Il en est des différentes suites d'événements qui forment l'histoire de chaque pays par rapport à celle du monde, comme des fibres qui forment le tissu d'un arbre depuis sa racine jusqu'à son sommet; elles varient sans cesse entre elles, et chaque point de la hauteur, si on y fait une section transversale, présentera la figure qui lui est propre, en sorte que l'arbre entier n'est que la suite de ces tranches variées. Voilà l'histoire universelle. Chaque moment a une espèce de géographie politique, et ce nom convient spécialemènt à la description du moment présent où se termine necessairement le cours des différentes suites d'événements. Je vois encore que, par rapport à cet objet, le nom de géographie politique serait un déguisement de l'histoire universelle. Ne vaut-il pas mieux ranger les choses sous leur vrai titre, et donner: 1 une histoire universelle raisonnée; 2 une géographie politique qui en serait la suite; 3 un traité du gouvernement qui renfermerait ce que j'appelle la théorie de la géographie politique ?</p>
<p><strong><ins>Esquisse du plan. Mappemondes politiques.</ins></strong></p>
<p>L'idée générale du globe terrestre considéré comme habitable; de la diversité des terrains et de leur fertilité; des plaines, des montagnes, des vallées, de leurs divisions et des bornes naturelles qui les ont occasionnées; des communications plus ou moins ouvertes entre certaines limites; des obstacles plus ou moins insurmontables qu'y met la nature; ruisseaux rivières, fleuves, mers, coteaux, montagnes, chaines de montagnes, finages, cantons, territoires, provinces, régions, grands continents.</p>
<p>Description géographique du globe sous ce point de vue, ou mappemonde, telle que pourrait la dresser un habitant de la lune avec de bons télescopes.</p>
<p>Deuxième point de vue du globe, considéré par zones et par climâts: par rapport à la différente action du soleil, aux différentes lois que suivent les variations du froid et du chaud. Effets généraux et non contestés de ces lois sur la terre considerée en tant qu'habitable. Idée générale de la manière dont les hommes ont pu être épars sur la surface du globe, soit qu'ils soient partis d'un centre unique, soit qu'ils aient été, dès l'origine, répandus partout; les deux hypothèses doivent produire à peu près les mêmes effets. Vue des habitants du globe ainsi dispersés, et des nations isolées par leur ignorance au milieu des nations. Du nombre d'hommes dans un espace donné aux productions de cet espace. Considérations générales sur la population des États, sur les progrès passés et futurs du genre humain. Rapport de ces productions à la manière de vivre des hommes. Premier état où l'on doit supposer à cet égard les habitants du globes. Pour expliquer ce que nous voyons, un philosophe doit remonter jusqu'à cet état de barbarie et d'anéantissement au delà duquel le genre humain n'aurait pu subsister. Supposition des hommes distribués par familles vivant de ce que le hasard leur offre, fruits, insectes, animaux.</p>
<p><ins>Première mappemonde politique</ins>, ou division du monde habité par rapport aux différentes espèces d'hommes: blancs, noirs, rouges; Lapons, Celtes, Tartares, Chinois, Maures, Levantins, Indiens, Malais.</p>
<p>Des changements successifs dans la manière de vivre des hommes, et de l'ordre dans lequel ils se sont suivis: peuples pasteurs, chasseurs, laboureurs.</p>
<p>Des causes qui ont pu retenir plus longtemps certains peuples dans l'état de chasseurs, puis de pasteurs. Des différences qui résultent de ces trois états, par rapport au nombre des hommes, aux mouvements des nations, aux facilités plus ou moins grandes de surmonter les barrières par lesquelles la nature a, pour ainsi dire, assigné aux différentes sociétés leur part sur le globe terrestre, aux communications, aux mélanges des peuples plus ou moins faciles.</p>
<p>Comment les petites sociétés resserrées entre certaines bornes ont, par des mélanges plus fréquents, contracté un caractère, une langue, des mœurs, peut-être même une figure commune, qui forment des nations; comment des mélanges un peu moins fréquents, renfermés entre des limites plus étendues, mais plus difficiles à franchir, ont donné à ces nations entre elles une ressemblance moins marquée, mais toujours sensible. Comment le genre humain s'est ainsi trouvé divisé en grands peuples; comment ces peuples mêmes se sont encore mêlés sur toute l'étendue des grands continents, en sorte que tous les peuples qui se touchent ont pris nécessairement, comme deux couleurs voisines, quelques teintes l'un de l'autre; et qu'ainsi on ne peut observer de teintes communes entre les peuples d'un continent qui paraissent partir de différents centres, et dont la nuance s'étend jusqu'aux extrémités les plus reculées, en s'affaiblissant par des dégradations plus ou moins rapides suivant que les communications avec le lieu où l'on doit en chercher l'origine, ont été plus ou moins faciles, et par là plus ou moins fréquentes.</p>
<p><ins>Seconde mappemonde politique</ins>, ou distribution des peuples et des nations sur le globe.</p>
<p>Des bornes principales que la nature a données à ces grands peuples, et des communications principales qu'elle laisse ouvertes entre eux, et qui ont pu en quelque sorte diriger les mouvements des nations dans leurs grandes migrations.</p>
<p>Nouvelles réflexions sur les changements successifs dans l'état des nations; sur l'inégalité des progrès.</p>
<p>Vue générale des hommes divisés en peuples plus ou moins barbares, plus ou moins policés, et représentant sous un coup d'oeil dans le tableau du présent les différentes nuances de la barbarie et de la politesse, par lesquelles la nation la plus avancée a successivement passé depuis la première époque de la barbarie.</p>
<p>Idées générales de ces progrès dans les différentes nations et du transport des lumières de l'esprit et du perfectionnement du gouvernement d'un pays à l'autre, et des tableaux que l'univers, considéré sous ce point de vue, a présentés et présentera successivement.</p>
<p>Considérations plus détaillées sur le progrès des peuples.</p>
<p>Les hommes considérés comme formant des sociétés politiques.</p>
<p>De la première formation des gouvernements parmi les peuples sauvages, chasseurs, pasteurs, laboureurs. Des variétés relatives à ces trois manières de vivre.</p>
<p>Considérations générales sur la propriété des choses et des terrains; occupation, conservation ou occupation continuée, et les effets qui ont dû en résulter.</p>
<p>Laboureurs, habitations, distances; à quoi relatives? Mesure des distances, villes. Du rapport entre une ville et son territoire. Origine de ces rapports.</p>
<p>Premiers États; comment ils ont pu se former; que la force est le seul lien qui en unisse les parties.</p>
<p>Colonies et guerres.— Colonies, rapports entre elles et les métropoles relativement à la facilité de la communication, et par conséquent à la distance de l'une à l'autre: relativement à l'inégalité de la puissance, et ainsi à l'avantage des situations et même à la bonté du gouvernement.</p>
<p>Comparaison des situations des villes entre elles par rapport à l'étendue et à la fertilité du territoire qu'elles occupent, par rapport aux commodités pour le commerce, par rapport à la difficulté de les attaquer.</p>
<p>Guerres entre les villes; leurs effets. Destruction des vaincus; transport des habitants, esclavage, ou lois et tributs imposés. Que ces sortes de guerres ont rarement produit des effets durables et formé des États étendus.</p>
<p>Guerres des peuples policés avec les barbares. Conquêtes rapides dans un grand espace, et peu durables par le défaut de liaison entre leurs différentes parties.</p>
<p>Que la conservation à certains égards est une conquête perpétuelle, et suppose par conséquent une aptitude perpétuelle à conquérir, une force constante et toujours applicable, quoique dans un degré inférieur.</p>
<p>Conquêtes moins étendues et renfermées entre des limites naturelles. États médiocres, établissement des capitales. Premiers liens du gouvernement; despotisme. L'asservissement d'un peuple suppose toujours dans l'État une partie opprimante qui, dans les mains du prince, est l'instrument de l'oppression. Cette partie est, ou un peuple particulier dominant par la force de sa situation ou de son caractère, ou un peuple conquérant répandu dans toute l'étendue du pays conquis, ou simplement un corps de troupes disciplinées. Ce dernier moyen est d'autant plus rare qu'on remonte plus haut dans l'antiquité, parce que, dans l'art militaire comme dans les autres, les premiers éléments appartiennent à tous les hommes; les progrès seuls y mettent des différences.</p>
<p>Du gouvernement des provinces dans les États médiocres et dans les grands empires formés par des conquêtes. Rapport de la forme du gouvernement à l'etendue des États. Despotisme des grands empires nécessaire dans les premiers temps. Effets du despotisme sur les mœurs civiles. Sur la pluralité des femmes. Causes du despotisme dans certains pays, tels que l'Asie, etc. La nature du pays et la trop grande facilité des conquêtes par l'étendue des plaines et la distance trop grande entre les nations. Le progrès trop rapide de la société dans ces contrées, et l'art de conquérir perfectionné avant que l'esprit humain fût assez avancé pour avoir perfectionné l'art de gouverner, avant que les petits États eussent un gouvernennen fixe qu'un conquérant pût laisser subsister, avant que les peuples sussent former des ligues et s'associer entre eux pour défendre leur liberté, avant que les conquérants trouvassent des peuples déjà policés dont ils fussent obligés d'adopter les mœurs et les lois.</p>
<p><ins>Digression sur les climats</ins>; combien leur influence est ignorée. Danger qu'il y aurait à faire usage de ce principe. Fausses applications qu'on en a faites au caractère des peuples et de leurs langages, à la vivacité de l'imagination, à la pluralité des femmes, à la servitude des Asiatiques. Vraies causes de ces effets. Nécessité d'avoir épuisé les causes morales avant d'avoir droit d'assurer quelque chose de l'influence physique des climats. De l'influence morale des climats par les objets qu'ils nous présentent. Différence de l'influence des climats d'avec les effets de la situation, qui sont la première donnée dans tous les problèmes de la géographie politique. Utilité de cette digres- sion.</p>
<p>Réflexions générales sur la manière dont les nations, d'abord isolées, ont porté leurs regards autour d'elles, et sont parvenues peu à peu à se connaître de plus en plus. Progrès dans l'étendue des connaissances géographiques relatives aux états successifs du genre humain. Des principaux rapports qui peuvent unir les peuples: voisinage, commerce, désir de conquérir, craintes réciproques, intérêts communs. Que chaque peuple qui a devancé les autres dans ses progrès est devenu une espèce de centre autour duquel s'est formé comme un monde politique composé des nations qu'il connaissait et dont il pouvait combiner les intérêts avec les siens; qu'il s'est formé plusieurs de ces mondes dans toute l'étendue du globe, indépendants les uns des autres et inconnus réciproquement; qu'en s'étendant sans cesse autour d'eux, ils se sont rencontrés et confondus, jusqu'à ce qu'enfin la connaissance de tout l'univers, dont la politique saura combiner toutes les parties, ne formera plus qu'un seul monde politique, dont les limites sont confondues avec celles du monde physique.</p>
