Egeablog - Nucléaire2023-06-28T12:43:19+02:00Olivier Kempfurn:md5:fc9dfa5de5fd9856c4c7bdd45e8ff3c1DotclearDissuasion et DOM COMurn:md5:4c9a2428fb764252165a36c63703cd102014-07-07T11:18:00+01:002014-07-07T19:04:35+01:00Olivier KempfNucléaireDissuasionDOM-COM<p>Traditionnellement, le discours sur la dissuasion nucléaire française ne mentionnait pas les DOM-COM (je mets ici de côté le cas de Mururoa qui nécessiterait un billet particulier). Il y avait plusieurs raisons à cela.</p>
<p><img src="http://www.astrosurf.com/luxorion/Physique/bombe-mururoa2.jpg" alt="" /> <a href="http://www.astrosurf.com/luxorion/quantique-bombes-atomiques-pic.htm">source</a></p> <p>Tout d'abord, une ambiguïté rhétorique instrumentalisée et permettant de conserver dans l’incertain la situation de ces territoires périphériques. Bien sûr, la doctrine des trois cercles suggérait le contraire (leur exclusion du parapluie) mais la question n'avait jamais été vraiment discutée.</p>
<p>Ensuite, une raison pratique : vouloir protéger l'ensemble des territoires extérieurs nécessitait des moyens qui étaient hors de portée. Avoir des installation portuaires nucléaires est déjà hors de prix en métropole, vouloir établir un dispositif mondial aurait incontestablement dépassé les moyens, tant en infrastructures qu'en matériels militaires et équipages associés. Toutefois, en tant que de besoin, il serait toujours possible d'envoyer quelques avions avec des missiles et en cas d'extrême besoin, un SNLE aurait pu élargir sa zone de patrouille, du moins théoriquement.</p>
<p>Enfin et surtout, la principale menace se situait sur le territoire européen qui concentrait l'attention et les efforts.</p>
<p>Les choses sont-elles en train de changer ?</p>
<p>Si l'ambiguïté demeure de mise, les deux autres facteurs peuvent évoluer. D'une part, la portée des missiles embarqués augmente l'allonge et permet donc d'inclure des puissances régionales menaçantes qui étaient autrefois hors de portée. D'autre part, la menace tend à se déplacer. Certes, la zone Antilles Guyane d'un côté et la zone Pacifique ne sont heureusement pas concernées (si on exclut la question des deux mers de Chine). Il n'en est pas de même de l'océan Indien. En effet, les acteurs de la région s'arment. L'Inde augmente ses capacités (<a href="http://www.janes.com/article/38957/india-increases-its-uranium-enrichment-programme">voir ce papier</a> qui suggère que l'Inde s'engage dans la construction d'une bombe H, ce qui est éminemment proliférant), chacun sait désormais que l'Iran est un pays du seuil, le Pakistan va réagir aux efforts indiens et Diego Garcia (île britannique devenue un appendice américain et le centre de gravité opératif de leur influence militaire dans la région) est à portée de croiseur.</p>
<p>Certes, tous ces efforts se concentrent dans la partie septentrionale de l'océan et la Réunion est donc en bordure de cet espace conflictuel. Toutefois, la France a des intérêts et notamment deux bases militaires, celle de Djibouti et celle d'Abu Dhabi. On est alors beaucoup plus proche du cœur de conflit. Il est peu probable qu'on puisse assimiler ces bases au rang des "intérêts vitaux". Autrement dit, la question ne se pose pas encore telle quelle.</p>
<p>Mais le propos de ce billet vise seulement à décentrer le regard. Seul moyen d'éviter les surprises.</p>
<p>O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/06/26/Dissuasion-et-DOM-COM#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1923Nucléaire : contre-idée reçue n° 6 : « Face à la prolifération et à la menace iranienne, l’arme nucléaire est indispensable »urn:md5:af4e82e1a950cd353bfb1112abd8fac42014-06-20T21:50:00+01:002014-06-20T21:50:00+01:00Olivier KempfNucléaireDissuasionNucléaire<p>Suite et fin de la série discutant les arguments de Paul Quilès contre la dissuasion nucléaire (<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/05/31/Nucl%C3%A9aire-%3A-contre-id%C3%A9e-re%C3%A7ue-n%C2%B0-5-%3A-%C2%AB-L%E2%80%99arme-nucl%C3%A9aire-assure-l%E2%80%99ind%C3%A9pendance-de-la-France-%C2%BB">voir précédent</a>). Ce soir, nous discutons le thème : « Face à la prolifération et à la menace iranienne, l’arme nucléaire est indispensable »</p>
<p><img src="http://s2.lemde.fr/image/2009/12/08/534x267/1277562_3_e50e_la-centrale-nucleaire-de-bouchehr-en-iran.jpg" alt="" /> <a href="http://abonnes.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/09/04/l-iran-annonce-que-la-centrale-nucleaire-de-bouchehr-est-reliee-a-son-reseau-electrique_1567564_3218.html">source</a></p> <p>Malgré les craintes de Kennedy en 1963, « <em>hanté par le sentiment qu’il y ait (…), d’ici 1975, quinze ou vingt-cinq pays possédant ces armes, la réponse est non</em> », constate l’auteur (p. 144). Il remarque toutefois une certaine prolifération, en « trois vagues » ; terme métaphorique puisqu’on est passé à six (Israël, date inconnue) puis huit (Inde et Pakistan, 1998) puis à neuf avec la Corée du nord en 2006.</p>
<p>L’auteur décrit ensuite les deux types de prolifération : verticale pour les puissances nucléaires, conduisant « <em>à un accroissement de leurs infrastructures, de leurs systèmes d’armes et autres vecteurs nucléaires</em> » (p. 145). Cet aspect « <em>est très peu mis en avant et naturellement jamais dénoncé par ces puissances », alors qu’il s’agit « d’un cercle vicieux</em> ». La prolifération verticale « <em>correspond à l’apparition de nouvelles puissances nucléaires</em> » (p. 145). L’auteur consacre alors deux pages à étudier le cas de l’Iran, avec curieusement le même type d’argument que bien des tenants du nucléaire qui se sont escrimés, à une certaine époque, à grossir la menace iranienne . Les colombes rejoignent ici les faucons. Le livre date de 2013 et n’avait pas envisagé les négociations actuellement en cours entre l’Iran et les représentants de la communauté internationale. Il constate cependant que « rien ne prouve pour l’instant que l’Iran ait violé le TNP » (p. 146) et que « <em>rien ne serait plus désastreux qu’une attaque militaire contre l’Iran</em> », car cela « <em>provoquerait l’explosion du TNP mais aussi une probable dissémination des armes nucléaires dans la région</em> » (p. 147).</p>
<p>L’auteur s’attarde ensuite sur «<em> la lourde responsabilité des États qui ont transmis, parfois sciemment, des informations voire des matériels permettant à des États de se doter de l’arme atomique</em> » (p. 148). La France est citée dans le cas israélien et curieusement dans le cas pakistanais (la bombe pakistanaise semble d’origine chinoise), mais aussi la Russie et les États-Unis.</p>
<p>« <em>Dans ces conditions, la présentation de l’arme nucléaire comme l’ultime protection contre la prolifération est une affirmation fallacieuse</em> » (p. 149). L’argument, pour le coup, est désarmant ! Tout d’abord, l’idée reçue mélange prolifération et cas iranien. Celui-ci n’a pas tourné au pire malgré les descriptions alarmistes qu’en faisait l’auteur. L’Iran négocie sur les modalités de son programme nucléaire, qui doit demeurer civil conformément au traité de l’AIEA et il a accepté certaines inspections de l’AIEA. Cela est dû à la pression des sanctions économiques, à un nouveau cours politique à Téhéran mais aussi, très probablement, à ce que l’Iran est un pays du seuil. Comme le Japon, il a la capacité de construire une arme nucléaire si le besoin s’en faisait sentir mais il ne souhaite pas le démontrer aujourd’hui. Dès lors, ce n’est pas l’arme nucléaire qui a fait échec à la prolifération, mais un ensemble de mesures diverses.</p>
<p>Pour autant, avoir l’arme nucléaire, quand on est soi-même, aux termes du TNP, détenteur de l’arme, constitue effectivement un moyen de répondre à toute menace éventuelle : celle des États nucléaires, celles des États non nucléaires et donc celle des États qui aspirent à devenir nucléaires. La dissuasion fonctionne d’abord contre les États nucléaires, faut-il le rappeler. En cas de prolifération, elle demeure donc plus que jamais utile. Qu’elle nourrisse la prolifération est un autre sujet qui mérite d’être débattu et nous y reviendrons. Constatons toutefois à l’expérience, cinquante ans après le discours de Kennedy qui faisait part de ses inquiétudes (rappelons qu’il prévoyait une vingtaine d’États nucléaires en 1975 : il y en a neuf en 2014), que la prolifération tant crainte n’a pas eu lieu. Signe que le système n’est pas si défectueux.</p>
<p>Qu’il soit pourtant ici permis de faire une observation. Le monde est imparfait, et tout traité international est imparfait. Il a toutefois une vertu, celui de civiliser les rapports internationaux. Le TNP est donc imparfait, mais utile. Dès lors, il y a quelque duplicité à se réclamer d’un côté du TNP et de l’autre à lui reprocher de constater un État de fait, celui qu’il y ait des États dotés et des États non-dotés.</p>
<p>O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/06/09/Nucl%C3%A9aire-%3A-contre-id%C3%A9e-re%C3%A7ue-n%C2%B0-6-%3A-%C2%AB-Face-%C3%A0-la-prolif%C3%A9ration-et-%C3%A0-la-menace-iranienne%2C-l%E2%80%99arme-nucl%C3%A9aire-est-indispensable-%C2%BB#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1910Nucléaire : contre-idée reçue n° 5 : « L’arme nucléaire assure l’indépendance de la France »urn:md5:e1240d3f046053cf53f49f7dcbd9ead52014-06-06T21:49:00+01:002014-06-06T21:49:00+01:00Olivier KempfNucléaireNucléaireSouveraineté<p>Je poursuis ma discussion des arguments de P. Quilès dans son dernier livre dénonçant la dissuasion française. <a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/05/15/Nucl%C3%A9aire-%3A-contre-id%C3%A9e-re%C3%A7ue-n%C2%B0-4-%28Nucl%C3%A9aire-et-puissance%29">Billet précédent ici</a>. Aujourd’hui, "L'arme nucléaire assure-t-elle l'indépendance de la France" ?</p>
<p><img src="http://s2.lemde.fr/image/2013/04/07/534x267/3155455_3_2f87_l-essai-de-ce-minuteman-3-missile-balistique_3fb36730238b92d76022da63d1d2f6ac.jpg" alt="" /> <a href="http://abonnes.lemonde.fr/ameriques/article/2013/04/07/washington-reporte-un-tir-experimental-pour-ne-pas-braquer-pyongyang_3155454_3222.html">source</a></p>
<p>Cliquez sur le titre pour lire la suite.</p> <p>D’emblée, l’auteur pose un principe qui mérite discussion : « Cet argument majeur des souverainistes de tout bord fait l’impasse sur la réalité de la notion d’indépendance dans un monde où tout est devenu interdépendant ». Passons sur l’accusation polémique désignant de « souverainiste » quiconque utilise le thème de l’indépendance de la France. A ce compte-là, cela fait beaucoup de monde puisque deux Livres Blancs successifs écrit l’un par un Président de la République de droite, l’autre par un Président de gauche, on retenu cette notion d’indépendance de la France et de souveraineté.</p>
<p>Celui de 2013 énonce ainsi, dès son chapitre 2 (Les fondements de la stratégie de défense et de sécurité nationale) et sa première section (Préserver notre indépendance et notre souveraineté), que « Attribut essentiel de la Nation, la souveraineté est un fondement de la sécurité nationale. En affirmant dans son article III que « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément », la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen souligne que le maintien de la souveraineté nationale est une responsabilité essentielle du pouvoir politique ». Dès lors, « La stratégie de défense et de sécurité nationale contribue à garantir la capacité de la Nation à décider de son avenir dans le cadre du jeu des interdépendances auxquelles elle a librement consenti ». Et immédiatement, les auteurs précisent : « La dissuasion nucléaire est l’ultime garantie de notre souveraineté » (p. 20).</p>
<p>Ce passage montre bien que la souveraineté est première, qu’elle est le fondement de la Nation et qu’elle est associée dans son principe aux Droits de l’Homme et du Citoyen. Autrement dit, la souveraineté est constitutionnelle. Les « souverainistes » ne sont qu’une faction politique qui propose un projet politique d’articulation de cette souveraineté avec d’autres (alliés, partenaires, voisins européens). Par conséquent, se prévaloir de la souveraineté ne signifie pas que l’on soit souverainiste. Rappelons au passage que la souveraineté est au fondement du système des Nations-Unies, et que toute la construction européenne n’est fondée que sur des transferts de souveraineté et pas encore sur l’abdication de celle-ci. Quand bien même y aurait-il fusion des souverainetés nationales dans une souveraineté européenne, il ne s’agirait que d’un déplacement : le nouvel objet politique aurait les attributs de la souveraineté et agirait comme tel dans l’ordre international.</p>
<p>La souveraineté constitue l’autre nom de l’indépendance de la France. La France choisit certaines interdépendances, ce qui répond à l’affirmation « du monde où tout est interdépendant ». Non, tout n’est pas interdépendant et les Etats souverains ont encore des décisions souveraines. Ou encore, l’interdépendance ne signifie pas qu’il y a une souveraineté mondiale qui déciderait de tous les problèmes. Quelle que soit l’interdépendance, elle s’articule avec la souveraineté des Etats souverains.</p>
<p>Constater la persistance de la souveraineté pose alors la question des moyens de garantir celle-ci. On peut estimer que l’arme nucléaire n’est pas nécessaire pour cela, mais le débat est dans ce cas légèrement différent. En effet, l’affirmation initiale suggérait que l’on n’avait pas besoin de défendre la souveraineté puisque celle-ci n’existait plus vraiment. Ce fatalisme erroné concluait sur l’inutilité de l’arme nucléaire. Les choses sont plus compliquées.</p>
<p>Le texte évolue très rapidement vers la question de l’OTAN, sujet que je connais un peu pour y avoir consacré l’écriture de quelques centaines de pages (<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2010/11/03/L-OTAN-au-XXI%25C2%25B0-si%25C3%25A8cle-est-paru">voir par exemple ici</a>). L’auteur explique en effet que pour manifester l’indépendance de la France, le général De Gaulle avait quitté le commandement intégré de l’Alliance. Puisque le président Sarkozy l’a réintégré 42 ans plus tard, « cela signifie-il que le concept est à géométrie variable suivant les époques ? » font semblant de s’interroger les auteurs. Remarquant que la France l’a pas rejoint le Groupe des Plans Nucléaires, il explique que « cependant, selon le sommet de l’Otan de Chicago, « elles contribuent à la dissuasion globale et à la sécurité des Alliés », ce qui signifie que cette indépendance n’existera plus en cas d’attaque de pays membres de l’OTAN, ses forces devant se mettre pleinement à son service » (p. 141). Voici une belle accumulation d’inexactitudes et d’erreurs d’interprétation. Tout d’abord, se référer au sommet de Chicago est curieux car l’essentiel du débat allié sur l’Otan a eu lieu au moment du sommet de Lisbonne de 2010, comme on l’a déjà signalé. La déclaration de Chicago n’a fait que reprendre les termes de Lisbonne. A cette occasion en effet, les Alliés ont réaffirmé le caractère nucléaire de l’Alliance. La décision était importante car certains Alliés, à la suite du discours de B. Obama à Prague en avril 2009, avaient cru que son appel à un monde sans armes nucléaires entrainerait la fin du caractère nucléaire de l’Alliance. Il n’en était pas question et les Américains ont, à Lisbonne, confirmé que l’Alliance était une alliance nucléaire.</p>
<p>Cela explique la formulation qui a été choisie : « Aussi longtemps qu’il y aura des armes nucléaires, l’OTAN restera une alliance nucléaire » (§ 17 du concept). Ceci explique aussi le paragraphe suivant : « La garantie suprême de la sécurité des Alliés est apportée par les forces nucléaires stratégiques de l’Alliance, en particulier celles des États-Unis ; les forces nucléaires stratégiques indépendantes du Royaume-Uni et de la France, qui ont un rôle de dissuasion propre, contribuent à la dissuasion globale et à la sécurité des Alliés ». Certains commentateurs s’étaient à l’époque offusqués de cette formulation, qu’ils voyaient comme une subordination de la dissuasion nucléaire française. Ces commentateurs ne savaient pas que la formulation reprenait le « compromis d’Ottawa », adopté en 1974, et qui reconnaissait justement l’indépendance de la dissuasion française mais aussi sa contribution à la dissuasion globale de l’Alliance. Ce qui était valable en plein Guerre Froide, en 1974, le demeure donc en 2010 comme en 2014.
