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dimanche 12 avril 2009

Sommet : autres points soulevés

Les six derniers articles de la déclaration apportent des choses intéressantes.

1/ Après avoir démontré sa gêne en matière nucléaire, l’Alliance en vient à la maîtrise des armements : ils apportent leur soutien à la renégociation du TNP qui aura lieu en 2010. S’agissant du traité FCE, après la réaffirmation de principes, ils expriment leur préoccupation envers la suspension par la Russie de sa participation au traité. Ils réitèrent surtout leur ligne de négociation.

2/ L'article 58 reprend l'inquiétude sur la sud-Caucase et la Moldavie (que les traducteurs officiels persistent, inconsidérément, à nommer Moldova). Rappelons que la déclaration fut publiée avant les émeutes de Chisinau. Ce qui est ici important, c'est que la déclaration revient sur une région donnée, après avoir exposé tous les points qui sont liés au cas russe : on sent une gêne certaine et une difficulté à appréhender le jeu du Kremlin. Seule ouverture faite à Moscou : la recommandation d'utiliser l'OSCE, organisation qui avait été négligée par l'AA depuis de longues années et qui retrouve, soudainement, une utilité....

3/ Un paragraphe sur la sécurité énergétique poursuit la déclaration. Depuis quelques années, l'alliance y voyait la source de son renouveau missionnel. La crise du gaz de janvier (mentionnée) vient à l'appui de cette ambition. Ce qui est ici intéressant, c'est qu'on précise ce qu'est la sécurité énergétique: « La stabilité et la fiabilité des approvisionnements énergétiques, la diversification des itinéraires d’acheminement, des fournisseurs et des sources d’énergie, et l’interconnexion des réseaux énergétiques » : il s'agit en ait de la sécurité des approvisionnements énergétiques.

4/ Le § 60 évoque succinctement le Grand Nord : il faut lire à cet égard l'article de D. Besson dans le dernier DNSC sur l'alliance et le grand Nord : je suis content d'avoir anticipé ce coup là !

5/ Le § sur la réforme du siège ait allusion à un processus technique: il s'agit à la fois de la construction d'un nouvel immeuble à Evere, mais aussi d'une réforme du QG de l'Otan. Le plus intéressant dans ce paragraphe est ici : « renforcer notre capacité à intégrer les différents axes de travail de l'OTAN – tout en préservant comme il se doit le rôle du Comité militaire – ainsi que d’optimiser l'utilisation des ressources ». Cela signifie qu'on se dirige vers une sorte de fusion du Secrétariat International (au service du Secrétaire Général, donc politique) et de l'Etat-Major International (au service du Comité Militaire, donc militaire), au profit du premier.... Dans l'Alliance aussi, la civilation (mot bien plus correct que l'hideuse « civilianisation ») est à l'œuvre....

Voici donc une analyse de détail de la déclaration du sommet. Je reviendrai sur la signification générale de l'ensemble de la séquence, dans un dernier billet....

O. Kempf

Sommet et nucléaire

Les propos sur le nucléaire traduisent une grande gêne. Qu’on en juge :

1/ Après avoir rappelé que face à la prolifération, il faut une défense anti-missile, l’AA annonce que « plusieurs options d'architecture techniques ont été élaborées, puis évaluées » et que « travaux supplémentaires doivent encore être effectués ». Dès lors, « l’apport futur par les États-Unis d’éléments d’architecture importants pourrait contribuer aux travaux ». Comprendre : le sujet a été lancé par les Etats-Unis, et on attend leur position finale, d’autant plus qu’on devine bien qu’ils sont moins allants sur la question.

2/ Les phrases suivantes sont encore plus absconses : « Nous avons reçu une analyse complète des options d’architecture techniques, et nous souscrivons à la conclusion générale du rapport, à savoir que ces options ont chacune leurs points forts et leurs points faibles, même si certaines d’entre elles ne correspondent pas au mandat donné à Bucarest ». Rappelons que le communiqué de Bucarest demandait au Conseil de présenter des options qui puissent lier à la fois la défense de théâtre (le niveau traditionnel d’ambition de l’AA) et la défense de territoire (niveau bien plus ambitieux, mis au goût du jour par le bouclier américain).

3/ c’est pourquoi les Alliés redemandent au CAN de réétudier une proposition : « sur les aspects militaires, techniques et de politique générale relatifs à l’éventuel élargissement du rôle du programme de défense active multicouche contre les missiles balistiques de théâtre (ALTBMD), qui inclurait ainsi, en plus de la protection des forces OTAN déployées, la défense antimissile territoriale » : en clair, on revient à la défense de théâtre et on examine si, éventuellement, cela pourrait être étendu à une défense de territoire. Mais en fait, la prudence prévaut, et l’AA attend que les négociations américano-russes avancent pour se prononcer : « nous sommes disposés à étudier les possibilités de relier les systèmes de défense antimissile des États-Unis, de l'OTAN et de la Russie en temps opportun ».

On ne saurait marquer plus évidemment la malaise de l’alliance sur le sujet. Pour le coup, a-t-elle d’autres solutions que de temporiser ?

O. Kempf

samedi 11 avril 2009

Sommet et Transformation

La question de la Transformation pouvait susciter l’intérêt. Là encore, on est globalement déçu.

1/ La réforme de structure, un temps espérée pour le sommet, n’est toujours pas aboutie : avec un humour involontaire, les alliés annoncent « nous attendons avec intérêt la poursuite des travaux à cet égard ». En clair, ils sont autant observateurs que nous ! Or, cette « PE Review » traîne depuis maintenant plusieurs années, et il faudrait quand même qu’on débouche sur quelque chose, et qu’on réponde à la question : que faut-il supprimer ? Cela étant, on ne pouvait à la fois accueillir le retour français (et obliger donc les alliés en place à libérer des places) et réduire la taille de la structure. Cela signifie-t-il pour autant qu’il faudra attendre le plein retour français (on parle de trois ans avant que la totalité des 900 militaires aient rejoint) pour réformer la structure ? faut-il d’ailleurs la réformer, et pourquoi ? il est probable qu’on a décidé d’attendre le nouveau concept avant de réformer cette structure qui donne finalement satisfaction.

2/ On notera en revanche « l’adoption d’un processus nouveau de planification de défense ». Le précédent était désuet, le nouveau traduit techniquement les nouvelles voies de l’intégration militaire. Car si les pays ne mettent à disposition de l‘AA aucune force permanente, l’AA connaîtra désormais, en permanence, le détail des unités de chaque allié : lors des conférences de génération de force, un pays ne pourra plus dire qu’il ne dispose pas de tel type d’unité. En clair, le système sera beaucoup plus efficace mais aussi beaucoup plus intrusif. Bien évidemment, dans tous les débats sur le retour de la France dans le commandement intégré, personne n’a mentionné ce fait qui est techniquement très significatif. C’est probablement un des aspects les plus novateurs de ce sommet.

