Egeablog - Mot-clé - Islam2023-06-28T12:43:19+02:00Olivier Kempfurn:md5:fc9dfa5de5fd9856c4c7bdd45e8ff3c1DotclearLes Chrétiens dans Al-Andalus (R. Sanchez Saus)urn:md5:a97ad9958ceb20192e0a28f699f02d652019-07-18T11:37:00+01:002019-07-18T13:55:44+01:00Olivier KempfFiche de lectureal-AndalusEspagneHistoireIslamReconquistaReprésentationWisigoths<p>Cet ouvrage est étonnant : j'avais commencé à le feuilleter et je suis tombé dedans, tant il ouvre beaucoup d'horizons et remet des pendules à l'heure. Disons tout de suite que je connais bien mal la géopolitique et l'histoire de l'Espagne et que simultanément, je méfie de beaucoup de propos sur l'islam, tant la plupart me paraissent biaisés : cela fait partie des sujets que l'on peut très difficilement aborder sereinement sans verser dans une approche idéologique.</p>
<p><img src="https://www.editionsartege.fr/pfs/vignettes/FIC148831HAB40.jpg" alt="" /></p> <p>Ce préambule est nécessaire car il précise d'où je pars : comme beaucoup, j'en étais resté à une vision un peu idyllique de l'al-Andalus musulmane. Bien sûr, les palais de l’Alhambra à Grenade font partie de ce récit mirifique et il est vrai que cette acropole méridionale, tout comme la grande mosquée de Cordoue, manifestent une civilisation raffinée et digne d'estime. C'est pourquoi j'écoutais aussi le discours sur la chrétienté mozarabe, qui aurait été le modèle d'une coexistence harmonieuse entre musulmans et chrétiens dans un régime médiéval : cela démentissait beaucoup de discours sur l'oppression islamique.</p>
<p>Or, ce discours répandu et partagé constitue probablement une construction géopolitique récente car les choses ne se sont pas passées comme cela : c'est tout l'intérêt de ce livre de nous en dresser minutieusement la chronique, avec beaucoup d'érudition. On apprend ainsi que les conquérants étaient beaucoup moins unifiés qu'on se le représente (avec notamment de profondes hostilités entre les Berbères et les Arabes), que le statut de Dhimmi est allé en s'aggravant et que du coup, l'opression sous ses formes les plus diverses aidant, il y a eu un double processus d'assimilation des populations chrétiennes prévalentes, soit par conversion directe, soit par acculturation des Mozarabes.</p>
<p>De même, la chrétienté wisigothique paraît avoir été très divisée ce qui explique probablement non seulement la défaite face au conquérants mais aussi, peut-être, le manque de solidité par éloignement du reste de l'Eglise. On notera d'ailleurs, à la lecture du livre, que les Musulmans d'al-Andalus se sentent eux-mêmes sur une île, à l'autre bout du monde et très éloignés des centres de pouvoir musulmans de l'époque. Au fond, la péninsule est loin des uns et des autres. Comme le dit l'auteur (p. 469), Al Andalus a été tout le temps pétrie de contradictions, entre une soi-disant origine arabe magnifiée et une réalité berbère méprisée et pourtant nécessaire, renforçant le sentiment d'insularité.</p>
<p>D'ailleurs, la reconquête n'interviendra que quand les royaumes du Nord auront rebâti une structure idéologique avec l'appui notamment des clunisiens et des Français, à partir du XIè siècle.. Au fond, ils réussiront à créer une alternative idéologique (réforme grégorienne, féodalité et croisades) nouvelle et non pas à tenter de reprendre une rénovation wisigothique. C'est sous ces conditions qu'ils pourront reprendre la totalité de l'Hispanie.</p>
<p>Au passage, voyons l'évolution des noms : nous avions une Ibérie romaine, puis une Al-Andalus (déformation du mot Atlantide !) et enfin une Hispanie qui donnera notre Espagne.</p>