Notre critique se trompe donc radicalement quand il interprète le texte et affirme que « cette indépendance n’existera plus en cas d’attaque de pays membres de pays de l’Otan, ses forces devant alors se mettre pleinement à son service » (p. 141). Faut-il lui rappeler qu’en 1966, la France est restée membre de l’Alliance atlantique mais n’a quitté que le commandement intégré (au sens propre, l’Otan). La réintégration du commandement intégré n’emporte donc pas la fin de l’exception nucléaire française.</p>
<p>Se pose alors la question de l’interdépendance et de la complexité. Oui, un président français pourrait prendre seul cette décision (p. 142). Oui, la France pourrait se défendre seule contre une attaque nucléaire. Justement à cause de son indépendance.</p>
<p>Quant aux aspects techniques, l’auteur confond bien des choses. La coopération des Américains a permis de concevoir la force nucléaire ? Cela est probable mais cela fait plus de cinquante ans. Les Américains « permettent-ils encore de maintenir cette force » (p. 142) ? Voici qui est une affirmation très surprenante, corroborée par aucune déclaration ni indice en ce sens. Voici une grande nouveauté assénée sans frémir et qui mérite des éléments de preuve. A défaut, il s’agit d’accusations gratuites. L’auteur passe ensuite à la coopération sur le laser mégajoule, programme clef de simulation des essais nucléaires, ou aux avions ravitailleurs C135 nécessaires pour faire fonctionner la composante aérienne : deux exemples peu probants qui ne convainquent pas de la perte d’indépendance alléguée. Quant à la coopération avec les Britanniques (p. 143) il faudrait expliquer à l’auteur qu’elle vise surtout à aider les Britanniques à demeurer une puissance nucléaire et qu’elle porte également sur un programme de simulation. Autrement dit, aucune de ces coopérations techniques ne touche à la maîtrise indépendante de l’outil nucléaire. L’accusation est faible mais elle n’hésite pas à en tirer des conclusions définitives : « en l’absence d’une maîtrise industrielle complète, l’indépendance ne reste qu’un mythe » (p. 143). Cette conclusion illustre surtout le manque de profondeur de la critique.</p>
<p>La conclusion que l’on peut aujourd’hui tirer est différente. Oui, la France conserve la maitrise indépendante de l’arme nucléaire. Oui, elle a veillé à ne pas lier sa dissuasion (malgré des velléités des uns et des autres, soi-disant intelligents et grands politiques mais piètres stratégistes, « d’étendre » la dissuasion aux voisins européens, ce qui a toujours été refusé par ceux-ci, d’ailleurs). Celle-ci est donc le signe stratégique et politique de l’indépendance de la France.</p>
<p>O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/05/31/Nucl%C3%A9aire-%3A-contre-id%C3%A9e-re%C3%A7ue-n%C2%B0-5-%3A-%C2%AB-L%E2%80%99arme-nucl%C3%A9aire-assure-l%E2%80%99ind%C3%A9pendance-de-la-France-%C2%BB#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1909Intéressant débat sur le nucléaire françaisurn:md5:5b4ff6d70d561f392b844685e1334b862014-05-28T20:19:00+01:002014-05-30T21:32:21+01:00Olivier KempfNucléaireConférenceNucléaire<p>La RDN a organisé hier soir un intéressant débat sur le débat nucléaire français. Nous avons entendu E Malet, J. Dufourcq, M. Drain, l'amiral Lozier (patron de la division Forces Nucléaires à l'EMA), Ph. Wodka-Galien, Monseigneur Stenger, Alain Joxe, E. Nal et votre serviteur. Des approches complémentaires puisqu'il fut question d'économie, de philosophie, d'éthique, de géopolitique et de stratégie. Je reviens sur ces deux derniers aspects à partir des notes que j'ai prises.</p>
<p><img src="http://www.defnat.com/site_fr/images/agenda/NUC2705.jpg" alt="" /> <a href="http://www.defnat.com/site_fr/images/agenda/">source</a></p> <p>Les intervenants ont ainsi évoqué la fragilité européenne à la suite des dernières tensions, mais surtout la tension en extrême Orient et les ambiguïtés demeurant au Moyen Orient. Plusieurs caractéristiques à cette situation plus fragile, probablement, qu'il y a quelques années :</p>
<ul>
<li>Une incertitude intra-européenne mais aussi transatlantique</li>
<li>la montée en puissance de la Chine, qui procède à une prolifération verticale, une montée en puissance conventionnelle et la mobilisation tactique de micro-incidents (Senkaku, Spratleys) afin d'une part de regagner une certaine maîtrise sur ses marches maritimes, d'autre part affaiblir l'endiguement américain.</li>
<li>face à cela, si la Corée du nord demeure l'épine que l'on sait, la vraie inquiétude vient de la Corée du sud et du Japon qui pourraient envisager de développer une arme nucléaire, face à cette affirmation chinoise. Cela a été relevé par plusieurs orateurs.</li>
<li>en Asie du sud, la situation paraît plus stable même si le Pakistan comme l'Inde poursuivent leur prolifération verticale.</li>
<li>Au Moyen-Orient, l'Iran qui est devenu de facto un pays du seuil a compris qu'il n'avait pas intérêt à le franchir : ceci explique les négociations actuelles car l'Iran a un voisin nucléaire, le Pakistan et ne tient pas à en avoir un second, l'Arabie Saoudite</li>
<li>Le point commun à tous ces théâtres réside dans l'incertitude de la garantie nucléaire américaine. Certes, les Européens ont craint le découplage tout au long de la guerre froide. Il reste que des mécanismes de liaison stratégique avaient été mis en place. Aujourd'hui, l'incertitude américaine inquiète tous les bénéficiaires potentiels du parapluie nucléaire (Corée du sud, Japon, Arabie Saoudite) ce qui explique leur embarras actuel. Et leurs pensées les plus secrètes.</li>
</ul>
<p>A l'issue, j'ai quant à moi évoqué la question du contournement de l'arme nucléaire : non d'un point de vue légal mais techno-stratégique</p>
<ul>
<li>En effet, à supposer que tous désarment, les anciens EDAN demeureraient forcément des pays du seuil. L'incertitude persisterait puisqu'on ne saurait jamais rien des intentions. La nouvelle opacité, ainsi créée, susciterait une nouvelle course aux armements conventionnels. Autrement dit, la dénucléarisation ne garantit pas un monde plus sûr, même d'un point de vue théorique.</li>
<li>Il n'en reste pas moins que l'arme nucléaire est artificielle et a créé une sphère stratégique propre (cf. mon<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/11/16/Introduction-%25C3%25A0-la-cyberstrat%25C3%25A9gie%253A-enfin-paru-%2521"> Introduction à la cyberstratégie</a>)</li>
<li>Or, pour suivre Christian Malis dans son dernier ouvrage (<a href="http://www.decitre.fr/livres/guerre-et-strategie-au-xxie-siecle-9782213670782.html">Guerre et stratégie au XXIe siècle</a>, Fayard), il faut apprécier le monde en trois catégories : westphalien, pré westphalien (pour faire simple, les États faillis) et post-westphalien (pour faire simple, les démocraties européennes). Or, le monde pré westphalien a contourné l'arme nucléaire par l'asymétrie : face à lui, l'arme n'est d'aucune utilité. Le monde post -westphalien est fragile (les élections de dimanche le suggèrent abondamment) : parier sur sa stabilité est, à proprement parler, un pari. Enfin, le monde westphalien est là et c'est celui de tous les émergents. Or, ce monde est nucléaire, qu'on le veuille ou non. Bref, le contournement du nucléaire ne peut s'effectuer que par un pré ou un post westphalisme. Il n'est pas évident d'articuler les deux.</li>
<li>Un autre contournement est celui non de la DAMB (le bouclier sera toujours perçable par l'épée) mais par les Armes de précision conventionnelles (Prompt Global Strikes). Ayant des effets destructeurs aussi importants et précis que le nuc, utilisant une partie de ses technologies (le spatial), il permet d’obtenir les effets guerriers sans franchir le seuil nucléaire, et donc le tabou qui l'accompagne.</li>
<li>Enfin, face à la pulvérisation de la guerre, on peut assister à une pulvérisation des armes grâce à la micro robotique qui s'annonce et le combat en essaim. La multiplication des micro robots permettrait de répondre à l'asymétrie et la pulvérisation du combat qui la caractérise.</li>
<li>Je vous accorde que ces trois dernières idées méritent d'être travaillées : il s'agissait d'émettre des hypothèses de contournement stratégique du statu quo actuel. A affiner...</li>
</ul>
<p>Il ne s'agit là que de quelques prises de notes qui ne retracent pas l'ensemble des débats mais illustrent quelques points qui m'ont paru importants.</p>
<p>Parmi les points notés que je dois encore approfondir, qq idées ou expressions prises au vol :</p>
<ul>
<li>L'affaire ukrainienne va renforcer la méfiance entre les États</li>
<li>Hypersonique manœuvrant</li>
<li>La dissuasion fonctionne à deux : avec la fin de la Guerre froide, il y a disparition de l'effet réciproque.</li>
<li>Comment penser la complexité, dans le cas nucléaire ?</li>
<li>Peut-on dissuader un voisin géographique, sachant que les retombées radioactives vont se rabattre chez moi ?</li>
<li>Le nucléaire est structurant du modèle d'armée : sans lui, pas de Rafale, de rens, de spatial, de FREMM, d'Atlantique 2, autant de fonctions qui contribuent au combat des trois milieux. En fait, le politique accepte de payer ces armes structurantes à cause du nucléaire : la dissuasion permet l'expéditionnaire (cf. Suez en 56 où le manque d'autonomie stratégique à conduit à l'échec stratégique d'une mission réussie sur le plan opératif).</li>
</ul>
<p>O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/05/28/Int%C3%A9ressant-d%C3%A9bat-sur-le-nucl%C3%A9aire#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1908Nucléaire : contre-idée reçue n° 4 (Nucléaire et puissance)urn:md5:b680c1cbb17ccbb3ef112adfbe0e85cb2014-05-15T20:57:00+01:002014-05-15T20:57:00+01:00Olivier KempfNucléaireNations-UniesNucléairePuissance<p>Suite de la série nucléaire (précédent billet : <a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/04/30/Nucl%C3%A9aire-%3A-contre-id%C3%A9e-re%C3%A7ue-n%C2%B0-3">ici</a>). On se souvient que P. Quilès a publié récemment un livre dénonçant l’armement nucléaire et que le cœur de l'argumentation réside dans 6 idées reçues qu'il prétend démonter. Cette série vise à examiner critiquement ces arguments. Aujourd’hui, il est question de l'Idée reçue n° 4 : «<em> Grâce à son armement nucléaire, la France peut maintenir son statut de grande puissance et se faire entendre dans le monde</em> »</p>
<p><img src="http://www.gizmodo.fr/wp-content/uploads/2013/11/arme-nucleaire-securite.jpg" alt="" /> <a href="http://www.gizmodo.fr/2013/12/01/arme-nucleaire-securite.html">source</a></p> <p>La critique commence par une figure rhétorique assez spécieuse. En effet, il est dit que « cette affirmation s’accompagne d’une référence à la présence de la France parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU » (p. 137). L’auteur s’attache donc à démonter cet argument pour en inférer que la France n’est pas une puissance grâce à son arme nucléaire... Autrement dit, le critère de puissance serait la présence au CSNU et si on arrive à démontrer qu’il n’y a pas de lien entre l’arme nucléaire et la présence au Conseil, alors l’arme n’est pas un élément de puissance. On le voit, il s’agit d’un sophisme, c’est-à-dire une chaîne logique qui a toute l’apparence de la cohérence mais qui justement n’est ni cohérente, ni logique.</p>
<p>Dès lors, effectivement, l’histoire voit la création des Nations-Unies en 1945. Alors, seuls les États -Unis sont une puissance nucléaire. La désignation des cinq membres permanents est le résultat de la conférence de Yalta, en février 1945. Autrement dit, il n’y a aucun lien entre la présence au CSNU et l’arme nucléaire. C’est ultérieurement que les quatre autres pays deviendront nucléaires (URSS en 1949, Royaume-Uni en 1952, France en 1960 et Chine en 1964). Là dessus, on ne peut qu’être d’accord avec l’argument. En revanche, celui-ci va un peu vite lorsqu’il explique sans détour que les cinq se retrouvent EDAN à la signature du TNP, signé en 1968.</p>
<p>Or, l’événement tournant de la stratégie nucléaire contemporaine date de la crise de Cuba, en 1962. Celle ci intervient à la suite d’une rupture technologique majeure, celle des fusées. Jusque-là en effet, l’arme était portée par des avions et on n’avait pas bien compris le changement stratégique qu’elle représentait. A partir du moment où elle est portée sur missiles, tout change. Les grandes puissances peuvent en effet faire la guerre à distance. Cela inquiète fortement les Européens qui y voient un risque de découplage transatlantique. Ceci explique deux choses.</p>
<p>D’une part, la garantie nucléaire accordée par les États-Unis aux Européens (accessoirement pour éviter la multiplication d’initiatives comme celle de la France) ; d’autre part, le processus et détente entre les deux Grands qui mène au Traité de Non Prolifération. Autrement dit, il ne s’agit pas simplement de « maintenir le quasi-monopole des deux superpuissances mondiales en matière d’armement nucléaire » (p. 139), mais aussi d’un constat réaliste qu’à la date de signature, ces cinq là sont détenteurs de l’arme. C’est justement pour éviter que d’autres considèrent que l’arme nucléaire est le critère absolu de la puissance que ce traité a été signé. Dès lors, il faut bien constater une décorrélation entre arme nucléaire et participation permanente au Conseil de sécurité. Certains États, ayant signé ou non le TNP, ont acquis l’arme. D’autres revendiquent une place permanente au CSNU (Allemagne, Italie, Japon, Inde, Brésil, Nigeria, Afrique du Sud voire Mexique...). Un seul (l'Inde) détient l’arme et revendique un siège, sans d’ailleurs avoir jamais fait le lien entre son caractère nucléaire de fait (car non reconnu par les Traités) et sa prétention onusienne, argumentée plus par des raisons de démographie, de caractère asiatique et récemment de puissance économique (BRICS)... Cela démontre bien que la corrélation entre siège onusien et arme nucléaire est une coïncidence et le résultat de l’histoire. Les BRICS, qui revendiquent une place à la hauteur de leur nouvelle puissance (démographique et économique), comptent deux pays non nucléaires.</p>
<p>Il est temps, alors, d’aller un peu plus loin dans l’analyse. Pierre Buhler a consacré un brillant livre sur la notion de puissance (<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/05/30/De-la-puissance-%25C3%25A0-l-influence-%253A-Pierre-Buhler">voir fiche sur égéa</a>). Il y explique que celle-ci est bien plus complexe et composite que la simple détention de facteurs et que la puissance s’exerce désormais de bien des façons.