3/ La déclaration réaffirme le soutien à la NRF . Toutefois, on discerne en creux les problèmes de celle-ci puisqu’on attend la ministérielle défense de juin pour proposer « des améliorations s’agissant de la mise à disposition de ressources pour la NRF et de son employabilité ». Ce vecteur fondamental de la Transformation ne donne pas entièrement satisfaction.... A coup sûr, ce sera un des principaux dossiers du futur SACT qui sera français.... !

4/ La paragraphe sur les capacités essentielles (« telles que les hélicoptères aptes à la mission, les moyens de transport stratégique et la capacité alliée de surveillance terrestre ») est surprenant : aucune allusion à l’achat de C-17, aucune allusion aux problèmes de l’A-400 M. l’AA recommande des solutions multinationales, et notamment une coopération OTAN-UE. Là encore, la ministérielle défense de juin doit proposer des solutions.....

5/ Le « Centre de coordination des opérations spéciales de l'OTAN (NSCC) » créé à Riga est sur le point d’atteindre sa FOC. L’AA évoque la création d’un « quartier général multinational », mais ce dossier sera clairement lié à la réforme de la structure et au nouveau concept....

6/ Le paragraphe sur la cyberdéfense était attendu. Rappelons que l’AA évoque le sujet depuis Prague en 2002 !

Finalement, cette partie technique de la déclaration apporte des nouvelles intéressantes : report de la réforme de structure, adoption de la nouvelle planification de défense, éventualité d’un QG des opérations spéciales, ...

O. Kempf

Sommet et partenariats

La question des partenariats présente plusieurs intérêts, tout d’abord parce qu’elle expose les relations avec la Russie.

1/ On rappelle tout d’abord les deux textes qui régissent cette relation : l’Acte fondateur OTAN-Russie de 1997, et la Déclaration de Rome de 2002, qui a créé le Conseil Otan-Russie (COR). Mais on rappelle les différends en cours : les alliés dénoncent la reconnaissance de l’Abkhazie et de la Géorgie et les renforts militaires russes qui s’y trouvent. Cette pétition de principe faite, on précise alors : « Malgré les désaccords que nous avons actuellement avec elle, la Russie est pour nous d’une importance particulière en tant que pays partenaire et voisin ». Parce que la Russie est utile à l’AA, par exemple pour « la stabilisation de l’Afghanistan, la maîtrise des armements, le désarmement et la non-prolifération des ADM et de leurs vecteurs, la gestion des crises, ainsi que la lutte contre le terrorisme, la drogue et la piraterie ». On discerne dans cette liste deux points clefs : la question de l‘Afghanistan et de son flux logistique par le nord, mais aussi la question nucléaire et notamment celle de l’Iran.

La conséquence est logique : il faut relancer le dialogue, et pour cela utiliser le COR : « Nous sommes convaincus que le potentiel du Conseil OTAN-Russie n’est pas pleinement exploité ». On est loin, très loin des indignations de l’été dernier, au moment de la crise géorgienne. Le Kremlin a gagné la première manche.

2/ Viennent ensuite les § politiques sur les différents partenariats : le PPP, le Dialogue Méditerranéen, l’Initiative d’Istamboul. Un § évoque les coopérations avec d’autres pays (sans prononcer le mot de partenariat, cela est important) en citant « l’Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande et la République de Corée pour l’aide qu’elles apportent à notre mission en Afghanistan ». Ces pays sont ceux que certains, à Washington, verraient bien intégrer l’alliance globale. Il faudra suivre ce point là à l’avenir : est-ce juste un ballon d’essai, ou le prémisse de quelque chose de plus institutionnalisé, qui modifierait radicalement la raison d’être de l’AA ?

3/ On note un § sur la Mer Noire (écrit avant les émeutes en Moldavie). A l’époque, la question qui préoccupe est celle de la Transnistrie, point d’achoppement entre la Russie et les Occidentaux. Mais elle n’est pas mentionnée en tant que telle dans ce § 41, mais le sera plus tard (§ 57).

On est donc un peu déçu par ces articles de la déclaration. Certes, on reconnaît à la Russie un rôle essentiel dans la sécurité pan-européenne, mais on reste très discret et réservé. Aucune allusion n’est faite à la proposition de M. Medvedev d’une grande conférence de sécurité en Europe, et si on se remet à citer l’OSCE, cela paraît par défaut. Bref, ce passage manque clairement d’ambition et l’Alliance semble désarmée ( ! ) face aux évolutions en cours : là encore, elle n’a pas l’initiative et agit en réaction.

O. Kempf

Sommet et élargissement

Autant Bucarest avait été voulu par l’administration Bush comme un sommet de l’élargissement, autant Strasbourg n’a pas eu cette volonté. On constate la première participation de la Croatie et de l’Albanie, décidée à Bucarest, et qui n’est donc pas une surprise.

1/ Le premier article sur la question maintient le principe de l’élargissement, conformément à l’art. 10 du traité. On note toutefois deux précisions significatives : « l'OTAN restera ouverte à toutes les démocraties européennes », qui insiste sur la délimitation géographique de l’AA : la chose est d’importance à l’heure où certains prêtent à l’administration Obama la volonté de pousser les feux d’une alliance globale. D’ailleurs, outre la mention de la démocratie, on rappelle un des critères de l’élargissement : les nouveaux venus doivent « partager les valeurs de notre Alliance » : or, cette insistance sur les valeurs est plutôt une thématique américaine (la notion de partage de valeur renvoie à la notion d'un Occident qui irait de soi, voir mon billet d'hier).

