Egeablog - États-Unis2023-06-28T12:43:19+02:00Olivier Kempfurn:md5:fc9dfa5de5fd9856c4c7bdd45e8ff3c1DotclearFins calculs américainsurn:md5:d44f05239841ff107b445db070c79b7a2014-06-03T19:01:00+02:002014-06-03T19:23:33+02:00adminÉtats-UnisChineRussieÉtats-Unis<p>Pendant ce temps là, les choses sérieuses se déroulent. Ainsi, avec leur délicatesse coutumière et leur sens inénarrable du timing, les États-Unis, sous la houlette du FBI, ont donc décidé d’inculper cinq officiers chinois pour cyberespionnage. Venant de la part du FBI qui a violé un certain nombre de principes de sécurité juridique dans l’affaire MegaUpload, venant des États-Unis qui abritent la NSA, il fallait déjà pas mal de culot, sachant surtout que cette inculpation risque de n’avoir aucun effet. Mais cela, tous les commentateurs un peu avisés l’avaient noté (<a href="http://cyberstrategia.blogspot.fr/2014/05/linefficace-arme-judiciaire-americaine.html">par exemple ici </a>). Et puis qui est surpris aujourd’hui du culot américain, qui ose tout et plus encore ? (la suite en cliquant sur le titre)</p>
<p><img src="http://s.tf1.fr/mmdia/i/48/0/3669480bqazk.jpg?v=1" alt="" /> <a href="http://lci.tf1.fr/cinema/news/dodgeball-ben-stiller-violent-en-dvd-4976183.html">source</a></p> <p>En revanche, sortir cela la veille de la visite de M. Poutine à Pékin, c’est ce qu’on appelle de la très grande politique. Bluffante, époustouflante, démontrant un sens du calcul et du billard à 17 bandes qui me laissent pantois. Ainsi, on sentait bien que les Chinois hésitaient à signer l’accord gazier avec Gazprom : surtout pour une question de prix, accessoirement pour une question de principes car l’annexion de la Crimée n’a pas forcément été très appréciée du côté de l’empire du Milieu, même si elle pourrait servir de précédent pour, disons, des petites affaires comme Hong Kong ou Taïwan.</p>
<p>Grâce aux États-Unis, l’accord sino-russe est donc imparablement signé, l’empire ayant réussi à convaincre Pékin de surmonter ses dernières réticences. Du coup, Washington va pouvoir arguer de la constitution d’un front de l’opposition unie et mobiliser en interne comme à l’international pour reconstituer une ligue des bonnes gens face à l’empire du Mal, qui est le vrai objectif de cette inculpation, vous l’aviez compris. Non, vraiment, c’est bien joué. J’admire cette maîtrise des complexités et la « gestion des conséquences », parfaitement anticipées. Et ne me dites pas qu’ils ne l’ont pas fait exprès, ils calculent tout, ils maîtrisent tout, ils savent tout. Comme quand ils révèlent soi-disant par mégarde le nom du chef de station de la CIA à l’occasion de la visite surprise de B Obama à Kaboul, je suis sûr que c’est pour aider à la signature du BSA. Habiles, je vous dis, suprêmement habiles.</p>
<p>Bon, cela fait aussi les affaires des entreprises américaines. Déjà que certains rapports signalent une baisse de 30 % du CA des entreprises liées à la NSA, voici que les Chinois refusent d’adopter Windows 8 (<a href="http://www.numerama.com/magazine/29433-windows-8-banni-par-l-etat-chinois-a-cause-de-la-nsa.html">voir ici </a>) Dommage pour Microsoft, qui n’avait pas forcément besoin de ça (alors pourtant que son OS n’est pas mal, désolé de le dire, je sais que ce n’est pas très populaire mais j’adore dire le contraire des autres). Ah ! il paraît aussi que les grands cabinets de consultant, genre BCG et Mc Kinsey sont eux aussi personnae non gratae… (<a href="http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20140526trib000831910/les-groupes-chinois-prives-des-services-des-cabinets-de-consultants-americains.html">voir ici</a>). Une coïncidence, sans doute.</p>
<p>On appréciera au passage que l’accord prévoit des paiements dans la monnaie de l’autre, donc hors dollar. Ce que d’aucun appellent la dé-dollarisation, même si Pékin et Moscou ont été d’une discrétion de rosière à cet égard. La guerre monétaire, la vraie, vient d’être déclenchée. Qui a dit que la Russie était isolée et que les sanctions étaient efficaces ? Il n’y a bien entendu aucune relation entre cet accord anticipé et l’inculpation américaine. Non, aucun dépit….
