Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

jeudi 8 octobre 2009

L'Asie et l'Afghanistan

L' Afghanistan : Asie centrale, ou du sud ?

Question classique, soulevée par AGS à l'occasion de son thème du mois.

photo_asie_ags_oct2009.jpg

Sans tenter d'y répondre, il me semble utile de m'interroger sur la place de l'Afghanistan aux yeux de ses voisins asiatiques. C'est un article de Robert Kaplan, dans le IH.Tribune, qui m'y incite.

Que dit-il ?

1/ Qu'en Afghanistan, les intérêts de la Chine et des États-Unis convergent (vous me direz, il n'y a pas que là, mais c'est une autre question). En effet, l'Afghanistan constitue un moyen pour faire venir en Chine les matières premières, en provenance de l'océan indien, mais aussi de l'Iran, ou de plus loin. Sous-entendu : une liaison terrestre qui permette d'éviter le contournement de l'Inde, puis la traversée du détroit de Malacca et de la contestée mer de Chine.

2/ Mais alors, que se passe-t-il si les Américains décident d'abandonner l'Afghanistan ? Candahar et le sud du pays passent aux mains des Talibans, et c'en serait fini de la diversification des voies d'approvisionnement : un échec. Échec ? pas sûr. Car alors, l'Inde sera obligée de faire face à un Islamistan (un AfPak à tendance islamiste) : et même si elle résisterait à une guerre contre le Pakistan, elle serait obligée de bander toutes ses énergies dans cette opposition, au risque d'entraver son développement économique. Ce qui laisserait la Chine tranquille, dans toute l'Asie du sud.

3/ Pour résumer l'alternative : soit l'Asie centrale se stabilise, ce qui ouvre une porte à l'Asie orientale ; soit elle périclite, et cela handicape l'Asie du sud, laissant donc tranquille l'Asie orientale.

Peut-on aller plus loin que Kaplan? Oui, car l'analyse paraît un peu sommaire, monofactorielle. Un Afghanistan stabilisé favorise aussi l'Inde, ce qui, si on suit la logique de Kaplan, amoindrit l'intérêt chinois. Un Afghanistan déstabilisé, et ce sont les confins de la Chine qui sont eux-mêmes menacés (Xin Jiang), sans même parler de la dépendance accrue envers une unique voie d'approvisionnement, et donc une possibilité de contrôle indirect par l'Inde. Toute médaille a bien sûr son revers.

4/ Ceci explique probablement plus encore l'ambiguïté chinoise sur la question afghane.

Conclusion : Les questions d'Asie sont le creuset de relations intriquées, qui ne sont pas faciles à dénouer. Ce qui constitue, au fond, une grande "loi" de la géopolitique.

O. Kempf

samedi 14 mars 2009

Chine et équilibre des puissances

On présente habituellement la Chine comme le balancier équilibrant les États-Unis : elle serait la nouvelle puissance continentale face à la puissance maritime. Il y aurait renouvellement du vieux schéma McKinderien du heartland contre les puissances de la mer.

C'est oublier le jeu intra-asiatique, et notamment la rivalité entre l'Inde et la Chine, selon un modèle qui reste à écrire.

D'ailleurs, je suis de plus en plus sceptique devant des schémas explicatifs, trop généralistes à mon goût.

O. Kempf

lundi 23 février 2009

Asie : les idoles tombent

Cette crise est une gigantesque lessiveuse, qui provoque les commentaires les plus étonnants. Même les idoles asiatiques tombent.

1/ Souvenez-vous : on nous expliquait qu’une révolution était en marche, que le siècle nouveau serait asiatique, que c’en était fini de l’Occident, que la Chine, que l’Inde, que....

Montrer un tout petit peu de scepticisme vous faisait passer pour un fou et on vous jugeait pour crime de lèse-majesté.

On sait maintenant : 1/ Que l’expansion très rapide de la Chine et de l’Inde est finie 2/ qu’elles ne continueront pas leur développement de façon autonome, comme certains nous l’expliquaient encore l’an dernier. Pourquoi : parce qu’elles vivaient de la mondialisation économique : en clair, elles vivaient sur la bête.

Or, comme à la chasse, la bête fauve blessée a couru, couru, s’épuisant à mesure et perdant son sang tout au long de la fuite devant les chiens qui la coursent. A la fin, elle s’effondre, exsangue. Plus de ressources.

2/ C’est pourquoi on lira avec intérêt le compte-rendu dans le Monde de Sylvie Kauffmann sur le dernier numéro du Débat (n° 153, janvier février 2009, l'Asie en questions). Elle cite J.-L. Domenach : La Chine a les attributs classiques de la puissance, militaires, politiques, commerciaux. Mais il lui manque « la capacité de projection normative » et surtout « la capacité d’innovation ». Et on en vient à ce passage ébouriffant : « D’ailleurs, confirme l’économiste Diana Hochaich, « il n’y a pas de pays non développé ayant introduit des découvertes scientifiques et technologiques de pointe ». C’est l’Occident qui, pour l’instant, conserve le monopole de l’innovation. Et c’est l’une des principales raisons pour lesquelles l’Inde capitaliste et la Chine, dont l’économie reste étatique, ne sont encore que des pays émergents ».

C’est tout le débat de l’exception occidentale qui est là posé. Et auquel je n’ai, comme bien d’autres, pas de réponse claire. Mais je suis heureux de voir que le débat existe.

O. Kempf