<p><ins>Étendue de ces mondes politiques relative</ins>: 1e à l'étendue des états et à la division plus ou moins grande des nations, parce qu'on connaît toujours ses voisins: un Espagnol connaît l'Allemagne, parce qu'il n'y a qu'une nation qui l'en sépare. Si cette nation était divisée en cent petits États, il ne connaîtrait que les plus voisins de l'Espagne; 2e à la facilité des communications et aux progrès du genre humain dans cette partie; progrés du commerce, de la navigation. De l'invention de la navigation dans les différenles parties du globe.</p>
<p><ins>Troisième mappemonde politique</ins>. — Egypte, haute Asie, Chine, Phénicie et commencement de la Grèce, pays barbares. Idée générale des principaux mondes politiques dans la première époque connue. Nouvelle source du mélange des peuples: le commerce et la navigation. Vues générales sur les progrès du commerce des Phéniciens et leurs colonies. Des colonies maritimes, en quoi différentes des autres; du commerce, de ses différents états. Sur la balance des nations par rapport à la richesse. et sur les révolutions des Phéniciens.</p>
<p>De la proportion de puissance des colonies avec leur métropole.</p>
<p>Route de l'argent sur le globe.</p>
<p>Indépendance réciproque des colonies, qui devient indépendance absolue lorsqu'elles sont assez puissantes pour se passer de leur métropole, et qui forment autant d'États égaux, dans lesquels la police a profité du degré de connaissance auquel était parvenu l'Orient, sans etre infectée par le despotisme qui a présidé à la formation des États dans cette partie du monde, parce que c'est dans cette partie du monde qu'ont été formés les premiers États.</p>
<p>Rapports des colonies phéniciennes avec les anciens habitants du pays. Idées de ces anciens habitants: Pélasges, Thraces, Épirotes, Cariens. Guerres dans la Grèce. Conjectures sur les guerres des Héraclides.</p>
<p>Tableau de la Grèce nécessairement divisée en petits États, par la simultanéité de la fondation des États et par la nature du pays que coupent les montagnes et la mer.</p>
<p>Des Grecs considérés comme nation et comme république fédérative — Comme nation s'étendant par leurs colonies, Sicile, Grande Grèce, Ionie, Pyrène, Marseille; comme nation comprenant plusieurs petits royaumes, Macédoine, Epire; d'autres, comme la Carie, la Lydie, prenant les mœurs grecques ainsi qu'aujourd'hui le roi de Prusse prend les moeurs françaises. — Comme république fédérative, formant un corps moins étendu. Ligue des Amphictyons; rapports des colonies et des métropoles. Premiers États de la Grèce; ce qu'on sait de leur politique. Droit public des Grecs.</p>
<p>Guerre de Troie.</p>
<p>Passage du gouvernement monarchique au républicain. Des principales républiques successivement dominantes: institutions singulières de ces républiques, et leur influence sur leurs forces respectives.</p>
<p>De Lacèdémone en particulier. Rapports de ses lois à la situation et à l'étendue des États. Dangers de ces institutions singulières, et de leur impossibilité dans les grands États.</p>
<p>Carte politique de la Grèce, de ses principaux États, de leur puissance relative à la navigation. Des principales branches de leur commerce, de leurs ligues les uns contre les autres. De la Grèce comparée avec ses voisins.</p>
<p>Des rois de Macédoine, de l'Asie Mineure, de Lydie; effet singulier de la conquête de la Lydie par Cyrus, qui dévoila l'un à l'autre comme deux mondes politiques. Idée des révolutions qui avaient précédé cet événement dans la haute Asie. — Accroissement du premier empire d'Assyrie, toujours conquis et alternativement augmenté par ses défaites et par ses victoires. Babyloniens, Mèdes, Perses, Egyptiens, effets de la géographie politique sur ces peuples. — Considérations sur ces révolutions; des vallées du Tigre et de l'Euphrate, et des montagnes qui les environnent.</p>
<p>Des incursions des barbares sur les peuples policés. Des Scythes leur double route par la Transoxiane et par les gorges du Caucase.</p>
<p>De l'empire de Cyrus, de ses rapports avec la Grèce, changement que ces rapports mettent dans ceux des Grecs entre eux. Grecs d'Asie, Grecs d'Europe. Influence des forces maritimes. Puissance d'Athènes.</p>
<p>Guerre du Péloponèse. Expédition d'Agésilas. Progrès de la Macédoine. Politique de Philippe; ses projets exécutés par Alexandre.</p>
<p><ins>Quatrième mappemonde politique</ins>, à l'époque d'Alexandre.</p>
<p>Rome, Carthage, la Chine, Indes. Considérations sur l'expédition d'Alexandre, considérée dans ses effets: 1 par rapport à là Grèce; 2 par rapport à ses conquêtes; 3 par rapport aux projets qu'on lui prête.</p>
<p>Discussion sur la possibilité de la durée de son empire, et du gouvernement à y établir.</p>
<p>Division entre ses généraux; de ses effets. Comment la géographie politique a influé dans l'établissement et dans la fixation des nouveaux États. Plusieurs classes d'États sous les successeurs d'Alexandre. États grecs fondés par ses capitaines dans les pays conquis. États grecs revenus dans leur ancienne situation. Satrapies persanes devenues indépendantes. Intérêts respectifs de ces différents États.</p>
<p>Des États de la Grèce; combien leur situation était changée et leur état avili par la comparaison des grandes puissances qui mêlaient leurs intérêts avec ceux des petites républiques. Politique des rois de Macédoine, d'Epire, d'Egypte et de Syrie entre eux et avec les Grecs. Les rois de Syrie oublient la haute Asie. Leur situation et le choix qu'ils ont à faire de dominer dans l'ancienne Perse ou en deçà de l'Euphrate. Effets de ce choix.</p>
<p>La haute Asie abandonnée aux Parthes. Premier rapprochement des Chinois et des Européens par les conquêtes de Tsinchi-Hoangti, que nous appelons Gengiskan. Tableau de la formation de l'empire de la Chine; son commerce avec le Japon. Des royaumes de l'Asie Mineure. État du commerce d'Alexandrie, de Carthage, de Marseille, de la Sicile, de la Grèce. Du commerce des Indes; de quelle nature il pouvait être.
Circulation générale sur le globe dans ce temps. Des mines d'Espagne; des îles britanniques.</p>
<p>Considérations sur l'état de l'Europe qui, sans être encore policée comme la Grèce, n'était déjà plus barbare. Rapprochement des ligues latines, etrusques, etc., avec l'état où les Carthaginois trouvèrent l'Espagne, et César les Gaules.</p>
<p>Considérations particulières sur les progrès simultanés de Rome et de Carthage. Idée des conquêtes des Romains. Combinaison singulière de leur caractère, de leur gouvernement, et de la disposition des peuples qui les environnaient. Leur rencontre avec les Carthaginois. Forme de leur guerre. Intérêts que les puissances grecques désiraient y prendre. Destruction de Carthage. Changements que l'introduction des Romains dans le monde politique des Grecs dut apporter à l'intérêt de ceux-ci.</p>
<p><ins>Cinquième mappemonde politique</ins>.— Détails sur l'intérieur de la Grèce. Des ligues qui avaient succédé à l'influence des anciennes républiques, des Étoliens, des Achéens, etc.</p>
<p>Des rois de l'Asie Mineure; des grandes puissances. Réflexions sur le peu de souplesse des cours à changer le système de leur politique quand les circonstances changent. Que l'intérêt des États n'est souvent connu que lorsqu'il est déjà changé. Politique des Romains avec les rois.</p>
<p>Guerres de Mithridate. Domination universelle des Romains.</p>
<p>Considérations sur les conquêtes d'une république; modifications que mirent aux principes généraux sur cette matière les circonstances particulières aux Romains.</p>
<p>Du gouvernement romain considéré par rapport aux provinces. Des provinces romaines et des États gouvernés par leurs propres lois. Des tributs, des pillages des proconsuls; du gou- vernement des Romains considéré dans la balance des provinces et de Rome, dans la contradiction de la puissance des Romains avec leurs lois et la forme de leur gouvernement. De l'inégalité des particuliers, de la puissance des légions et des généraux.</p>
<p>Des remèdes qu'on aurait pu imaginer pour remédier à ces maux, si on les avait prévus, et si ceux qui étaient assez puissants pour les prévenir ou les réparer, n'eussent pas été assez peu citoyens pour préférer de dominer sur la république; ou si ceux qui étaient citoyens n'avaient pas été trop attachés à la forme ancienne, parce qu'elle était ancienne.</p>
<p>Idée des troubles de la république. De César, d'Antoine, d'Octave. État des provinces pendant ces troubles. Progrès continuels de la domination romaine. Époque d'Auguste.</p>
<p><ins>Sixième mappemonde politique</ins>. État de l'univers sous l'empire romain. Intérieur de l'Empire. L'Empire considéré par rapport à ses voisins. Du reste du monde à cette époque.</p>
<p>Considérations sur la forme du gouvernement; sur le rapport de Rome avec les provinces; sur la nature du despotisme des empereurs; sur les vestiges du gouvernement républicain; sur la distribution de l'autorité dans les provinces. De leur état; de l'influence des légions; de l'étendue de l'Empire. Critique du conseil donné par Auguste à ses successeurs, de coercendo intra fines imperio</p>
<p>Des barbares et des Parthes, des peuples des montagnes de l'Arménie.</p>
<p>Sur l'étendue des États en général, relativement à l'administration intérieure, à la forme du gouvernement, à l'autorité plus ou moins bornée, à la manière dont elle se distribue et dont elle agit dans les provinces, à sa distribution en départements; à la facilité de transporter les forces qui contiennent les peuples dans la soumission et qui répriment les voisins; à la facilité de transporter les armées différentes dans différents siècles et dans différents pays; à la facilité des correspondances, des chemins publics, des messageries publiques, etc.</p>
<p>Vices essentiels du gouvernement de l'Empire; pouvaient-ils être corrigés ? et comment ? Considérations générales sur la diffieulté et les moyens de faire subsister un État fort étendu.</p>
<p>Du gouvernement municipal; des sénats de petites villes. Quel parti on en pouvait tirer au lieu de les laisser avilir. Ces idées pouvaient-elles être connues dans les siècles dont il s'agit ? et les circonstances permettraient-elles d'en faire usage? Que l'Empire ne fut jamais assez grand.</p>
<p>Tableau de l'Empire sous les empereurs. Changements insensibles. Mélange plus intime des parties de l'État. Multiplication du droit de cité. Comment l'empereur cesse d'étre l'empereur de Rome, pour être l'empereur de l'Empire, et comment cette révolution dans les idées se fit sans être sentie et sans qu'on en recueillît les avantages.</p>
<p>État du commerce sous les empereurs. Tableau de la circulation générale sur le globe à cette époque.