Face à tant de subtilité, comment peut-on ne pas être pro-américain ?</p>
<p>Le Chardon</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/06/01/Fins-calculs-am%C3%A9ricains#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2388US et Ukraine : essayer de comprendreurn:md5:5efd64a05eed8b71fa7c34f8ef121dca2014-05-08T18:48:00+02:002014-05-08T22:05:15+02:00adminÉtats-UnisUkraineÉtats-Unis<p>Ce weekend, deux déclarations "contradictoires" : d'un côté, le SG adjoint de l'Otan, l'Américain Vershbow, déclare à Washington que "l'Otan et la rUssie ne sont plus partenaires, mais adversaires". De l'autre, le général Breedlove, Saceur et donc américain, annonce que finalement, les Russes n'envahiront pas l'Ukraine alors qu'il battait les tambours de guerre depuis six semaines pour affirmer le contraire, contre l'opinion des observateurs (dont le Chardon) qui n'en voyaient pas l'utilité.</p>
<p>Vous me direz que l'Otan, ce n'est pas les Américains et vous aurez raison. Il reste que ces deux responsables "américains" exprimaient aussi des positions américaines car il arrive, parfois, que l'Otan serve quand même aux États-Unis pour exprimer leurs vues. Or, elles apparaissent bien contradictoires. Voici donc le résultat de mes réflexions, non assurées car autant la Russie me parait très prévisible, autant les États-Unis me font l'effet d'un mystère entouré de secret enveloppé dans de l'inconnu. Voici donc une tentative de Washingtonologie. Je sais, il est presque sacrilège d'essayer de savoir ce que pense le roi, que dis-je, l'empereur, mais j'ose. J'ose tout.</p>
<p><img src="http://md1.libe.com/photo/627900-us-president-barack-obama-shakes-hands-as-he-hosts-a-meeting-with-ukraine-prime-minister-arseniy-yat.jpg?modified_at=1394656282&width=750" alt="" /> <a href="http://www.liberation.fr/monde/2014/03/12/obama-met-a-nouveau-poutine-en-garde-sur-l-ukraine_986631">source</a></p> <p>Regardez tout d'abord le Département d’État : Kerry empile les déclarations martiales et agressives. Les neo-cons sont encore dans les parages. Victoria Nuland (Mme Kagan) continue ses déclarations tonitruantes et le patron de la CIA se balade à Kiev (vous me direz, son homologue russe vient d'y passer ces jours-ci et ça n'a pas fait beaucoup de bruit).</p>
<p>Du côté du DOD, silence radio : vous avez entendu Chuck Hagel ? Dempsey ? Rien, nada, niente, nix, nichevo, pas un mot plus haut que l'autre. Si, Hagel, on l'a entendu à propos de l'Asie et les Chinois ont coincé, à l'occasion de la tournée asiatique d'Obama. Genre le DOS en EUrope et le DOD en Asie ? Les gars, vous n'avez plus les moyens de faire les deux, il vous faut choisir un "adversaire"...</p>
<p>Comme si les idéologues étaient aux affaires étrangères et les réalistes prudents à la défense, eux qui savent ce que c'est qu'une arme nucléaire et même, tout simplement, que la guerre ça tue, eux donc diraient molo les basses. Il n'y a qu'aux États-Unis où le MAE monte sur ses ergots neo-cons et le MD la joue prudente et raisonnablement réaliste. Comment ? Vous avez dit "ailleurs aussi" ?</p>
<p>Pendant ce temps-là, que dit le président, POTUS de son état donc pouvant et puissant, en latin dans le texte ? Ben il ne dit rien. Il lit les sondages et a bien vu qu'une majorité d'Américains est isolationniste. Vous savez, ce truc dont parlent les internationalistes depuis des générations mais qui ne s'observe pas tellement dans la population américaine. Ben là, si, il y a comme un tournant. Genre "tous des sauvages". Barack a surtout retenu le "from behind". Bref, le président s'occupe des affaires intérieures et laisse la bride sur le cou(p) à ses spécialistes.</p>