Alors que nos auteurs ne cessent de renvoyer à la complexité du monde, au moins auraient ils pu aller au bout du raisonnement. Or, constater que la puissance est moins univoque aujourd’hui ne saurait pour autant conduire à négliger les anciens facteurs. Ceux ci tiennent toujours un rôle, qu’il s’agisse de critères géographiques, économiques, démographiques, culturels, diplomatiques ou militaires, et dans ce dernier cas incluant aussi, pour certains, l’arme nucléaire. Ainsi, la France demeure une grande puissance pour un certain nombre de raisons, parmi lesquelles son arme nucléaire, mais aussi sa présence permanente au conseil de sécurité. Il ne s’agit pas simplement de « la réminiscence d’une posture gaullienne » (p. 137).</p>
<p>Est-ce à dire que ce constat est suffisant? Certainement pas, c’est bien tout l’intérêt du livre de Buhler. Dès lors, observer que le monde « est très différent de celui de la seconde moitié du XX siècle » (p. 139) tombe sous le sens, même s’il faut encore une fois objecter que l’arme n’est pas simplement la réponse à des circonstances géopolitiques. Peu importe dès lors si la composition du CSNU « finira par tenir compte de l’évolution du monde » (p. 140). En effet, cela voudrait dire que la participation permanente devient le critère exclusif de la puissance, ce qui est aussi ridicule que d’affirmer que le nucléaire serait lui aussi ce critère absolu.</p>
<p>C’est d’ailleurs cette influence relative qui explique qu’un certain nombre de pays n’ont pas souhaité développer l’arme alors qu’ils en avaient les possibilités techniques et financières. Et cela affaiblit l’argument critiquant l’éventuelle contradiction « qui consiste à la fois à dénoncer la prolifération nucléaire et à mettre en avant l’argument du statut que donnerait la possession de la bombe ».</p>
<p>La détention de la bombe est un choix stratégique, non l’expression du signe absolu extérieur de puissance.</p>
<p>O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/05/15/Nucl%C3%A9aire-%3A-contre-id%C3%A9e-re%C3%A7ue-n%C2%B0-4-%28Nucl%C3%A9aire-et-puissance%29#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1903Nucléaire : contre-idée reçue n° 3urn:md5:e079521d27a15e6aaa6748107697b7602014-04-30T22:44:00+01:002014-04-30T22:44:00+01:00Olivier KempfNucléaireAntimissileDissuasionNucléaire<p>Suite de ma série sur les contre contre idées reçues (voir <a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/04/14/Nucl%C3%A9aire-%3A-contre-contre-arguments">ici</a> et <a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/04/22/Nucl%C3%A9aire-%3A-contre-id%C3%A9e-re%C3%A7us-2">ici</a>). Aujourd'hui, Idée reçue 3 : « Le bouclier antimissile est un bon complément à la dissuasion ». Dénoncée par P. Quilès. Examen de ses critiques.</p>
<p><img src="http://cache.20minutes.fr/img/photos/afp/2009-03/2009-03-25/article_photo_1237998215051-1-0.jpg" alt="" /> <a href="http://www.20minutes.fr/monde/etats_unis/348347-bouclier-anti-missile-europe-salue-annonce-obama">source</a></p> <p>On est surpris de trouver cet argument en tant qu’une idée reçue en faveur de la dissuasion, comme si les auteurs n’avaient pas perçu le débat auquel tentait de répondre la formule. Selon eux, la formule serait le fait des Américains qui voulaient plaider en faveur de la mise en place de ce bouclier antimissile, à la fin des années 2000. Il y a ensuite beaucoup de confusions, entre d’une part le projet américain (dans sa dernière version, celle d’approche adaptative phasée) et d’autre part la décision alliée (OTAN) prise au sommet de Lisbonne de 2010. Confondre le projet américain et sa composante alliée est déjà malvenu (passons sur l’erreur suggérant que la phase 3 vise des missiles intercontinentaux qui ne sont en fait pris en compte que par la phase 4, celle-ci ayant d’ailleurs été récemment annulée par Washington).</p>
<p>Dire ensuite qu’il y a une sorte de contradiction entre la dissuasion nucléaire et la lutte antimissile, tous les experts l’ont signalé et notamment les experts français. Ceci a d’ailleurs suscité l’opposition initiale de Paris à la DAMB. En effet, l’enjeu est double d’un point de vue théorique. Soit l’antimissile remplace la dissuasion, et alors pourquoi conserver celle-ci ? C’était la position allemande, et cette proposition est à peine signalée par une note de bas de page (p. 135). Or, ce débat est central et provoqua une quasi brouille entre Paris et Berlin en 2010. Cela mena justement à expliquer que la DAMB ne peut remplacer la dissuasion et que l’arme nucléaire demeure au fondement de la posture stratégique de l’Alliance, ce qu’énonce explicitement le concept.</p>
<p>Dès lors, pourquoi opter pour un bouclier antimissile? Effectivement, celui-ci est une demande américaine, de longue date. Ce n’est pas une demande européenne car au fond, l’Europe ne se sent pas menacée par des missiles venant de pays voyous. Il y eut donc un compromis pour céder aux demandes américaines, compromis qui fut résolu par la notion d’arme complémentaire.</p>
<p>Stratégiquement, elles sont bien complémentaires, nous y reviendrons. Cela suppose en effet de regarder d’un peu près les caractéristiques techniques d’éventuels missiles agresseurs et celles des réponses possibles. Dans cette gamme, dissuasion et antimissile constituent des réponses différentes. Elles sont donc bien complémentaires. Après, est-il nécessaire de se doter « en plus » d’un bouclier est une question pertinente. Mais elle ne remet pas en cause par elle-même, la dissuasion. Ou alors, cela suppose de la part de nos critiques qu’ils soutiennent l’idée qu’un bouclier antimissile assure autant d’assurance de sécurité que la dissuasion : pourquoi pas ? (toutefois, tous les spécialistes expliquent le contraire). Mais cela suppose un argumentaire qui n’est pas effectué par les auteurs.</p>
<p>Autrement dit, la DAMB peut tout à fait être critiquée, mais il s’agit d’un débat distinct de celui touchant à la dissuasion. Se prévaloir des faiblesses théoriques de l’antimissile pour mettre en cause la dissuasion est une technique rhétorique connue mais qui ne doit pas abuser. Surtout que paradoxalement, les faiblesses de l’antimissile, justement soulignées, amènent en fait à perpétuer la dissuasion.</p>
<p>Vous avez dit cohérence ?</p>
<p>O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/04/30/Nucl%C3%A9aire-%3A-contre-id%C3%A9e-re%C3%A7ue-n%C2%B0-3#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1894Nucléaire : contre-idée reçue n° 2urn:md5:ada19cf3fbabed00f6109d4e26908e8a2014-04-22T10:01:00+01:002014-04-22T10:01:00+01:00Olivier KempfNucléaire<p>Je poursuis mon analyse des "idées reçues" dénoncées par P. Quilès dans son livre "Arrêtez la bombe". <a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/04/14/Nucl%C3%A9aire-%3A-contre-contre-arguments">J'avais évoqué la première ici</a>. Aujourd’hui, nous nous penchons sur : « L’arme nucléaire est notre assurance vie »</p>
<p><img src="http://unionrepublicaine.fr/wp-content/uploads/2013/01/rafale1-7.jpeg?b9f872" alt="" /> <a href="http://unionrepublicaine.fr/une-charge-inattendue-contre-la-composante-aerienne-de-la-dissuasion-nucleaire-francaise/">Source</a></p> <p>Idée reçue 2 : « L’arme nucléaire est notre assurance vie »</p>
<p>La critique remarque tout d’abord la constance de l’argument qui a été utilisé par de nombreux présidents de la République. Puis elle s’étonne de cette curieuse expression d’assurance-vie avant de constater que la dissuasion est « un message adressé à l’agresseur potentiel » qui serait « plus un pari qu’un discours » (p. 128). « Or, l’altérité implique précisément que l’Autre est différent et ne raisonne pas obligatoirement comme nous. » Dès lors, « la dissuasion relève de la croyance, avec tout ce que cela comporte d’irrationnel. Assimiler la dissuasion nucléaire à une garantie tient de l’imposture. Il s’agit d’un pari, avec les incertitudes, dans ce cas mortelles, qui caractérisent ce type de démarches ». Puis le texte s’attarde sur le nouveau contexte stratégique international : « qui menace sérieusement notre existence ? ». Dès lors, la fameuse assurance vie serait le moyen de cacher « un manque d’imagination et une absence de réflexion stratégique adaptée au monde actuel » (p. 129). Il serait temps de comprendre que le monde a changé, etc.</p>
<p>Répondons tout d’abord par l’expérience de l’histoire, déjà remarquée à la section précédente : vous ne prouvez pas que cela n’a pas marché, donc peu importe le discours sur l’irrationalité apparente si le résultat est là. Mais nous reviendrons sur la question de l’irrationalité : examinons tout d’abord cette question de l’expérience. En effet, l’expérience historique française remonte à plus loin que 1960 ou même 1947 (début de la Guerre Froide). La France conserve le souvenir de l’histoire contemporaine. 1870, 1918, 1940 constituent autant d’expériences tragiques. Au « plus jamais ça » de 1918, à la grande saignée dans la jeunesse de France succédèrent vingt ans plus tard l’invasion, l’occupation, les collaborations et compromissions, sans même parler de l’horreur révélée des camps de la mort. Encore une fois, plus jamais ça. De là date le consensus gaulliste, celui de 1944 comme celui de 1958. L’arme nucléaire apparaît comme l’arme absolue qui garantit que de telles tragédies ne se reproduiront plus.</p>
<p>Ce qui pose la question de l’argument sous-jacent du passage : celui de l’obsolescence stratégique de l’arme. L’argument change en effet subrepticement, comme une variation sur le thème de la temporalité. L’arme serait le produit d’un moment historique, celui de la guerre froide. Celle ci étant terminée, l’arme n’aurait plus de justification stratégique. Quel ennemi en effet ? Comme « personne ne nous menace » (il y aurait pourtant à dire sur cette autre « idée reçue »), cette arme est inutile, nous pouvons donc nous en passer.</p>
<p>On aperçoit tout de suite la faille du raisonnement. L’arme n’est pas simplement une réaction aux conditions de l’époque (même si le lâchage de Suez en 1956 expliqua la décision de la IVe République de lancer les travaux de production), elle est aussi une réponse à une expérience séculaire. Elle est une arme politique qui n’est pas simplement affaire de puissance, même si elle l’est essentiellement. Elle est aussi une arme identitaire qui assure la perpétuation de l’indépendance de la France. Alors, il s’agit bien d’une assurance. De l’assurance que la France aura les moyens de s’élever contre quiconque s’essaierait à l’asservir. Or, l’espérance de vie des Nations se compte en siècles. C’est à cette aune là qu’il faut mesurer l’âge de l’arme nucléaire comme de son utilité.</p>
<p>La Guerre froide dura 45 ans. Cela ne fait que 25 ans que nous l’avons quittée. Les circonstances ne rassurent pas et n’incitent pas au plus grand optimisme. C’est peut-être une erreur de jugement et l’observateur de 2014 n’aperçoit peut-être pas le mouvement pacificateur et de concorde internationale à l’œuvre. A tout le moins n’est il pas des plus apparents. Il est trop tôt, bien trop tôt pour se séparer de l’arme.</p>
<p>Signalons enfin deux autres arguments insérés dans le discours. Le premier évoque la part de croyance, comme si l’arme était un Dieu avec ses théologiens et ses fidèles. Passons sur le côté polémique de l’argument (on pourrait retourner l’argument aux antinucléaires, fidèles défenseurs d’une vision quasi religieuse dans le genre humain et le succès possible des hommes de bonne volonté). Remarquons pourtant qu’il y a, effectivement, une part de croyance dans la dissuasion. Laissons de côté la croyance que l’on doit induire dans l’esprit de l’adversaire. Le mécanisme a été classiquement expliqué par les théoriciens de la dissuasion. Mais il importe de remarquer que la croyance est nécessaire de la part de celui qui porte la dissuasion. On renvoie là à la remarquable trinité clausewitzienne qui insiste sur le rôle du peuple et de l’opinion publique comme un des trois acteurs déterminants de la stratégie. La dissuasion étant une stratégie totale, elle doit mobiliser totalement les trois acteurs et non seulement le politique et le chef militaire, comme dans des stratégies classiques. Cette triangulation constitue, au passage, à la fois la force et la faiblesse de la dissuasion.</p>
<p>Le deuxième argument évoqué par le texte explique qu’il y a des paradoxes dans le discours de la dissuasion. Or, ainsi que l’explique Luttwak , la stratégie est forcément paradoxale. Ce n’est pas pour autant qu’elle n’est pas rationnelle. Le paradoxe peut être scientifique et donc rationnel. La lumière est à la fois objet et onde : allez comprendre... C’est rationnel et paradoxal. Autrement dit, la dissuasion peut-être paradoxale, elle demeure rationnelle. Elle mobilise d’ailleurs beaucoup de rationalité.</p>
<p>Allons plus loin. Dire de la dissuasion qu’elle est objet de foi et paradoxale revient à suggérer qu’elle est fausse et hors de la raison. Or, ce n’est pas en citant ici Aron, là Poirier qu’on a répondu à tous les développements conceptuels élaborés par les théoriciens de la stratégie nucléaire. Tant qu’à citer Poirier et sa Crise des fondements , allons jusqu’à citer les passages où il explique la nécessité de l’effort intellectuel des stratégistes, bien plus sérieux et exigeant que ne le croient les internationalistes.</p>
<p>Il est vrai que Poirier est exigeant et, disons le mot, parfois difficile. Mais d’autres auteurs sont plus accessibles et tout aussi sérieux. Ce n’est pas en les désignant de « théologiens » qu’on élève le débat. Mais c’est plus facile.</p>
<p>O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/04/22/Nucl%C3%A9aire-%3A-contre-id%C3%A9e-re%C3%A7us-2#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1892Nucléaire : contre-contre-argumentsurn:md5:16ef7d2c807d570ab48c7ed9ebc879152014-04-14T21:19:00+01:002014-04-14T21:19:00+01:00Olivier KempfNucléaireDissuasionNucléaire<p>Un courant opposé à l’arme nucléaire se fait entendre depuis trois ou quatre ans. Il est emmené par des hommes prestigieux, ayant eu de hautes responsabilités (un ancien premier ministre, un ancien ministre, un général de corps aérien…). Ainsi, Paul Quilès, ancien ministre de la défense, vient-il de publier « Arrêtez la bombe ! » (co-écrit avec B. Norlain et JM Collin). Le plaidoyer est à charge et développe un certain nombre d’arguments. Après une description habile de la dissuasion, l’essentiel de l’argumentation se concentre dans la dénonciation de six idées reçues. Là est au fond le cœur de la position, celle que le stratégiste doit débattre puisque le livre n’est pas simplement un livre militant, mais aussi un livre qui intervient dans le débat stratégique et mérite donc qu’on s’y intéresse.</p>
<p><img src="http://www.lefigaro.fr/medias/2007/07/09/20070709.FIG000000258_18055_1.jpg" alt="" /> <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2007/07/09/01003-20070709ARTFIG90258-plongee_au_coeur_de_la_nouvelle_dissuasion_francaise.php">source</a></p>
<p>Je me propose donc d'examiner la critique de ces six "idées reçues".</p> <p><strong>Idée reçue 1 : L’arme nucléaire a permis la paix pendant 60 ans</strong></p>
<p>Force est pourtant de constater qu’elle n’a pas permis la guerre. Si l’on peut discuter du rapport de cause à effet, il est « évident », au vu de l’expérience, qu’il n’y a pas eu de guerre nucléaire depuis son apparition. De même, sur les théâtres couverts par la dissuasion, il n’y a pas eu de guerre conventionnelle depuis 60 ans. Dénoncer cela comme une « idée reçue » semble donc spécieux.</p>
<p>Il faudrait donc aller plus loin et expliquer que ce n’est pas l’arme nucléaire qui, par elle-même, aurait permis la paix. Cette paix serait le résultat d’autres facteurs ou de conditions particulières, celles de la Guerre Froide. Au passage, on notera la phrase « cette affirmation fait partie du catéchisme nucléaire » (p. 123) : évoquer un « catéchisme » nucléaire emporte un charge polémique et invective qui nous éloigne du débat sérieux : plus que la conviction par le raisonnement, on cherche la conviction par l’émotion. C’est pourquoi il est amusant de lire, page suivante (p. 124) : « On peut donc dire de façon équilibrée que l’arme nucléaire a probablement joué un rôle dans le fait que l’Europe n’ait pas connu de guerre pendant cette période . Cependant, il est abusif d’en tirer une conclusion générale ». Argument qu’on peut retourner encore plus facilement à leurs auteurs : puisque vous écrivez qu’il s’agit d’une idée reçue, c’est à vous d’apporter la preuve contraire. Or, vous ne l’apportez pas. Non seulement vous constatez la coïncidence des deux phénomènes, mais en plus vous admettez un sens de causalité : vous mettez juste en doute son intensité.</p>
<p>L’argumentation change alors de cours quand les auteurs affirment qu’il y a doute, puisque les circonstances ont changé. « Au monde partagé en deux blocs s’est substitué un monde où de nombreux acteurs apparaissent » (p. 125). Personne n’en disconvient. Dire qu’il faille adapter une doctrine de dissuasion est une évidence et d’ailleurs, les stratégistes s’y attachent. Pour autant, revenons à l’idée reçue soi-disant dénoncée : pas de paix pendant 60 ans : eh bien si.</p>
<p>Une fois démonté cet artifice de rhétorique, venons-en à l’argument final de ce passage. « Plus le nombre de pays disposant d’armes nucléaires est élevé, plus le risque est grand qu’elles soient utilisées » (p. 126). Et plus loin : « La prolifération nucléaire n’est pas inéluctable mais elle risque de le devenir si l’on persiste à faire de l’arme nucléaire l’alpha et l’oméga de la stratégie ».</p>
<p>Voici un argument intéressant qu’on ne peut écarter en soi et qui mérite d’être débattu. Toutefois, il convient de rappeler d’une part que la distinction entre pays dotés de l’arme et pays non dotés de l’arme a été agréée par le TNP, lui-même renouvelé ; que la lutte contre la prolifération est un souci commun de la Communauté internationale ; qu’enfin, depuis la fin de la guerre Froide il y a 25 ans, il n’y a pas eu de guerres nucléaires non plus… Là encore, si la causalité de la dissuasion comme facteur stabilisant n’est pas démontrée, force est de constater que l’inverse non plus. Pourtant, en l’espèce, un seul contre-exemple suffirait à faire chuter la proposition. Constatons qu’aujourd’hui la loi semble fonctionner expérimentalement et qu’’il n’est pas de mauvaise politique de s’appuyer dessus.</p>
<p>Enfin, la conclusion de cette section est-elle encore une fois émotive : « C’est la paix nucléaire que l’on nous promet, alors que c’est la mort nucléaire qui nous menace ». Effectivement, voici la dure et tranchante logique de la dissuasion. Elle repose sur la menace d’une guerre radicale qui provoquerait non un jeu à somme nulle mais un jeu à somme négative : cela interdit, pour l’instant, aux acteurs de vouloir le jouer. C’est peut-être immoral, c’est certainement terrifiant, mais ces deux qualificatifs ne suffisent pas en soi à ôter son efficacité à l’arme nucléaire et à la stratégie associée de dissuasion.</p>
<p><ins>Pour conclure</ins> : l’idée reçue ne s’avère pas aussi fausse que suggérée par les auteurs. De ce point de vue, leur argument tombe à plat.</p>
<p>En revanche, ils soulèvent une question qui mériterait d’être débattue : celle de la prééminence de l’arme nucléaire. N’incite-t-elle pas justement à la prolifération ? Non seulement horizontale (nombre de pays) mais aussi verticale (progression technologique des pays nucléaires) ? De même, n’y a-t-il pas eu des contournements stratégiques de l’arme nucléaire (au-delà de la fameuse complexification), comme par exemple les guerres irrégulières, qui minent son effet structurant ? Ces questions méritent, à l’évidence, d’être examinées. Avec des réponses plus détaillées et, osons-le mot, plus subtiles que ce qui est asséné avec conviction. Mais la sincérité n’est pas un étalon de la vérité.</p>
<p>O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/04/14/Nucl%C3%A9aire-%3A-contre-contre-arguments#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1888Rhétorique nucléaire (J. Dufourcq)urn:md5:354f3e62e238c14eebc2091f3879e4b52012-08-02T19:36:00+00:002012-08-02T19:36:00+00:00Olivier KempfNucléaire<div class="post-excerpt"><p>Certains l'ont peut-être déjà lu sur <a href="http://alliancegeostrategique.org/2012/07/31/chronique-rdn-n%c2%b04-%e2%80%93-la-centralite-nucleaire-dans-les-questions-de-defense/">AGS</a>, mais je trouve opportun de publier ce texte aussi sur égéa. Car il y a cette année un débat sur la dissuasion, et pas seulement le fait des hommes politiques (<strong>Rocard, Quilès</strong>), mais aussi de spécialistes, comme par exemple la <a href="http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2012/07/30/n-abandonnons-pas-la-dissuasion-nucleaire_1740181_3232.html?xtmc=dissuasion&xtcr=4">tribune</a> du général <strong>Copel</strong> dans le Monde du 30 juillet.</p>
<p><img alt="" src="http://www.meretmarine.com/objets/500/11476.jpg" /> <a href="http://www.meretmarine.com/article_imprimer.cfm?id=108645">source</a></p>
<p>J'avais en son temps convaincu <strong>Jean Dufourcq</strong> de consacrer un des dossiers de la RDN à cette question nucléaire, et c'était paru en février. Il poursuit avec cette tribune. Or, implicitement, c'est une des questions du Livre Blanc : non pas "faut-il garder la dissuasion nucléaire ?" mais à quel niveau la conserver, compte-tenu de la menace et de la contrainte budgétaire ?". Autrement dit encore : "peut-on faire des économies sur la dissuasion ?". O. Kempf</p></div> <div class="post-content"><p><strong>Rhétorique nucléaire (J. Dufourcq)</strong></p>
<p>Après avoir évoqué dans le précédent bloc-notes AGS/RDN l’utilité relative d’un nouveau Livre blanc, je vous propose de clôturer ce mois de juillet en abordant la rhétorique nucléaire. J’ai évoqué la nouvelle donne électronucléaire issue du tsunami de Fukushima de mars 2011 et la remise en cause de l’arme atomique comme régulateur militaire qu’exprime le mouvement « Global zero » (cf. « Trajectoires nucléaires », février 2012 ; www.defnat.com). J’ai essayé de montrer comment s’en accommoder, sans tout jeter à l’eau.