<p>Mais au-delà de ces précisions historiques qui permettent de mieux comprendre ce qui s'est passé, l'enjeu consiste bien évidemment à déterminer l'identité espagnole. Je sais qu'il faut faire attention à ce mot mais le débat a pris de nos jours une acuité importante à travers l'Europe, puisqu'il s'agit du rapport à l'Autre et des notions associées et contradictoires de multiculturalisme, d'assimilation, de métissage, etc. Dans le cas de l'Espagne, la question a deux traits particuliers : la virulence de l'expression mais aussi l'ancienneté de ce processus. Car au fond, le débat consiste à fixer de quand date l’Espagne ? Du tournant de ce siècle (monarchies constitutionnelles du XIXé s.) ou du fin fond du Moyen-Âge ? Autre risque sous-jacent : critiquer al-Andalus reviendrait à critiquer l'islam... Ce n'est pas anodin puisqu'une partie de l'université espagnole refuse de parler de <em>Reconquista</em>.</p>
<p>Ainsi, il y a beaucoup de mythes et d'idéologies portés par cette question d'al-Andalus et de sa soi-disant tolérance. Constatons qu'elle n'a pas eu lieu, ce qui n'empêche pas qu'elle a des trésors architecturaux qui enchantent encore aujourd’hui le visiteur. Ce n'est pas le premier régime tyrannique qui a laissé de beaux bâtiments. Relever la tyrannie ne signifie pas que "tout était mal" ni non plus que "tout était bien" chez ceux qui ont remplacé les califes de Cordoue. Simplement qu'il est temps de faire oeuvre d'historien en se dégageant des subjectivités idéologiques du temps.</p>
<p>Ce livre y contribue.</p>
<p>Rafael Sanchez Saus, <a href="https://www.editionsdurocher.fr/livre/fiche/les-chretiens-dans-al-andalus-9782268101286">Les Chrétiens dans al-Andalus, de la soumission à l’anéantissement</a>, éditions du Rocher, 527 pages, 24 €.</p>
<p>O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2019/07/18/Les-Chr%C3%A9tiens-dans-Al-Andalus-%28R.-Sanchez-Saus%29#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2257Les chantiers à risque de MBS : le duel des alliés d'hierurn:md5:857801d7d2e618259aada3c1169a1ab62018-01-22T18:41:00+00:002018-01-22T18:41:00+00:00Olivier KempfArabie SaouditeArabie SaouditeAuteur invitéIslamMBSRéformeWahhabisme<p>Je suis heureux de publier ce texte du Professeur Mekkaoui qui nous éclaire sur les tensions intérieures saoudiennes. Le retour à l'histoire, le rappel des guerres civiles et le questionnement de la réforme religieuse sont des apports nécessaires à la réflexion. Un grand merci à lui. OK</p>
<p><img src="http://www.egeablog.net/public/.al-WAHHAB_m.jpg" alt="al-WAHHAB.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="al-WAHHAB.jpg, janv. 2018" /> <a href="http://www.usmessageboard.com/threads/you-cant-understand-isis-if-you-dont-know-the-history-of-wahhabism-in-saudi-arabia.373855/">source</a></p>
<p>La société saoudienne est actuellement très perturbée ; comme en témoignent les réactions mitigées des Saoudiens au feuilleton de la campagne anti-corruption. En effet, cette démarche largement médiatisée, ayant touché plusieurs personnalités civiles et militaires très proches de la famille des Al-Saoud, n'a pas été applaudie comme attendu par l'ensemble de la population.</p> <p><strong>DÉCOMPOSITION OU SURSAUT DES AL-SAOUD ?</strong></p>