2/ Pour le reste, il n’y a rien de nouveau par rapport à Bucarest : l’ARYM (Macédoine) entrera dans l’AA quand on aura trouvé une solution à son nom, et qu’on aura donc dépassé le veto grec. On salue les efforts de la Bosnie-Herzégovine et du Monténégro dans le cadre du PPP, même si on déplore le blocage politique à Sarajevo. ON dit des mots courtois à la Serbie, tout en rappelant les nécessaires efforts de coopération avec le TPI-Y, esquissant une sorte de condition : la réintégration pleine et entière dans la communauté euro-atlantique (AA et UE) une fois que le général Mladic sera à La Hayes. Toutefois, on ne le dit pas trop clairement

3/ La déclaration consacre quatre paragraphes à l’Ukraine et la Géorgie. Mais on n’ajoute rien de nouveau par rapport à l’an dernier : ni le principe de l’entrée (décidé à Bucarest), ni sa prorogation dans le temps (décidé par la ministérielle MAE de décembre). En effet, aucun événement politique nouveau ne plaidait pour leur entrée, au contraire (blocage du gaz en janvier, détérioration politique et économique en Ukraine, persistance du différence russo-géorgien). D’ailleurs, à propos de l’Ukraine, les chefs d’Etat et de gouvernement précisent « La stabilité politique est capitale pour la bonne mise en œuvre de ces réformes » : on ne saurait mieux dire.... Quant à la Géorgie, on l’encourage à poursuivre « les réformes démocratiques, électorales et judiciaires, en vue de réaliser ses aspirations euro-atlantiques » : là encore, que de choses sont sous-entendues. Enfin, à propos de l’Ossétie du sud et de l’Abkhazie, on s’en remet à l’OSCE, l’ONU et l’UE : en clair, l’AA reconnaît qu’elle ne peut rien faire pour l’instant et que le sort du dossier dépend d’autres institutions. Là encore, on l’avait connue plus triomphante....

Ainsi, Strasbourg n’aura pas été le sommet des élargissements, c’est le moins qu’on puisse dire.

O. Kempf

vendredi 10 avril 2009

Sommet et Diplomatie publique

1/ Quatre articles évoquent les relations de l'Otan avec les autres OI. Le plus nouveau tient en ait au premier, qui évoque stricto sensu la diplomatie publique. L'AA le lie à sa communication stratégique, et paraît très fière de sa TV sur Internet.... On est loin de partager cet enthousiasme, le site internet ayant, à notre avis, bien baissé par rapport à ce qu'on y trouvait il y a quatre ou cinq ans. Notons au passage que c'est un Français, J.-F. Bureau (ancien porte-parole du MD) qui tient le poste de SG adjoint depuis dix-huit mois.....

2/ Cette insistance sur la diplomatie publique peut être interprétée comme le signe d'une modernité certaine (le soft power de J. S. Nye, transformé dans le cas de l'Otan en smart power, nouveau concept en vogue). Les sceptiques diront que moins on a de choses à dire, plus on a besoin de communiquer. Je laisse bien sûr au lecteur le soin de choisir......

3/ Un § salue le rôle de l'Assemblée parlementaire de l'Otan et de l'Association du Traité de l'Atlantique : c'est bien la première ois que l'on lit une telle chose dans une déclaration du sommet. Il s'agit bien sûr de signaler la puissance des lobbies, ce qui est logique dans la perspective de diplomatie publique....

4/ Le § décrit l'approche globale, « alliant des mesures civiles et militaires et une coordination ». C'est à la fois le résultat des difficultés en Afghanistan, et du travail conceptuel d'ACT sur les EBAO. Mais si les militaires sont très demandeurs de cette synchronisation, d'abord au niveau interministériel puis inter-organisations (publiques, ONG ou privées), les autres ne sont pas très enthousiastes pour la chose, et tout d'abord par ce qu'ils ne sont pas structurées pour le faire....

5/ Le § sur les relations avec l'ONU apporte peu de choses. Celui sur l'UE était attendu : « L’OTAN reconnaît l’importance d’une défense européenne plus forte et plus performante ».Le texte insiste beaucoup sur le rôle à accorder aux pays alliés non-membres de l'UE. Ensuite, l'insistance à « améliorer le partenariat stratégique OTAN-UE » ne doit pas être prise pour ce qu'elle n'est pas. En l'occurrence, et contrairement aux apparences et à l'opinion commune, c'est aujourd'hui l'Otan qui est demandeuse, puisque l'UE dispose de l'ensemble de la gamme des moyens (civils et militaires) quand l'Otan est trop spécialisée. Ceci explique d'ailleurs le besoin d'une « approche global » qui n'existe pas l'UE, ou même la fonction d'une diplomatie publique, destinée à convaincre les autres organisations de l'intérêt de travailler avec l'Otan. Ainsi, en creux, on devine que l'Otan n'est plus aussi dominatrice qu'elle y paraît.

O.Kempf

Sommet & Opérations

Le sommet n’a pas parlé du seul Afghanistan, puisque d’autres opérations (et missions) ont été mentionnées.

1/ Le Kossovo fait l’objet d’un §. La KFOR restera sur place, EULEX est saluée comme il se doit ainsi que la mise sur pied d’une Force de sécurité du Kossovo. Le plus intéressant est la dernière phrase : « L’OTAN continuera, pour l’élaboration des décisions futures, d’évaluer les développements sur le terrain ». Cela signifie que l’on ne passe pas immédiatement en posture dissuasive et qu'il faudra attendre au moins la fin de l'année, après les Revues de missions de l'été, avant de connaître une décroissance de l'effectif. Tant pis pour l'Espagne qui avait, unilatéralement, annoncé sa décision de retirer ses troupes : visiblement, les modalités ont été négociées en coulisse et on a préféré ne pas s'étendre sur le sujet (voir mon billet ici).

2/ Le § sur la MOF-I (Mission Otan de formation en Irak, NTM-I) suggère des difficultés dont on n'avait pas entendu parlé : on parle certes de progrès sur la question et on se réjouit de « la perspective d’un accord, à conclure d'urgence, sur un cadre juridique révisé ». C'est bien la preuve que les choses sont encore en discussion, et pas aussi abouties que les communiqués précédents le laissaient entrevoir. Stéphane pourrait peut-être nous en dire plus ?

3/ Le communiqué évoque l'opération « Allied Protector », mission antipirate dans le golfe d'Aden. Les pirates passent aujourd'hui avant le terrorisme dans les préoccupations opérationnelles del 'Alliance ! Le symbole est fort et signe le nouveau cours obamien.... Faut-il rappeler que l'Alliance a été la première à intervenir sur le terrain, avant Atalante (qui est citée, ainsi que la TF 151). Il est ici question de la pérennisation de cette opération, en combinaison avec les autres intervenants, et bien sûr les demandes « régionales » : manière de revenir sur l'intérêt allié pour l'Afrique, qui date maintenant de plusieurs années et qui ait l'objet du paragraphe suivant. Mais on a là l'indication que l'Alliance voit d'abord l'Afrique par ses rivages, révélant un vieux tropisme maritime, à la fois anglais et américain : du néo-mahanisme, en quelque sorte....

4/ L'Afrique, donc. Une citation sur le Darour, un rappel de l'appui à la mission de l'UA en Somalie, et l'évocation de l'appui aux Forces Africaines en attente. L'AA continue patiemment son ouverture à l'Afrique...

