Ainsi, le président Obama recevra le prix Nobel de la Paix.
La surprise est totale, et amène plusieurs commentaires.

1/ Tout d'abord, on peut disserter de la pertinence de la chose : nul doute que la plupart des commentateurs vont s'échiner sur la question, et reproduiront ce qui se dit immédiatement aux Etats-Unis (voir par exemple cette recension en français) ou les commentaires, un peu plus élaborés, de V. Jauvert.
2/ Mais si vous lisez EGéA, c'est bien sûr pour avoir un peu plus. Et pour briller ce week-end dans vos dîners en ville, où le sujet ne manquera pas d'être évoqué ("t'as vu, c'est dingue, Obama est prix Nobel, c'est n'importe quoi"), vous allez pouvoir montrer votre expertise géopolitique, en disant par exemple :
3/ La grande nouveauté dans cette affaire, c'est que ce prix Nobel n'est pas un prix de constat, mais d'incitation à l'action. Il n'est pas tourné vers le passé ("ah! quel bel homme ! de face ou de profil, on dirait Buffalo Bill") mais vers l'avenir. Le Nobel devient un "outil" de la politique publique, alors qu'il n'était qu'honorifique.
4/ C'est du moins l'ambition. Car immédiatement se posera la question de l'efficacité de cette nouvelle position. Il est incontestable que cela va alléger la pression qui montait ces dernières semaines sur le président, et que j'avais signalée (voir ici). Les choses ne s'arrangent pas :
- La Chine veut remplacer le dollar par un panier de devises pour les achats pétroliers, et le blocage paraît évident s'agissant de la négociation de Copenhague : il y aura un accord, mais où les Etats-Unis n'auront qu'une position seconde, manifestant ainsi qu'ils ne sont plus la grande puissance (on y reviendra).
- S'agissant de l'Afghanistan, (sur lequel on reviendra également), certains (J-Ph. Immarigeon) ne cessent de prédire que les Américains partiront, défaits.
- La seule bonne nouvelle a eu lieu la semaine dernière à Genève, quand un embryon d'accord a point entre la Communauté INternationale et l'Iran (voir mes commentaires radio ici), mais cela paraît extrêmement fragile.
5/ Mais globalement, cette volonté d'action du prix Nobel risque de sanctionner le retrait et l'abaissement, et non "une nouvelle politique étrangère", comme l'espère V. Jauvert. Je ne suis pas sûr que c'est vraiment dans les calculs des Nobel....
6/ Au-delà, à quoi sert un Nobel de la paix ? à de la bonne conscience ? à une hagiographie laïque ? à une agitation médiatique supplémentaire ? à une sorte de soft power d'une "communauté internationale" qui se voudrait, doucereusement et incognito, dominante sur ces gueux d'Etats, trop enracinés dans la Realpolitik de papa ?
Car si ça se trouve, le calcul des Nobel ne consiste pas à récompenser l'audace du président qu'il faudrait encourager, mais à la féliciter de sa défaite.....
Quel chic succès vous allez avoir, dans vos dîners en ville..... Bonne soirée
O. Kempf