<p>Les Saoudiens considèrent que le jeune Royaume, crée en 1932 par le Roi Abdelaziz Al-Saoud, court plusieurs risques dont la guerre civile et l'éclatement. Selon certains observateurs, l'opération mains propres n'est qu'un leurre visant à cacher les véritables dissensions internes et les véritables défis externes. Ces nombreux clivages touchent toutes les structures sensibles de l'État, structures qui elles-mêmes pourraient devenir un grand chantier à risques... Les informations en provenance de Riyad et des Lieux Saints alimentent cette inquiétude croissante et présagent d'une décomposition possible de l'Arabie Saoudite à moyen terme, car ces chantiers sont multiples et interdépendants.</p>
<p>Le bouleversement a commencé avec l'annonce du changement dans l'ordre de succession en violation de la charte fondamentale du Royaume Saoudien. Dès lors ce conflit interne et propre à la famille royale apparaît au grand jour contrairement à l'habitude. Chaque prince tente de se positionner en faisant bouger ses réseaux locaux et leurs ramifications internationales. Cette situation inédite suscite un certain désordre dans la Monarchie, d’autant plus que la majorité des princes, fils du roi fondateur du Royaume, ont exprimé leur désaccord, voire leur désarroi, avec leur frère le roi Salman et son fils Mohamed, le nouveau prince héritier. Huit des onze fils du roi Abdelaziz soupçonnent le clan des Al-Salman de provoquer le désordre au moyen de la quatrième guerre du Yémen, la rivalité avec l'Iran, l'embargo du Qatar, sans oublier l'engagement Saoudien en Syrie et au Bahreïn, afin de consolider du pouvoir politique, religieux et économique.</p>
<p>Ces princes, puissants financièrement et médiatiquement, revendiquent leur opposition ouverte au clan du Roi actuel et appellent à son retrait et à son remplacement par leur frère le prince Ahmed Ibn Abdelaziz né en 1942. À cet effet, ils se manifestent souvent dans les réseaux sociaux et les médias américains en propageant l'idée selon laquelle l'interventionnisme de MBS dans plusieurs théâtres d'opération a contribué à l'affaiblissement des Saoudiens et à la décadence de l'Arabie Saoudite en tant que puissance régionale.
Cette stratégie de la tension initiée par le Prince Héritier MBS sème le trouble dans les esprits des Saoudiens. Leur inquiétude s’accroît quand ils se rappellent que la dynastie des Al-Saoud était déjà disparue en 1871 à cause du conflit interne entre frères et cousins (alors, certaines factions wahhabites de l'époque avaient contribué à ces dissensions). L'autre élément qui préoccupe les Saoudiens est la décapitation de l'État-Major de l'Armée Blanche appelée la Garde Nationale. Cette Armée endoctrinée et lourdement armée est constituée de bédouins volontaires représentants toutes les tribus saoudiennes. Sa principale mission est de défendre le régime et de protéger l'idéologie wahhabite (100 000 hommes environ). Enfin, la refonte de tous les services du renseignement et de sécurité, autrefois efficaces dans la diplomatie secrète et religieuse (prosélytisme), constitue un autre élément à considérer. Ainsi les services de sécurité ont été fragmentés et ne sont plus sous les ordres d'un seul commandant, généralement un prince de haut rang.</p>
<p><strong>RETOUR A L’HISTOIRE : LE SYNDROME DE LA GUERRE CIVILE</strong></p>
<p>Il faut ici rappeler que la Garde Nationale, actuellement engagée au Yémen, au Bahreïn et sur la frontière avec le Qatar (bouclier), est l’héritière des Ikhwans (fratrie ou frères), milices wahhabites créées en 1906 par les Imams descendants du Sheikh Mohamed Ibn Abdelwahhab afin de conquérir toute la péninsule arabique selon le pacte scellé entre les deux familles en 1744 (Al-Saud & Al-Sheik).
