La surprise est grande : alors que les sondages annonçaient à 53% un refus de la proposition de référendum, ce furent 57 % des électeurs qui l'approuvèrent : ainsi, la Suisse n'autorise pas la construction de minarets supplémentaires sur son territoire. L'écart de prévision de dix points illustre l'ampleur de la surprise.
1/ Le cas suisse n'est que la dernière variation d'un mouvement qui balaye l'Europe : mouvements antimusulmans aux Pays-Bas ou en Belgique, persistance d'une extrême-droite en Autriche, succès des listes anti-hongroises en Slovaquie : ce sont toutes les marges extérieures de l'Allemagne qui sont ainsi touchées. Pourtant, je ne pense pas qu'il faille se concentrer sur la seule MittelEuropa : qu'on pense à la Padanie italienne, ou au récent succès du British National Party aux élections européennes.
2/ Ainsi, le phénomène est européen. Il est dorénavant généralisé.
3/ C'est donc un symptôme. Plusieurs facteurs l'expliquent. Il y a la crise et le développement du chômage, il y a l'insatisfaction à l'encontre des hommes politiques, il y a la visibilité de la religion musulmane, il y a une mondialisation économique et culturelle qui remet en cause bien des suprématies,....
4/ Qu'en conclure ? que Dominique Moïsi a touché une vérité profonde, avec sa "Géopolitique des émotions" (voir ici pour la fiche de lecture). A l'époque, je trouvais que le mot peur ne s'appliquait pas vraiement à l'Europe. Je trouvais l'expression trop huntingtonienne. Je proposai à l'époque (fiche écrite en mars, pour un livre paru l'automne précédent) le mot doute. En fait, j'ai l'impression d'une profonde crise d'angoisse.
5/ Ce diagnostic suffit-il ? non, à l'évidence. Mais au moins paraît-il constituer un facteur partagé, avec des éruptions différentes selon les endroits.
O. Kempf