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Pas d’alliés dans le cyber !

Voici le premier billet d'une chronique que je tiendrai désormais dans la revue Conflits : une chronique consacrée à la cyberconflictualité. Ce premeir billet évoque les questions d'alliances.

Snowden, portable de Dilma Youssef, Affaire Étrangères belges, Bundestag, Commission européenne, Élysée : il n’est quasiment pas de mois sans une « affaire ». Le scénario est immuable : telle institution étatique est espionnée depuis plusieurs années – on ne connaît pas les auteurs – on soupçonne X (au choix : États-Unis, Grande-Bretagne, Russie, Chine). La seule variation tient à la réaction de la victime : courroux voire affaire d’État, ou silence gêné.

Le plus surprenant toutefois tient à ce que des « alliés » s’espionnent entre eux. Pourtant, la chose est logique tant les conditions du cyberespace invalident les alliances traditionnelles, pour deux raisons principales. D’abord, dans une alliance traditionnelle, quels que soient les objectifs politiques et stratégiques, il convient d’additionner des forces : troupes et armements sont hautement tangibles, visibles, dénombrables, évaluables. Or, la puissance dans le cyber ne se compte pas en nombre d’octets ou en alignements d’ordinateurs. Elle repose d’abord sur la constitution d’équipes hautement qualifiées et qui ont finalement besoin de peu de matériel pour travailler et progresser. Autrement dit, il est très difficile d’additionner des capacités intellectuelles.

Surtout, même s’il semble ouvert, Internet est un espace caché, opaque, discret. Il est ici très facile d’agir anonymement: non seulement ne pas se faire détecter mais même se faire passer pour autrui. Aussi, dans toutes les affaires de ces dernières années, on n’a jamais eu de preuve technique absolue de la responsabilité de l’auteur présumé.

Cela constitue une nouveauté stratégique sans précédent. Dans le monde que nous connaissions, on savait qui était l’ennemi, donc qui était l’ami. Dans le cyberespace, on ne sait en fait jamais qui agit réellement. Dès lors, on ne peut désigner l’ennemi. Par conséquent il est tout aussi délicat de désigner l’ami, donc l’allié. Cette lacune d’identification affecte toute la mécanique des alliances.

Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’alliances dans le cyber. Simplement, elles sont cachées, discrètes, le plus souvent bilatérales, cantonnées à des objectifs strictement définis et circonscrits. A deux, sur un projet donné, on sait forcément qui est qui : soi, l’allié, les autres. Les procédures d’identification réciproques permettent de révéler «  les autres ».

Du coup, on peut avoir un système d’alliances bilatérales. Moi, pays A, je m’allie avec X sur tel sujet, avec Y sur tel autre. Mais du coup, ma coopération avec X peut toucher Y avec qui j’ai, par ailleurs, un autre projet.

Ainsi se comprennent la gêne de bien des gouvernements, victimes d’une puissance avec laquelle ils ont par ailleurs des programmes de coopération…

O. Kempf

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