5/ Le terrorisme fait l'objet d'un long paragraphe , suivi d'un petit sur l'opération « Active Endeavour » (patrouilles antiterroristes en Méditerranée) : tout cela est assez convenu.

Cela clôt le discours sur les opérations. Comme on le constate, il faut vraiment creuser le texte pour découvrir des choses un tant soit peu intéressantes...

O. Kempf

jeudi 9 avril 2009

090409 Sommet et Afghanistan

La déclaration du sommet commence logiquement par les opérations. C’est au fond la vraie utilité de l’Alliance. Outre les articles, le sommet a produit une déclaration spéciale sur l’Afghanistan, point focal de l’attention de l’Alliance.

1/ Un paragraphe seulement sur l’Afghanistan, tout d’abord pour rappeler que la FIAS (et non l’ISAF, acronyme anglais) agit sous mandat de l’ONU, ce qu’on a tendance à oublier : l’Otan ne s’est pas autosaisie pour combattre dans l’Indu Kush, n’en déplaise à certains commentateurs avides de raccourcis. La mention « d’une approche globale combinant ressources militaires et civiles » n’est pas seulement l’effet Obama : cela fait en effet trois ans que l’Otan prône cette nouvelle approche globale. La déclaration lie plus nettement le cas de l’Afghanistan à la situation au Pakistan, comme possible sanctuaire de « Al-Qaida et d’autres groupes extrémistes violents » : on voit là une nette inflexion, résultant de l’évolution américaine (l’AFPAK) mais aussi des inquiétudes concernant le Pakistan. La vision stratégique adoptée à Bucarest est confirmée, et on prône désormais l’afghanisation (« l’appropriation afghane » selon la terminologie otanienne).

2/ La déclaration sur l’Afghanistan est plus précise. Après un exposé des motifs et un rappel des principes de la vision stratégique (« engagement à long terme, leadership afghan, approche globale et engagement régional »), ajoutant deux points : « il faut une approche régionale plus affirmée (...), il faut aussi des ressources civiles plus importantes ». Vient ensuite un paragraphe qui évoque les progrès en cours, et contre le pessimisme ambiant : l’ANA a la responsabilité de Kaboul et participe à 80% des opérations de la FIAS.

Puis viennent les intentions : meilleure coordination des PRT, appui à la lutte du gouvernement contre la drogue : ainsi, l’Otan reste toujours en retrait dans ce dossier là. Cette discrétion surprend, car elle suggère qu’il n’y a pas de débat sur la question.... ce qui est loin d’être le cas.

Puis viennent les mesures : décision de création d’une mission Otan de formation en Afghanistan (MOFA = NTM-A) sur le modèle de la MOFI en Irak, et qui pourrait engager la Force de Gendarmerie Européenne ; de faire effort sur la formation de la police ; d’engager des renforts temporaires pour la durée des élections ; d’augmenter les effectifs des OMLT, et le fonds dédié à l’ANA.

Le renfort temporaire atteindra 5.000 soldats européens, pour une durée temporaire. Le chiffre additionne des annonces déjà faites depuis quelques semaines, et paraît très symbolique (certains constatent d’ailleurs qu’on n’arrive pas à 5.000). Cela est destiné à équilibrer les renforts américains, beaucoup plus conséquents. Mais on voit bien que les alliés traînent des pieds.

3/ Qu’en penser ? Qu’il n’y a pas de modification fondamentale, et que d’une certaine façon, l’Otan persiste. Ce n’est pas forcément un mal, car cela suggère une constance d’action qui n’est pas forcément un défaut, par les temps pressés qui sont les nôtres. Que les vues européennes (et notamment françaises) ont pris un peu d’influence, avec la théorie de l’afghanisation, la priorité aux forces de sécurité comme fondement de l’Etat, et la prime donnée à une approche régionale. Toutefois, le niveau d’ambition baisse clairement : il ne s’agit plus de nation building, et la lutte antidrogue ou la corruption sont à peine citées. Les Européens renâclent plus que jamais à s’investir sur le terrain et sont ravis de voir le renforcement américain.

4/ Car là est l’important. L’Afghanistan devient une affaire d’abord américaine. Tout d’abord avec l’extension de fait du théâtre d’opération : il ne s’agit plus du seul Afghanistan, mais de l’AfPak. Ceci explique d’ailleurs qu’on n’aille pas vers une fusion de la FIAS et d’Enduring Freedom : cette dernière opération (OEF) est en effet une « coalition » dirigée par les Américains et dédiée à la lutte contre Al Qaida. On aurait pu penser que l’ennemi étant le même, les états-majors pouvaient se réunir, d’autant plus que le surge états-unien américanisait la FIAS. Il n’en est rien, pour une simple raison : même s’ils sont dominants dans la FIAS, les Américains doivent composer avec les Alliés. Ils ont les mains plus franches avec OEF qui leur permet justement de combatte de part et d’autre de la frontière, au moyen notamment des drones. Quant à la FIAS, elle sert de paravent diplomatique à l’action, et elle permet également d’engager les Alliés, au titre d’un partage du fardeau certes minimal, mais qui a le mérite d’exister.

5/ Ce profil bas des Européens sera, évidemment, fort critiqué de l’autre côté de l’Atlantique. En effet, B. Obama, au cours de sa campagne électorale, avait expliqué sa sortie d’Irak par un surinvestissement en Afghanistan, légitime à ses yeux, et qui donc amènerait les Alliés à les appuyer. La réaction européenne n’est pas à la hauteur des espérances, c’est le moins qu’on puisse dire. Et si M. Obama a eu l’élégance de ne pas s’en plaindre à ses pairs, il ne fait aucun doute qu’il en tire la conclusion : ces Européens ne sont pas sérieux. Surtout, les Américains s’aperçoivent que les critiques de l’Otan n’étaient pas le seul fait de l’idéologie néo-conservatrice, mais qu’elle se fondaient sur des réalités profondes ; que Kagan n’avait pas forcément tort ; et qu’avec toutes les bonnes manières faites par B. Obama, il est peu payé en retour. Nous voilà revenus au temps du Kossovo, lors d’une autre administration démocrate, quand les Américains s’étaient aperçus que l’alliance n’était pas aussi fiable qu’ils l’espéraient.

6/ Là est, je pense, le danger de ce que nous observons actuellement : les Etats-Unis, au-delà de tout clivage partisan, constatent qu’il y a décidément beaucoup de passagers clandestins dans cette alliance. Ils y voyaient une seule utilité, les opérations : et le rapport entre la qualité et le coût n’est pas vraiment bon. La négligence européenne est en train de tuer l’Alliance atlantique.

