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Légalité et légitimité (2)

Classiquement, voici deux notions proches l'une de l'autre. On évoque ainsi souvent le cas de la France pendant l'occupation, et la lutte entre Pétain et De Gaulle. Or, il me semble que cette question de la légalité et de la légitimité dépasse ces simples exemples historiques.

source

En effet, nous observons sans cesse un excès de légalité, et surtout un abus de cette légalité. Quelques exemples viennent à l'esprit.

L'affaire PRISM et Verizon (que j'ai évoqué hier soir sur Public Sénat) : selon les autorités américaines, ces interceptions sont "légales". Et pourtant, elles choquent puisqu’elles atteignent la vie privée, et donc une certaine liberté individuelle. Légal, mais pas forcément légitime.

L'optimisation fiscale : un article du Monde nous apprend que Jersey est le plus grand exportateur de bananes de l'UE. Cela par la grâce de l'optimisation fiscale. Celle-ci n'est pas "illégale", ce n'est pas de la "fraude". L'optimisation consiste à utiliser toutes les ressources de la loi pour éviter de payer des impôts. Ainsi, Facebook ou Amazon... Légal, mais illégitime, bien sûr.

Turquie, manifestations brutalement réprimées par le pouvoir de M. Erdogan (nous reviendrons, quelque jour, sur cette question turque). Motif : je suis légalement élu. Légal, mais avec une attitude pas forcément légitime.

Ainsi, la loi pose problème. Faut-il constater l'explosion de la loi, et la moindre confiance qu'on lui apporte ? Plus il y a de loi, moins elle paraît légitime.

Est-ce un hasard si l'on voit poindre un débat sur l'objection de conscience ?

Réf : un premier billet en mai 2011 portait déjà ce titre, signe que le sujet ne passe pas....

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 11 juin 2013, 22:26 par

Il arrive chez nous que le découpage des circonscriptions électorales donne, sur les bancs de l'Assemblée, la majorité des sièges à un parti qui n’a pas obtenu la majorité des voix dans le Pays. L’Assemblée est alors légale mais non légitime. Le Gouvernement, issu de l’Assemblée et contrôlé par elle, est dans la même situation. Ce fut le cas notamment aux législatives de 1978, jusqu’à la dissolution de cette Assemblée en 1981.
Au même moment l’intervention Tacaud au Tchad, de 1978 à 1980, était légale mais on se posa la question de sa légitimité. Heureusement sur le terrain la triste situation des populations, qui avaient un besoin vital de sécurité, redonnait sa légitimité à notre intervention. Mais ça fait partie de ces circonstances qui amènent à s’interroger sur la validité de nos institutions et leur dangereuse fragilité si une crise majeure survenait.
Aujourd’hui, la question n’est pas résolue mais elle passe de moins en moins inaperçue. Depuis plusieurs années (2005 et le referendum sur la Constitution européenne), la question de la légitimité du pouvoir politique, quelle que soit sa couleur, circule sur @internet : traité de Lisbonne qui contredit le referendum de 2005, refus du referendum sur la question du mariage homo, lois ou même révisions constitutionnelles votées et promulguées par soumission aux directives d’une commission européenne sans assise populaire.
Même les robots ont capté le problème. Sous chaque billet d’egeablog, un robot propose un lien qui est automatiquement en rapport avec le sujet traité : sous le présent billet l’on m’a proposé un lien au sujet de l’impopularité de François Hollande.
Légitimité / légalité, c’était naguère une question de cours pour étudiant de première année. Peu à peu depuis quarante ans, à force de révisions constitutionnelles, de traités, de lois, faits sans le Peuple qui leur donnerait leur légitimité, la question est devenue un réel problème. L’aristocratie républicaine, coupée du Peuple, n’en est probablement pas consciente. On aurait tort de continuer dans cette voie.

2. Le mardi 11 juin 2013, 22:26 par Dio

Il faut surtout éviter de mélanger les notions de légalité et de légitimité.

La première notion a un caractère durable, permanent qui tient notamment à la nature de la constitution qui est à la source de toute légalité (cette constitution est d'ailleurs le plus souvent difficilement révisable en particulier si elle est "rigide", comme c'est le cas en France). La légitimité, quant à elle, est évolutive dans le temps. Si chaque citoyen fonde ses actions sur une légitimité supposée, contingente et non sur la légalité alors l'Etat légal cède le pas sur l'anarchie.

N'oublions jamais les mots lourds de sens de Portalis (rédacteur du Code civil) : "la loi est un commandement".

3. Le mardi 11 juin 2013, 22:26 par Ph Davadie

Permettez-moi de ne pas être d'accord avec ce que je déduis de vos commentaires : la légalité durerait dans le temps, alors que la légitimité serait le fugace reflet de la volonté des peuples.
Donc, la légalité nous préserverait de la versatilité de la légitimité, comme le prouverait l'exemple Pétain - De Gaulle...
Pourtant, "ce que la loi fait, la loi peut le défaire"...

Il exista pourtant un temps où la question ne se posait pas. faut-il en déduire que, si elle se pose maintenant, c'est que plus rien n'est clair ?

Fut donc un temps où les gouvernants tiraient leur légitimité de Dieu, ce qui ne semblait poser de problème à personne.
Dieu ayant été banni de l'espace public (Nietzsche a même annoncé sa mort), il fallait bien trouver une nouvelle source de légitimité. La succession des régimes montre que la question n'a pas vraiment trouvé de réponse satisfaisante.
Et pourtant, ce n'est pas faute d'essayer : l’État se définit comme le détenteur de la violence légitime selon Weber. Qui, au passage, ne précise pas ce qui fait qu'une violence est légitime.
Depuis peu, il y a mieux : si vous consultez http://static.acteurspublics.fr/all... vous trouverez à la page 9 de ce document, au §III.1 "l’État est ce qu'il dit qu'il est". Ce qui, outre le caractère un peu puéril de la formule (c'est celui qui dit qui y est), peut nous faire nous demander quelles sont les limites de cet État dont l'existence tient lieu de justification. Car s'il lui suffit de dire ce qu'il est pour l'être, nous ne sommes plus très loin de la parole performative qu'utilise le Créateur dans la Genèse...

Mais en consultant une littérature non jacobine, des réflexions sont possibles. Dans le document http://www.laviedesidees.fr/IMG/pdf... on découvre page 2 "en approfondissant sa légitimité par le respect des règles de la justice procédurale..." page 4 "Ce faisant, nous considérons que le comportement de la police (et surtout celui des policiers en uniformes) a un impact immédiat sur la confiance de la population et la légitimité reconnue à la police" page 7 tout un développement sur la légitimité de la police "Les jugements portés par des individus sur la légitimité d’une institution doivent se fonder dans une certaine mesure sur l’accord entre les buts, les pratiques et les comportements de cette institution et les leurs" et "La notion de consentement exprimé implique que la légitimité d’une autorité ne réside pas seulement dans les croyances de ceux qu’elle gouverne mais aussi dans leurs actes", etc. etc. Beau programme, non ?

De là on pourrait déduire qu'un État est légitime s'il est subsidiaire (je reconnais, le raccourci est brutal) et qu'il sera reconnu comme légitime s'il ne se comporte pas comme un chef de corvée.

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