<p>Pendant ce temps là, on joue la guerre économique. Donc le complexe militaro-industriel est à la manœuvre : "les Européens, augmentez vos budgets", "il faut signer le TTIP", "vous savez on a plein d'outils que ça s'appelle antimissile et je suis sûr que vous rêvez d'en acheter", des trucs du genre, sans même parler des SMP dont on dit qu'ils trouvent l’Ukraine un pays riant, mais cela n'a pas été officiellement confirmé donc ce n'est que des racontars, il n'y a que les Russes qui ont envoyé des spetnaz et assimilés dans le coin. Ce qui est aussi très probable, soyons candides mais pas stupides.</p>
<p>Voilà où l'on en est. C'est du moins le moyen que j'ai trouvé d'expliquer les déclarations contradictoires des uns et des autres et cette "politique" hésitante et peu assurée. Quand je vous dit qu'il n'y a plus de direction stratégique à Washington, je crois avoir tout résumé.</p>
<p>Dès lors, tous les Européens ou Ukrainiens qui attendent une direction claire sont dans l'embarras. Chef, on aimerait bien obéir mais ce serait bien que vous donniez des ordres.</p>
<p>Pendant ce temps-là, Poutine s'afflige : " ils sont encore pires que ce qu'on croyait, comment ont-ils pu nous mettre une pile pendant la guerre froide ? " Il continue donc sa rhétorique stratégique, une opération d'info ici (pas mal le coup de "je conseille aux pro-russes de ne pas tenir leur référendum"), une manœuvre nucléaire là (avec juste trois ICBM d'exercice tirés : vous me direz, le même jour le Pakistan a tiré un missile courte portée mais personne n'en a parlé), en espérant qu'en face on va se mettre à comprendre. Mais en face, il n'y a plus de pratique stratégique. Le danger n'est pas à l'est, il est à l'ouest, de Cracovie à San Francisco.</p>
<p>Ce soir, c'est l’absence occidentale qui me fait surtout peur. L'à-peu-près est tellement propice aux accidents.</p>
<p>Le Chardon</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/05/08/US-et-Ukraine-%3A-essayer-de-comprendre#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2378US: susciter l'incertitude ?urn:md5:feedb4f8a6776fd6bdf0a6f158a15a372014-04-29T21:37:00+02:002014-04-29T21:37:00+02:00adminÉtats-Unis<p>La stratégie, désormais, doit agir dans l'incertitude : c'est son milieu naturel, il n'y a rien de nouveau à cela. Une des principales incertitudes du moment tient à l'incertitude américaine. L'incertitude au sein des États-Unis, mais aussi incertitude provoquée par les États-Unis chez les partenaires. Au point qu'on peut émettre l'hypothèse : et si la stratégie américaine consistait non pas à agir dans l'incertitude, mais à susciter cette incertitude. Examinons cette hypothèse.</p>
<p><img src="http://www.lefigaro.fr/medias/2010/05/30/7b8a2136-6c96-11df-bc62-03ca15d81e12.jpg" alt="" /> <a href="http://www.lefigaro.fr/societes/2010/05/30/04015-20100530ARTFIG00240-l-industrie-petroliere-americaine-dans-l-incertitude.php">source</a></p> <p>Tout vient probablement d'une certaine incertitude intérieure des États-Unis. Cela est dû à plusieurs éléments :</p>
<ul>
<li>la fatigue d'un système politique totalement obsolète, constitué selon des principes de la fin du XVIII° siècle. Dès lors, les pouvoirs sont en concurrence permanente avec en plus une logique ultra oligarchique qui accentue ce clivage fondamental. Toutefois cette oligarchie s'autonourrit à coup de think tank et lobbyistes (oui, c'est le revers de la médaille du spoil system : à l'alternance, les anciens aux affaires vont remplir les think tanks et les cabinets de conseil en attendant la prochaine) : il reste que cette multiplication des acteurs complique la décision au point que pour chaque problème, on se demande ce que veut Washington : mais Washington met un temps infini à savoir ce qu'il veut, sans compter les initiatives locales ou privées qui contredisent la politique de l'Etat. Les lignes politiques sont faibles, tardives, hésitantes, moyennes, instables.</li>