Les Ikhwans (les frères) étaient des jeunes aguerris et bien endoctrinés et dont la majorité était originaires de la province de Nejd. Ces wahhabites étaient les soldats de la première armée Saoudienne, très proche du modèle Taliban. Leur motivation religieuse avait facilité la conquête de la totalité du pays sous domination ottomane. Mais l'alliance entre les deux clans ne va pas durer longtemps à cause de l'intégrisme de cette milice hanbaliste . Elle a pourtant réussi à construire 200 colonies et rêvait de la création d'un califat selon le modèle des temps idylliques de l'islam. Ce projet était à l'opposé de l'agenda de leur chef politique Abdelaziz Al- Saoud qui de son côté visait la création d'un royaume familial Saoudien.</p>
<p>Ce différent fondamental entre les deux parties provoqua la deuxième guerre civile durant une décennie (1920/1930). En fait, ce schisme était prévisible et il continue toujours à se manifester sous des formes diverses. Ce sont deux visions politiques et dogmatiques contradictoires et antinomiques entre les deux piliers du pouvoir saoudien. C'est grâce à l'appui de l'armée britannique en 1924, et notamment à son aviation, que les insurgés wahhabites considérés par les États voisins comme dangereux et détestables ont été défaits et décimés dans le désert et leurs chefs décapités. C'est la première révolte armée sérieuse des wahhabites contre leurs alliés les Al-Saoud... L’épisode constitue aussi la deuxième guerre civile Saoudienne qui menaça de disparition à l'époque les Al- Saoud...</p>
<p>Suite à ce bras de fer sanglant, la composante wahhabite recula tactiquement selon les principes de la Taqîya, (dissimulation), mais elle avait toujours gardé à l'esprit le sentiment de vengeance contre ses alliés, les Al-Saoud, ce qui explique plusieurs tentatives de prendre le pouvoir politique des mains de leurs princes saoudiens, considérés comme pervers, corrompus et agents des mécréants. Ainsi la rébellion des Ikhwans Wahhabites de des années 1920 fut suivie par une série de révoltes, notamment celle de 1960 lorsqu’ils forcèrent le roi Saoud Al-Kebir à abdiquer du trône et à s’exiler en Grèce. À l'époque ils avaient affiché leur rejet de toute innovation moderne et leur opposition à toute présence étrangère non musulmane sur la Terre Sainte de l'islam.</p>
<p>La pensée wahhabite, dans sa dimension extrémiste, développée par sa frange fanatique et sectaire, imagine toujours un projet de renversement des Al-Saoud, y compris par la force et la violence, afin d'établir à leur place une république islamique selon le modèle Taliban. Cette idéologie maximaliste s'est manifestée violemment en 1979 à l'occasion de l'attaque de la grande mosquée de la Mecque par le commando de Juhayman Al-Otaibi suivie par la création d'Al-Qaïda par Oussama Ben Laden en 1980. Les deux événements divisent encore les Saoudiens demeurés conservateurs dans leur majorité. Nous croyons que les 70% de la population des moins de 30 ans ne sont pas tous progressistes... Cela montre que les Ikhwans Wahhabites continuent encore à encadrer la société en amont et en aval et à s'impliquer d'une manière substantielle et directe dans plusieurs conflits de faible intensité. Ils ont même réussi à s'implanter sous forme de cellules dormantes dans les cinq continents grâce à la Ligue Islamique Mondiale et à des milliers d'associations caritatives.</p>
<p>Le "Printemps Arabe " fut pour les extrémistes religieux saoudiens une occasion idéale pour multiplier leurs interventions en hommes et en argent... En effet, 5 000 jeunes Saoudiens furent envoyés en Syrie, en Irak et ailleurs pour contrecarrer les révolutions à visée progressiste. Leur doctrine ne s’est pas affaiblie, contrairement à la propagande des dirigeants Saoudiens qui affirme véhiculer un islam modéré que nous appelons "islam d'exportation" ! Or, les jeunes djihadistes qui reviennent en Arabie Saoudite constituent une menace réelle pour les chantiers à risque lancés par MBS, principalement son projet de moderniser la société en fondant un islam modéré et acceptable par la Communauté internationale.</p>
<p><strong>LE PROJET DE RÉFORME RELIGIEUSE</strong></p>