Olivier Kempf

mercredi 8 avril 2009

Sommet de Strasbourg : finalement bien terne

1/ L’inflation des déclarations alliées à la suite des sommets de l’Alliance est patente : 19 articles lors de l’important sommet de Prague de 2002, 46 articles à Istamboul en 2004, 46 articles à Riga en 2006, 50 articles à Bucarest en 2008, 62 articles lors de ce sommet de Strasbourg. Un esprit malin pourrait presque en tirer la conclusion que la déclaration est d’autant plus longue que le sommet est peu important. Mais, bien sûr, nous n’adopterons pas une telle assertion ..... Je regrette juste que l’augmentation du rythme des sommets (puisqu’on nous annonce le prochain à Lisbonne en 2010) entraîne mécaniquement leur affadissement. Car c’est quand même la conclusion majeure qu’il faut tirer de celui-ci.

2/ Regardez ce que la presse en a retenu : l’envoi temporaire de 5000 hommes européens en Afghanistan, et la nomination de M. Rasmunssen comme secrétaire général. C’est bien la première fois que la nomination d’un SG appelle l’attention des médias (au moins depuis lord Ismay, en 1952 : c’était le premier !). Encore heureux que les Turcs ont fait des difficultés, pour que les journalistes puissent raconter les coulisses des négociations ......

3/ Le retour de la France ? ainsi que l’écrivait Le Monde, ainsi que je ne cesse de le dire à longueur de billets ici-même à EGEA, c’est un non-événement. Conséquence de la discrétion voulue par les autorités françaises (pour des raisons de politique intérieure), et surtout de la perception de la chose par les Alliés.

4/ Alors ? alors, il faut aller creuser la déclaration et les déclarations annexes pour trouver sa pitance, et extraire les évolutions à la pique à bigorneau.... Qu’on en juge :

5/ A regarder l’organisation générale de la déclaration, on distingue, après les quelques articles introductifs, plusieurs parties : sur les opérations (art. 6 à 15), sur la diplomatie publique (art. 16 à 20), sur les élargissements (art. 21 à 32), sur la Russie et les différents partenariats (art. 33 à 41), sur la transformation (art 42 à 49), sur le nucléaire (art. 50 à 58), et sur divers points (art. 59 à 61).

Chacune de ces parties fera l’objet d’un billet séparé.

6/ Jetons toutefois un œil à l’introduction, qui « résume » la déclaration : on y discerne ainsi ce que l’Alliance juge importante dans ce sommet.

Le premier article annonce le lancement des travaux pour un nouveau concept stratégique, dans les brisées ouvertes par une « déclaration sur la sécurité de l’alliance » : celle-ci est importante, car elle constitue l’architecture du prochain concept, et elle méritera donc une analyse particulière.

Le 2ème note l’entrée de l’Albanie et de la Croatie, attendues depuis Bucarest.

Le 3ème article rappelle l’importance de la « défense collective » (comprendre l’article 5 du traité) et l’utilité de la transformation. Cela peut paraître anodin, mais il y avait eu des inquiétudes cet été au moment de l’affaire géorgienne. Rappeler la défense collective a donc une utilité symbolique. Même si chaque déclaration alliée y fait systématiquement référence.

Le 4ème évoque la réconciliation franco-allemande, quand le 5ème note en deux lignes (sur 600) le retour de la France dans le commandement intégré. Profil bas, vous dis-je !

Le 6ème évoque les opérations et donne le chiffre de 75.000 hommes engagés. Le 7ème évoque la sécurité euro-atlantique et mentionne diverses organisations (ONU, UE) dont, et c’est une grande surprise, l’OSCE. D’ailleurs, le huitième article revient sur l’OSCE, « cadre inclusif approprié » à la sécurité euro-atlantique. L’OSCE n’était pas mentionnée à Bucarest, évoquée dans le seul cadre du Kossovo à Riga, mais citée à plusieurs reprises à Istamboul. Ce retour en grâce de l’OSCE n’est pas très étonnant, car il s’agit de trouver les voies d’une dialogue avec les Russes. On y reviendra.

7/ Ainsi, malgré les efforts de mise en scène, malgré les photos, malgré les violences (visuelles, elles aussi), on a le sentiment d’une grande opération de communication, marquée surtout par la présence du président Obama. Encore celui-ci a-t-il été en retrait, n’attendant visiblement pas grand chose de la réunion.

Le sommet a donc été assez terne : malgré les efforts de B. Obama (dialogue, écoute, fermeture de Guantanamo), les Alliés n’ont pas fait vraiment les efforts qu’il leur demandait. Est-ce donc un hasard si les déclarations géopolitiques de la semaine n’ont pas eu lieu à Strasbourg, mais dans d’autres enceintes : bilatérales à Londres (déclaration Obama-Medvedev), et européenne à portée mondiale à Prague (discours sur le désarmement nucléaire) ?

La longueur de la déclaration de Strasbourg n’y changera pas grand chose....

O. Kempf

dimanche 15 mars 2009

A propos du discours de M. Sarkozy sur l'Otan

1/ Ainsi, le président de la République a prononcé mercredi le discours annonçant officiellement le retour de la France dans l'organisation intégrée (l'OTAN, stricto sensu, à ne pas confondre avec l'Alliance Atlantique, voir mon billet).

pesd_otan_02.jpg

Je ne me prononcerai pas sur l'opportunité de ce retour (débat vain, car ce retour est anecdotique) pour analyser en détail les propos du président.

090311_discours_Sarko.jpg (copyright Élysée)

2/ "Et ce que j’ai découvert avec le Premier ministre et avec le gouvernement, c’est qu’alors que nous sommes dans l’OTAN, car nous y sommes, il y a bien peu de personnes qui le savent." Fichtre : si les conseillers du président sont incapables de lui expliquer la différence entre Alliance et organisation, nous ne sommes pas sortis de l'auberge. Pourrait-on demander une certaine clarté du débat, et donc l'emploi des mots appropriés ? Commencer son discours par une telle erreur factuelle encourage l'agacement....

3/ "J’avais dit l’année dernière que ce mouvement vers l’Alliance passait d’abord par une relance de la défense européenne. Qui peut contester que c’est une réalité?". Au passage, remarquons que le compte-rendu du Monde donne un texte légèrement différent : "J’avais dit l’année dernière que ce mouvement vers l’Alliance passait d’abord par une relance de la défense européenne. C'est fait."

Sans être désobligeant, il faut bien constater qu'il n'y a pas eu les avancées annoncées l'an dernier : on attendait plus, et la création d'un Erasmus militaire paraît bien faible comme symbole d'une relance de la défense européenne. Quant à l'opération Atalante, remarquons juste qu'elle a relevé une force navale alliée, qui patrouillait sur zone depuis plusieurs semaines.