<li>la fatigue de la guerre, à la suite des expériences décevantes d'Irak et d'Afghanistan. Car M. Obama avait un projet politique : celui de sortir de ces guerres et de ne pas entrer dans de nouvelles. De ce point de vue là, on ne peut que constater sa cohérence et admettre, ex post, qu'il a mérité son prix Nobel. Il reste que malgré la récente QDR (qui n'a suscité aucun commentaire de la communauté stratégique française, allez savoir pourquoi) qui serait la première construite sous contrainte budgétaire, l'empire continue de dépenser 600 milliards de dollars par an. Mais ne sait pas très bien comment utiliser l'outil.</li>
<li>la fatigue économique et écologique. Certain s’émerveillent de la révolution des gaz de schiste, payée toutefois très cher en termes d'environnement. Elle est l'opposé du développement durable puisqu'elle consiste justement en une consommation accélérée. Comme toute l'économie américaine, peu productive, le gain est toujours plus de court terme et magnifie la logique américaine de l'ultra consommation immédiate. Pourtant, même ce système là s'écroule et les mécaniques financières infernales ne cessent de s'accumuler au-dessus des bulles toujours non purgées depuis trente ans. Autrement dit, la fragilité économique américaine est évidente : il n'y a plus de ticket de rationnement en France depuis 1947, il y en a toujours aux États-Unis.</li>
</ul>
<p>On comprend que cette triple fatigue est à l'origine d'une profonde crise intérieure américaine : l'Amérique ne sait plus qui elle est vraiment. Elle est à l'ouest, dans le bleu, perdue. Incertaine d'elle-même, elle fabrique de l'incertitude.</p>
<p>Celle-ci apparaît logiquement dans la politique extérieure. Que veut l'Amérique ? surtout ne pas y aller. Au fond, malgré l'énormité de son dispositif militaire, malgré l'immensité de son <em>soft power</em> et de son <em>brain drain</em>, malgré la domination quasi frauduleuse de ses géants financiers, l'Amérique hésite à tout. Ne pas aller en Libye. Gérer l'Afrique de loin. Ne pas intervenir en Syrie. Abandonner la Géorgie.</p>
<p>Tous les alliés de l'Amérique s'interrogent : les Européens ont l'habitude, du moins ceux de l'Ouest qui ont passé la Guerre Froide à se demander si le lien transatlantique allait jouer. C'est très surprenant pour les nouveaux alliés de l'est qui découvrent, décuplée, cette incertitude de la garantie américaine. C'est très visible en Extrême-orient où Coréens du sud, Japonais, Philippins ne cessent de questionner l'intensité de la "garantie" américaine face à la montée en puissance chinoise (ce que vient d'illustrer le récent voyage de B. Obama dans la région). C'est nouveau au Moyen-Orient où l'Arabie Saoudite croit avoir été abandonnée, la Turquie ne cesse de se méfier et que même Israël se défie du grand cousin.</p>
<p>Il y a pourtant une certaine logique à cette incertitude : elle est la conséquence du déclin américain. Celui est certes relatif dans les chiffres, il est plus prononcé et visible dans l'ordre politique. Peu importe le gigantisme des moyens s'il n'y a plus la volonté de s'en servir. Inventer le "leading from behind" revient à dire qu'on ne leade plus.</p>
<p>Cela présente des avantages. On est moins prévisible et donc on augmente le nombre de ses options. De ce point de vue, voici de la bonne stratégie. Susciter de l'incertitude revient aussi à masquer ses intentions, donc à fabriquer de la surprise potentielle. Un vrai atout stratégique.</p>
<p>Encore faut-il que cela soit le résultat d'un vrai calcul. Or, l'observateur se demande si cette incertitude suscitée n'est pas plus subie par l'empire que vraiment voulue.</p>
<p>Mais il y a quelque logique à conclure un billet sur l'incertitude par une question....</p>
<p>A. Le Chardon</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/04/29/US%3A-susciter-l-incertitude#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2374