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mardi 27 octobre 2009

Yémen : ne pas se laisser abuser par la géopolitique

Les événements récents au Yémen laissent le géopolitologue sur sa réserve. Cependant, beaucoup ont dégainé l’attirail et démontré tous les ressorts de la crise. Eh ! pourtant…. ;

Carte du Yemen (c'est la meilleure carte que j'ai pu trouver)

Quelles sont les thèses en présence ?

1/ Tout d’abord, la rébellion Houthi seraient l’incarnation d’un schisme (et d’un chiisme) zaïdiste, variante locale du chiisme. Aussitôt, on sort la grande artillerie, l’opposition entre chiites et sunnites, et l’instrumentalisation possible par l’Iran, statue du Commandeur de la déstabilisation régionale. Oui, mais… mais cela fait des années qu’on soupçonne ce lien pan-chiite, et on ne l’a jamais démontré au Yémen.

2/ Autre explication en vogue : la rébellion serait l’incarnation locale d’une sorte d’al-qaidisme insidieux, qui sous couvert d’on ne sait quoi, permettrait à l’internationale terroriste de faire le pont géographique entre un foyer pakistano-afghan et un foyer est-africain, de la Corne (Somalie) au Soudan. Oui, mais…. mais aucune revendication islamiste ne se fait jour dans le conflit en cours.

3/ Dernière explication, la classique opposition entre le sud et le nord, un pays réunifié facticement mais jamais réuni, avec toutes les causes sociales et politiques (et krypto marxistes) qui vont avec…. Oui, mais… mais ce n’est pas entre les deux régions.

4/ Ainsi, toutes les clefs usuelles du géopolitologue tournent à vide. En plus, il n’y a pas de pétrole là-bas, pas de pirates qui menacent le trafic et prennent de paisibles plaisanciers en otage, pas de… : rien. Pas d’enjeu, en fait. Aden ne fait plus rêver depuis Rimbaud et Conrad. Donc, tout le monde s’en fiche. Ce qui arrange bien le géopolitologue. Mais ne répond pas à son ambition explicative….

5/ Alors ? alors un article de l’IHT donne un embryon de solution : en fait, juste une querelle interne, un conflit entre centre et périphérie, un pouvoir central voulant se légitimer grâce à la répression d’un mouvement dissident (le tyranneau local voulant imposer son fils à la succession, le pouvoir militaire s’y refusant : la guerre forçant à l’union sacrée) ; ledit mouvement étant organisé lui-même autour d’une famille et n’ayant jamais donné une liste claire de revendications…. En claire, une réaction provinciale aux excès (armés) de la férule de la capitale.

6/ Du coup, une autre rébellion sécessionniste a éclaté dans le sud. Et pour le coup, la dimension politico-religieuse risque d’intervenir et de se coller aux conflit en cours, selon une logique d’identification (et donc de simplification) à laquelle les conflits modernes nous ont habitués. Vous verrez, si les choses empirent (euh ! il y a déjà 150.000 réfugiés autour de Saada), nos géopolitologues vous expliqueront le zaydisme, al Qaida, le golfe d’Aden, le pétrole, tout ça, tout ça….

Ce qu’on appelle une prophétie auto-réalisatrice…… ça n’existe pas qu’en économie : en géopolitique aussi !

O. Kempf

Références :

  • sur les affrontements dans le nord : ici et ici
  • Sur les affrontements dans le sud : ici
  • sur les procès de Saana qui s'ouvrent hier : ici