Essai sur l'intérieur de l'Empire, sur sa division en provinces, sur les métropoles et les diocèses, sur le rapport des villes et des campagnes, sur la culture des terres et le commerce. Étabblissement des principes de géographie politique relatifs à ces objets, et leur application à l'empire romain.</p>
<p>Carte politique de l'Empire à l'époque de Dioclétien. Révolution des idées par le partage de l'Empire préparé par les trente tyrans. Considérations sur les divisions faites par Dioclétien et ses successeurs.</p>
<p>Intérêts respectifs de ces parties de l'Empire; comment combinés avec l'intérét général.</p>
<p>Réflexions sur la manière dont les États s'incorporent par une longue union, en sorte que les barrières naturelles semblent aplanies; que l'on ne voit pas que les armées romaines aient éprouvé les mêmes difficultés à traverser l'Empire qu'éprouveraient aujourd'hui les armées européennes à passer d'un royaume à l'autre, et pourquoi.</p>
<p>L'empereur d'Italie ne pouvait tirer des Vaudois les mêmes avantages qu'un duc de Savoie. Ces peuples étaient neutres parce que la guerre entre l'empereur des Gaules et l'empereur d'Italie était une guerre d'armée à armée, et non de nation à nation.</p>
<p>Considérations sur ce que l'empire romain serait devenu abandonné à lui- même.</p>
<p>Époque de Constantin. Translation du siège de l'Empire à Constantinople, et considérations générales sur la position des capitales relativement à l'étendue des États, à leur commerce intérieur, à leur commerce extérieur, à la situation des provinces plus ou moins importantes sur lesquelles elles dominent, aux ennemis qu'elles ont à craindre, à leurs projets d'agrandissement, enfin aux établissements déjà faits, aux mouvements qu'a reçus la machine de l'État et au danger du changement. Que, dans les grands empires, la situation des capitales n'est déterminée qu'à peu près par la géographie politique.</p>
<p>Faute de Constantin. Si César avait eu le même projet, Constantin n'avait pas les mêmes motifs, et Constantin n'a pris que le mauvais du projet. Il transporta à Constantinople les mêmes défauts qu'avait Rome. — Qu'il fallait joindre au projet de transporter la capitale de l'Empire, celui de conquérir le nord de l'Europe et de ne laisser à l'Empire aucun ennemi à craindre. D'un autre côté, que le projet de César de commencer par vaincre les Parthes avant les Germains, était une faute s'il voulait faire plus qu'Antoine. — Que Julien fit dans la guerre des Perses une faute plus grande encore, et dont l'Empire ne s'est point relevé — Que la translation de l'Empire à Constantinople détermina la division absolue des deux empires d'Orient et d'Occident.</p>
<p><ins>Nouvel élément introduit du temps de Constantin dans les problèmes de la géographie politique: la religion.</ins></p>
<p>Considérations sur les premières religions des hommes. De l'idolâtrie; des dieux tutélaires; de la compatibilité de tous les dieux et de tous les cultes. Idée de la manière dont les peuples s'en rapportaient à la parole les uns des autres sur leurs dieux; comment les Latins attribuaient à Neptune les aventures de Poseidon. Une pareille religion pouvait bien quelquefois être un instrument dans les mains de la politique pour encourager les peuples; mais sa variété était trop uniforme pour être considérée dans la géographie politique, du moins en grand; car il y a quelques exemples de guerres entreprises par les anciens pour venger la sainteté d'un temple violé. Ces profanations de temples n'étaient qu'une injure; les peuples se battaient pour leurs dieux comme nos chevaliers pour leurs dames. Guerre sacrée contre les Phocéens, en vertu d'un décret des Amphictyons Mais en général la religion était partout la même; les dieux seuls étaient différents; et si leurs cultes s'étendaient quelquefois, c'était en se mélant et non en se chassant réciproquement des contrées où ils étaient reçus.</p>
<p>Deuxième espèce de religions: religions exclusives de tout autre culte. Ou elles furent l'ouvrage des législateurs, et en ce cas elles furent bornées à l'étendue d'une nation, et devinrent un mur de séparation entre elle et ses voisins, comme la religion judaïque, et n'eurent pas une grande influence sur la géographie politique. Ou elles n'eurent d'objet que la vérité, comme quelques sectes de philosophie, et seulement alors elles devinrent une sorte d'injure faite au reste du genre humain: les religions chrétienne, mahométane, et peut-être encore d'autres.</p>
<p>Chercher ce que c'est que la secte des lamas, celle des mages, celle des talapoins et celle des brames. Ces sortes de religions se subdivisent encore. Ou elles se bornent a n'être que de simples sectes, à n'éclairer qu'un petit nombre d'hommes choisis dans une nation, sans entreprendre d'éclairer tous les hommes, et en laissant subsister tout l'appareil extérieur du culte établi; telles ont été les sectes des philosophes. Ou elles ont été animées de l'esprit de conversion; elles ont eu pour but tous les hommes et toutes les nations. C'est alors seulement qu'elles entrent dans la géographie politique.</p>
<p>La religion chrétienne paraît être la première qui ait mérité d'y entrer. Des sectes dans lesquelles elle s'est partagée.</p>
<p>La religion mahométane l'a suivie; car les autres sectes dont j'ai parlé plus haut sont trop peu connues, et ont produit des effets trop éloignés de nous pour offrir une grande matière à nos spéculations. En général même, autant que je puis me rappeler leur histoire, ces sectes n'ont guère produit de révolutions, et elles ont été plus occupées à se défendre contre l'oppression des mahométans qu'à s'établir dans de nouveaux pays et à s'y troubler mutuellement. Le zèle, dont sans doute elle ont été animées autrefois dans les temps ignorés de leur établissement, puisqu'elles ont pu s'établir, a fait depuis longtemps place à l`indifférence, et leurs prêtres sont plus occupés à jouir qu'à acquérir.</p>
<p>Comment la religion a commencé à influer sur la politique intérieure et extérieure. Pourquoi le christianisme a été persécuté dans l'empire plutôt que les divinités étrangères, les sectes philosophiques et même le judaïsme. De son hétérogénéité avce les cultes établis.</p>
<p>Idée du christianisme. Comment lié au judaïsme. Comment il a étendu la sphère des bienfaits de Dieu sur toute la terre. De sa diffusion dans l'empire romain, principalement: d'abord par les Juifs, ensuite par les Gentils, qu'il a regardés comme égaux aux Juifs.</p>
<p>Premier rapport des religions avec la politique; la persécution à laquelle elles sont exposées dans leur établissement. Effets de la persécution quand elle est destructive, et quand elle ne l'est pas; qu'elle est aux religions ce qu'est la taille aux arbres, qu'elle les détruit ou les fortifie. Idée des progrès des religions et des effets de la persécution sur elles relativement à ces progrès. Différence à cet égard d'une secte qui s'élève et d'une secte qui tombe. Difficulté d'arrêter l'une et l'autre dans son élévation ou dans sa chute.</p>
<p>Que la religion chrétienne a dû sa principale force à la vérité de ses dogmes comparée à l'absurdité du paganisme. Le fanatisme est une passion, et toutes les passions sont fondées sur la manière dont leurs objets agissent sur les hommes. Si on aime mieux une femme qu'une autre, elle a, par rapport à son amant, avantage sur sa rivale. En fait d'opinion, c'est toujours la raison qui fonde cette passion. Il est vrai que la crainte et l'espérance l'augmentent beaucoup; ajoutons l'orgueil. Que les religions, même sous les dehors du fanatisme, se combattent par de raisons; que ces raisons ne tirent pas toujours leur force de la verité, mais des opinions déjà établies et des préjugés. Que, lors même qu'elles agissent par la force de la vérité, ce n'est pas toujours par une vérité absolue, mais par une vérité relative qui se trouve d'erreur à erreur. Progrès du christianisme et son adoption par Constantin.</p>
<p>Deuxième rapport de la religion à la politique intérieure. Des secours mutuels que se prêtent la religion et le gouvernement. Mélange des deux puissances, ou plutôt usurpations mutuelles de l'une et de l'autre; de là l'intolérance réduite en système et incorporée à la législation et à la constitution des États. Intolérance entre les parties d'un même peuple. Intolérance de peuple à peuple, d'où sont venues les guerres de religion.</p>
<p>Troisième rapport de la religion à la politique. Que l'intolérance est plus ou moins incorporée aux religions. Différence à cet égard entre le christianisme et le mahométisme. Intolérance du mahométisme différente de celle des chrétiens. Que les effets de l'intolérance varient suivant que les religions sont plus ou moins éloignées de leur origine et de leur première ferveur, et aussi suivant que les esprits sont plus ou moins éclairés.</p>
<p>Des differentes sectes dans une même religion; du gouvernement ecclésiastique et du lien qu'il peut former entre plusieurs États indépendants.</p>
<p>Trois sortes de guerres de religion: guerres faites par les mahométans et par les chevaliers teutoniques pour étendre leur religion. Guerres de religion défensives.— Croisades pour venger les lieux saints et pour rétablir la religion dans les lieux où elle était établie. — Enfin guerres pour défendre la liberté des consciences contre les persécutions; guerre des protestants.— Influence de ces trois intérêts dans la politique. Liaison qu'établissent la diversité et la similitude des religions entre les sujets persécutés d'un prince et les princes voisins de la même religion. Moyens de remédier à ce mal.</p>
