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A propos de la Réforme territoriale

Le débat actuellement en cours sur la réforme territoriale a, logiquement, de forts relents politiques. C'est en effet de politique qu'il s'agit, même si elle est aussi (d'aucuns trouveront "trop") politicienne. Que peut dire le géopolitologue là-dessus? quelques considérations générales.

(image tirée d'ici)

L’agencement territorial répond à des besoins :

  • · Légitimité démocratique (élections : circonscription)
  • · Assiette fiscale (revenu)
  • · Action publique (production de norme, mais aussi dépense et décision d’endettement)

Cet agencement ‘organise en deux échelons : un central, et un « local », composé lui-même de plusieurs niveaux. Les niveaux traditionnels sont :

  • · La paroisse / commune : rôle de proximité
  • · La province / département (rôle de cohérence intermédiaire) ;

Trois facteurs viennent compliquer cet agencement :

  • · Le progrès technique qui bouleverse la notion de distance : soit par la mobilité des hommes et des biens (routes, train, TGV, …) ; soit par la mobilité des informations (téléphone, Internet, …)
  • · Le surgissement de la région : inventée un peu par hasard en 1964, renforcée en 1982 par les lois de décentralisation, elle n’a eu de cesse que de voir ses compétences s’étendre, au gré des réformes successives de l’agencement territorial (notamment avec le développement de l’intercommunalité).
  • · Le développement européen, qui semble tirer les compétences étatiques vers le haut. Ainsi, on ne cesse d’expliquer que la région est la bonne maille d’un dispositif européen, en oubliant que les « eurorégions » sont des régions transfrontalières, conçues pour transcender les limites nationales : l’argument européen ne paraît donc pas pertinent dans la bouche de nombreux défenseurs du développement des régions, qui ne les conçoivent que dans le cadre national.

On a en fait l’impression d’un processus général d’augmentation de la taille des territoires, la commune et le département (et l’Etat) étant jugés trop petits, des structures de remplacement (« pays », régions ; Europe) paraissant mieux adaptées. Ce processus est souvent compris, consciemment ou non, comme la marque de la modernisation (et donc, d’une certaine façon, inéluctable). Toutefois, cette efflorescence organique ne s’est pas accompagnée d’un nettoyage des niveaux obsolètes, ce qui pose problème aujourd’hui. Car les structures initiales conservent du « pouvoir », elles résistent donc au processus.

Il y a donc, théoriquement, deux modes possibles de modernisation :

  • · soit la poursuite de la croissance des circonscriptions (administratives ou politiques) ;
  • · soit la définition d’un équilibre afin de garantir une proximité (et donc, d’une certaine façon, une légitimité) que ne permettrait pas des circonscriptions trop grandes.

La question de l’agencement territorial se réduit dès lors à quelques questions simples :

  • · Faut-il deux ou trois échelons locaux : la rationalisation suggère deux, mais est-ce forcément pertinent ?
  • · Si on décide pour deux, lequel supprimer ?
  • · Dans le cas où l’on conserve les niveaux existant (commune, département, région) : faut-il réduire le nombre des entités correspondant à chacun de ces niveaux (réduire le nombre de communes,d e départements, de régions) ? est-ce d’ailleurs un moyen pour aboutir à la suppression d’un niveau, que ce moyen soit avoué/conscient ou non ?
  • · Quelle compétence (générale ou spécialisée) faut-il attribuer à chaque niveau ? et cela pose la question de la tutelle, et de l’exécutif de chaque niveau, puisque la compétence entraîne la dépense, donc le pouvoir.
  • · Enfin, quelle relation à chaque niveau entre un ordre exécutif et un ordre législatif (celui qui produit les normes du niveau considéré) ?


J’ajouterai quelques remarques très provocatrices.

« On administre « mieux » quand on administre près » : cet argument est un puissant facteur de décentralisation. C’est d’ailleurs celui-là qui pousse à ce mouvement, présenté comme « bien » : or, il faut poser là-dessus un œil critique.

En effet, ce processus augmente les coûts, car il déplace vers le bas l’échelle des solidarités : une solidarité locale entrave la possibilité d’une solidarité inter-territoriale (nationale ou européenne) et donc la cohésion de cet ensemble supérieur (national ou européen). Cela entraîne donc des dépenses d’infrastructure (puisque plus le décideur est proche de ses administrés/électeurs, moins il peut résister à leur pression), mais aussi des dépenses organiques (plus on décentralise, plus il faut de l’effectif pour « mieux » administrer, plus donc on augmente les structures et les effectifs : regardez la mairie de votre village, elle a triplé de taille par rapport à il y a vingt cinq ans). La décentralisation, cela coût cher, c’est un processus inflationniste. Pour réduire les dépenses publiques, il faudrait en bonne logique centraliser….

Surtout, la décentralisation peut être contradictoire avec le bien public : prenez l’exemple des plans d’occupation des sols qui ne sont plus contrôlés, ce qui entraîne une urbanisation massive, menace l’environnement, etc… Or, dans le même temps, on ne cesse de nous dire que les problèmes sont plus généraux (solidarité, environnement, santé) et nécessitent des actions plus coordonnées.

Enfin, il y a un paradoxe à expliquer comme le font la plupart des commentateurs, qu’il faut simultanément développer l’Europe, puisqu’elle est plus vertueuse que l’échelon local (en l’espèce, national) et simultanément développer la centralisation au motif que la proximité est un meilleur modèle. En toute logique, on devrait être soit européen, soit décentralisateur.

Mais ce n’est qu’un raisonnement cohérent, et les lois de la politique (et du commentaire médiatique) sont souvent bien éloignée de cette logique….

O. Kempf

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