Je voudrais ici aborder la centralité nucléaire dans les questions de défense.</p>
<p>Qu’on l’apprécie ou non, elle est et devrait rester longtemps encore.</p>
<p>1- Nous sommes certes à la fin d’un temps stratégique, chacun le voit. Et 20 ans après la fin de la guerre froide, 10 ans après l’agression des Twin Towers de New York, un an après le déclenchement de la révolte arabe, nous vivons toujours avec l’arme nucléaire d’hier, cet héritage résiduel embarrassant de la Seconde guerre mondiale. Et de fait on ne sait plus très bien quelle place affecter à cet outil terrible dans nos panoramas stratégiques. Aussi chercher à l’éliminer est tentant. <ins>Le déni nucléaire militaire nous guette</ins>. L’arme atomique trouble notre vision du monde au point que la prolifération nucléaire est devenue une des plaies à vif de la scène internationale. Qui n’applaudit quand on la dénonce comme un dangereux cancer se propageant de façon endémique ? Le mantra est relayée à l’envi.</p>
<p>C’est sans doute un peu vite dit car chacun sait qu’il n’y a pas de programme proliférant nouveau depuis 20 ans. Certes c’est un phénomène préoccupant mais moins extensible qu’on ne le dit, plus encadré qu’on ne le croit. Le statut nucléaire est une tentation permanente pour les Etats qui veulent consolider leur position, soit qu’ils se sentent fragiles, soit qu’ils aient un projet de puissance régionale, soit qu’ils cherchent à négocier une position avantageuse. Ils contestent ainsi un certain ordre du monde.</p>
<p>Ainsi notons que la tentation de transgression nucléaire relève du champ de la science politique plus que de celui de l’art militaire : l’armement nucléaire est depuis longtemps d’abord un outil politique et à ce titre un instrument clé du dialogue stratégique planétaire.</p>
<p>Héritage discutable, outil privilégié d’une politique de puissance, symbole identitaire, la capacité nucléaire d’un Etat reste toujours en 2012 un marqueur fort de son identité.</p>
<p>2- La question centrale qu’on doit soulever aujourd’hui dans ce blog, bien qu’elle ait été exclue d’emblée du champ du futur Livre blanc, me paraît être celle de la c<ins>entralité de la dissuasion nucléaire stratégique dans la politique de défense et de sécurité de la France</ins>. Cette centralité politique, militaire, scientifique, budgétaire est-elle toujours pertinente ?</p>
<p>Pour aller tout de suite à la réponse, je répondrai en normand, oui et non. L’arme nucléaire a toujours sa place dans notre arsenal militaire et notre politique de défense mais celle-ci n’est plus désormais centrale, vitale quoi qu’on dise avec une virile constance. Oui, elle fait toujours partie de notre posture stratégique ; elle est toujours nécessaire à l’identité du continent européen et c’est encore un atout majeur, pour la France, sa sécurité et ses voisins d’Europe, quoi qu’ils en aient. Mais je dirai aussi, non ; on ne la développerait pas maintenant si par incapacité, impéritie ou naïveté, nous ne l’avions eue. Bijou de la couronne stratégique certes mais pas cœur irremplaçable de la sécurité.</p>
<p>Voyons un peu tout cela à défaut d’en traiter dans la Commission du Livre blanc.</p>
<p>3- <ins>Centralité politique</ins>. L’arme nucléaire est pour tout Président de la République française prenant ses fonctions, un des symboles majeurs de sa responsabilité nationale ; elle est l’apanage exclusif de sa légitimité démocratique. Le chef des armées dispose du feu nucléaire, en permanence, pour dissuader quiconque de s’en prendre aux intérêts vitaux de la France. Le faire savoir en endossant les capacités de la seconde frappe assurée est l’un des rituels de la prise de fonction ; les deux derniers PR y ont souscrit d’emblée, de même qu’ils avaient pris le soin de dissiper toute ambiguïté dans leurs propos électoraux de campagne. La capacité nucléaire est aussi une spécificité internationale de la France qui lui permet d’authentifier la responsabilité globale qu’elle exerce au sein du P5 du Conseil de sécurité de l’ONU. Tout le monde connaît cela qui n’est pas prêt de disparaître de sitôt. L’arme nucléaire confère, en effet, à celui qui la possède un avantage politique réel, validé par la pratique ancienne de la guerre froide. Depuis de Gaulle, on sait cela en France.</p>
<p>Pourquoi la France devrait-elle donc se départir de cet atout politique ? Quelle raison politique supérieure pourrait-elle la faire renoncer à un avantage qu’elle doit à sa clairvoyance, sa volonté et son génie propre ? Certains ont avancé des raisons de morale politique, d’autres l’incompatibilité européenne. Ces arguments sont sérieux. Mais la particularité de l’arme nucléaire est qu’elle prétend d’abord inhiber la volonté d’un adversaire déclaré de la France d’engager la bataille contre elle. En sachant l’en dissuader, elle s’abstient d’employer ces foudres de l’Apocalypse. <ins>Menacer de riposter de façon inacceptable n’est pas une faute contre l’éthique mais une modalité extrême de la légitime défense, moralement conforme</ins>. Il en a été longuement débattu. C’est acquis. L’argument européen est plus fort. Le fait que la France dispose en propre de sa propre réassurance stratégique la distingue de ses partenaires européens qui ont, soit choisi une posture de neutralité plus ou moins assumée (Irlande, Autriche, Finlande, Suède), soit pris rang dans l’Otan et sa réassurance américaine, nucléaire compris. Elle lui confère les moyens de sa survie autonome. Et <ins>ce cavalier seul nucléaire de la France dans l’Union européenne la singularise</ins> ; elle est d’autant plus un facteur de déseurope que la plupart de ses voisins sont dans une phase de doute nucléaire et que les propositions françaises de dissuasion « concertée » entre Européens n’ont guère eu d’écho. Il reste que la dissuasion nucléaire est plus une réalité stratégique qui s’impose à l’esprit de fauteurs de troubles potentiels que le choix délibéré de peuples couverts par les parapluies atomiques. La dissuasion nucléaire, ça se constate plus que ça se déclare. Centralité politique constatée et incontestée de l’arsenal nucléaire français, au profit de la France et de ses voisins avec lesquels la communauté de destin et d’intérêt est scellée par le récent Traité de Lisbonne.</p>
<p>Mais on voit bien que la disqualification progressive de cette arme comme instrument de régulation du monde est en marche. Elle n’ira sans doute pas jusqu’au bout de sa logique, jusqu’au « Global Zero » du Président Obama car on gardera encore longtemps de façon préventive des armes en nombre réduit en soulignant ou déplorant leur effet sur la stabilité ou l’instabilité du monde, selon que l’on est optimiste ou pessimiste.</p>
<p>Forte de son expérience stratégique, la France devra rester à sa juste place nucléaire.</p>
<p>4- <ins>Centralité militaire</ins>. Celle-ci est plus difficile à percevoir clairement et ses effets sont aussi plus pervers qu’on le dit généralement. Durant la guerre froide, le développement de l’arme nucléaire a conduit à l’équilibrage progressif des puissances par la prolifération verticale des armes et la compétition technologique des systèmes mais aussi par leur confinement dans le non-emploi. Ceci a conduit à la stérilisation des capacités militaires offensives des Grands, la riposte à l’agression étant intolérable du fait de la destruction mutuelle assurée. Cette réalité a fait de l’arme nucléaire un instrument décisif de stabilité, et un outil de la gouvernance mondiale, un instrument qui rendait la guerre impossible puisqu’il interdisait de facto la perspective de victoire. Cette sorte de pis-aller militaire a été objectivement très utile aux Grands de la Guerre froide. <ins>La guerre rendue illégale par la Charte des Nations unies devenait impraticable par la menace atomique</ins>.</p>
<p>En gelant les guerres interétatiques à l’ancienne, l’arme atomique a conquis la première place sur la scène militaire. Elle a créé des clubs de protégés et des alliances d’affidés, réassurés militairement par les Grands nucléaires. Elle a égalisé les puissances.</p>
<p>Ce qui n’a bien sûr pas suffi à éliminer toutes les causes de conflits entre Etats ou à l’intérieur des Etats ; les conflits de frontières, de minorités, de rancœurs ou d’injustices persistantes ; les tensions pour s’approprier des richesses convoitées, imposer des idéologies ou des régimes affiliés… <ins>En fait, la conflictualité n’a pas changé avec l’ère de l’arme atomique</ins>. Mais ces conflits latents qui n’étaient pas des guerres au sens juridique du terme devaient trouver d’autres voies opérationnelles pour purger vengeances, antagonismes ou compétitions ; des voies de stratégie indirecte, avec des coalitions intra ou trans étatique et la mobilisation d’acteurs irréguliers, épisodiques. Loin s’en faut que ces conflits aient causé moins de victimes et de désordres qu’avant l’ère atomique.</p>
<p>Aujourd’hui, comment ne pas voir qu’un « cercle vicieux militaire » a été enclenché par l’arme atomique qui a bloqué la possibilité de guerre conventionnelle interétatique en dernier recours. On peut estimer que le terrorisme de masse des Twin Towers est une forme de réponse perverse à ce blocage. Cette réalité juridico-technologique a eu d’autres effets pervers : la disparition des vainqueurs et des vaincus, celle des traités de paix tout comme la nécessité d’instances d’arbitrage internationales et de moyens collectifs de médiation ou de séparation des parties, s’il le faut, par la force. Mais, l’Onu n’a pas su s’imposer sur ce créneau pas plus que l’Union européenne n’a pu se doter des moyens de garantir la sécurité du continent européen. Restait le camp des vainqueurs de la guerre froide, qui sous la houlette des Etats-Unis, a utilisé l’Otan comme régulateur militaire global, avec des échecs croissants d’Irak en Afghanistan. Là on a vu apparaître des pratiques militaires nouvelles et contestables, celle de l’avilissement toléré des prisonniers de guerre ou la généralisation opérationnelle des assassinats ciblés, préventifs ou punitifs, qui se rapprochent par leur méthode de pratiques criminelles réprouvées.</p>
<p><ins>La centralité militaire de l’arme atomique est donc une réalité opérationnelle décisive qui pèse de façon directe sur la façon dont on conduit les combats aujourd’hui, sans espoir de victoire militaire, sans cadre normatif pour des batailles qui se déroulent « hors la guerre »</ins>. On se souvient de l’expression pertinente de « l’ombre portée par l’arme nucléaire » ; elle exprime bien comment même absente du champ des conflits du début du XXIè siècle, l’arme nucléaire pèse sur les questions stratégiques et militaires.</p>
<p>Ce dérèglement de l’ordre militaire qui prévalait jusqu’aux deux derniers conflits mondiaux en rend nostalgique plus d’un qui explore les voies et moyens de se passer de l’arme atomique, en la disqualifiant militairement ou en l’éradiquant politiquement. Revenir à la grammaire militaire conventionnelle est une vraie tentation belliciste que partagent de nombreux acteurs contemporains, comme si on pouvait revenir aux bons vieux temps et au statu quo ante. Il y a ceux qui veulent à nouveau se mesurer à armes égales avec des réguliers, ceux qui cherchent à s’affranchir du pouvoir égalisateur de l’atome pour imposer leur volonté via leur supériorité technologique. Ceux-là sont prêts à renoncer au gel nucléaire de la guerre pour retrouver les vertus de la combinaison de l’invulnérabilité défensive (comme le projet de bouclier antimissile le laisse espérer à terme) et de l’efficacité offensive (comme la généralisation des actions préemptives pourrait le permettre). Il s’agit là d’illusions classiques qui partent d’un même prérequis improbable : on saura vérifier qu’aucun perturbateur étatique ou irrégulier ne dispose d’une capacité nucléaire clandestine qui, en l’immunisant de toute attaque, l’affranchisse de toute contrainte.</p>
<p>La nucléarisation du phénomène guerre est irréversible, pour le meilleur et pour le pire. La fin de la centralité nucléaire militaire n’est pas pour demain. Elle pèsera sur tous les conflits à venir, de façon directe ou indirecte, et de bouleverser l’art de la guerre.</p>
<p>5- <ins>Centralité scientifique</ins>. Celle-ci est moins connue mais elle est pourtant tout aussi décisive. On a oublié la grande aventure des savants atomistes français pendant l’entre deux guerres puis durant la deuxième guerre mondiale et juste après. On méconnaît l’ampleur du projet Manhattan et les sommités scientifiques européennes qu’il a rassemblées. On ignore généralement le véritable engouement scientiste qui a présidé à la mise en place de la filière atomique française dès 1945 avec le CEA. Ces travaux ont été menés tambour battant avec des crédits quasi illimités dans une grande ferveur scientifique, technologique et industrielle. Il en va de même de l’aventure des fusées, qui devinrent les missiles balistiques à longue portée destinés à recevoir en partie haute les têtes nucléaires. C’est à une véritable aventure industrielle que les ingénieurs français, en suivant de près les travaux américains, ont du la réussite des programmes Diamant et suivants qui ont donné à la France les compléments balistiques à la composante pilotée. Enfin, comment oublier la filière cherbourgeoise qui a su intégrer l’ensemble, propulsion nucléaire, missiles balistiques et têtes nucléaires dans une coque capable de plonger à 300 m et plus. L’entreprise de la dissuasion a mobilisé l’excellence industrielle française et rassemblé une pépinière d’ingénieurs qui va irriguer l’ensemble des capacités technologiques de la France et participer, de façon plus ou moins directe, à des grandes filières compétitives : la navigation inertielle, la chaudronnerie nucléaire, le transport spatial, les télécommunications satellitaires ….</p>
<p>Aujourd’hui encore, comment comprendre Ariane 5 sans le missile M5, les avancées décisives sur la connaissance de la matière comme l’identification récente du si nécessaire boson de Higgs sans la recherche fondamentale conduite par les programmes scientifiques liés aux Forces nucléaires stratégiques. Le laser mégajoule qui entrera en service d’ici un ou deux ans pour reconstituer les plasmas à très haute température nécessaires à la mise au point d’armes nucléaires pérennes aura de très nombreuses applications non militaires, et favorisera peut-être la maîtrise de la fusion nucléaire électrogène.</p>