<p><ins>Intolérance et tolérance</ins>. Fausseté, injustice et inutilité du premier système. Nécessité de la tolérance; examen des différentes manières d'établir la tolérance; fausses idées à ce sujet; que nulle part on n'en a suivi toutes les conséquences; dangers de ces conséquences. Que la tolérance doit être sans bornes même par rapport à l'exercice public, et qu'alors seulement la religion n'entrera plus dans la géographie politique, si ce n'est que parce qu'un État gouverné suivant le principe de la tolérance sera plus riche et plus peuplé qu'un autre.</p>
<p>Pourquoi le christianisme s'étendit dans l'empire romain; de ses progrès chez les barbares Des disputes de l'arianisme; de leurs effets par rapport aux barbares.</p>
<p>tat de l'Empire depuis Constantin jusqu'à sa chute; ravages des barbares; de leurs causes; de leurs premiers mouvements sous Gallien. Faute des Romains de les avoir introduits dans leurs troupes.</p>
<p>Faiblesse des empereurs qui achetèrent la paix. Fausse idée du président de Montesquieu sur la trop grande population du Nord, et sur le refoulement des peuples par les conquêtes des Romains.</p>
<p>Époque de Julien; faute qu'il fit d'attaquer les Perses. L'Empire est ouvert des deux côtés. Des empereurs suivants. De la division absolue de l'Empire sous Arcadius et Honorius. Cours des inondations des barbares dirigé vers l'Occident. Leurs établissements.</p>
<p>Ils se chassent les uns les autres, se fixent, se partagent l'Empire. Inondation passagére des Huns; réflexions sur l'état de barbarie. Alors la géographie politique se retrouve, et les bornes anciennes des nations se rétablissent. De la nation des Francs. Idée des ligues formées par les Germains pour défendre leur liberté. Pourquoi l'établissement des Francs dans les Gaules fut plus solide. Qu'ils réunirent une domination étendue dans la Germanie avec la possession des Gaules. Par là, ils conservèrent l'égalité du courage avec les autres Germains qu'ils domptaient par la supériorité de la puissance; le séjour des Gaules n'énerva point la nation. La puissance française devint le rempart de l'Europe, assura l'établissement des nations, et contribua même indirectement aux progrès des armes de Justinien en Italie et en Afrique contre les conquérants amollis de ces contrées.</p>
<p><ins>Septième mappemonde politique</ins>.—L'Europe partagée entre les barbares immédiatement avant le règne de Justinien. État de l'empire grec; les contrées de la Germanie, possédées par la nation maîtresse de la Gaule, deviennent un poids dans la balance des nations. Politique de Clovis et de Théodoric. Effets des disputes de l'arianisme dans la conquête des Francs. Idée du gouvernement intérieur de ces différents États. Des partages: de la dispersion des nations conquérantes dans l'intérieur des pays conquis, et de la forme du gouvernement qui en est résulté.</p>
<p>Idée de l'aristocratie. Considérations générales sur le mélange des nations: barbares avec barbares; barbares avec policés. Effets de la rencontre de ces différentes nations: Romains, Gaulois, Francs. Leur mélange.</p>
<p>Nouveau point de vue sur la religion chrétienne qui, cessant d'être incorporée à un seul empire, devient un lien commun entre plusieurs États, et rend le siège, Rome, un point de ralliement entre les nations. Autorité des êveques plus grande, et pourquoi plus grande dans l'Eglise et dans l'État.</p>
<p>Comment les êveques ont part au gouvernement et deviennent seigneurs, parce que le gouvernement devenant aristocratique, les êveques durent y rentrer, attendu qu'ils tenaient un rang considérable dans la nation. Examiner comment un gouvernement fondé par la voie des conquêtes est devenu aristocratique en Europe et non pas despotique.</p>
<p>Du gouvernement des Germains. Différence de leurs conquêtes avec celles des Tartares dans la haute Asie. Cette différence vient: 1 des mœurs mêmes des Germains et de la liberté qu'ils conservaient; différence entre une nation guerrière et une armade de soldats; 2 de l'état des pays conquis déjà gouvernés par des lois supérieures à tout ce que les barbares pouvaient imaginer de plus beau; 3 du partage des terres fait par les conquérants, qui augmenta la puissance des particuliers à proportion de celle de leurs chefs, et ne laissa à ceux-ci d'autre force que celle des vassaux, sans leur laisser le pouvoir de les opprimer; 4 de l'influence que prit la religion parmi ces nations.</p>
<p>État du commerce à cette époque; décadence des villes et du commerce intérieur, faiblesse de la marine. Route de la circulation générale sur le globe.</p>
<p>Réflexions sur la nation juive et sur le rôle qu'elle commençait à jouer dans le commerce d'Alexandrie, de Constantinople, et du reste de l'Europe.</p>
<p>Misère de l'Italie.</p>
<p>Réflexions sur les deux principales puissances du monde: les Francs et l'empire grec. Guerres d'Italie et d'Afrique.</p>
<p>Comparaison des deux puissances; leurs avantages et leur désavantages jugés par les principes de la géographie politique et par les défauts de leur gouvernement intérieur.</p>
<p>De la Perse; des Arabes; des peuples du nord relativement l'empire grec.</p>
<p>Naissance de Mahomet. Réflexion sur la situation des Arabes sur la liberté qu'ils avaient conservée; sur la sécurité que leur désunion et leur pauvreté avaient toujours inspirée aux Romains; sur les avantages de leur situation pour faire des conquêtes ! ...(2)</p>
<p>Ce n'est pas une chose neuve de dire que les Pays-Bas et l'Italie ont ruiné l'Espagne.</p>
<p>Examiner si les princes espagnols n'ont pas pensé plusieurs fois à démembrer les Pays-Bas de leur monarchie; mais celui qui aurait proposé à Philippe II de les céder à quelque prince, eût été regardé comme un fou, et je ne sais de quel œil la reine de Hongrie regarderait aujourd'hui un homme qui lui ferait la même proposition. Il est du moins bien sûr que les Anglais, en faisant la guerre de 1700, ne croyaient pas rendre à la France et à l'Espagne le service le plus signalé: 1 en fomentant leur union; 2 en ôtant à la France un ennemi puissant; 3 en forçant l'Espagne à s'occuper de son véritable intérêt, la marine.</p>
<p><strong>Turgot</strong></p>
<p>(*) Cette édition électronique a été réalisée en reproduisant sans aucune variation le texte contenu dans les Oeuvres de Turgot; et Documents le concernant. Avec biographie et notes par Gustave Schelle, Paris, Librairie Félix Alcan, 1913, vol. I, pp. 327-331. Les notes au texte sont par Schelle.</p>
<p>(1) Date incertaine. D'après Du Pont, Turgot commença ce travail et les suivants. étant à la Sorbonne ou peu de temps aprés en être sorti. Celui qui regarde la Géographie politique aurait été fait pour un condisciple qui avait le dessein de composer un ouvrage sous ce titre: le condiseiple fut ellrayé de la manière étendue dont Turgot voulait que le sujet fût traité: Turgot en laissait la seconde partie d'une suite de travaux dont le premier aurait été l'Histoire Universelle et le dernier aurait embrasse toute la Science du gouvernement (Oeuvres de Turgot, I, 255, )</p>
<p>(2) Lacune dans le manuscrit.</p></div>
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Frontières naturelles : Discours de Danton
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2011-05-01T18:44:00+00:00
2011-05-01T18:44:00+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<div class="post-excerpt"><p>On attribue souvent la théorie des frontières naturelles à Vauban : pourtant, ce n'est pas le cas, elle date en fait de la révolution, et d'un bref discours de Danton que je vous donne ci-dessous, ainsi que quelques commentaires....</p>
<p><img alt="" src="http://www.histoire-en-ligne.com/IMG/jpg/doc-175.jpg" /> <a href="http://www.histoire-en-ligne.com/IMG/jpg/doc-175.jpg">source</a></p></div> <div class="post-content"><p>XI. SUR LA RÉUNION DE LA BELGIQUE A LA FRANCE (discours du 31 janvier 1793)</p>
<p><em>Ce n'est pas en mon nom seulement, c'est au nom des patriotes belges, du peuple belge, que je viens demander aussi la réunion de la Belgique. Je ne demande rien à votre enthousiasme, mais tout à votre raison, mais tout aux intérêts de la République Française. N'avez−vous pas préjugé cette réunion quand vous avez décrété une organisation provisoire de la Belgique. Vous avez tout consommé par cela seul que vous avez dit aux amis de la liberté: organisez−vous comme nous. C’était dire: nous accepterons votre réunion si vous la proposez. Eh bien, ils la proposent aujourd'hui. Les limites de la France sont marquées par la nature. Nous les atteindrons dans leurs quatre points: à l’Océan, au Rhin, aux Alpes, aux Pyrénées. On nous menace des rois!</em></p>
<p><em>Vous leur avez jeté le gant, ce gant est la tête d'un roi, c'est le signal de leur mort prochaine. On vous menace de l'Angleterre! Les tyrans de l'Angleterre sont morts. Vous avez la plénitude de la puissance nationale. Le jour ou la Convention nommera des commissaires pour savoir ce qu'il y a dans chaque commune d'hommes et d'armes, elle aura tous les Français. Quant à la Belgique, l'homme du peuple, le cultivateur veulent la réunion. Lorsque nous leur déclarâmes qu'ils avaient le pouvoir de voter, ils sentirent que l'exclusion ne portait que sur les ennemis du peuple, et ils demandèrent l'exclusion de votre décret. Nous avons été obligés de donner la protection de la force armée au receveur des contributions auquel le peuple demandait la restitution des anciens impôts. Sont−ils mûrs, ces hommes−la?</em></p>