Qu'est-ce à dire ? Que la condition de la relance de la défense européenne, affirmée il y a un an, a été abandonnée en cours de route. Honnêtement, cela affaiblit le plaidoyer. Le sobre et laconique "c'est fait" signifie, pas sa brièveté, que le pari ne fonctionne pas autant qu'on l'avait espéré. Ou plutôt, que si l'Europe de la défense progresse, ce n'est pas au travers des institutions mais des actions concrètes : c'est aujourd'hui que l'EUFOR passe la main à la MINURCAT au Tchad, preuve que l'UE est capable de monter des opérations compliquées, logistiquement difficiles, et surtout de les finir (voir mon billet).

3bis/ ''Tout se passe comme si on cachait les faits aux Français ; des faits que j’avais mis en avant pendant la campagne présidentielle, je ne prends personne en traitre. J’ai toujours pensé profondément que l’intérêt national de la France devait nous conduire à ce rapprochement''. Là, le PR travestit un peu la réalité. M'intéressant à l'OTAN depuis longtemps, c'est peu dire que j'ai scruté ses déclarations de campagne sur les affaires de défense, et notamment son entretien accordé à la revue de l'IHEDN. Or, il n'y a pas fait la plus petite allusion au retour dans l'Otan. Il n'a commencé à se dévoiler qu'au moment de son premier discours des ambassadeurs, le 27 août 2007, et encore, sans être d'une clarté aveuglante. Il avait précisé les choses dans un entretien au NYT, où il posait justement la condition d'avancées en matière de PESD en préalable au retour dans l'Otan : j'avais signalé la chose dès novembre 2007 dans le numéro de Défense Nationale spécial OTAN. Depuis, les choses se sont accélérées, et chacun sait bien que c'est M. Sarkozy qui a poussé à ce rapprochement, malgré la réticence de M. Fillon. On se reportera notamment à ce billet, et au blog Bruxelles2.

4/ "Le Général de GAULLE lui-même définissait notre Alliance en 1966 comme « celle des peuples libres d’Occident ». Mais l’Alliance est aussi, on ne le dit jamais, un traité d’alliance entre les nations européennes elles-mêmes. 21 des 27 nations membres de l’UE sont membres de l’Alliance." Le PR souligne quelque chose qui est la plupart du temps oubliée : l'Alliance atlantique est d'abord un outil européen, qui permet à ceux-ci d'intéresser l'Amérique à leur sort. Chronologiquement, l'UO de 1948 (transformée en 1954 en UEO) a précédé l'Alliance de 1949. Mais c'est cette dernière qui a eu du succès, car elle servait un lien transatlantique dont les Européens sont les premiers bénéficiaires.

5/ "Dans le contexte de la crise des euromissiles, en juin 1983, le Président de la République d’alors était François MITTERRAND. Un Conseil atlantique s’est tenu à Paris pour la première fois depuis le retrait français.". Attention, il faut bien préciser ici qu'il s'agit d'une réunion du Conseil de l'Atlantique Nord en format ministériel : qu'il s'agit donc d'une réunion de l'Alliance et que la France a donc toujours participé à ces réunions du CAN en format ministériel. Et que le signal politique n'est pas aussi important que le PR veut bien le dire. On rappellera qu'un sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Alliance s'est tenu à Paris en 1997, à l'occasion de la signature de l'Acte fondateur OTAN-Russie.

6/ "En 1993, Président François MITTERRAND, nous avons recommencé à assister au Comité militaire, et en 1996, Président Jacques CHIRAC, nous y avons repris pleinement notre place". Là encore, le Comité militaire appartient-il à la structure intégrée, ou est-il un mécanisme politique ? Les experts en débattent. Selon moi, il est l'interface entre le pur politique (le Conseil de l'Atlantique Nord, avec des ambassadeurs qui dépendent du Quai d'Orsay, et des réunions en format MAE ou MinDef), et le pur militaire (la structure intégrée avec les commandements stratégiques, autrefois ACLANT et ACE, aujourd'hui ACO et ACT). Le CM réunit les représentants des CHODs( Chiefs of Defense) c'est à dire des CEMA. Il est politico-militaire.

7/ "Et nous ne placerons pas de contingent en permanence sous commandement allié en temps de paix." Ce point est essentiel car il constituait un des deux points clef du retrait français de 1966,avec le nucléaire. Toutefois, le PR fait une promesse facile, car il n'y a pratiquement plus de Contingent national placé en permanence sous commandement de l'Otan : je ne vois que les deux groupes de forces navales permanentes, et encore, il s'agit de navires placés là à la décision des Etats (l'un d'eux a d'ailleurs été envoyé immédiatement dans le golfe d'Aden, au moment des affaires de piraterie, bien avant Atalante). En fait, l'histoire de l'Alliance de l'après-guerre froide est celle d'une lente renationalisation des politiques nationales, tous les pays reprenant leurs billes et retirant donc leurs contingents. C'est d'ailleurs la raison principale qui me fait dire que ce retour est anecdotique : car en fait , tous les Alliés sont devenus très français......

8/ "Nous voulons renforcer le partenariat stratégique entre l’Union européenne et l’OTAN." C'est en fait une demande otanienne : car les spécialistes s'aperçoivent aujourd'hui que l'UE a dans les faits plus de moyens que l'OTAN, grâce à ces piliers et sa structure civilo-militaire. Ainsi, chacun s'époumone sur Berlin + et l'accès par l'UE aux moyens de l'Otan. C'est ne pas savoir que ce mécanisme n'a pas été très concluant quand il a été testé, et qu'aujourd'hui, c'est l'alliance qui demande un Berlin + à l'envers, demandant à accéder aux moyens européens (civilo-militaires, police, justice, et financiers).

9/ "Mais notre Alliance n’est pas une auberge : y entrer, cela implique de partager nos valeurs, de pouvoir en assumer les responsabilités et de contribuer effectivement à la sécurité des alliés et à la stabilité du continent". Si quelques uns avaient encore des doutes, le PR maintient son opposition à l'accueil prochain de la Géorgie et de l'Ukraine.

10/ En conclusion : Bien sûr, le discours est intéressant. Mais il n'apprend pas grand chose de nouveau. Cela rend-il le retour dans l'Otan moins convaincant ? Non, mais on aurait préféré une argumentation plus pertinente : le monde a changé, et l'Otan a changé. Rien ne s'oppose donc à notre retour qui sera un multiplicateur de puissance. Surtout à l'heure où les Américains se réintéressent enfin à l'Alliance, qu'ils avaient négligée pendant huit ans de présidence Bush, et alors qu'elle va devoir se prononcer sur la nouvelle architecture de sécurité européenne.