<p>L’ambition stratégique de la France passait au début des années 1960 par l’autonomie nucléaire stratégique ; celle-ci a été un formidable levier de progrès scientifique et technique qui a eu des débouchés civils les plus divers et qui a permis à la France de rester à la pointe dans les sciences de la matière et les techniques spatiales les plus diverses.</p>
<p>La priorité accordée dans notre posture de défense à l’arme nucléaire a permis de doper sa capacité scientifique et industrielle. On ne saurait renoncer à cette centralité induite devenue une des forces du pays, un des marqueurs de sa souveraineté.</p>
<p>6- <ins>Centralité budgétaire</ins>. L’effort nucléaire a coûté cher au pays. Il lui a aussi rapporté gros, on l’a vu. Mais de fait, il a contribué à contracter une grande partie de nos forces conventionnelles et retardé voire empêché leur modernisation. On a coutume dans l’Armée de Terre en particulier de le déplorer d’autant plus que cette armée ne déploie plus de moyens nucléaires, ni tactiques, ni stratégiques. L’armée d’emploi aurait du céder la place à celles du non-emploi. Querelle stérile et biaisée dont les récriminations restent cependant actives. On occulte parfois ainsi le fait que cet effort a demandé de lourds investissements en hommes et en matériels aux armées qui les déployaient, ravitailleurs, sous-marins d’attaque et aux systèmes interarmées, QG, transmissions, qui les contrôlaient. Et que ces efforts se sont faits aux dépens des forces conventionnelles, notamment s’agissant de la Marine nationale, des forces de surface dont le nombre d’unités a été divisé par 2 en 40 ans alors que la maritimisation de la planète bat son plein.</p>
<p>Mais aujourd’hui, l’essentiel est acquis et les cinq précédentes législatures ont consenti les efforts budgétaires nécessaires, avec constance et détermination pour permettre à la France de disposer d’un parc adapté, c'est-à-dire suffisant, de vecteurs et d’armes modernes et fiables. <ins>L’effort annuel à consentir maintenant ne dépasse pas 3 milliards d’euros, soit moins de 10% d’un budget de la Défense limité à 1,5% du PIB.</ins></p>
<p>On oublie parfois que ces forces nucléaires stratégiques ont été rationalisées au point qu’elles ne comprennent plus que deux composantes complémentaires par leur mode de pénétration des défenses adverses. On peut sans doute encore rationaliser un peu la composante pilotée en ne conservant que sa version mobile, aéronavale. Mais on ignore généralement aussi que <ins>les démanteler coûterait sans doute plus cher que les maintenir et prendrait beaucoup plus qu’un quinquennat, sans bénéfice stratégique observable</ins>. Le démantèlement coûteux de ces outils qui contribuent implicitement à la sécurité de la France et à la stabilité du continent européen serait une incongruité, qui enverrait un signal illisible à la communauté internationale et rangerait la France de facto sous la protection nucléaire américaine. On voit mal l’intérêt d’une telle manœuvre, après celle du retour à contretemps de la France dans le commandement intégré de l’Otan. De même qu’<ins>on voit mal l’intérêt d’une contribution financière à un bouclier antimissile dirigé des Etats-Unis qui vient, selon une mantra encore à démontrer, compléter une dissuasion qui ne demande rien mais surtout assécher les crédits de recherche destinés à la pérennité nucléaire (quelle nouvelle composante dans 25 ans ?) et à la garde de la nouvelle frontière cybernétique</ins>, infiniment plus décisive pour nos intérêts. Centralité budgétaire hier, routine aujourd’hui.</p>
<p>7- Un dernier point en guise de conclusion, <ins>sur la prolifération nucléaire</ins>. Elle est, on l’a dit en commençant, l’indicateur d’un malaise stratégique. Pourquoi un Etat se met-il tout d’un coup à braver la légitimité internationale et à investir massivement dans des programmes complexes et coûteux ? A l’évidence pour en tirer avantage, avantage dont on a vu qu’il était essentiellement politique et accessoirement technologique.</p>
<p><ins>Un pays qui a un programme nucléaire clandestin révèle en fait qu’il a des problèmes existentiels</ins>, des doutes sur sa capacité à assumer son destin ou à accomplir son projet. Ou qu’il souhaite s’assurer par avance l’impunité stratégique et se mettre hors de portée de la pression du monde occidental, de la communauté internationale, au prix de sa réputation. Ou encore qu’il exerce un chantage pour faire peser sa capacité de nuisance et monnayer son renoncement. La Libye et la Corée du Nord ont su en abuser. C’est souvent une combinaison de ces raisons qui a poussé dans le passé les proliférants notoires.</p>
<p>Si l’on prolifère, au fond c’est que l’on refuse fondamentalement les garanties de sécurité collective données par la communauté internationale via la Charte des Nations unies et son Conseil de sécurité. C’est une marque de défiance profonde envers celle-ci. <ins>C’est parce que les garanties de sécurité internationales sont obsolètes qu’on veut posséder un instrument de puissance en propre</ins>, pour dissuader les gendarmes internationaux ou contraindre des récalcitrants locaux. On voit que la prolifération nucléaire est un problème polymorphe. Elle ne peut pas être rangée dans une catégorie générique sans inventaire soigné. Elle n’est pas, comme on se plaît à le dire en ânonnant, l’un des deux axes de tension sécuritaire de la planète, avec le terrorisme. C’est une réalité très concrète, psychologique et stratégique mais aussi technique et industrielle.</p>
<p>Faut-il pour autant faire la guerre pour interdire la prolifération ? Entrer en conflit avec l’Iran pour l’empêcher d’être une puissance nucléaire ? Déclencher de façon préventive des attaques préliminaires pour empêcher un pays d’accéder à un statut qu’on estime incompatible avec la stabilité de la communauté internationale ? On peut en douter.</p>
<p>Centralité nucléaire certes mais pas pour régenter le monde.</p>
<p>Pour la France qui a pris, inconsidérément ces dernières années, une position en pointe sur ce thème, notamment vis-à-vis de l’Iran, c’est une question essentielle, surtout si l’on croit que demain la planète devra s’organiser avec des ordres stratégiques régionaux, réassurés régionalement. C’est une autre question, aussi sérieuse. Promis, on en reparle.</p>
<p>Contre-amiral (2S) Jean Dufourcq,</p>
<ul>
<li>« stratégiste »,</li>
<li>Rédacteur en chef de la Revue Défense Nationale</li>
</ul></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/07/31/Rh%25C3%25A9torique-nucl%25C3%25A9aire-%2528J.-Dufourcq%2529#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1491Rejoindre le Groupe des Plans Nucléaires (GPN) : une ineptieurn:md5:32e851500e63b9ed2350391e8b392d1e2012-02-22T20:47:00+00:002012-02-22T20:47:00+00:00Olivier KempfNucléaire<div class="post-excerpt"><p>Encore une fois, on me passe un texte où un esprit, "libre" et délié et innovant, balance l'idée géniale : rejoignons le Groupe des Plans Nucléaires à l'OTAN. Ce qui n'est d'une erreur, me semble-t-il. Et puisque c'est une idée "innovante", discutons-la : pas de thèse valable sans une bonne antithèse.</p>
<p><img alt="" src="http://www.lefigaro.fr/medias/2010/03/06/be40bb9c-28a4-11df-a9da-ca52d466742b.jpg" /> <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2010/03/06/01003-20100306ARTFIG00256-le-parapluie-americain-divise-l-europe-.php">source</a></p></div> <div class="post-content"><p>L'idée de réintégrer le GPN de l'Otan est régulièrement agitée par les "brillants" esprits généralistes qui ne connaissent pas grand chose à l'Otan. Chaque année, un brillant plein d'avenir jette l'idée dans tel rapport plus ou moins confidentiel. Mais je subodore que ce doit être également écrit dans des copies de l'école de guerre et autres lieux où on dit aux gars : vous devez terminer par des propositions. Et comme les gars ne connaissent pas grand chose, ils s'attachent aux organigrammes, voient qu'on n'a pas rejoint le GPN, et hop!, passez muscade, v'là que jte l'propose, le vorace y sera content, ça au moins c'est original et brillant.</p>
<p>De même, on voit pas mal d'universitaires qui ne connaissent l'Alliance que de l'extérieur et qui se précipitent sur un organigramme et croient qu'en modifiant une position dans le dit organigramme, tout va changer, y compris politiquement : quiconque a pratiqué n'importe laquelle grande organisation sait que les organigrammes sont beaux, mais que ce ne sont pas eux qui font marcher un système (voir <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2012/02/15/Sens-et-organigrammes">billet ici</a>). Et bizarrement, c'est la même chose dans cette grande machine politique et "intergouvernementale" qu'est l'OTAN. Ou, dans ce cas précis, l'Alliance puisque, faut-il le préciser, le GPN appartient au dispositif de l'alliance (le côté politique) et non au dispositif militaire, l'organisation proprement dite.</p>
<p>Ainsi donc, et à moins qu'il y ait eu un brusque changement de position validé à la fois par le quai d'Orsay, l'EMA et l'EMP, mais qui alors n'a pas été rendu public et s'inscrirait en total porte-à-faux avec la doctrine et la constante pratique française, réaffirmée notamment à Strasbourg Kehl et à Lisbonne, cette proposition n'est pas valide aujourd’hui pour cinq raisons.</p>
<p><img alt="" src="http://www.theatrum-belli.com/media/02/02/2111087324.jpg" /> <a href="http://www.theatrum-belli.com/archive/2009/10/09/parapluie-ou-hara-kiri-la-presence-nucleaire-americaine-en-e.html">source</a></p>
<p>En effet, une telle proposition, c'est :</p>
<p>1/ ne rien connaître à l'<ins>Otan</ins> (et donc ne pas savoir que le GPN ne sert pas à grand chose). En effet, il fut créé en 1966 après notre départ tout d'abord pour qu'il y ait un lieu "politique" où discuter à 15 (sans donc les Français) ; et qu'ensuite il s'inscrivait dans une grande dispute transatlantique portant sur le couplage nucléaire, précisément sur la question de la riposte graduée, et qu'il s'agissait pour les Américains de montrer aux alliés qu'ils avaient leur mot à dire en matière nucléaire, contrairement à ce que racontaient ces idiots de Français et que bien sûr, bien sûr, avant d'engager leurs bombes nucléaires en Europe, ils consulteraient les alliés. Les choses ont, le sait-on, un peu changé depuis 1966 : un tout petit peu ... ! Et si l'Alliance demeure une alliance "nucléaire", c'est d'abord grâce aux armes américaines, les fameuses B 61 qui constituent, pour le coup, un enjeu réel de Chicago. Et d'ailleurs la source d'une certaine dissension américano-allemande.</p>
<ul>
<li>Accessoirement, il est fort utile qu'il y ait un cercle où nous ne sommes pas : lors de la crise irakienne, en 2003, pour contourner l'opposition franco-allemande, l'Alliance s'était réunie au Comité des Plans de Défense (auquel nous ne participions pas, alors) pour réussir à adopter une position commune, ce qui était une façon diplomatique et agréée par tout le monde pour contourner le problème... Bref, l'exception française, même marginale, c'est encore un attribut de puissance.</li>
</ul>
<p>2/ c'est ne rien connaître non plus à la <ins>réalité allemande</ins> : allez dire à un Allemand de partager le nucléaire, essayez seulement ! cela fait vingt ans qu'on leur propose, qu'ils refusent, et au dernier sommet de Lisbonne, M. <strong>Westerwelle</strong> en a fait un objet de dissension franco-allemand, provoquant une crise diplomatique qui a raidi les Français comme des puces bretonnes en manque de chouchen et obligé Mme <strong>Merkel</strong> de venir calmer les choses. Ne pas en douter, ils risquent de remettre le couvert à Chicago, car pour eux, grâce à la sainte DAMB, plus besoin de cette arme horrible et sale et pas morale. Et ce serait le moment de rejoindre le GPN et de partager notre arme avec les autres Européens <acronym>? avec les Allemands </acronym>??</p>
<p>3/ c'est ne rien comprendre à ce que veulent les <ins>Américains</ins>, qui seront trop contents de nous retirer ce qu'ils considèrent comme une prolifération indue des années 60 et qui y verrons une belle revanche posthume sur <strong>De Gaulle</strong>. Habile !</p>
<p>4/ c'est ne pas avoir compris la logique profonde du traité <ins>FR-UK</ins> qui est d'abord nucléaire, ne l'oublions pas.</p>
<p>5/ c'est enfin ne pas avoir le premier centime d'ancien franc de sens politique et ne pas comprendre que<ins> le nucléaire, ça ne se partage pas</ins> et que c'est absolument essentiel à la géopolitique de la France : l'arme grâce à laquelle on ne revivra pas juin 1940 et la saignée de 14-18. Mais là, il ne s'agit pas de notre place dans l'alliance, il s'agit de la place du nucléaire dans notre stratégie nationale.</p>
<p>Bref, le nucléaire, avant d'être un dogme, est quelque chose qu'il faut "penser". Et si on pensait un peu, avant de faire des propositions farcies sur le nucléaire ?</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/02/15/Rejoindre-le-GPN-%253A-une-idiotie#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1328Dissuasion du fort au faible (2)urn:md5:38dd92a1444537d3432e0e73ddc148142012-01-02T20:13:00+00:002012-01-02T20:13:00+00:00Olivier KempfNucléaire<div class="post-excerpt"><p>Allez, <strong>chers</strong> <strong>égéarques</strong> (substantif inventé à l'instant pour désigner les lecteurs d'égéa) : un peu de <ins>stratégie théorique</ins> pour commencer l'année. Et pour cela, revenons sur cette notion de dissuasion du fort au faible, qui mérite d'être examinée plus avant que nos <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2011/12/14/Du-fort-au-faible">premières réflexions</a> d'il y a trois semaines.</p>
<p><img alt="" src="http://www.7sur7.be/static/FOTO/pe/17/9/4/media_xl_1847824.jpg" /> <a href="http://www.7sur7.be/7s7/fr/1505/monde/article/detail/1004348/2009/09/27/l-iran-a-tire-deux-missiles.dhtml">source</a></p></div> <div class="post-content"><p>1/ Poser la question de la<ins> dissuasion du fort au faible est contre-intuitif</ins> : en effet, si le faible l’est comparativement au fort, en quoi celui-ci aurait-il besoin de « dissuader » autrement que par sa simple supériorité physique ? Le faible cherchera à dissuader le fort (selon l’acception traditionnelle de la doctrine française, de dissuasion du faible au fort, grâce au pouvoir égalisateur de l’atome), il ne cherchera pas à prendre l’initiative de l’agression. Le fort n’a pas besoin de dissuader en plus de sa force : elle suffit.