<p>Pour plusieurs érudits sunnites, la réforme religieuse lancée avec précipitation et sous pression étrangère aurait des conséquences désastreuses sur les Al-Saoud. Ce champs de révision des exégèses est très complexe voire mortel, car il pourrait être l'étincelle déclenchant une explosion non maîtrisée... En effet, ces conservateurs religieux accusent ouvertement MBS de trahison des préceptes de l'islam et de vassalité vis-à-vis de l'Occident. À ce sujet, nous croyons que les wahhabites enrichis par la rente du pétrole représentent la véritable menace pour le grand chantier initié par MBS, ce qui pourrait sans aucun doute avoir des conséquences graves sur les autres chantiers en cours y compris sa "Vision Économiques 2030".</p>
<p>Selon plusieurs islamologues musulmans, la révision de l'islam sunnite est accueillie par un silence éloquent des religieux wahhabites et un rejet visible de la part des Saoudiens... En effet, sous le conseil des Américains, le Roi Salman Ibn Abdelaziz Al-Saoud a promulgué le 18 octobre 2017 une loi dite "historique et audacieuse", loi visant la création à MÉDINE d'une Institution Internationale dont les missions fondamentales seraient la révision totale de la Sunna, deuxième source de législation après le Coran en Arabie Saoudite, le nettoyage de la Sîra et toutes les références sacrées accréditées par le sunnisme.</p>
<p>Cette refonte globale des textes sacrés est conçue comme la réponse politique saoudienne aux détracteurs Chiites iraniens accusés d'idolâtrie et de générateurs du terrorisme. Cette remise à plat des textes sacrés signifie aussi la révision des recueils de tous les exégètes sunnites évoquant les paroles et les comportements du Prophète Mohamed, (tradition ou Sunna). Cela concerne les deux Sahihs d'Al-Boukhari et de Muslim ainsi que la biographie du Messager de Dieu écrite par 'ibn Hicham... Ces références considérées comme sacrées en islam sunnite feront l'objet de la réforme conduite par des savants étrangers choisis dans les quatre coins du monde. Le nouveau Centre Théologique tentera d'expurger la Sunna de toutes les contradictions, les erreurs, principalement les faux hadiths, les hadiths faibles ou posés, consciemment ou inconsciemment, dans les exégèses depuis la mort du Prophète Mohamed.</p>
<p>Déjà le roi Fayçal en 1970 avait initié la première expérience de révision en désignant pour cela le savant Nasr-Addine Al-Albani, théologien hanbalite modéré d'origine albanaise... Selon le prince héritier MBS, cet événement est considérable car il concernera les hadiths portant atteinte à l'image du Prophète Mohamed et à ses successeurs et ceux incitant à la violence et au terrorisme, incompatible avec l'esprit du Coran. La provenance de cette désinformation religieuse (visant l'islam sunnite, selon MBS) vient de Qom (Iran) et de Najaf (Irak), deux villes saintes du Chiisme duodécimain, l'ennemi historique du sunnisme.</p>
<p>D'après des experts de l'Arabie Saoudite, l'initiative du Roi Salman mine les fondements même du hanbalisme, doctrine politique et religieuse de l'État saoudien et sa raison d'être. Pour faire passer cette réforme, le Roi et son fils la situent dans le prolongement naturel de leur conflit larvé contre les Iraniens, le Hezbollah et les Houtis appelés nazis et zoroastriens...</p>
<p><strong>RÉACTION MITIGÉE DES AL-SHEIK À LA RÉVISION DES EXÉGÈSES</strong></p>
<p>Dans cette perspective, le silence des Al-Sheik, descendants de l'imam Mohamed Ibn Abdelwahhab, demeure inexpliqué, eux qui se considèrent les gardiens du Temple et les associés légitimes au pouvoir et non de simples fonctionnaires, et ce depuis le pacte de 1744. Les alliés des Al-Saoud paraissent réticents et cachent mal leur colère concernant cette réforme religieuse, d'autant plus que la révision fut attribuée à des savants étrangers non hanbalites. D'ailleurs plusieurs d'entre eux sont incarcérés. Beaucoup d’oulémas saoudiens se sentent dépassés et marginalisés par le pouvoir politique incarné par MBS, le jeune prince ambitieux...</p>