<p><em>De cette réunion dépend le sort de la République dans la Belgique. Ce n'est que parce que les patriotes pusillanimes doutent de cette réunion, que votre décret du 15 a éprouvé des oppositions. Mais prononcez−la et alors vous ferez exécuter les lois françaises, et alors les aristocrates, nobles et prêtres, purgeront la terre de la liberté. Cette purgation opérée, nous aurons des hommes, des armes de plus. La réunion décrétée, vous trouverez dans les Belges des républicains dignes de vous, qui feront mordre la poussière aux despotes. Je conclus donc à la réunion de la Belgique.</em></p>
<p><strong>Georges Jacques Danton</strong>. (texte extrait de cette <a href="http://politique.com/livres/base-indispensables/politique/discours_civiques_danton.pdf">page</a>)</p>
<p>1/ On est de prime abord frappé par la concordance des dates : ce discours intervient 10 jours à peine après la mort du Roi. Ce n'est pas anodin : alors que jusque là, l'unité du pays était fondée sur le lien personnel entre le peuple et son souverain, soudainement, il faut trouver un autre fondement à l'unité nationale. Ce sera la "nation". Mais alors que le cri de "vive la Nation", lancé à Valmy en 1792, était un cri universel (puisque le roi vivait), voici qu'il va désormais falloir définir ce qu'est "être français". C'est pourquoi le discours de Danton est si important : il essaye de justifier géographiquement, naturellement, géographiquement, la qualité de la citoyenneté française.....</p>
<p>2/ Certes, des géographes du XVIII° avaient évoqué cette notion de bassin versant : on pense (grâce à cette <a href="http://www.passion-geographie.com/t888-frontiere-naturelles-frontieres-politiques">discussion</a>) à Philippe Buache ou à Turgot (voir notamment <a href="http://www.eliohs.unifi.it/testi/700/turgot/plangeo.html">cette très intéressante esquisse</a> de "Géographie politique" que je viens de découvrir...). Il reste que la postérité politique est due à Danton : c'est lui qui, politiquement, invente la frontière naturelle.....</p>
<p>3/ Il n'est d'ailleurs pas anodin que cette théorie soit évoquée au moment de justifier l'annexion de la Belgique à la France : alors, il s’agissait d'aller jusqu'au fleuve, puisque la Flandre n'existait pas en tant que telle. C'est à mettre en perspective avec la situation actuelle ou des Wallons évoquent un rattachement, tandis que des Flamands évoquent une sécession de la Belgique.... Mais aujourd’hui, ce n'est plus le facteur naturel qui joue, comme en 1793, ni même le facteur religieux, comme en 1830, mais le facteur linguistique, désormais pensé comme "central".</p>
<p>4/ A ceci prêt que comme dans bien d'autres régions d'Europe, la langue dominante au moment de la constitution nationale est parlée par une classe sociale et des urbains, et une autre langue (ou un patois) par une classe inférieure et souvent rurale.... Autrement dit, l'unité linguistique (hussards noirs de la III° république en France, Francophonie wallone en Belgique) est une création extrêmement moderne...... et non un simple héritage qui justifierait tout..... Autrement dit encore, l'unité est d'abord un acte politique, une volonté.</p>
<p>Mais il faut peut-être un peu d'audace pour dire de telles choses. De l'audace ? encore ? toujours ?</p>
<p>ça me rappelle quelqu'un....</p>
<p>O. Kempf</p></div>
http://www.egeablog.net/index.php?post/2011/04/30/Discours-Danton#comment-form
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De la différence d’application entre Sun Tzu et Clausewitz (Y. Couderc)
urn:md5:e30871a493bb2330c9f7df55d434d8ba
2011-04-04T22:33:00+00:00
2011-04-04T22:33:00+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<div class="post-excerpt"><p>Le Chef de bataillon Yann Couderc, promotion Général de Gaulle de l'Ecole de guerre, m'envoie ce texte très intéressant : Sun Tzu est très en vogue pour des tas de stratégies civiles, Clausewitz n'est en vogue que pour les stratégies militaires. La question posée est : pourquoi ?</p>
<p><img alt="sun_tzu.jpg" src="http://www.egeablog.net/dotclear/public/.sun_tzu_m.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" title="sun_tzu.jpg, mar. 2011" /></p>
<p>Et ce que j'apprécie beaucoup dans cet article, c'est qu'après une enquête scrupuleuse de toutes les raisons possibles de cette différence, l'auteur n'est finalement convaincu par aucune, et le dit. Ce qui nous change agréablement des articles où l'on nous assène des certitudes. Merci donc à lui.</p>
<p>O. Kempf</p></div> <div class="post-content"><p>Sun Tzu et Clausewitz sont communément considérés en Occident comme étant les deux plus grands stratèges de l’Histoire. Cependant, leur traitement est totalement différent.</p>
<p>Qui n’a jamais remarqué l’un des ouvrages appliquant Sun Tzu au monde des affaires ? Si seulement quatre sont disponibles en français , les références anglo-saxonnes foisonnent. Plus encore, loin de se restreindre au seul univers de l’entreprise, L’art de la guerre est également transposé aux domaines les plus insolites. En français, les seuls thèmes iconoclastes traités sont la médecine, la séduction et le développement personnel des femmes ; mais en anglais, sont abordés des thèmes aussi inattendus que la vie de couple, l’éducation des enfants, la gestion du budget familial, le golf, la prévention criminelle ou même le flirt !</p>
<p>Si les interprétations de Sun Tzu dans les domaines autres que le conflit armé sont légion, il n’existe en revanche aucun ouvrage français étudiant L’art de la guerre d’un point de vue strictement militaire ! Quelques livres ont été écrits en langue anglaise sur le sujet, mais ils s’avèrent cependant peu nombreux .</p>
<p><ins>Étudions maintenant le cas de Clausewitz.</ins></p>
<p>A contrario de Sun Tzu, le nombre d’articles et de livres étudiant le stratège prussien sur le strict plan militaire est impressionnant. Dans son ouvrage Clausewitz en France , Benoît Durieux n’en recense pas moins de 500 !</p>
<p>A l’opposé, les applications de Clausewitz au monde de l’entreprise sont très réduites. Si quelques ouvrages de ce type existent en allemand, seuls deux sont parus en français et un seul en anglais . Quant à des applications à d’autres domaines de la vie courante, il n’y en a tout simplement pas !</p>
<p>Partant du principe que la quantité de livres écrits, quelle qu’en soit la qualité, représente un indicateur assez fiable de l’activité de recherche dans le domaine, on constate donc bien que le traitement de Sun Tzu et Clausewitz s’avère totalement opposé.</p>
<p>Aussi sommes-nous en droit de nous demander pourquoi une telle opposition symétrique existe entre les deux plus grands classiques de la stratégie militaire : Pourquoi Clausewitz est-il plus étudié par les militaires que Sun Tzu ? Et pourquoi L’art de la guerre n’est-il pas pratiqué comme un véritable manuel militaire ?</p>
<p>Cet article ne prétend pas donner de réponse définitive à ces questions. Il aspire seulement à ouvrir le débat en alimentant la réflexion sur le sujet.</p>
<p><ins>Une stratégie philosophique ?</ins></p>
<p>Une explication quasi systématiquement avancée pour justifier que l’on détourne Sun Tzu de son discours initial sur la guerre est que son traité se place au niveau des constantes psychologiques du comportement humain. On lui attribue en effet un contenu purement philosophique pouvant inspirer de manière générale la conduite des individus ou des groupes.</p>
<p>Pour Hervé Coutau-Bégarie , Sun Tzu traite de stratégie selon une méthode classifiée de « philosophique » : elle part des concepts pour donner lieu à un enchaînement logique de propositions. Cette méthode abstraite cherche plus à penser la guerre qu’à donner les techniques pour la faire. Comme le dit Sun Tzu, « un général ne cherche pas à rééditer ses exploits, mais s’emploie à répondre par son dispositif à l’infinie variété des circonstances. » La pensée philosophique de Sun Tzu est en fait la transposition au domaine de la guerre des préceptes généraux d’une sagesse qui doit s’appliquer dans tous les secteurs de la vie sociale. D’où des maximes qui surprennent le lecteur occidental imprégné d’une pensée manichéenne opposant radicalement l’Ami à l’Ennemi, telle l’injonction de toujours laisser une possibilité de fuite à l’armée adverse encerclée. Un tel précepte ne se justifie en effet que par une conception de la guerre qui n’a pas pour but la conquête ou le pillage, mais le retour à un juste ordre des choses.</p>
<p>Il ne paraitrait dès lors pas absurde de chercher à savoir si une méthodologie qui aurait prouvé son efficacité dans le monde militaire ne pourrait pas être transposée dans d’autres domaines de la vie sujets à des confrontations. Comme l’avait définit le général Beaufre , la stratégie est en effet « l’art de la dialectique des volontés employant la force pour résoudre leur conflit ».</p>
<p>Pour intéressante que puisse paraître cette explication, elle ne nous semble cependant pas satisfaisante. En effet, Clausewitz correspond tout autant à la définition de stratégie philosophique que Sun Tzu. Pour Hervé Coutau-Bégarie, il en est d’ailleurs « le modèle indépassable » . Or le général prussien n’a, à quelques exceptions près, été décliné dans aucune discipline non militaire.</p>