C’est bien parce que l’attaque du faible paraît tout à fait illogique que l’usage s’est répandu d’assimiler le rapport « du fort au faible » à un rapport « du fort au fou ». Cela sous-entend qu’il est déraisonnable (« fou ») pour un faible d’agresser le fort. Pourtant, il est déraisonnable de « penser » ce rapport en affirmant que l’autre est « fou ». En effet, toute la logique de la dissuasion consiste justement à partir de l’hypothèse que les deux acteurs sont rationnels. Par construction, il ne peut y avoir de dissuasion du fort au fou, à supposer même qu’un « fou » existe. La seule folie est de croire qu'un fou stratégique existe.</p>
<p>2/ <ins>Le fort doit se méfier de sa propre supériorité</ins> (souvenez-vous de ce que je disais des<a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2011/08/23/Surprise-dans-le-champ-strat%C3%A9gique-%28suite-%3A-4/5%29"> surprises stratégiques</a>), afin d’appréhender les différentes ressources stratégiques du « faible » et les différents moyens qu’il a de contourner la supériorité de son adversaire. Qu’on se souvienne de l’émergence du trublion français, au début des années 1960. Alors, les Américains ne voulurent pas voir deux choses :</p>
<ul>
<li>tout d’abord, que le seuil des intérêts d’une puissance alliée n’était pas le même que celui du leader de l’alliance dans le cadre du duopole stratégique américano-soviétique : autrement dit, que les intérêts pouvaient diverger, malgré le système d’alliance ;</li>
<li>d’autre part, que le Mirage IV de 1962 pouvait être complété par une capacité de seconde frappe garantie par les SNLE, qui du coup modifiait radicalement l’équation stratégique, celle du duopole : car en terme de dissymétrie nucléaire, le vrai enjeu est celui de la frappe en retour .</li>
</ul>
<p>3/ Parler de fort et de faible revient à évoquer une notion classique, qui est d’ailleurs l’alfa et l’oméga des études de Clausewitz : <ins>le rapport de force</ins>. Chez Clausewitz, toute la manœuvre vise à modifier (éventuellement localement), au cours de l’engagement, ce rapport de force. En matière nucléaire, le rapport de force préexiste à l’engagement. Il est le résultat d’une supériorité technologique : soit vous avez l’arme atomique et pas l’autre, soit vous avez la bombe H et pas l’autre, soit vous avez des missiles balistiques et pas l’autre, soit vous avez des capacités de frappe en second et pas l’autre… Mais alors, <ins>est-on pour autant dans une situation de dissymétrie ?</ins> On peut définir celle-ci comme la disproportion de forces dans un champ stratégique donné (forces dites conventionnelles, forces nucléaires). Surtout, cette disproportion est telle que le faible n’imagine pas pouvoir compenser, dans le champ considéré, son infériorité par la manœuvre, de façon à inverser localement le rapport de force et obtenir la victoire.</p>
<p>4/ Dans le cas nucléaire, il peut y avoir un rapport de forces, mais il n’est pas toujours si élevé qu’il s’agisse d’une situation de dissymétrie : en effet, celle-ci entraîne le faible à recourir mécaniquement à des luttes asymétriques, conformément à la loi stratégique du contournement. C’est d’ailleurs grâce à cette proportionnalité relative que la France a pu inventer une dissuasion du faible au fort : puisqu’elle pouvait provoquer des dommages assez significatifs chez le fort, elle empêchait celui-ci de commencer par une agression classique, puisque le gain qu’il aurait obtenu ne compensait pas les pertes qu’il aurait subies. L’atome permet donc d’égaliser suffisamment le rapport de forces pour qu’on ne soit pas dans une situation de dissymétrie, donc de disproportion de la force de l’un par rapport à l’autre. Il reste, malgré la formule affirmant le « pouvoir égalisateur de l’atome », que l’un des deux belligérants demeure supérieur à l’autre. Il y a une égalisation suffisante pour que la dissuasion puisse fonctionner, c’est tout. Autrement dit, le faible parce qu’il devient nucléaire ne devient pas forcément « fort », et n’entre pas dans une dissuasion de fort au fort.<ins> Le faible ne fait que réduire l’inégalité</ins>.</p>
<p>5/ Le comprendre permet de mieux saisir les possibilités du rapport du fort au faible. En effet, le fort l’est relativement à son adversaire.<ins> Le déséquilibre technologique</ins> entre la France et un Etat proliférant tient aujourd’hui à plusieurs éléments : la garantie d’une capacité de seconde frappe, la modularité des moyens (grâce notamment à la composante aérienne), enfin des missiles dont la portée permet désormais d’atteindre n’importe quel point de la planète. Un proliférant n’a pas tous ces atouts : pas forcément de modularité, pas de garantie de seconde frappe, portée courte ou moyenne des missiles. Il y a inégalité des deux acteurs nucléaires, et la France tient la position du fort, ce qui est tout de même plus agréable que l’inverse.</p>
<p>6/ Toutefois, l’outil nucléaire n’est là qu’au service d’une politique, qui s’insère dans un conflit potentiel. Se pose alors <ins>deux questions : la volonté politique, et l’initiative</ins>.
Plus que dans tout autre domaine stratégique, la maîtrise du feu nucléaire ressort d’une décision politique. Selon une définition acceptée en France , la dissuasion sera « exercée pour la défense des intérêts vitaux ». Admettons qu’il en soit de même pour l’autre partie. Si celle-ci se trouve dans une situation où ses intérêts vitaux sont en jeu, et où elle estime devoir se défendre, elle pourra utiliser son arme nucléaire, même si elle est faible. Si elle la met en œuvre contre un objectif qui n’appartient pas à nos « intérêts vitaux », elle nous aura dissuadés de poursuivre notre action. Quant à nous, notre dissuasion ne l’aura pas empêché d’utiliser son arme. Notre dissuasion « du fort au faible » n’aura pas fonctionné.</p>
<p>7/ Il faut ici insister sur l’<ins>ambiguïté</ins> : dans notre esprit, notre action n’est pas forcément offensive ou agressive. D’une certaine façon, nos intentions comptent moins que la façon dont nos actions sont interprétées par la partie adverse.</p>
<p>(à suivre)</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2012/01/02/Dissuasion-du-fort-au-faible-%25282%2529#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1272Préemptionurn:md5:2bf3c970f5ae6f469901bdba7833ec212011-12-18T22:02:00+00:002011-12-18T22:02:00+00:00Olivier KempfNucléaire<div class="post-excerpt"><p>Une légère erreur dans un des livres que je suis en train de lire : elle a trait au mot "préemptif". Quelques précisions.</p>
<p><img alt="" src="http://cryptome.org/eyeball/deperm/pict252.jpg" /> <a href="http://defense-jgp.blogspot.com/2010/03/la-frappe-preemptive-francaise-et-la.html">source</a></p></div> <div class="post-content"><p>Le mot de "préemption" a été en vogue à la suite de la doctrine stratégique américaine, rendue publique par <strong>George W Bush</strong> en 2002.</p>
<p>"<em>Le terme de « guerre préemptive » implique, de la part d’un adversaire, une menace réelle et pouvant être constatée, elle est reconnue par le droit international comme un recours légal de « légitime défense selon certaines conditions »</em>" (<a href="http://www.irenees.net/fr/fiches/notions/fiche-notions-175.html">source</a>)</p>
<p>En clair : Une attaque préemptive serait tolérée, par une attaque préventive.</p>
<p>Ajoutons juste un dernier point : la notion date de bien avant les années 2000 : en effet, dès 1960 on en voit des traces, quand il s'agissait à l'époque de trouver des marges d'initiative dans la confrontation stratégique entre États-Unis et Soviétiques, et alors que la notion de riposte graduée n'avait pas encore été mise au point par <strong>Mc Namara</strong>. On en voit un exemple dans cet <a href="http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342x_1960_num_25_6_2384">article</a> de <strong>Bernard Brodie</strong>, paru en 1960 dans <ins>Politique Étrangère</ins>.</p>
<p>Et déjà, les arguments du débat ressemblent à ceux des années 2000.</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2011/12/18/Pr%25C3%25A9emption#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1254Du fort au faible ?urn:md5:79f9853464427a29fd4a13ee8cb9bbec2011-12-14T19:04:00+00:002011-12-14T19:04:00+00:00Olivier KempfNucléaire<div class="post-excerpt"><p>Dans un <a href="http://www.blogandregerin.fr/2011_11/111103_2.html">article</a> du 29 octobre paru dans Le Monde, le général <strong>Norlain</strong> dénonçait l'arme nucléaire "inutile et coûteuse". Il ne s'agit pas ici de répondre à ce qu'il affirme mais de creuser un petit passage :</p>
<p><img alt="" src="http://www.pingouin-grincheux.net/dotclear/public/img/hmour/Dissuasion.jpg" /> <a href="http://www.pingouin-grincheux.net/dotclear/?post/2007/10/03/De-limportance-de-la-precision-dans-linformation">source</a></p>
<p>En effet, il affirme : "<em>Pour répondre à la nouvelle situation stratégique, la doctrine est ainsi passée de la dissuasion "du faible au fort" à celle "du fort au faible ou au fou". Or, comme le dit le politologue <strong>Pierre Hassner</strong>, la notion de dissuasion du fort au faible conduit à une logique d'emploi et même d'emploi en premier</em>."</p></div> <div class="post-content"><p>J'ai un peu recherché, et n'ai pas trouvé la référence à <strong>Pierre Hassner</strong> : les écrits de celui-ci sur la dissuasion (ceux que j'ai trouvés, mais j'avoue avoir effectué un balayage sommaire) sont assez anciens. Si un lecteur pouvait me donner la référence exacte, je lui en serais reconnaissant.</p>
<p>Là où je suis surpris, c'est quand on nous explique que la dissuasion est passée "du faible au fort" à "du fort au faible" : pour le coup, c'est un peu forcer le texte des discours successifs des présidents de la République, <a href="http://www.leosthene.fr/IMG/article_PDF/article_608.pdf">celui de l'ile longue</a> en 2006 (prononcé par M. <strong>Chirac</strong>) puis <a href="http://www.elysee.fr/president/root/bank/print/P1944.htm">celui de Cherbourg</a> en 2008 (prononcé par M. <strong>Sarkozy</strong>).</p>
<p>Si je regarde bien, la dissuasion demeure tout azimut, ce qui est de doctrine constante. On rappela la notion "d'intérêts vitaux" et que la dissuasion était "strictement défensive". Quant à la notion de dissuasion "du fort au faible", elle n'est pas dans les textes.</p>
<p>Il n'en reste pas moins que le problème soulevé mérite d'être discuté. En effet, la doctrine française de dissuasion a été bâtie autour du principe de la dissuasion du faible au fort, grâce au pouvoir égalisateur de l'atome. Je parcourais ce matin <strong>Gallois</strong> et sa "<ins>Stratégie de l'âge nucléaire</ins>" (1960), le principe de "faible au fort" y est. <strong>Poirier</strong> (<ins>Des stratégies nucléaires</ins>, 1977) évoque la dissuasion du fort au faible et "du fort au fort", mais n'évoque pas "le fort au faible".</p>
<p>Or, malgré les efforts de lutte contre la prolifération (cf. la reconduction du TNP), il faut au moins envisager une prolifération. Et tout en faisant très attention à ne pas verser dans le travers de la croquemitaine iranienne, je ne peux que constater qu'il faut au moins envisager que l'Iran parvienne, malgré tous les efforts, à devenir une puissance nucléaire : les modalités en sont nombreuses (pays du seuil à l'instar du Japon, "pays qui ne sera pas le premier à introduire l'arme nucléaire au Moyen-Orient" à l’instar d'Israël, ou tout autre formule persane ...). Bref, stratégiquement, il faut penser cette éventualité et, au-delà du cas iranien, se poser les bonnes questions stratégiques.</p>
<p>Elles constatent alors que le différentiel technologique devrait durer pour de nombreuses années. Et qu'au-delà du nombre de têtes nucléaires possédées (300 dit la rumeur), la France apparaîtrait alors comme "le fort" d'une éventuelle dialectique stratégique qui l'opposerait à un potentiel adversaire néo-nucléarisé. Et du coup, elle devrait adapter sa posture de "faible au fort" à une posture de "fort au faible". Considérant l'effort intellectuel de nos aînés (les quatre généraux de l'apocalypse, ainsi nommés par <strong>F. Géré : Poirier, Gallois, Beaufre, Ailleret</strong>) avant de solidifier la doctrine, il paraît opportun de commencer à réfléchir sur le sujet.</p>
<p>On nous dit : le nucléaire est une arme de non-emploi. Sous-entendu : on sait très bien qu'on ne va pas l'employer. Malheureusement, c'est inexact. L'arme nucléaire est une arme qu'on menace d'employer. C'est la menace qui fonde la dissuasion, non le non-emploi. C'est au contraire la perspective de l'emploi qui fait que finalement, on n'emploie pas. Il en sera de même "du fort au faible". Au fond, la logique d'emploi est portée par la dissuasion, et non pas, comme le suggère le général <strong>Norlain</strong>, par l'inversion de la dissymétrie stratégique, par le passage de faible au fort à fort au faible.</p>
<p>Il reste que cette possibilité de dissuasion "du faible au fort" doit être explorée. Car il n'est pas sûr que la modalité soit exactement la même que dans le monde bipolaire. Je suis preneur de vos remarques et de vos références bibliographiques sur le sujet.</p>
<p>Verbatim:</p>
<ul>
<li>M. Chirac (2006) : <em>Contre une puissance régionale, notre choix n'est pas entre l'inaction et l'anéantissement. La flexibilité et la réactivité de nos forces stratégiques nous permettraient d'exercer notre réponse directement sur ses centres de pouvoir, sur sa capacité à agir</em>.(...)" <em>Mais, notre concept d'emploi des armes nucléaires reste bien le même. Il ne saurait, en aucun cas, être question d'utiliser des moyens nucléaires à des fins militaires lors d'un conflit. C'est dans cet esprit que les forces nucléaires sont parfois qualifiées "d'armes de non emploi". Cette formule ne doit cependant pas laisser planer le doute sur notre volonté et notre capacité à mettre en œuvre nos armes nucléaires. La menace crédible de leur utilisation pèse en permanence sur des dirigeants animés d'intentions hostiles à notre égard</em>".</li>
<li>M Sarkozy (2008) : "<em>Mais nous devons aussi être prêts à faire face à d'autres risques que la prolifération. L'imagination de nos agresseurs potentiels est sans limite pour exploiter les vulnérabilités des sociétés occidentales. Et demain, les progrès technologiques peuvent créer de nouvelles menaces. C'est pour cela que nous tenons à notre dissuasion nucléaire. Elle est strictement défensive. L'emploi de l'arme nucléaire ne serait à l'évidence concevable que dans des circonstances extrêmes de légitime défense, droit consacré par la Charte des Nations unies</em>". "<em>Notre dissuasion nucléaire nous protège de toute agression d'origine étatique contre nos intérêts vitaux – d'où qu'elle vienne et quelle qu'en soit la forme</em>". "<em>Nous ne pouvons exclure qu'un adversaire se méprenne sur la délimitation de nos intérêts vitaux ou sur notre détermination à les sauvegarder. Dans le cadre de l'exercice de la dissuasion, il serait alors possible de procéder à un avertissement nucléaire, qui marquerait notre détermination. Il serait destiné à rétablir la dissuasion</em>".</li>
</ul>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2011/12/14/Du-fort-au-faible#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1248Nucléaire : le débat budgétaire qui monteurn:md5:db56fa45b8ba3fad027b41e37ee923c42011-10-29T21:34:00+00:002011-10-29T21:34:00+00:00Olivier KempfNucléaire<div class="post-excerpt"><p>A quatre jours d'intervalle, le Monde publie deux articles posant la question du nucléaire militaire : l'un d'une journaliste maison, <strong>Nathalie Guibert</strong>, l'autre du Général de corps aérien (2S) <strong>Norlain</strong>, qui avait déjà signé une tribune prônant la fin du nucléaire il y a deux ans, et qui réitère cette fois-ci. Cela va à l'appui des discours de <strong>Louis Gautier</strong>, qui interviendra prochainement sur le sujet dans un colloque dont je vous reparlerai. Cette concomitance est le fait du hasard, certainement. Mais la question mérite examen.</p>
<p><img alt="" src="http://www.lefigaro.fr/medias/2010/10/14/afe6d8a4-d837-11df-8f68-545d891de8eb.jpg" /> <a href="http://www.lefigaro.fr/sciences/2010/10/14/01008-20101014ARTFIG00757-le-laser-megajoule-va-simuler-l-arme-nucleaire.php">Source</a> (article sur le laser mégajoule)</p></div> <div class="post-content"><p>Que disent les critiques ? que le nucléaire coûte cher, et que sa part relative doit être interrogée. Certes, les choix ne sont pas pour aujourd'hui, puisque "<em>c'est en 2015 que doivent être prises des décisions importantes pour préparer la prochaine génération de missiles et de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, à l'horizon 2030</em>" (N. Guibert).</p>