Alors, incontestablement le retour est un pari : en fait, celui du maintien de l'alliance. Soit elle se perpétue, et nous aurons notre part de la nouvelle direction. Soit elle se délite, et on ne pourra nous reprocher son effacement. Peu de choses à perdre, beaucoup à gagner.

O. Kempf

jeudi 12 mars 2009

A propos des sommets de l'Otan

On peut s'interroger sur la fréquence, et donc l'utilité des sommets de l'Otan. (liste officielle ici)

pesd_otan.jpg : Débat AGS du mois !

Il n'y en a quasiment pas eu au cours de la guerre froide. Laissons de côté les sommets de circonstance, réunis pour une occasion particulière (Paris 97, Acte fondateur OTAN-Russie ; Rome 2002 : COR ; QG OTAN 2005 : visite du président Bush).

Car un sommet se tient à intervalles réguliers, dans l'après-guerre froide, pour forcer les décisions dans la structure et donner un retentissement politique et symbolique à l'alliance.

Dans les années 1990, on se réunit environ tous les trois ans : 91, 94, 97, 99, 2002.

Depuis, le rythme s'est accéléré : 2002, 2004, 2006, 2008, 2009, 2010 (Lisbonne en novembre 2010, selon ce qu'on sait aujourd'hui). On est passé à un sommet tous les deux ans, puis à un sommet tous les dix-huit mois.

A chaque fois, on nous dit que c'est drôlement important. Si Prague est effectivement le plus important du XXI° siècle (réforme de structure et NRF), Istamboul en2004 a été moindre (Initiative de coopération d'Istamboul), quand Riga et Bucarest ont été assez fades.

Le danger, c'est que l'intérêt s'émousse : même en France, on est en train de découvrir que la communication à tout va ne suffit plus à garantir l'adhésion...... Je m'égare !

Mais à l'international, c'est encore plus vrai, car on a plus que jamais le sentiment que c'est encore une réunion où les grands de ce monde se font prendre en photo, et puis c'est tout. En clair, en voulant faire de la diplomatie publique, on érode l'intérêt et donc la bienveillance, et la capacité de convaincre.

Surtout, les décisions ne sont plus forcées : ni internationalement, ni dans la structure. Ainsi a-t-on vu la Grèce refuser la procédure d'adhésion à la Macédoine; quant à la structure, si on un sommet dans dix-huit mois, pourquoi décider ce coup ci ?

Il serait temps que les alliés décident enfin de réduire le rythme de leurs réunions. Si chacun veut bien croire que le sommet de Strasbourg aura de l'importance, pour toutes les raisons que j'ai déjà évoquées, a-t-on vraiment besoin de se réunir à nouveau à Lisbonne dans dix-huit mois ? ?

NB : sur le sujet, on lira avec intérêt K.-H. Kamp, directeur de recherche du Collège d Défense de l'Otan, qui aboutit aux mêmes conclusions : voir ici son article de juin 2008

O. Kempf

dimanche 8 mars 2009

Le débat français sur l'Otan : quelques remarques

Le débat français sur le sommet de Strasbourg s'articule, invariablement, sur le retour de la France dans l'Otan. Il faut dire que la politisation de ce dossier était tellement tentante qu'elle en était presque inévitable. Aussi, même si dans ce blog, nous tentons de parler d'autre chose, il faut bien en dire un mot.

pesd_otan_02.jpg

1/ On n'évoquera pas, bien sûr, l'utilisation du 49-3 (engagement de responsabilité) par le gouvernement : il suggère à lui seul à quel point le débat est sorti de son champ technique, et simplement stratégique, pour entrer dans une dimension intérieure, pour ne pas dire inférieure.

Allons donc vers quelque chose d'un tout petit peu plus évolué, je veux parler, par exemple, des deux tribunes publiées dans le Monde de vendredi. Celle d'Hubert Védrine, et celle de Bruno Tertrais.

1/ Hubert Védrine est contre ce retour. Il a une critique judicieuse : "Ces avancées de la défense européenne nous ont déjà été présentées en dix mois comme une condition préalable, puis comme une démarche parallèle et maintenant comme une conséquence espérée de notre réintégration. Demain comme un regret ?". M. Védrine frappe juste. Car en effet, on nous promettait l'an dernier des avancées, puis on nous a promis merveille lors de la PFUE, et il faut bien constater que si celle-ci a été, par ailleurs, une réussite, on n'a rien vu de vraiment probant dans le domaine de la PESD / PSCD. D'ailleurs, il faut remarquer que M. Fillon, qui était opposé au départ à ce processus de retour et voulait justement une contrepartie européenne (voir ici), a dû mettre un mouchoir sur sa poche ces jours-ci.

12/ Toutefois, on ne sera pas d'accord avec M. Védrine quand il affirme : "Mais de toute façon est-ce que la nationalité des officiers qui reçoivent et transmettent les instructions du Pentagone a de l'importance, sans changement radical des modes de décision au sein de l'Alliance, ce que rien ne permet d'espérer, même aujourd'hui ?". En effet, c'est croire qu'il y a, au sommet de l'alliance, un transfert de souveraineté. Faut-il faire remarquer à M. Védrine que les décisions politiques se prennent au Conseil de l'Atlantique Nord, qu'elles requièrent un consensus intégral et qu'on est donc bien loin de ce qu'on a admis, par ailleurs, pour l'UE ? qu'accessoirement, le retour de la France ne concerne que la structure intégrée où justement, hormis le Comité militaire, les décisions sont assez techniques ? Bref, il y a un peu d'illogisme, ou d'imprécision de la part de notre auteur, dont je ne saurais suspecter la mauvaise foi.

13/ Il affirme plus loin : "L'engagement de l'article 5 est contraignant". Faux, cher monsieur. Je signale le commentaire que j'ai fait sous le billet de F de St V sur AGS :



"L’article 5 est bien plus ambigu qu’il n’y paraît, puisqu’il ne dit que ceci: “Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord.”

Prendra telle action qu’elle jugera nécessaire.

En clair, il n’y a pas engagement automatique, à la différence de ce qui est inscrit dans l’article 5 du traité de l’UEO, beaucoup plus contraignant.

''Ainsi, l’Art5 du TAN fait l’objet d’une sorte de “coutume institutionnelle”, car chacun considère qu’il y a automaticité. Il y a donc en permanence risque de “découplage” transatlantique." ''

14/ Pour le reste, la chose est évidemment symbolique, comme le soulignent à l'envi les opposants. Je ne nie pas ce symbole, dans un sens ou dans un autre, d'ailleurs : si certains en voient le côté négatif, les autres en voient le côté positif, et justifient ainsi leur audace. La vraie question est celle de la volonté politique, et de la capacité à énoncer une position autonome, si besoin est, et à défendre ses propres intérêts, dans une vision westphalienne qui est partagée par tous. Acte de foi ? pas seulement. Réalisme politique aussi, car l'histoire nous enseigne (!) que ces intérêts ressortent toujours.