<p>Pour les religieux wahhabites, rien ne doit se faire sans leur consentement, surtout s'il s'agit d'une reforme religieuse qui fait partie de leurs missions ancestrales. Ils se considèrent comme les véritables gardiens des Lieux Saints et de l'islam orthodoxe qui est le Hanbalisme. À noter que de nombreux hadiths objet de réflexion sont l'œuvre du fondateur de la troisième École de Pensée de l'islam, Ahmed Ibn Hanbal et retravaillé par Ibn Tammiya et mis en application par Ibn Abdelwahhab...</p>
<p>Pour plusieurs théologiens saoudiens, il est impossible de réussir ce chantier épineux dans le temps record, dix ans paraît-il, envisagé par les experts du Sénat américain. Plusieurs observateurs croient que la loi promulguée le 18 octobre 2017 vise en fait la dissolution graduelle du wahhabisme représenté par l'institution religieuse et sa police des mœurs. En effet, les religieux du Haut Conseil des Oulémas, dont la majorité est wahhabite, coiffent plusieurs secteurs de la société saoudienne : la Justice, la Culture, les Médias, l'Éducation Nationale, la Garde Nationale et la Diplomatie, etc. Ainsi nous voyons que la purge globale a touché un champs très large de la société connue pour son conservatisme et sa religiosité. Cette réforme de la Sharia dictée d'en haut et supervisée par les alliés Américains est un événement considérable, mais il pourrait avoir des conséquences funestes sur la stabilité du pays et sur la cohésion de la société.</p>
<p>La désignation d'un savant wahhabite considéré comme modéré à la tête de ce Centre Religieux, chargé de la révision de la Sunna, ne contient pas le silence et le scepticisme des Oulémas saoudiens. Dans ce cadre, nous rappelons que Khomeiny a accédé au pouvoir en 1979 grâce au mécontentement des commerçants du Bazar et à la colère des paysans, accablés par des mesures financières lourdes. C'est dans ce grand sillage, que les Saoudiens se rappellent encore de l'attaque de la mosquée Al-Haram par le groupe de Juhayman Al-Otaibi en 1979, attaque d'envergure qui risqua de faire chuter le régime de Al-Saoud, et de diviser la société. À l'époque l'Armée Blanche salafiste dans sa majorité refusa d'intervenir dans la Mosquée Sacrée. Parallèlement il est probable que le danger peut venir aussi des 5000 jeunes saoudiens aguerris chez DAECH et consorts, instrumentalisés à l'origine par leurs commanditaires wahhabites.</p>
<p><strong>LA REVISION N'ERADIQUERA PAS LE FANATISME</strong></p>
<p>La révision des exégèses d'Al-Boukhari et Muslim est une bonne initiative que nous applaudissons, mais elle n'est pas la priorité, car elle survient dans un contexte compliqué à tous les niveaux. Ses objectifs n'éradiqueront pas le terrorisme mais ils accentueront les crises en menaçant la cohésion de la société déjà programmée par le wahhabisme depuis trois siècles environ. Signalons aussi que la purge politique et financière a été suivie par une répression contre les icônes du wahhabisme les plus populaires de l'Arabie Saoudite dont le plus célèbre Mohamed Laarifi que nous considérons plus dangereux que Abu Bak Al Bagdadi...</p>
<p>En conclusion, la société Saoudienne tremble à cause de ces changements accélérés. Elle aurait souhaité que les Al-Salman ouvrent les chantiers de l'Éducation Nationale, de la Justice, de la Culture et des Médias, chantiers urgents car les plus gangrenés par le Salafisme, au lieu de s'attaquer frontalement aux religieux et à la révision de la Sunna qui aurait dû être l'œuvre de l'Organisation de la Conférence Islamique, et cela au nom de tous les États musulmans. Les Saoudiens n'ont pas le monopole de l'islam : c'est le patrimoine commun de tous les musulmans !</p>