<p>Mais plusieurs arguments poussent à soulever la question plus précocement :</p>
<ul>
<li>d'une part, la nécessité de poursuivre les efforts d'équipement pour les autres composantes, notamment terre, air et mer, sans même parler du spatial, dans une situation budgétaire que chacun sait tendue</li>
<li>d'autre part que la Défense antimissile risque de demander des fonds qu'il faudra bien chercher quelque part (effet d'éviction que j'ai souvent signalé, justifiant mon scepticisme envers cette DAMB)</li>
<li>ensuite que le discours de Prague en 2010 par le président Obama à relancé le mouvement global zero</li>
<li>que le dernier sommet allié de Lisbonne a été l'occasion d'une dispute franco-allemande sur cette question nucléaire, et que le sujet reviendra à l'ordre du jour du prochain sommet de Chicago, début mai 2012, soit au beau milieu de l'élection présidentielle</li>
<li>que Fukushima pose la question du nucléaire civil, et indirectement celle du nucléaire militaire</li>
<li>que le traité franco-britannique de Lancaster House a pour objet, entre autres choses, de mutualiser les installations de simulation</li>
<li>que la crise financière pose la question budgétaire : c'est d’ailleurs probablement cette raison qui suscite le moment d'une telle campagne médiatique</li>
</ul>
<p>Sur le fond, un fidèle lecteur d'égéa, JDF, pose les questions suivantes, je le cite: : Le général pense-t-il :</p>
<ol>
<li>Que de se séparer de l'arme nucléaire améliorera les conditions d'emploi de nos troupes, par transfert des budgets ?</li>
<li>Que la situation stratégique générale mondiale n'évoluera pas si vite (l'Europe reste une île stratégique) que nous pourrons retrouver très vite des moyens d'action classiques et/ou nucléaires en cas de besoin (notre lecteur a en tête la dernière livraison du colonel Goya sur la difficulté à monter en puissance) ?</li>
<li>Qu'il est une bonne chose que la France abandonne unilatéralement ses capacités nucléaires ou les réduise encore, sans négociation avec les autres puissances nucléaires ?</li>
<li>Enfin, en affirmant que nous sommes passé d'une dissuasion du faible au fort à une dissuasion du fort au fou et au faible, veut-il juste finir sa tribune avec esthétisme ou croit-il vraiment à cet argument, malgré sa faiblesse interne ?</li>
</ol>
<p>En tout cas, le débat est ouvert : il ne s'agit pas de renoncer à la dissuasion, sur laquelle la France a investi depuis presque soixante ans, et qui est le premier gage de la paix européenne, plus que la construction européenne ;mais peut-être de poser la question de l'enveloppe de celle-ci. Une question stratégique avant d'être financière. Une décision qui appartiendra au futur président.</p>
<p><ins>Références</ins> :</p>
<ul>
<li><a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/10/25/la-dissuasion-nucleaire-sans-tabou_1593536_3232.html">Article</a> de N. Guibert</li>
<li><a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/10/28/l-arme-nucleaire-est-inutile-et-couteuse_1595594_3232.html">Article</a> du Gal Norlain</li>
</ul>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2011/10/28/Nucl%25C3%25A9aire-%253A-le-d%25C3%25A9bat-budg%25C3%25A9taire-qui-monte#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1196La NPR et les ADMurn:md5:d9942b49e40d41d80fc59b39ee133aba2010-04-07T21:15:00+00:002010-04-07T21:15:00+00:00Olivier KempfNucléaire<div class="post-excerpt"><p>Comme chacun le sait désormais, B. Obama a publié mardi 6 avril la <strong>Nuclear Posture Review</strong> (NPR), que l'on attendait depuis un certain temps.</p>
<p><img alt="" src="http://www.alliancegeostrategique.org/images/logo_npr.jpg" /></p>
<p>Elle vient au cœur d'un "moment" nucléaire. En effet, après avoir réussi à faire voter sa loi sur la santé, et obtenu un succès en Afghanistan, B. Obama revient sur le terrain diplomatique : d'une part en affichant une ligne plus déterminée envers Israël; d'autre part avec une relance nucléaire, qui passe par un nouveau traité <strong>START III</strong> de réduction des armements stratégiques, signé avec la Russie, la <strong>NPR</strong> que l'on attendait depuis plusieurs semaines, enfin une conférence au sommet sur la sécurité nucléaire.</p>
<p>Qu'en dire de plus ?</p></div> <div class="post-content"><p>1/ Avec Romain <strong>Lalanne</strong> (voir son excellent <a href="http://www.alliancegeostrategique.org/2010/04/07/nuclear-posture-review/">billet</a>), on peut se poser la question de la <strong>réussite du pari obamien</strong>; quant à moi, je n'entrerai pas dans ces considérations qui apprécient la portée des messages. Certes, la dissuasion est d'abord affaire de mot, donc de discours, et les spécialistes regardent d'abord cet aspect là des choses. Mais savoir si la "<em>limitation de la menace d'utilisation des armes nucléaires contre les pays non membres du TNP qui s'engageraient dans une démarche nucléaire</em>" (ouf!) est efficace, cela semble au minimum spécieux. Bref, ce 'est pas la grande avancée qu'on veut nous faire croire.</p>
<p>2/ A propos du <strong>START</strong>, on peut aussi remarquer que <strong>les engagements sont de faible portée</strong> : c'est ce que dit Le <ins>Monde</ins> (<a href="http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2010/04/07/traites-start-une-reduction-modeste-des-arsenaux-americain-et-russe_1329992_3222.html#ens_id=1324943">ici</a>), ce que disait V. <strong>Jauvert</strong> il y a dix mois déjà (<a href="http://globe.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/07/07/desarmement-pourquoi-obama-et-medvedev-bluffent.html">ici</a>, à propos du préaccord <strong>Obama</strong> <strong>Medvedev</strong> de juillet 2009). Pourtant, <strong>Romain</strong> explique qu'en dé-mirvant les têtes, il y a une réelle avancée. Je note cependant la clause de sortie russe, même si on n'est pas sûr qu'elle soit dans l'accord.</p>
<p>3/ alors ? encore une stratégie déclaratoire, qui recouvre finalement peu de choses? une simple magie des mots? <strong>Une sorte de gaullisme</strong>, faisant accroire des grandes choses quand elles sont, finalement, moins importantes qu'il n'y paraît ? Non, il y a un point qui me semble important : celui de la concentration de la dissuasion nucléaire contre les seules armes nucléaires. Certes, ce n'est pas la fonction "unique" (<em>sole</em>) de la dissuasion, mais c'est la fonction fondamentale. En clair, pas d'armes nucléaires contre des armes chimiques. Et normalement pas contre des armes biologiques, sauf si...</p>
<p>4/ Cette distinction est notée <a href="http://globe.blogs.nouvelobs.com/archive/2010/04/06/nucleaire-la-promesse-d-obama.html">hier</a> par V. Jauvert. Il affirme que cela va à l'encontre de la doctrine française. <strong>Je n'en suis pas aussi sûr que lui.</strong> Surtout, la confusion des "armes de destruction massives" m'a toujours paru dangereuse (voir mon <a href="http://www.defnat.com/acc_frames/resultat.asp?cid_article=2003080906&ccodoper=3&cid=20030809&ctypeencours=0">article</a> dans la RDN en août 2003, où je fustige cette notion d'armes de destruction massive).</p>
<p>5/ En effet, en <strong>laissant le nucléaire dissuader le seul nucléaire</strong>, on n'affaiblit pas le concept de dissuasion. On admet que la guerre est horrible, mais on installe un <strong>seuil</strong>, une différence de nature entre le nucléaire, qui peut détruire l'humanité, et les autres armes, aussi puissantes soient-elles. A vouloir descendre la garantie du nucléaire vers d'autres armes, on abaisse le tabou, et on rend donc le nucléaire plus employable. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la période bushiste est celle qui a le plus insisté sur les Armes de destruction massive (motif de l'invasion de l'Irak, souvenez-vous) et a été celle qui a le plus prôné l'emploi tactique d'armes nucléaires (notamment anti-bunker). L'imitation récente et peu conceptualisée de cette confusion par certains décideurs français (on pense au discours de J. <strong>Chirac</strong>) trahit une double incertitude : face à la nouvelle situation mondiale qu'on ne sait plus appréhender ; et face à l'arme nucléaire qu'on ne sait plus penser.</p>
<p>6/ C'est pourquoi je ne suis pas d'accord avec V. Jauvert dans son appréciation de la <strong>position française</strong> : il me semble qu'elle est revenue à des conceptions plus traditionnelles (<strong>nuc. contre nuc</strong>.), même si elles pâtissent, peut-être, de ne plus susciter de débat. Là est le vrai atout de la NPR américaine : elle vient au terme de débats longs (trop) et elle conclut en décidant.</p>
<p><ins>Réf :</ins></p>
<ul>
<li>sur la longueur du débat outre-atlantique : voir ce <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2010/03/11/Retards-nucl%C3%A9aires-US">billet</a>. Je n'ai pas vu (mais un lecteur voudra bien préciser ce point) si les <em>Prompt Global Strike</em> sont incluses dans la nouvelle NPR .</li>
<li>sur la nécessité (dès novembre !) d'un débat en France, voir <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2009/11/23/D%C3%A9bat-sur-le-nucl%C3%A9aire">ici</a>, et la <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2009/11/30/R%C3%A9flexions-et-certitudes-sur-le-nucl%C3%A9aire-%3A-une-r%C3%A9ponse-ar-JP-Gambotti">réponse</a> de JP Gambotti</li>
</ul>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2010/04/07/La-NPR-et-les-ADM#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/567Retards nucléaires USurn:md5:8aab8dbf9ac50a61318c7194cb7b12ad2010-03-11T20:12:00+00:002010-03-11T20:12:00+00:00Olivier KempfNucléaire<div class="post-excerpt"><p>Les hésitations nucléaires américaines sont actuellement très curieuses.</p>
<p><img alt="" src="http://1.bp.blogspot.com/_jaogNeesHRk/Sg8WhzOAS3I/AAAAAAAAAyc/_NXOS22BHA4/s400/nucleaire.jpg" /></p>
<p>1/ Il y a tout d'abord le retard de la prorogation du traité START 1, qui devait se transformer en START 3. START 1 arrivait à échéance le 5 décembre dernier. Les commentaires habituels laissent entendre que ce sont les Russes qui font trainer les choses : soit pour lier la question au BAM, soit pour remonter en importane aux yeux des Américains. Je propose une vision iconoclaste : <ins>ce sont en fait les Amériains qui ne veulent pas sortir du bois.</ins></p></div> <div class="post-content"><p>2/ Le retard de parution de la <strong>révision de posture nucléaire</strong> (quatre mois) est un autre signe de cette hésitation fondamentale. Elle est interprétée le plus courremment comme un débat entre les <em>hardliners</em> (Gates) et les <em>softliners</em> (Obama), réflexe traditionnel des commentateurs : voir par exemple ce <a href="http://feedproxy.google.com/~r/Potusphere/~3/_Tim69S1F3g/obama-and-gates-incompatible-ideas.html?utm_source=feedburner&utm_medium=email">billet</a> d'Amy Green. Voir aussi cet <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2010/03/03/01003-20100303ARTFIG00069-barack-obama-peine-a-imposer-sa-doctrine-nucleaire-.php">article</a> de Laure Mandeville de la semaine dernière.</p>
<p>3/ Cette hésitation rappelle férocement ce qui avait eu lieu à l'automne dernier, à l'occasion des renforts afghans. Un processus similaire devrait donc aboutir à une <ins>déclaration dure, assortie de condintions</ins> pour faire passer la pilule (souvenez-vous : 30.000 hommes et l'annonce du début de retrait en 2011).</p>
<p>4/ C'est d'ailleurs ce que suggère, de façon sybilline, L. Mandevile à la fin de son article : on aurait l'option d'une dénucléarisation, qui permettrait de satisfaire Obama. Ce serait l'option "<em>Prompt Global Strike</em>", ou "<strong>frappe globale immédiate</strong>". Qui consisterait à armer des missiles intercontinentaux de charges conventionnelles. <strong>Plus sûr ? que nenni</strong>, ainsi que le rappelle Evgueni Primakov dans le passionnant "<a href="http://www.amazon.fr/monde-sans-Russie-conduit-politique/dp/2717857370/ref=cm_cr_pr_product_top">Le monde sans la Russie?</a>" que je viens de terminer et dont je vous reparlerai : mais comme il n'est plus possible de distinguer (au lancement) une fusée chargée conventionnellement d'une fusée chargée nucléairement, ce système mettrait radicalement en cause tous les dispositifs actuels de prévention : ce ne peut être décidé unilatéralement, bien sûr. L'option "frappe globale immédiate" serait par ailleurs le moyen de ne pas renouveller le START. Mais <ins>au risque de dynamiter tous les mécanismes actuels de prévention collective</ins>, alors qu'on est sensé les renforcer..... un mal pour un bien.</p>
<p>Décider d'être réaliste et en même tmeps idéaliste constitue, véritablement, un dilemme : il explique les hésitations obamiennes, et les retards en cours.</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2010/03/11/Retards-nucl%25C3%25A9aires-US#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/528Réflexions et certitudes sur le nucléaire : une réponse par JP Gambottiurn:md5:4d9a78a540c5666716093daba5bb67212009-11-30T20:46:00+00:002009-11-30T20:46:00+00:00Olivier KempfNucléaire<div class="post-excerpt"><p>Le général Gambotti réagit à un précédent <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2009/11/23/D%C3%A9bat-sur-le-nucl%C3%A9aire">billet</a> sur le débat nucléaire : j'avais posé la question (sans y répondre) de la notion d'arme offensive, et d'arme d'emploi substratégique. J'avais surtout rappelé l'urgence du débat. Celui-ci a lieu, si j'en crois les commentaires sur AGS, ou le <a href="http://blog.mondediplo.net/2009-11-26-Nouvelle-prosperite-de-la-contre-insurrection-a">billet</a> de Philippe Leymarie sur son blog du <strong>Monde Diplo</strong>. Ce billet alimente la réflexion commune. O. Kempf</p>
<p><em>Verbatim JP Gambotti :</em></p>
<p><strong>Raisonner le nucléaire est passionnant car c’est traiter de l’essence même de la guerre.</strong></p>
<p>De la guerre selon Sun Tu : l’art suprême de la guerre, c’est soumettre l’ennemi sans combat, mais aussi de la guerre selon Clausewitz : la guerre est un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté.</p></div> <div class="post-content"><p><strong>Repenser notre doctrine</strong></p>
<p>Pour moi, toute doctrine nucléaire ne peut se construire que dans les limites de ces deux postulats.</p>
<p>D’abord parce que l’arme nucléaire est de l’ordre de l’apocalypse et que c’est ce caractère vertigineux qui lui confère son caractère dissuasif. Et puisque la dissuasion ressortit à cet art suprême de la guerre de soumettre l’ennemi sans combat, aucun état détenteur de cette arme de destruction massive ne peut s’exonérer de placer la menace de son emploi dans sa panoplie stratégique.</p>
<p>Ensuite parce que dans un monde-système régi par des rapports de forces, appartenir au petit cercle des puissants, au « club atomique », permet de dominer le concurrent avant qu’il ne devienne un adversaire que l’on devra contraindre à exécuter notre volonté.</p>
<p>Répondant à ce diptyque, arme de la domination et arme de la paix contrainte, le nucléaire français pour conserver sa pertinence, ne peut échapper à la révision de sa doctrine et je pense aussi qu’il est urgent de s’y atteler. Car le critère premier de la dissuasion c’est sa crédibilité, et ne peut être crédible que ce qui est connu et compris. Actuellement je crains qu’aucun agresseur potentiel de la France, à cause d’une absence de stratégie déclaratoire, ne puisse s’inscrire, par méconnaissance des règles, dans une quelconque dialectique nucléaire qui est le dialogue de la dissuasion en action.</p>
<p>Et j’en viens à la nature de la dissuasion. D’emblée je voudrais dire, dans le prolongement de mon propos précédent, qu’en termes de dissuasion nucléaire la notion de posture -offensive ou défensive - a peu de sens, car dans ce dialogue le jeu consiste à prendre l’ascendant sur l’adversaire en le menaçant d’un engagement des feux nucléaires qui conduirait les deux parties, in fine, à une quasi-destruction réciproque. En bref la dissuasion est une manœuvre de la volonté avec des phases alternatives de suprématie et de soumission, ainsi peut-on affirmer que ce n’est pas parce que l’arme nucléaire est de non-emploi que la dissuasion est défensive. Paradoxalement on pourrait la considérer plutôt comme une stratégie offensive de la pensée maniant la terreur et l’effroi!