<p><ins>Une simple question de nombre de pages ?</ins></p>
<p>Pour expliquer que Sun Tzu soit transposé dans les domaines les plus divers et pas Clausewitz, l’idée communément répandue est que L’art de la guerre est très facile à lire et a donc été lu par tous, à la grande différence son homologue prussien.</p>
<p>Si l’on prend le texte seul, sans note, L’art de la guerre ne fait que quelques dizaines de pages. Et le style est simple, la lecture ne pose aucune difficulté. La comparaison avec le pavé aride que représente De la guerre est flagrante. Alors que le style de Clausewitz est particulièrement rêche, L’art de la guerre est rempli d’aphorismes en apparence très faciles à saisir. Selon Hervé Coutau-Bégarie, « le seul stratégiste qui ait davantage été traduit que Clausewitz est Sun Zi. Encore sa vogue ne tient-elle qu’en partie à sa valeur intrinsèque : elle s’explique aussi par le prestige de l’ancienneté – 2400 ans – et plus encore par sa brièveté. Les versets de Sun Zi, gloses exclues, ne représentent en effet qu’une vingtaine de pages et ils semblent d’une approche si facile que le lecteur le plus paresseux peut en tirer sans peine de quoi briller en société. Clausewitz, lui, a écrit une somme de 800 pages imprégnées d’idéalisme allemand : c’est long, c’est difficile et pour dire le fin mot de l’affaire, c’est de prime abord très ennuyeux. »</p>
<p>Un indicateur inattendu de la volonté du public d’aborder ces ouvrages peut être trouvé dans le recensement des applications existant sur iPhone respectivement consacrées à Sun Tzu et à Clausewitz : 80 pour Sun Tzu, deux pour Clausewitz ! La comparaison est sans appel.</p>
<p>Mais là encore, cette explication nous laisse sur notre faim : si la rudesse d’abord de Clausewitz devait conduire à une faible lecture, comment alors expliquer les 500 références françaises évoquées en introduction ?</p>
<p><ins>Une différence de profondeur ?</ins></p>
<p>« Les essais de Sun Tzu sur L’art de la guerre constituent le plus ancien des traités connus sur ce sujet, mais ils n’ont jamais été surpassés quant à l’étendue et à la profondeur du jugement. Ils pourraient à juste titre être désignés comme la quintessence de la sagesse sur la conduite de la guerre. Parmi tous les théoriciens militaires du passé, Clausewitz est le seul qui lui soit comparable. Encore a-t-il vieilli davantage et est-il en partie périmé, bien qu’il ait écrit plus de 2000 ans après lui. Sun Tzu possède une vision plus claire, une pénétration plus grande et une fraîcheur éternelle. » Ces propos sont de Liddell Hart . Constitueraient-ils une explication à notre problème ?</p>
<p>Ces quelques lignes qui introduisent la traduction anglaise très largement répandue de Samuel Griffith de L’art de la guerre méritent en réalité d’être relativisées. Ce tropisme anti-clausewitzien n’était en effet pas partagé par tous les stratégistes anglo-saxons, et Liddell Hart lui-même a d’ailleurs par la suite grandement atténué sa position à l’égard de Clausewitz. Hervé Coutau-Bégarie adopte même un point de vue tout-à-fait contraire : « Clausewitz a produit une théorie de la guerre articulée dans ses moindres détails, donc infiniment plus profonde que les simples pistes de réflexion proposées par Sun Zi. »</p>
<p>Face à ces deux positions, il est donc permis de considérer que tant Sun Tzu que Clausewitz présentent une grande profondeur, largement suffisante pour justifier ne serait-ce qu’une exégèse militaire. Or ce n’est pas le cas pour Sun Tzu.</p>
<p>L’argument de la différence de profondeur ne se révèle donc pas valide.</p>
<p><ins>Un texte ayant moins bien vieilli que l’autre ?</ins></p>
<p>« Clausewitz, homme de son temps, n’envisage la guerre que comme un conflit entre des Etats. Il ne lui vient pas à l’idée qu’elle puisse opposer un Etat à une nébuleuse terroriste, comme aujourd’hui. De fait, ses enseignements doivent être réinterprétés, réadaptés en profondeurs. Quand on est confrontés à un conflit asymétrique contre un groupe non-territorialisé, la dimension politique est prépondérante. » Ce propos d’Hervé Coutau-Bégarie laisserait penser que Clausewitz a mal vieilli et n’est plus adapté aux conflits contemporains. Or le stratégiste britannique Hew Strachan répond : « Clausewitz garde sa valeur interprétative précisément parce que son approche n’a rien de définitif, parce qu’il traite de nombreux thèmes et non d’un seul et parce qu’il savait bien que si une génération peut privilégier l’un d’entre eux, la suivante peut en préférer un autre. » Benoît Durieux conclut : « Clausewitz ne fournit pas de recette pour gagner une guerre, ni après le 11 septembre ni avant. Il constitue plutôt un outil extrêmement puissant qui nous permet de comprendre la conflictualité. » C’est ainsi que les réinterprétations ont finalement permis de transposer les idées de Clausewitz à toutes les nouveautés stratégiques telles l’aviation ou les « opérations autres que la guerre » (qui en fait relèvent des militaires).</p>
<p>Nous nous retrouvons donc à notre point de départ, puisque les deux traités présentent une importante plasticité et peuvent ainsi être interprétés à l’envie.</p>
<p>Or Clausewitz ne l’est pas.</p>
<p><ins>Une explication par morceaux ?</ins></p>
<p>Une dernière tentative d’explication peut être avancée : le bond économique que vit la Chine est source d’intérêt pour les Occidentaux ; ces derniers pourraient alors paraître désireux de comprendre la stratégie de leur adversaire économique afin de la contrer, voire l’adopter. La toute première adaptation chinoise de Sun Tzu au monde de l’entreprise date d’ailleurs de 1984, coïncidant ainsi avec la croissance économique chinoise des deux dernières décennies.</p>
<p>Cet argument n’amène pas de contradiction immédiate. Il convient cependant de noter que les Japonais n’ont pas attendu les années 90 pour décliner Sun Tzu au monde des affaires : en 1963 paraissait déjà une exégèse de Sun Tzu hors du champ strictement militaire .</p>
<p>Cette explication pourrait donc s’avérer moins critiquable que les précédentes, mais elle n’explique pour autant pas la déclinaison de L’art de la guerre à tous les domaines iconoclastes tels ceux évoqués en introduction ni la désaffection pour l’étude militaire de Sun Tzu.</p>
<p>Concernant la déclinaison aux domaines iconoclastes, un deuxième volet d’explication pourrait provenir du fait que l’enseignement de Sun Tzu venant de Chine, il bénéficie dès lors d’un parfum d’exotisme permettant de dédouaner les interprétations les plus farfelues de son traité. Clausewitz en revanche étant Occidental, les extrapolations qui en sont tirées seraient plus susceptibles d’être contredites par des experts du stratège prussien. Comme le souligne Hervé Coutau-Bégarie, « même si la pensée allemande n’est pas toujours très accessible à un esprit français, Clausewitz nous est au fond plus proche que Sun Zi. »</p>
<p>Peut-être convient-il cependant de noter que les avatars de Sun Tzu sont également particulièrement développés en Chine. Dans ce pays, on ne compte plus les adaptations de L’art de la guerre aux domaines les plus divers tels le sport, le jeu ou la bourse. Or, excepté son ancienneté, l’exotisme de Sun Tzu est très relatif pour un Chinois…</p>
<p>Concernant la quasi absence d’études occidentales spécifiquement militaires sur Sun Tzu, par opposition à la foison de productions relatives à Clausewitz, aucune explication ne paraît en revanche valable. On l’a vu, L’art de la guerre présente une véritable profondeur stratégique. Qu’elle soit inférieure ou supérieure à celle de Clausewitz ne peut expliquer un tel passage du tout au tout en matière d’exégèse.</p>
<p>Afin d’éclairer notre réflexion, il peut être utile de préciser qu’en Asie, un seul pays étudie réellement L’art de la guerre d’un point de vue militaire : la Corée du Sud . Au Japon, pourtant premier pays à avoir appliqué Sun Tzu hors de ses frontières, seul un livre semble avoir été publié sur ce thème depuis au moins les cinquante dernières années . Ce mutisme nippon peut en partie s’expliquer par l’interdiction qui avait été faite aux Japonais de toute activité militaire au sortir de la seconde guerre mondiale, atrophiant de fait toute réflexion relative à l’emploi des armées. Enfin, si les Vietnamiens ont grandement étudié L’art de la guerre par le passé, plus rien n’a été produit depuis l’arrivée des Français au XIXe siècle.</p>
<p>Au final, l’auteur de ces lignes n’est donc que modérément convaincu par l’explication « par morceaux ». La question de l’opposition symétrique dans les transpositions des traités de Clausewitz et Sun Tzu reste ainsi ouverte.</p>
<p>Y. Couderc</p></div>
http://www.egeablog.net/index.php?post/2011/03/30/De-la-diff%25C3%25A9rence-d%25E2%2580%2599application-entre-Sun-Tzu-et-Clausewitz-%2528Y.-Couderc%2529#comment-form
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Renan et le territoire
urn:md5:38bd524575c51ab823f08b0b1d6efad2
2010-12-10T20:29:00+00:00
2010-12-10T20:29:00+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<div class="post-excerpt"><p><strong>Yves Lacoste</strong> (<a href="http://www.bibliomonde.com/livre/vive-nation-5200.html">Vive la nation</a>) le constate : la définition de la Nation donnée par <strong>Renan</strong> ne comporte aucune allusion au territoire :</p>