<p>Docteur Abderrahmane Mekkaoui, professeur à ‘l’Université de Casablanca, professeur associé à l’université de Dijon.</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/01/20/Les-chantiers-%C3%A0-risque-de-MBS-%3A-le-duel-des-alli%C3%A9s-d-hier#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2165Quelques remarques sur le jihadismeurn:md5:e2b4356504ae18ab132c0e8d12bbbf7d2016-04-18T21:48:00+01:002016-04-18T21:48:00+01:00Olivier KempfReligionIslamJiihadismeKeppelRoyTerroristes<p>Ayant beaucoup lu sur le sujet depuis quelques mois, je ne prétends pas pour autant être un "expert", espèce décriée par les temps qui court. Disons que je ne vais pas sur les plateaux télé, je ne risque donc pas de trop subir la foudre des vengeurs. Par ailleurs, j'ai entendu récemment une conférence d'O. Roy, ce qui renvoie à la controverse "entre experts" qui l'oppose à G. Keppel .On en connaît la teneur. Pour O. Roy, la radicalité préexiste au jihadisme, il y a islamisation de la radicalité. Pour Keppel, à l'inverse, l'islam pose une question propre qui porte à la radicalisation, il y a au fond radicalisation de l'islam. On pourrait bien sûr dire que la vérité gît au milieu mais cet artifice ne convainc pas puisque bien peu essayent d'articuler les deux positions. Or, il ne me semble pas que les deux positions soient si incompatibles. Essayons modestement de comprendre comment.</p>
<p><img src="http://www.ojosdepapel.com/Thumbnail.aspx?SubPath=/images/ready/9411.jpg" alt="" /> <img src="http://d202m5krfqbpi5.cloudfront.net/authors/1309707525p5/68791.jpg" alt="" /></p> <p>Au fond, j'ai le sentiment que les deux postures ne parlent pas vraiment de la même chose. Roy parle plutôt de ce qui se passe en France, après avoir étudié les profils des différents "terroristes" jihadistes. Il constate qu'il y a une énorme part de musulmans venant de la deuxième génération, mais aussi une part importante de convertis (30%). Il note également le nombre croissant de femmes (jusqu'à 40 % dans les dernières cohortes), enfin le nombre important de fratries. En revanche, aucun lien avec des ghettos particuliers, ni même avec les centres salafistes, aucune corrélation au niveau d'étude ou au niveau économique et social (en clair, ce n'est pas parce qu'on est pauvre qu'on devient radical). Voici pour les chiffres.</p>
<p>Qu'en tirer ? Selon Roy, il s'agit en fait de personnes qui sont soit des convertis, soit des born again (trois mois avant, ils fumaient, buvaient de la bière, draguaient les filles). Autrement dit, des gens qui passent dans une rupture soudaine et qui sont pour la plupart très peu "savants en religion". Ou encore, la religion est comme un prétexte, d'autant que le caractère suicidaire leur permet d'aller directement au paradis, sans passer par les étapes sur soi-même que prônent par exemple les salafistes, véritables pharisiens de l'islam, qui regardent tout selon la norme et le halal.</p>
<p>Allons plus loin : en fait, ces jihadistes européens seraient le produit de l'Europe et des conditions difficiles d'intégration sociale, ce qui dépasse à la fois la question de la pauvreté, déjà signalée, mais aussi du ghetto, car autrement comment expliquer que de jeune ruraux (assez nombreux) choisissent cette voie ? Or, ils sont décalés par rapport à leurs parents, qui sont quant à eux imprégnés d'une culture d'origine, celle de leur islam "traditionnel", ou du moins culturalisé.</p>
<p>Mais là où Keppel a quand même raison, c'est de montrer qu'il y a une question musulmane, ou plus exactement de l'islam politique. On en connaît la généalogie, entre Frères musulmans, révolution iranienne, talibans, wahhabites, Al QAidistes ou Daechiens. Roy a ici tendance à évacuer l'aspect idéologique de ce jihadisme, alors pourtant qu'i remarque bien que ces kamikazes européens sont instrumentalisés par ces organisations extérieures (AQ ou EI). Keppel souligne la question politique de l'islam, qui se pose d'abord en terre musulmane ou, plus exactement, dans l'aire de ce que les Américains désignaient autrefois par Grand Moyen-Orient (de la Mauritanie au Pakistan).</p>
<p>On comprend ce que Roy veut dire quand il évoque "l'échec de l'islam politique" : il signifie que cet islam politique ne peut être une solution. Mais Keppel regarde plutôt le moment intermédiaire qui sépare de ce constat, il observe à quel point l'islam politique, pour tout un tas de raisons, non exclusives, affecte les dynamiques de la région. Avec aussi des prolongements en Europe, qui dépassent le simple cas des jihadistes explosifs qui ont commis les attentats que l'on sait.</p>
<p>Au fond, les deux ne sont pas si opposés qu'ils en en l'air, me semble-t-il.</p>
<p>Voici la conclusion à laquelle j'arrive aujourd'hui, au terme de ce billet vite rédigé, qui me vaudra certainement les foudres des uns, des autres et des tierces.</p>