__
Emploi, non-emploi__</p>
<p>Mais si l’on décide de faire de l’arme nucléaire une arme d’emploi, nous changeons de paradigme. Ce n’est plus le caractère cataclysmique et la peur inhérente de l’atome que nous prenons en considération, mais sa capacité à délivrer des énergies colossales, avec peu de vecteurs, sur des cibles ponctuelles, pour appuyer des opérations de niveaux tactique et stratégique. Je crains que ce type d’emploi n’ait qu’une très faible possibilité d’occurrence dans les conflits futurs. D’abord, si j’en crois la littérature militaire, parce que nous sommes dans un trend de guerres dans lesquelles les populations seront parties prenantes à plusieurs titres et je m’interroge sur les conséquences de l’emploi du nucléaire au sein de ces populations.</p>
<p>Ensuite, dans les cas de guerres plus symétriques, mais dont les belligérants ne disposent pas tous de l’arme nucléaire, je pense que son emploi sera stratégiquement, techniquement et juridiquement restreint, voire impossible. D’abord parce que le nucléaire va créer des zones contaminées et d’importantes destructions, contraignant ou interdisant la manœuvre et excluant la réémergence de la vie – j’invite à la consultation des Tables d’effets des armes nucléaires et à se remémorer Hiroshima ou Tchernobyl; ensuite parce que le contrôle gouvernemental des armes nucléaires dans un système trop « distribué », sera difficilement exercé jusqu’au niveau le plus subalterne, sur des théâtres éloignés de surcroît ; enfin parce que l’emploi du feu nucléaire dans des circonstances dans lesquelles les intérêts vitaux de la nation ne sont pas menacés produira des pertes massives et disproportionnées par rapport aux enjeux et sera vraisemblablement contesté et judiciarisé à terme par les instances internationales ad hoc. Passons sur les réactions immédiates de la communauté internationale à la vue d’images cataclysmiques diffusées en boucle sur internet et les médias mondiaux…</p>
<p><strong>Dissua-tion</strong></p>
<p>Pour terminer, je voudrais me colleter avec cette idée extravagante de l’européanisation de l’armement nucléaire français. Selon moi c’est ontologiquement un non-sens : la dissuasion ne se partage pas. Sans revenir sur ses principes cardinaux, je rappellerai simplement que la dissuasion nucléaire s’inscrit dans une logique de létalité absolue : la sauvegarde des intérêts vitaux peut exiger le sacrifice de la nation. Ainsi la dissuasion et la nation sont des concepts intriqués, osons « dissua-tion. » Si je rajoute que la dissuasion c’est aussi le décideur suprême élu au suffrage universel, on mesure l’incongruité de proposer que la dissuasion française puisse présentement être élargie à l’Europe qui n’est pas une nation, au mieux une association d’états désireux d’avoir un avenir en commun et qui n’a pas de représentant élu au suffrage universel, mais, depuis peu, un président du Conseil européen élu ( ?) par ses membres. Peut-on fonder une dissuasion, par essence sacrificielle, sur un substrat aussi mou, aussi ténu, et qui peut croire que des « états qui n’ont pas d’amis, mais que des intérêts » pourraient unanimement décider que l’intérêt de certains est l’intérêt de tous et que sa menace justifie le risque d’un suicide collectif ? Construire la dissuasion européenne est au minimum un immense défi, plus certainement une utopie. Un projet moins ambitieux a capoté, un autre actuellement balbutie.</p>
<p>En <strong>conclusion</strong> je ferai dans le truisme. Le débat sur le nucléaire est nécessaire et urgent, mais suggérons aux débatteurs de ne pas méconnaitre les principes essentiels de la dissuasion, sa consubstantialité avec la nation, les énergies colossales qui sont en jeu et la violence psychologique dont il est question quand on manœuvre la terreur et l’effroi.</p>
<p>JP Gambotti</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2009/11/30/R%25C3%25A9flexions-et-certitudes-sur-le-nucl%25C3%25A9aire-%253A-une-r%25C3%25A9ponse-ar-JP-Gambotti#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/401Débat nucléaire : une nécessité et une urgenceurn:md5:0b991c31ea30ce3769f0a069b46ea22b2009-11-23T19:48:00+00:002009-11-23T19:48:00+00:00Olivier KempfNucléaire<div class="post-excerpt"><p>Ce jour a eu lieu le <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2009/11/07/Colloques-et-conf%C3%A9rences">colloque</a> de <strong>Participation et progrès</strong> sur le nucléaire, à l'Assemblée nationale. La première demi-journée était particulièrement intéressante (explications et donc perspectives), celle de l'après-midi fut différente, car on y vit les plaidoyers s'affronter : une dispute française, avec des envolées, des remous, du caractère.</p>
<p><img alt="nucleaire_AGS_cbwele.jpg" src="http://www.egeablog.net/dotclear/public/.nucleaire_AGS_cbwele_m.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" title="nucleaire_AGS_cbwele.jpg, nov. 2009" /></p>
<p>De la journée, je retiens une nécessité, et une idée.</p></div> <div class="post-content"><p><strong><ins>1/ La nécessité : c'est celle de l'urgence du débat</ins></strong></p>
<ul>
<li>Urgence qui tient au <ins>calendrier</ins>, puisque se succéderont d'ici un an de nombreuses échéances, signalées par <strong>B. Tertrais</strong> : négociation Start III, "révision de la posture nucléaire américaine", nouvelle doctrine militaire russe, conférence de révision du TNP, sommet sur la sécurité nucléaire, éventuellement lancement des négociations Start IV, , nouveau concept de l'Otan, négociations sur le FMCT (matières explosives). Il ne s'agit là que du calendrier officiel, sans parler du calendrier contingent, lié à l'Iran, à la Corée, ...</li>
<li>urgence qui tient aussi à la <ins>nouvelle situation</ins>. Le nucléaire a longtemps été synonyme d'empêchement de guerre. Or, depuis la fin de la guerre froide, les conditions ont manifestement changé, puisque le nucléaire a perdu son pouvoir structurant, tandis que les guerres n'ont cessé de prendre leur autonomie. L'arme nucléaire n'est alors plus celle du statu quo. Et il y a comme une attraction fatale entre les désordres nucléaires et les risques de conflictualité, pour reprendre les mots de <strong>L. Gautier</strong>.</li>
<li>urgence qui tient au <ins>débat qui couve à l'Otan</ins> sur le renouvellement des armes nucléaires substratégiques, débat signalé par des nombreux participants, débat que j'ai essayé d'expliciter (article à paraître)</li>
<li>urgence qui tient à la nucléarisation galopante des Asies (Moyen Orient, Asie du sud, Asie de l'est, évoquée notamment par le Gal <strong>Quesnot</strong>)</li>
<li>cette urgence contraste avec la <ins>panne de la théorie nucléaire</ins>, et notamment de la dissuasion. C'est notamment vrai en France. Vrai d'un double point de vue : purement français (la dissuasion de représailles massives a-t-elle encore un sens? ou plus exactement, suffit-elle à répondre à tout?) mais aussi dans le cadre européen (puisque, comme de nombreux intervenants l'ont fait remarquer, chacun commence à prendre conscience de l'européanisation inéluctable de l'arme française).</li>
</ul>
<p><strong><ins>2/ L'idée : celle de la nature de l'arme</ins></strong></p>
<ul>
<li>en effet, tout le système était bâti sur un précepte : <ins>l'arme nucléaire est fondamentalement défensive</ins>. Au point qu'on ne voyait pas comment l'utiliser offensivement.</li>
<li>Or, ce qui marche évidemment du faible au fort ou du fort au fort (et explique entre autres les démarches iraniennes et coréennes, mais aussi indienne, israélienne et pakistanaise) n'est <ins>pas du tout évident du fort au faible ou du fort au fou</ins> (ou appelé tel). Dès lors, la dissuasion change de nature. L'arme nucléaire, arme de non-emploi (ou plus exactement, arme de menace d'emploi) deviendrait alors une arme d'emploi. Mais pour être efficace, elle doit être adaptée. La notion de représailles massives ne convient plus. <strong>L'arme nucléaire devrait alors devenir offensive</strong>. .</li>
<li>il faut en conséquence évoquer des <ins>évolutions technologiques</ins> : soit pour les exposions d'altitude, soit par une <strong>miniaturisation</strong> chose la plus difficile actuellement. Cette évolution technologique semble inéluctable. Elle aura donc lieu. Elle aura lieu à l'étranger (il est probable que les Américains travaillent activement là-dessus). Elle aura peut-être lieu en France. Dans tous les cas, il faut dès à présent la penser.</li>
<li>Car du moment où vous envisagez que le nucléaire devienne une arme d'emploi, <ins>beaucoup de choses sont dénaturées</ins> : quelle distinction faites vous entre tactique, pré-statégique et stratégique ? quel critère d'emploi adoptez-vous ? quelle doctrine élaborez vous ? quelle délégation d'ouverture du feu accordez-vous ?quelle garantie d'emploi "à juste mesure" apportez-vous ?</li>
<li>pour sortir du seul cadre militaire, <ins>quel discours politique</ins> tenez-vous ? comment assurer que vous aurez un emploi "sage" de l'arme ? n'encouragez vous pas la confusion actuelle entre le NUC d'une part, le BIO-CHIM d'autre part (confusion déjà activement entretenue par les Américains, avec le résultat que l'on sait s'agissant le l'Irak de Saddam)? quant on voit l'échec du TNP, on n'est pas optimiste....</li>
</ul>
<p>Ainsi, la question actuelle n'est peut-être pas, contrairement aux apparences, celle du désarmement nucléaire, mais celle du <ins>réarmement nucléaire</ins>. Qu'on me comprenne bien : il n'y a de ma part aucun discours normatif ("il faut que.."). Précisément, je n'appelle ni au réarmement nucléaire, ni à la transformation de la bombe en arme offensive. Je dis juste que le débat doit avoir lieu, et qu'il doit prendre en compte l'environnement actuel, et non celui de la naissance double de l'arme et de la doctrine, dans les années 1960.... <strong>La modernisation conceptuelle doit accompagner la modernisation technique</strong>.</p>
<p>Ainsi, le débat ne fait que s'ouvrir. Il est heureux qu'AGS y ait contribué très tôt.... car il est loin d'être clos.</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2009/11/23/D%25C3%25A9bat-sur-le-nucl%25C3%25A9aire#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/394Dénuclérisation, entre Iran et transatlantiqueurn:md5:5d92510bff0215fd63c1cc2f88c1a07a2009-09-29T21:12:00+00:002009-09-29T21:12:00+00:00Olivier KempfNucléaire <div class="post-content"><p>1/ Selon B. Obama, la <strong>dénucléarisation</strong> constitue <strong>LE</strong> moyen de peser sur l'Iran, mais aussi sur la Corée. Il s'agit de la deuxième option majeure du président, simultanée avec la création de l'AfPak. Le reste (Guantanamo, discours du Caire, ....) n'est que puissance douce et diplomatie publique.On se référera à la promotion d'un TNP plus vigoureux, la négociation SORT avec la Russie, et le discours de Prague en avril dernier (voir billets <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2009/07/27/Les-Europes-et-Obama">ici</a>, et <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2009/04/15/Du-p%C3%A9riple-europ%C3%A9en-de-M.-Obama">ici</a>). Or, cette stratégie se heurte à des avanies assez nettes (voir <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2009/09/17/Les-d%C3%A9boires-%C3%A9trangers-du-pr%C3%A9sident-Obama">billet</a>).</p>
<p><img alt="" src="http://newsoftomorrow.org/IMG/jpg/NOT-iran.jpg" /> (image tirée du <a href="http://newsoftomorrow.org/spip.php?article5172">billet</a> de D Guimond, <em>news of tomorrow</em>)</p>
<p>2/ Or, le <a href="http://www.elysee.fr/documents/index.php?mode=cview&cat_id=7&press_id=2940&lang=fr">discours</a> du président Sarkozy, la semaine dernière à l'ONU, est intéressant à plus d'un titre, ainsi que le <a href="http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=1099495">remarque</a> judicieusement <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2009/09/26/Journalistes-de-d%C3%A9fense">Natalie Nougayrède</a>.</p>
<p>3/ La <strong>Dénucléarisation</strong>, "<em>c'est un rêve</em>". Pour deux raison : on ne désinvente pas l'arme nucléaire . Ce n'est pas le bon moyen pour peser contre le risque terroriste (qui n'est pas fondé sur l'arme nucléaire, mais sur des bombes sales) ni sur des États voyous.</p>
<p>4/ <em>Le nucléaire ne rend pas le monde moins dangereux</em> : Elle n'existait pas en 1914 ni en 1939 ; il n'y a pas eu de guerre majeure depuis 1945 ; surtout, et contrairement à ce que sous entend M. Sarkozy, l'arme nucléaire ne "menace" pas : ce n'est pas une arme offensive, mais défensive (voir <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2009/06/07/Septentenaire-de-la-RDN-INtervention-du-g%C3%A9n%C3%A9ral-Le-Borgne">ici</a>). Toutefois, le président français ne peut s'appuyer sur cet argument, car alors, comment peser sur l'Iran et la Corée ? il faut donc maintenir le mythe de la "menace nucléaire".</p>
<p>5/ Comme le remarquait I. Lasserre dans le Figaro de samedi (analyse non disponible en ligne), on assiste à un retournement des positions d'il y a trois ans. Pour simplifier, au duo Chirac le doux-Bush le dur, succède le duo Obama le doux-Sarko le dur ! Cela rejoint le creusement du fossé transatlantique, déjà <a href="http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2009/09/26/L-affaiblissement-transatlantique">signalé</a> par ailleurs. C'est d'autant plus significatif que M. Sarkozy se présentait comme le plus américain des dirigeants français, et qu'il paraît donc d'autant plus libre à énoncer ses constats. Certes, on peut opposer l'affichage "Obama + Sarkozy + Brown" pour rendre publique l'existence d'un site d'enrichissement à Qom, signe qu'il y a un "trio" transatlantique... Mais je ne suis pas sûr que ce soit très convainquant (d'autant que chacun aura remarqué l'absence d'A. Merkel, autre philo américaine....).</p>
<p>6/ Ainsi, on sent bien qu'un <strong>nœud historique</strong> est en train de se nouer, et qu'il sera marqué symboliquement par les négociations de Genève qui vont s'ouvrir dans les jours prochains. Un nœud, car il est au croisement de deux trajectoires :</p>
<ul>
<li>- une qui se déroule en Iran (Les gardiens de la révolution contre... le reste du pays</li>
<li>- l'autre qui se déroule au-dessus de l'Atlantique, et qu'on a déjà décelé</li>
</ul>
<p>Curieusement,, ce nœud géopolitique laisse de côté le cas israélien, que l'on croyait constituer le point central entre le Moyen-orient et l'Occident....</p>
<p>C'est vraiment quelque chose d'important qui est en train de se passer : non probablement à cause de la dimension nucléaire, mais parce qu'à cette occasion, elle révèle des réalités qui seraient, autrement, restées celées....</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2009/09/29/D%25C3%25A9nucl%25C3%25A9risation%252C-entre-Iran-et-transatlantique#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/332Dissuasion britanniqueurn:md5:d94ece4c4a4f4209eda684446db14a4f2009-01-18T20:25:00+00:002009-01-18T20:25:00+00:00Olivier KempfNucléaire <div class="post-content"><p>Trois généraux viennent de déclarer publiquement que le Royaume-Uni n'avait plus besoin de dissuasion. Motif : plus d'ennemi, et ça coûte trop cher.</p>
<p>1/ On sait comment s'organise les débats outre-Manche. A la différence de la France où l'on accepte difficilement l'expression de débats autonomes (Surcouf), on les instrumentalise à Londres. Ce fut le cas à propos de l'engagement en Afghanistan, c'est à nouveau le cas ici. D'où la seule question qui compte : s'agit-il seulement d'une initiative "militaire", ou vient-elle de plus haut à Whitehall ? Notamment de permettre la construction d'une doctrine Brown de défense.....</p>
<p>2/ On voit bien les dangers d'un tel débat, sous l'apparente évidence. Tout d'abord, cela pose la question du Bouclier antimissile (BAM). On le sait menacé avec la nouvelle administration américaine, qui n'en fait plus une priorité. Il faut dire que le BAM avait permis de réconcilier, lors du 2ème mandat Bush, les néo-cons et les archéo-kremlinologues (type Condie Rice et Dan Franck).Avec Obama, nul besoin d'une telle réconciliation. Nul besoin politique, s'entend, car le Complexe militaro-industriel a tout à fait besoin de perspectives industrielles à 30 ans, que lui garantissait le BAM. Et ce besoin est exacerbé avec les risques de réduction à venir du budget militaire américain.
Donc, si les Européens disent qu'il n'y a plus de dissuasion nécessaire, l'ultime assurance nucléaire réside dans le BAM.</p>
<p>3/ On voit bien la manœuvre anglaise : promouvoir un recouplage transatlantique, suffisamment tôt avant le prochain sommet de l'Otan, et alors que le gouvernement Obama a, entend-on, l'intention de placer le BAM sous la direction de l'alliance.</p>
<p>4/ Là est la dernière subtilité : celle de dynamiter la PESD qui, peu à peu, s'émancipe. Si le seul parapluie nucléaire vient du BAM, sous direction américaine, s'en est fini d'une défense européenne autonome. Cela annihile toutes les possibilités sérieuses de trouver un accord avec la Russie. Et cela met une pression terrible sur le dernier acteur nucléaire indépendant du continent, la France.</p>
<p>On voit que la question est sérieuse.</p>
<p>O. Kempf</p></div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2009/01/18/Dissuasion-britannique#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/19