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La réforme des armées en France par B. Irondelle

Quand on voit un titre « la réforme des armées en France », publié qui plus est par les Presses de Sciences Po, on se dit : chic : un bouquin forcément intelligent, qui va nous apprendre plein de trucs sur ce qui se passe en ce moment, avec ce mélange d’enquête terrain et de prises de distance permettant de dégager des perspectives, voir les points critiques, apercevoir les enjeux derrière les incantations. Plus encore, alors que la « transformation » en cours est, si j’en crois ce que répète régulièrement le CEMA, « la plus importante depuis la réforme Messmer », on se dit qu’on est en plein dans le sujet.

Autant dire qu’on est vraiment déçu par le quiproquo :

derrière ce titre si alléchant, si actuel, l’auteur ne fait qu’un livre d’histoire : il s’intéresse en effet à la réforme « d’avant », celle de la professionnalisation. Plus exactement, il s’agit du parcours qui a amené Jacques Chirac à décider, en 1995, de « professionnaliser » les armées.

Autrement dit encore, M. Bastien Irondelle nous gratifie d’un traité de sociologie administrative, montrant les pesanteurs de l’Etat et les relations compliquées entre l’administration et le pouvoir politique, auxquelles s’ajoutent les particularités réticentes du système militaire.

Le lecteur apprendra ( !) ainsi les dérives des programmes, le leadership présidentiel, l’importance du calendrier politique, le monopole de l‘expertise par l’administration de défense, l’éternel « faire entrer l’édredon dans la valise », la dépossession du Parlement, l’obéissance comme toujours des militaires…

Vous ne le saviez pas ? Cela se passait pourtant comme ça en 1995, soit il y a seize ans. Mais au fond, ça s’est toujours passé comme ça. C’est ce qui rend le livre permanent (à ce titre, il peut enseigner des mécanismes à qui ne les connaîtrait pas) et en même temps inintéressant, car éloigné des difficultés du moment.

A la fois intemporel et daté.

NB : suite de ce billet ici

O. Kempf

Commentaires

1. Le vendredi 13 mai 2011, 20:30 par

De mémoire, les cuirassés (ou croiseur de bataille) de la classe Dunkerque ont été inclus dans une tranche navale très tard un soir de semaine à l'Assemblée grâce à l'action du ministre de la Marine. Ce n'est pas toujours très dur de déposséder le Parlement -aucun besoin de forces occultes.

2. Le vendredi 13 mai 2011, 20:30 par Midship

[commentaire à ne pas publier :
Dernier paragraphe : ne doit-on pas dire "ça S'est toujours passé comme ça" ?]

égéa : mais si, je le publie : merci, chers lecteurs, de m'aider à améliorer la "qualité" du blog. On pardonnera, je l'espère, cette inattention.... Un lecteur que je rencontrais l'autre jour se demandait comment j'y arrivais : eh! bien en écrivant vite, au risque de coquilles... Inconvénient de la publication quotidienne : mais pour vous, en contre partie, manne quotidienne. Mille excuses, donc !

3. Le vendredi 13 mai 2011, 20:30 par Marksman

On n'a manifestement du lire le même bouquin. Vous qui semblez (?) vous intéresser à la chose militaire et aux choix étatiques vous courrez le risque de vous enfoncer dans les méandres de l'analyse immédiate alors que d'autres font ce qu'ils peuvent pour expliquer pourquoi on en est arrivé là. Taper sur l'ouvrage d'un "petit jeune" au motif que c'est une thèse et pas un truc révolutionnaire, ce n'est pas très glorieux...

égéa : mais j'attends volontiers votre fiche de lecture que je me ferai plus qu'un devoir, un plaisir de publier. Quant à être partial, n'est-ce pas l'objet d'un blog ? au fond, je ne reproche pas son travail, mais son titre trompeur : la professionnalisation des armées, ce n'est pas la réforme des armées. J'attends donc votre billet....

4. Le vendredi 13 mai 2011, 20:30 par yves cadiou

Expliquer pourquoi on en est arrivé là (mais Marksman veut sûrement dire « comment » et non « pourquoi ») est un exercice inutile qui sert le plus souvent de dérivatif pour éviter d’imaginer des solutions. Poser le problème, c’est bien mais ce n’est pas suffisant. Je lirai peut-être ce bouquin lorsque l’on m’expliquera (merci pour la fiche de lecture à venir) que j’y trouverai des données peut-être banales mais que j’ignore comme tout le monde et qui, en même temps, sont utiles pour sortir de la situation actuelle.

Nous savons tous qu’avec la création d’un « ministère de la défense nationale » à la place du ministère des armées en 1969, nous sommes depuis quarante ans dépourvus d’une politique militaire digne de ce nom. Celle-ci a été remplacée par une suite de modifications erratiques, inspirées seulement par les circonstances et les commodités du moment.

S’appesantir sur ce passé bien connu n’est sans doute pas intellectuellement inutile et permet en passant de se féliciter de la solidité foncière de notre armée (sa résilience, pour parler moderne). Elle a plutôt bien résisté jusqu’à présent aux aléas de décisions politiques édictées en comptant sur le dévouement du Soldat pour qu’elles passent. Ces décisions variables, trop souvent irréfléchies et inattendues, n’ont pas empêché les militaires de s’adapter par ailleurs de leur mieux aux bouleversements de l’environnement international et stratégique ni empêché de remplir leurs missions : depuis la fin de la guerre d’Algérie, 250 000 hommes ont servi volontairement sur plus de 160 théâtres d’opérations extérieures.

Aucun service public ne s’est montré apte à évoluer autant et dans des conditions aussi difficiles. Si l’on doit insister utilement sur le passé récent constitué par les tribulations du dernier demi-siècle, il faut rappeler avant tout cette extraordinaire volonté d’évoluer parce que c’est l’intérêt national et surtout cette capacité à évoluer sans protester, exceptionnelle dans les services publics y compris dans les services publics en uniforme et sans droit de grève. Il faut rappeler cette qualité fondamentale parce qu’elle permet de rebâtir.

Mais l’important c’est la suite : et maintenant, on fait quoi ?

5. Le vendredi 13 mai 2011, 20:30 par Marksman

Merci de vos réponses. Je n'ai honnêtement pas le temps pour produire une telle fiche. Ceci dit, celle de DSI me semble nettement plus ressembler à ce que j'ai lu : http://www.dsi-presse.com/?p=3105

Juste deux remarques, aussi. Premièrement, l'histoire, même si elle ne nous enseigne pas le "comment nous en sortir" peut nous montrer le "pourquoi nous en sommes là" (j'insiste ;o), ce qui n'est pas mal non plus. A un moment, l'immédiateté des blogs, des tweets et consort, c'est bien. Mais ça ne remplace pas un bon bouquin a fortiori lorsqu'il permet d'avoir l'avis des acteurs de l'époque.

Deuxièmement, on ne peut pas faire fi de la théorie ainsi (surtout, ajouterais-je, lorsque l'on est maître de conférence à Science Po'), simplement parce qu'on n'a encore rien trouvé de mieux pour expliquer les choses... sauf à tomber dans une espèce de journalisme à la fois contemplatif et centré sur la déstructuration des points de vue.

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