<p><img alt="" src="http://www.philolog.fr/documents/renan-ernest_3-242x300.jpg" /></p>
<p>"<em>Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis</em>".</p>
<p>Certes, le texte ...</p></div> <div class="post-content"><p>... démontre auparavant que le critères habituellement retenus ne conviennent pas : la race (ou l'ethnie), la langue, la religion, la communauté des intérêts, ni même la géographie ne lui donnent satisfaction. Remarquons toutefois que pour la géographie, <strong>Renan</strong> écrit ceci : "<em>La géographie, ce qu'on appelle les frontières naturelles, a certainement une part considérable dans la division des nations. La géographie est un des facteurs essentiels de l'histoire</em>". Et plus loin : "<em>Non, ce n'est pas la terre plus que la race qui fait une nation. La terre fournit le substratum, le champ de la lutte et du travail ; l'homme fournit l'âme</em>."</p>
<p>Il y a une erreur de perspective. Elle est double.</p>
<ul>
<li>La première tient à la confusion entre géographie et théorie des frontières naturelles, théorie qui, on le sait, ne date que de la Révolution Française, d'ailleurs pour énoncer un projet géopolitique.</li>
<li>La seconde tient à la confusion entre terre et territoire : la terre considérée comme un substrat neutre, sans s'apercevoir qu'elle est devenue "territoire" c'est-à-dire polarisée par les populations qui y vivent et les réseaux qui l'irriguent.</li>
</ul>
<p>Et pourtant, cette définition constitue incontestablement un projet géopolitique, justement dans sa volonté de nier la dimension spatiale : son "universalité" est à comprendre au sens propre, elle est valable sur tout l'univers. Mais elle ne dit rien de la raison des séparations entre peuples, ce qui constitue sa principale limite. Bel idéal, aussi élevé probablement que l'idéal kantien de <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?pages/Kant-%3A-projet-de-paix-perp%C3%A9tuelle-(en-anglais)">paix perpétuelle</a> (voir <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2010/01/31/Vers-la-paix-perp%C3%A9tuelle%2C-d%E2%80%99Emmanuel-Kant">billet</a>), elle manque cependant d'un certain réalisme qui puisse la rendre opératoire. Autrement dit, elle appartient au mythe plus qu'à la loi, à la raison pure plus qu'à la raison pratique.</p>
<p>Réf : <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?pages/Renan-%3A-qu-est-ce-qu-une-nation">Qu'est-ce qu'une nation ?</a>.</p>
<p>O. Kempf</p></div>
http://www.egeablog.net/index.php?post/2010/12/10/Renan-et-le-territoire#comment-form
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In memoriam Pierre Gallois
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2010-08-24T10:59:00+00:00
2010-08-24T10:59:00+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<div class="post-excerpt"><p>Je réagis immédiatement au décès de Pierre Marie Gallois, sans avoir eu le temps d'effectuer les recherches nécessaires à une rubrique nécrologique plus complète (qu'on trouvera aisément ailleurs) : je parlerai donc avec le seul coeur et les seuls souvenirs.</p>
<p><img alt="pierre_marie_gallois.jpg" src="http://www.egeablog.net/dotclear/public/.pierre_marie_gallois_m.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" title="pierre_marie_gallois.jpg, août 2010" /></p></div> <div class="post-content"><p>On le connait bien sur comme le penseur de la dissuasion ("stratégie de l'âge nucléaire"). Parmi les quatres "généraux de l'apocalypse", peut-être était-il le moins conceptuel, celui qui pratiquait la pensée la plus concrète, si je puis dire.</p>
<p>Je pense évidemment à son parcours, aux lances brisées avec les uns et les autres, à cette indéfectible qualité de celui qui ne transige pas avec l'exigence intellectuelle et la vérité qui l'accompagne, au risque de se faire des ennemis.</p>
<p><img alt="" src="http://ecx.images-amazon.com/images/I/41DP8DMCEGL._SL500_AA300_.jpg" /></p>
<p>Mais égéa voudrait surtout rendre hommage à un aspect un peu plus méconnu que le penseur du nucléaire : je veux parler du penseur de la géopolitique, à cause de son ouvrage fondateur "<a href="http://www.amazon.fr/G%C3%A9opolitique-puissance-Pierre-Marie-Gallois/dp/2259023940/ref=sr_1_7?ie=UTF8&s=books&qid=1282643798&sr=8-7">géopolitique</a>". Je confesserai ici que c'est à la lecture de ce livre que je me suis réellement tourné vers cette discipline, car j'y ai trouvé des débats et des interrogations qui me paraissaient bien plus convaincants que d'autres manuels plus récitatifs, ou descriptifs. Je ne suis pas d'accord avec tout, mais au moins étais-je en présence d'un esprit curieux et utilisant sa matière grise.</p>
<p>Qu'il repose en paix.</p>
<p>O. Kempf</p></div>
http://www.egeablog.net/index.php?post/2010/08/24/In-memoriam-Pierre-Gallois#comment-form
http://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/739
in memoriam Claude Lévi-Strauss
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2009-11-10T20:40:00+00:00
2009-11-10T20:40:00+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<div class="post-content"><p><strong>Lévi-Strauss</strong> est donc décédé la semaine dernière. Le temps a un peu passé, je reviens donc sur l'auteur sur lequel j'avais finalement pas mal écrit.</p>
<p><img alt="" src="http://blog.pucp.edu.pe/media/1393/20081129-Claude_Levi_Strauss.png" /> (image extraite de ce <a href="http://www.marocharim.com/2009/11/05/give-a-man-a-fish/">site</a>).</p>
<p>Tout d'abord pour constater que je ne le connaissais pas (<a href="http://egea.over-blog.com/article-21493768.html">ici</a>). Il répondait à quelques considérations théoriques sur les éventuels rapports entre géopolitique (et notamment la notion de représentation) et structuralisme : voir <a href="http://egea.over-blog.com/article-21337109.html">ici</a>. Mais aussi sur les rapports que je devinai entre géopolitique et ethnologie (<a href="http://egea.over-blog.com/article-25285862.html">ici</a>)</p>
<p>Et puis j'ai lu <strong>Tristes Tropiques</strong> (voir <a href="http://egea.over-blog.com/article-22496901.html">ici</a>) et raisonnai (résonnai) donc sur le rapport entre l'ethnologue et le géopolitologue (<a href="http://egea.over-blog.com/article-22666476.html">ici</a>). Le dernier paragraphe dit ceci : "<em>Enfin, même si Lévi-Strauss ne le dit pas dans ce passage : pourquoi est-ce l’Occident qui a inventé l’ethnologie ? et pourquoi le même Occident a-t-il inventé, aussi, la géopolitique ? Comment la géopolitique concilie-t-elle cette « position privilégiée conférée à notre société » et la « prétention au titre de science » . En fait, la géopolitique n’est-elle pas d’abord un loisir d’occidental ? ou, pour aller plus loin que <strong>Roger-Pol Droit</strong>, un des critères de l’Occident, un effet de son doute permanent ?</em> "</p>
<p>On trouvera enfin une <a href="http://egea.over-blog.com/article-26299136.html">fiche de lecture</a> sur "<strong>Race et histoire</strong>", elle aussi stimulante.</p>
<p>Il faudrait bien sûr que je lise les ouvrages ultérieurs, et plus théoriques, sur la structure ou la pensée sauvage.</p>
<p>Car au fond, on devine chez <strong>Lévi-Strauss</strong> un <ins>goût pour la permanence et la similitude</ins>, au-delà des différences d'apparence : or, cette démarche me paraît similaire à celle de la géopolitique qui évite les considérations de morale et de "juste ou mal" pour discerner les logiques des acteurs, et ce qui les motive.</p>
<p>Faut-il vraiment insister auprès de tous les candidats à un concours cette année de la nécessité de lire un ouvrage de CLS (et d'y réfléchir) tout comme il ne sera pas inutile d'avoir lu <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2009/10/27/in-memoriam-%3A-Pierre-Chaunu">Chaunu</a>.</p>
<p>Ainsi donc, au-delà des effets de mode, et parce que <strong>Lévi-Strauss</strong> est plus intéressant que ses disciples et que les structuralistes, EGéA ne pouvait s'abstenir d'évoquer la mémoire de ce grand homme.</p>
<p>O. Kempf</p>
<p>NB Suite à la remarque acerbe d'un commentateur, j'ai bien évidemment corrigé la faute d'orthographe que j'avais laissé échapper.... et qui n'était pas voulue et ne revêtait aucune signification cachée. Honni soit qui mal y pense. J'ai publié suffisamment de billets où je disais du bien de CLS pour qu'on ne vienne pas me chercher des poux.</p></div>
http://www.egeablog.net/index.php?post/2009/11/10/in-memoriam-Claude-L%25C3%25A9vy-Strauss#comment-form
http://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/379
Portrait de G. Chaliand
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2009-09-03T22:00:00+00:00
2009-09-03T22:00:00+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<div class="post-content"><p>On lira avec intérêt le <a href="http://www.lemonde.fr/archives/article/2009/09/03/gerard-chaliand-arpenteur-des-guerres_1235374_0.html">portrait</a>, écrit dans le Monde de ce soir, de Gérard Chaliand.</p>
<p><img alt="" src="http://medias.lemonde.fr/mmpub/edt/ill/2009/09/03/h_9_ill_1235269_bb96_chaliand.jpg" /></p>