2/ L'article de M. Tertrais amène, également, des commentaires.

21/ Il commence ainsi "Il n'est pas illégitime de s'interroger sur le pari que s'apprête à faire la France en réintégrant les structures militaires de l'OTAN.". M. Tertrais a aperçu l'essentiel : le retour de la France est un pari, ainsi que je ne cesse de l'expliquer depuis dix-huit mois. Pari bruxelliste (et l'Otan et l'UE). Volonté de "faire bouger les lignes". Incertitude quant à la réussite future.

22/ De même, j'adhère tout à fait à ceci : "En revanche, l'argument qui consiste à suggérer que nous nous rangerions de ce fait sous la bannière américaine, et que nous perdrions à la fois notre liberté de manœuvre diplomatique et notre image de puissance indépendante, n'est pas fondé. Dire que nous ne serions plus en mesure de nous opposer à la politique américaine, ou aux requêtes de participation aux aventures extérieures de Washington, n'a pas de sens."

23/ Je suis en revanche insatisfait quand il dit : "Au demeurant, l'Alliance atlantique n'a pas l'ambition d'être la représentante exclusive de la famille occidentale. Le traité de Washington (1949) ne comprend aucune référence à l'"Occident".". Ce qui semble aller de soi mérite, à mon avis, plus de précision. Qu'est-ce que la famille occidentale ? une pure représentation géographique ? ou une civilisation? et si oui, laquelle ? on se reportera ici au lumineux ouvrage de R.-P. Droit, " L'Occident expliqué à tout le monde", dont j'ai naguère rendu compte. Cette distinction me semble utile quand il s'agit justement de contrer l'argument "des valeurs qui nous unissent", régulièrement évoquées par les auteurs Américains, sans que l'on cherche vraiment à les creuser : démocratie ? économie de marché ? capitalisme ? On voit aujourd'hui que tout ne va pas de soi et que la crise économique actuelle pose la question de ces valeurs, ainsi que j'essaye d'en discuter dans ce blog.

24 B. Tertrais termine sur ceci : "Enfin, dire que notre voix porterait moins parce que nous serions intégrés revient à commettre un contresens. Au sein de l'Alliance atlantique, elle porterait au contraire davantage. Nous y serions en meilleure position pour défendre nos intérêts nationaux. Et l'entrée en nombre d'officiers français au sein des commandements de l'OTAN garantirait une meilleure prise en compte de nos conceptions en matière de défense et de sécurité." M. Tertrais va là bien vite en besogne, car il suppose que nous conserverions notre indépendance conceptuelle, notre altérité d'intelligence, notre French Touch qui fait que déjà, aujourd'hui, dans l'alliance, nous servons beaucoup. Or, rien n'est moins sûr. C'est d'ailleurs, encore une fois, une des questions soulevées par l'utilité d'ACT, que j'invoquais hier : un général français permettra-t-il une indépendance de la pensée otanienne, ou au contraire un alignement de la pensée française ?C'est au fond le vrai enjeu de l'alignement : non pas celui des politiques, mais celui des cerveaux statégiques.

Puisse ce blog et ceux d'AGS contribuer à sauvegarder cette indépendance intellectuelle, à mon sens la seule importante.

Le reste est profondément anecdotique.

O. Kempf

vendredi 6 mars 2009

OTAN et concept

Ce soir, premier exposé de mes étudiants. Sujet : "Faut-il un nouveau concept stratégique ?"

pesd_otan_02.jpg

La semaine dernière, ils n'avaient quasiment jamais entendu parlé de l'alliance et ne savaient pas la distinguer de l'organisation.Et on leur demande de traiter un sujet comme ça ! mais il est fou, ce gars !

Bon ! d'abord, ce ne serait pas Sciences Po si on ne leur apprenait pas à parler intelligemment de choses auxquelles ils ne connaissent rien. La plupart des intervenants du débat public parlent bêtement de choses auxquelles il ne comprennent rien, alors....

Dans ce genre de sujet, la notion de nécessité renvoie à une "remise en cause", accentuée par le "nouveau" qui suggère qu'il y a déjà de l'existant. L'articulation de ce genre de sujet est donc classique : on décrit ce qu'il y a dans une première partie, pour montrer que c'est insuffisant dans une deuxième.

Cela donne donc quelque chose comme :

INtro : avec la fin de la guerre froide, l'alliance a pris l'habitude de rendre public ses concepts stratégiques. C'est un outil essentiel qui permet de répondre concrètement aux questions qu'on se pose sur l'alliance. Ce document est naturellement fondateur, mais on pose régulièrement la question de sa pertinence.

I Des concepts existants ....

A/ Des concepts nécessaires

1/ Rassemblement politique de l'Alliance politique

2/ Un diagnostic, des orientations et des engagements

B Les concepts de l'alliance

1/ Le concept de 1991

2/ Le concept de 1999

II ...mais inadaptés

A/ des tentatives d'adaptation :

1/ au terrorisme : le concept sur le terrorisme de 2002

2/ aux guerres asymétriques : la DPG de 2006, EBAO et approche globale

B/ Des tentatives insuffisantes

1/ A cause des questions stratégiques : cyberguerre, sécurité énergétique, Arctique, lutte contre la piraterie, sans compter l'intégration du terrorisme et de la guerre asymétrique

2/ A cause de l'environnement géopolitique : guerre en Afghanistan, raidissement russe, élection d'Obama, crise économique.

Conclusion : C'est pourquoi les alliés lanceront, au prochain sommet de Strasbourg, les travaux d'écriture d'un nouveau concept statégique qui devrait être adopté au sommet suivant, d'ici dix-huit mois.

Prochain sujet d'exposé : "ACT est-il encore utile ?".

Bonne question, n'est-ce pas ? d'ailleurs, pour aider mon pauvre étudiant, qu'en dites vous ? en plus, le sujet est d'importance car tous ceux qui dénoncent le retour de la France dans l'Otan disent d'un air savant que ce commandement est marginal, inutile, etc...

Et vous, qu'en pensez-vous, hors toute considération partisane, et d'un point de vue technique ? utile ? inutile ? les jeux sont ouverts.

Bon débat....

O. Kempf

NB : ce billet s'inscrit dans le débat permanent organisé par alliance géostratégique......