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Schizophrénie anglaise

La Grande-Bretagne est incompréhensible. Pas nouveau, me direz-vous, en pensant à sa perfidie légendaire. Toutefois, jusqu'à présent, elle avait des lignes politiques claires et des postures stratégiques lisibles. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Elle est victime d'une quadruple schizophrénie....

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1/ La première est due à une crise politique intérieure : en effet, la coalition lib-dem et conservateurs est contraire au génie britannique, qui n'aime pas les coalitions (alors que l'Allemagne y réussit plutôt bien : 70 % des électeurs souhaitent une reconduction de la grande coalition). Chacun y perd : les lib-dem qui se sont effondrés dans les sondages alors qu'ils représentaient l'alternance, le labour qui n'arrive pas à convaincre de sa capacité à gouverner, les tories qui veulent un bouc émissaire et le trouvent dans l'Europe : tout cela provoque l'apparition d'un quarte parti, le UKIP, qui ne cesse de gagner des voix dans les sondages et provoque un raidissement de l'aile droite du parti conservateur. Toute ressemblance avec un parti de droite écartelé entre une branche se radicalisant et une autre voulant rester à sa place est le fait du hasard....

2/ Vient ensuite une crise économique. La Grande Bretagne, hors euro, et pratiquant une politique économique "souveraine et libérale" va mal. Encore plus mal que d'autres pays européens. Certes, on n'y fait pas attention car ils ne participent pas à la tragi-comédie sur l'euro, mais les plans de rigueur succèdent aux plans l'austérité et George Osborne, le ministre des finances, est obligé d'ajouter une couche de sévérité lors du discours d'automne. Bref, on peut vanter le libéralisme mais les scandales financiers qui se succèdent et l'accumulation des plans commencent à faire beaucoup. Le plus surprenant est l’acceptation de ce traitement de choc par la population.

3/ La maladie suivante est due à une géopolitique interne. Il ne faut pas le dire, mais la menace sécessionniste de l' Écosse (voir billet) pose un grand trouble à l'Angleterre, qui se pense la matrice de la Grande Bretagne. Quand la Grande-Bretagne deviendra moyenne, le discours du splendide isolement pourra-t-il tenir ?

4/ Dernier écartèlement, celui de la géopolitique extérieure. J'ai déjà évoqué l'énorme déception due à l'éloignement américain. Le rift transatlantique touche d'abord la Grande Bretagne. Ceci explique qu'elle voit dans l'UE le parfait bouc émissaire. L'UE bashing a remplacé le French bashing, même si Boris Johnson essaye de conserver la flamme. Mais ce raidissement est surtout dû au fait que l'Europe se fait sans la Grande-Bretagne. Jusqu'à présent, elle avait toujours réussi à contrôler le bateau. C'est ce qui est en train de changer.

5/ En effet, aujourd'hui, l’Europe c'est l'Allemagne. Et la construction européenne, quoiqu'on en pense, passe par le sauvetage de l'euro. L'Europe, c'est 17. C'est à cause de ce phénomène que Cameron, en réponse à toutes les schizophrénies, s'est résolu à l'organisation d'un référendum sur la sortie de l'UE. 2014 verra donc deux référendum de diminution britannique : intérieure avec le départ de l’Écosse, extérieur avec le départ de l'UE.

6/ ceci explique la virulence préalable de la vraie guerre qui se déroule sous nos yeux, et qui est monétaire et financière. Il ne s'agit pas d'économie, vous l'avez compris, mais de cette autre sphère où se jouent, aujourd'hui, les conflits du monde. En jeu : la domination des transactions de la zone euro. Aujourd’hui à 40 % sous contrôle de la City. City qui est la seule industrie britannique à subsister, malgré tous ses scandales et toutes ses prévarications. Mais j'ai déjà dit que la City est un isolat au sein de l'Angleterre, avec un destin propre (après tout, voici un paradis fiscal au cœur de l'Europe). Or, Christian Noyer a posé la question à cent mille dollars : la Grande-Bretagne n'est pas dans la zone euro, et pour de simples raisons de souveraineté, elle ne peut continuer à être une place majeure d'échanges en euro. La menace est mortelle. Aujourd’hui, l'autonomisation européenne menace directement ce qui reste de souveraineté britannique, celle-ci étant par ailleurs en train de s'autodissoudre. La guerre monétaire autour de l'euro accentue les quatre schizophrénies anglaises.

Et devant cette menace mortelle, soyez sûrs d'une chose : la Grande Bretagne ne voudra pas tomber seule et voudra entraîner l'Euro dans sa chute.....

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 5 décembre 2012, 20:42 par Patrick Saint-Sever

juste un complément la City n'est pas la seule industrie britannique pour deux raisons, l'une évidente puisque c'est par pirouette qu'est employée ici l'expression "industrie" de la finance, en lieu et place de service (davantage pour celui qui le facture que pour celui qui en bénéficie, souvent...lequel n'a pas toujours "compris" le service qu'il a payé TTC). La seconde raison est qu'il ne faut pas trop se fier aux déclarations à l'emporte pièce et en fer blanc de notre précédent président de la République (qui ne craignit point, par une démarche d'une logique paradoxale, de nous fâcher avec le Teuton pour passer une alliance stratégique militaire exclusive avec des gens qui n'avaient pas d'industrie, soi disant), puisqu'il convient de rappeler que les britanniques assurent 21,5% de leur Pib avec l'industrie, versus 18,7% pour ... la "Grande Nation" comme disent les Allemands. Attention à la poutre (non coulée à Florange) qui menace notre œil...

Enfin la célèbre bande dessinée a été censurée ce n'est pas "ils sont fous" que clamait notre Celte mais bien "ils sont fourbes" ces Anglais, expression suivie de "On n'a pas la Galles" au constat du mépris tout britannique à notre égard, comme envers tout ce qui n'est pas britannique, voire Anglais. Tous les archéologues en attestent...

Un Anglais vous répondrait que c'est bien cartésien et français, votre raisonnement sur l'euro. Et que Londres est française grâce aux gens qui s'y expatrient... Et qu'il est prêt à ouvrir un book de paris sur le fait que c'est Paris qui mordra la poussière.

égéa : oui, mais nous, on est tête de série à la world cup... Plus sérieusement, je m'interrogeais sur l'absence de commentaire sur ce billet. Heureusement que tu viens "challenger". Pour l'industrie, bien vu. Et pour le constat qu'ils raisonnent comme des tambours, nous sommes donc d'accord.

2. Le mercredi 5 décembre 2012, 20:42 par Gautier DREVET

Pour rebondir sur le dernier commentaire, où en est l'accord militaire avec l'Angleterre ?

Au passage voilà une schizophrénie de plus, l'Angleterre ne veut plus de l'Union Européenne, mais songe à une alliance militaire avec la France, certes pour des raisons économique, mais le résultat est là.
Cet accord vous semble-t-il être un nouveau départ pour une Europe de la Défense ?

Pour finir sur une pointe plus légère, si l'on cherche perfide Albion sur Wikipedia, on trouve toutes les perfidies qu'elle a commise à l'encontre de la France, et la dernière se trouve être la proposition du 1er ministre Britannique qui date de cette année :" Quand la France instituera un taux de 75% pour la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, nous déroulerons le tapis rouge et nous accueillerons plus d'entreprises françaises qui paieront leur impôt au Royaume-Uni. Cela paiera nos services publics et nos écoles"... So British comme humour !

egea : Non, le rapprochement FRUK ne favorise pas l'Europe de la défense, au contraire.

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