<p>La <a href="http://www.amazon.fr/s/ref=nb_ss?__mk_fr_FR=%C5M%C5Z%D5%D1&url=search-alias%3Daps&field-keywords=g%E9rard+CHaliand&x=17&y=22">bibliographie</a> impressionnante de notre homme en fait un des maîtres français de la stratégie et de la géopolitique. On se souvient particulièrement de son "<a href="http://www.amazon.fr/Atlas-strat%C3%A9gique-G%C3%A9rard-Chaliand/dp/2213012040/ref=sr_1_14?ie=UTF8&s=books&qid=1252011261&sr=8-14">atlas stratégique</a>" publié en 1983 et qui révolutionnait, déjà, le sujet : c'était le premier à proposer des cartes "vues d'ailleurs" et des représentations du monde. D'autant plus intéressant qu'il avait un parcours différent de l'autre école, celle d'<strong>Hérodote</strong> autour d'Y. Lacoste, M. Foucher et B. Giblin.</p>
<p>S'il s'est consacré, ces dernières années, aux guérillas, son prochain opus traitera de la géopolitique des empires : on l'attend avec impatience....</p>
<p>O. Kempf</p></div>
http://www.egeablog.net/index.php?post/2009/09/03/POrtrait-de-G.-Chaliand#comment-form
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Galula : Conditions géographiques de l'insurrection
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2009-04-14T20:54:00+00:00
2009-04-14T20:54:00+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<div class="post-content"><p>Galula, la "perle de Petraeus", est donc <strong>LA</strong> référence des COIN. Qu'a-t-il dit des conditions géographiques de cette guerre nouvelle ? on est là dans la géostratégie (plus que dans la géopolitique au sens strict), mais il m'a paru de vous faire lire cet extrait de son livre.</p>
<p>O. Kempf</p>
<p><strong>CONDITIONS DE LA VICTOIRE DE L'INSURRECTION</strong></p>
<p>''La doctrine de la frontière
''
Tout pays est, pour des raisons administratives ou militaires, divisé en provinces, cantons, districts, zones, etc. Les zones de frontière constituent une source permanente de faiblesse pour le régime loyaliste quelles que soient ses structures administratives, et cette faiblesse est généralement exploitée par l'insurgé, particulièrement dans les premiers temps de l'insurrection. En se mouvant de part et d'autre de la frontière, l'insurgé réussit souvent à échapper à la pression ou, au minimum, à entraver les actions de son adversaire. Ce n'est pas par hasard que les territoires dominés par les communistes chinois incluaient la région frontière du Shensi-Kansu-Ningsia, la région militaire du Shansi-Chahar-Hopei, la région militaire du Hopei-Shantung-Honan, et la région militaire du Shansi-Hopei-Honan. Opérer le long des frontières faisait partie intégrante de leur doctrine.</p>
<p><strong>LES CONDITIONS GÉOGRAPHIQUES</strong></p>
<p>Le rôle de la géographie, qui est important dans une guerre ordinaire, peut être déterminant dans une guerre révolutionnaire. Si l'insurgé ne peut pas tirer avantage de la géographie pour compenser partiellement sa faiblesse de départ, il est sans doute condamné à l'échec. Ce qui suit est une description succincte des effets de divers aspects du terrain sur les opérations.</p>
<p>1. <em>Situation</em>. Un pays isolé par des frontières naturelles (mer, désert, chaîne de montagnes infranchissables) ou accolé à d'autres pays opposés à l'insurrection est un terrain favorable pour les loyalistes.</p>
<p>2. <em>Taille</em>. Plus un pays est grand, plus il est difficile pour son gouvernement de le contrôler. La taille d'un pays peut affaiblir même le plus autoritaire des régimes ; les difficultés actuelles des Chinois au Tibet l'attestent.</p>
<p>3. <em>Configuration</em>. Un territoire facile à compartimenter gêne l'insurgé. Ainsi, les forces loyalistes grecques n'eurent aucune difficulté à nettoyer la péninsule du Péloponnèse. Si le pays est un archipel, l'insurrection peut difficilement s'étendre, comme on l'a vu dans le cas des Philippines. Le gouvernement indonésien, qui ne peut pas être qualifié de régime fort, a cependant réussi à écraser des rébellions aux îles Moluques, à Amboina et ailleurs.</p>
<p>4. <em>Les frontières internationales</em>. La longueur des frontières, particulièrement si les pays voisins sont sympathisants de l'insurrection, comme ce fut le cas en Grèce, en Indochine, et en Algérie, favorise l'insurrection. Une proportion importante de rivages par rapport aux frontières intérieures favorise les loyalistes, car il est facile de contrôler le trafic maritime avec un arsenal de moyens techniques limité que les loyalistes possèdent ou qui lui sont généralement accessibles. Il était par exemple moins coûteux en ressources financières et humaines d'interdire les trafics le long de la côte d'Algérie que de le faire le long des frontières tunisiennes et marocaines, où l'armée française dut construire et entretenir une clôture artificielle.</p>
<p>5. <em>Le terrain</em>. Un terrain rugueux et difficile (montagnes, marais, végétation impénétrable) favorise l'insurrection. Les collines du Kiangsi, les montagnes de Grèce, la Sierra Maestra, les marais de la Plaine des Joncs en Cochinchine, les rizières du Tonkin et la jungle de Malaisie ont donné chaque fois un fort avantage aux insurgés. De même, les communistes chinois ont pu retarder l'avancée nationaliste en Mandchourie dans les périodes où les champs étaient recouverts de kaolin. À l'opposé, le FLN n'a jamais réussi à opérer de façon durable dans les vastes espaces du Sahara, les forces françaises gardant le contrôle des oasis et détectant tout mouvement et toute trace sur le sable à l'aide de la surveillance aérienne.</p>
<p>6. <em>Le climat</em>. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les climats difficiles avantagent les forces loyalistes, qui disposent généralement de meilleures installations opérationnelles et logistiques. C'est particulièrement vrai si les soldats loyalistes sont des indigènes, accoutumés aux rigueurs du climat. La saison des pluies en Indochine a plus perturbé le Vietminh que les Français. Lors des périodes d'hiver en Algérie, l'activité du FLN était réduite à rien ou presque. Pour la guérilla, qui évolue constamment en terrain ouvert, le stockage des armes et des munitions dans de bonnes conditions est un casse-tête perpétuel?'</p>
<p>7. <em>La population</em>. La taille de la population influe sur la guerre révolutionnaire au même titre que la taille du pays : plus il y a d'habitants, plus il est difficile de les contrôler. Néanmoins, ce facteur peut être compensé par la façon dont la population est répartie sur le territoire. Plus elle est dispersée, mieux c'est pour l'insurgé ; c'est la raison pour laquelle en Malaisie, en Algérie et au Sud Vietnam aujourd'hui, les forces loyalistes se sont efforcées de regrouper les
populations pour en limiter la dispersion (ce fut également le cas au Cambodge entre 1950 et 1952).Par ailleurs, une forte proportion de population rurale favorise les insurgés ; l'OAS, par exemple, fut gênée de ne pouvoir s'appuyer que sur la population européenne concentrée dans les villes, particulièrement à Alger et Oran. Le contrôle d'une ville, qui se limite souvent à celui des approvisionnements, requiert moins d'effectifs que le contrôle d'une même population éparpillée dans la campagne (à l'exception du cas du soulèvement de masse en ville, phénomène le plus souvent éphémère).</p>
<p>8. <em>L'économie</em>. Le niveau de développement et de sophistication de l'économie peut travailler pour les deux camps. Un pays très développé est très vulnérable à une campagne de terrorisme courte et intense. Mais si cette campagne se prolonge, les dégâts peuvent être tels que la population ne puisse plus les supporter et se retourne contre l'insurgé, même quand elle lui était favorable initialement. Un pays sous-développé est moins vulnérable au terrorisme mais bien plus à la guérilla, notamment parce que les loyalistes ne disposent pas d'un bon réseau de transport et de communication et parce que la population est plus autarcique. En résumé, la situation idéale pour l'insurgé serait un grand pays situé à l'intérieur des terres, en forme d'étoile aux pointes émoussées, avec des montagnes couvertes de jungle le long des frontières et quelques marais dans les plaines, dans une zone tempérée, avec une population importante, majoritairement rurale et dispersée, et une économie primitive (figure 1). Le loyaliste préférerait une petite île en forme d'étoile aux pointes aiguisées, avec quelques villes situées à gale distance les unes des autres, séparées par un désert, dans un climat tropical ou arctique, avec une économie industrielle (figure 2).</p>
<p><img alt="images_galula.jpg" src="http://www.egeablog.net/dotclear/public/.images_galula_m.jpg" title="images_galula.jpg, avr. 2009" /></p>
<p><strong>David Galula</strong></p></div>
http://www.egeablog.net/index.php?post/2009/04/14/Galula-%253A-Conditions-g%25C3%25A9ographiques-de-l-insurrection#comment-form
http://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/154
Colin Gray toujours actuel
urn:md5:5c3f9f86a30bb1ea995bc9762f1efe19
2009-01-19T21:06:00+00:00
2009-01-19T21:06:00+00:00
Olivier Kempf
Grands auteurs
<div class="post-content"><p>J'avais rendu compte du bouquin de C. Gray, cet été, et avait dit mon enthousiasme (<a href="http://egea.over-blog.com/article-21572315.html">ici</a>).</p>
<p>Je vois qu'il est cité ailleurs :
<a href="http://www.paperblog.fr/945155/lectures-estivales-1-colin-gray/">ici</a>
et <a href="http://www.paperblog.fr/968823/">ici</a></p>
<p>Vraiment, à lire...</p>
<p>O. Kempf</p></div>
http://www.egeablog.net/index.php?post/2009/01/19/Colin-Gray#comment-form
http://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/22