<p>O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2016/04/18/Quelques-remarques-sur-le-jihadisme#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2092La lutte des deux califesurn:md5:ccf355777672da178301055a6a5fdbd22014-08-15T21:59:00+02:002014-08-16T07:56:24+02:00adminTurquieIslamTurquie<p>L'élection de Erdogan à la présidence de la Turquie, le week-end dernier, constitue un tournant. Pas forcément pour ce qui concerne la vie politique intérieure turque, passablement agitée ces dernières années mais aux résultats clairs : l'assentiment d'une majorité absolue de la population à la politique suivie par l'AKP et son leader, Erdogan. Au-delà, plusieurs significations peuvent être tirées de ce scrutin.</p>
<p><img src="http://lesazas.files.wordpress.com/2014/01/erdo-califat2.png?w=611" alt="" /> <a href="http://lesazas.org/2014/03/31/erdogan-elu-a-lirregularite-majoritaire/">source</a></p> <p>Tout d'abord, la présidentialisation annoncée du régime renvoie, à l'évidence, à Ata Turk, Mustapha Kemal, fondateur de la Turquie moderne. On a parlé un temps du néo-ottomanisme pour qualifier la politique étrangère de la Turquie : desseins d'ailleurs vite arrêtés, malgré les ambitions initiales. Dans le cas présent, on pourrait paradoxalement évoquer un néo-kémaliste, même s'il faut préciser les choses pour expliquer ce paradoxe.</p>
<p>En effet, Erdogan veut remplacer la "figure" de Ata Turks et fonder une nouvelle "Turquie moderne". Il s'agit donc d'un kémaliste, non dans son programme laïc (venant de l'AKP, "démocrate-musulman", cela semblait absurde) mais dans la direction du pays venant d'une personnalité charismatique et guidant le pays vers les voies de son évolution. Cela a des résultats politiques et économiques, qui sont à l'évidence à la source de la popularité d'Erdogan ; mais il y a aussi cet attachement que les Français dénommeraient "monarchiste", l'attachement à la figure du chef, du sultan, du calife.</p>
<p>Car au-delà de la présidentialisation (et les références intéressantes aux deux modèles américain et français : que le modèle Français demeure un modèle alors que la laïcité turque de M. Kemal avait justement été inspirée très fortement de l'expérience française, voici quelque chose de significatif), l'observateur distingue les "clefs du pouvoir", à la fois temporel et spirituel.</p>
<p>C'est à ce point qu'Erdogan, pourrait dépasser Mustapha Kemal. Qu'on se souvienne, celui-ci avait supprimé le califat en 1924 (après avoir supprimé le sultanat en 1922). Le califat signifie l'héritage du prophète, fonction reprise par la dynastie ottomane à partir de 1516. Indirectement, compte-tenu de son "programme" islamisant", Erdogan pourrait revendiquer une forme nouvelle de califat. Elle lui permettrait de renouer avec l'empire ottoman et de dépasser le kémalisme, considéré comme un passage dans l'évolution turque.</p>
<p>Le califat ? le mot est brusquement revenu à la mode depuis que le dirigeant de l'EIIL, el Bagdadhi, s'est proclamé nouveau calife. Celui-ci fait référence au califat d'avant les ottomans, celui des Abbassides.</p>
<p>Voici donc venir la lutte entre les deux califats. Ce n'est pas un hasard si l'EIIL a pris en otage les diplomates turcs lors de la prise de Mossoul. Fondamentalement, cette "islamisme" là, ce "jihadisme" là n'est pas simplement de l'islamisme, c'est un projet géopolitique de reconstitution d'un régime du passé, qui régna autrefois de Bagdad à Damas. Ce programme s'oppose, évidemment, au programme visant à ressusciter un autre régime du passé, l'empire ottoman.</p>
<p>La lutte des deux califats oppose au fond deux survivalismes : l'un qui vise à faire revivre Omeyades et Abbassides, du 7ème au 13ème siècle, un "néo-oméyadisme" ; et celui qui vise à faire revivre l'empire turc, un "néo-ottomanisme". L'affrontement porte non seulement sur la concurrence des deux époques, mais aussi des deux dominations de l'espace moyen-oriental</p>
<p>A. Le CHardon</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/08/15/La-lutte-des-deux-califes#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2423