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mercredi 18 janvier 2012

Le reversi birman

L'évolution birmane est incroyable : il y a un an, nous considérions ce pays comme une sorte de Corée du Nord encore plus efficace. Un an après, Hillary Clinton et Alain Juppé y sont allés, des détenus politiques libérés, l'icône Aung San Suu Kyi rouvre son parti politique, la censure est moindre, et des élections un peu plus transparentes sont annoncées. Comme si, sans raison apparente, la pièce se retournait et, comme au reversi, passait du noir au blanc.

Carte_Birmanie.jpeg source

Jusqu'à présent, on a surtout lu des analyses politiques, des reportages, des descriptions internes. Peu d’analyse géopolitique. Vous allez en avoir une : sur égéa bien sûr (de temps en temps, c'est drôle de faire la retape comme un magazine télé : c'est nul, aussi. Comme la télé).

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samedi 9 mai 2009

Talibans : compréhensions nouvelles

Deux articles ont été particulièrement intéressants, cette semaine, pour mieux appréhender le phénomène taliban.

1/ On lira tout d'abord l'entretien accordé par Antonio Giustozzi au Monde du 6 mai dernier. Selon lui, les Talibans ont appris par rapport à la génération de 2003 : plus pragmatiques, meilleurs utilisateurs de la technologie, ils ont su prendre leurs distances avec Al Qaida, mais aussi avec certaines figures historiques du mouvement comme le mollah Omar. Surtout, la structure a tendance à se formaliser, à se consolider. C'est "l'amorce d'une institutionnalisation".

Ce propos est intéressant, car on sait que dans les guerres irrégulières, les unités régulières ont tendance à s'irrégulariser (phénomène des forces spéciales). Il est logique que le processus adaptatif s'exerce dans l'autre sens, et que des bandes armées, soutenues par une idéologie fruste, se complexifient dans leur idéologie et leur structure. En un mot, se politisent.

2/ On lira ensuite le billet d'Alexandre Adler dans le Figaro du samedi 9 mai. (le Figaro ne met plus ses chroniques en ligne, et c'est bien dommage). Que nous dit Alexandre le Bienheureux ? Qu'il faut se méfier de la doxa interprétative des talibans, que nous avons tous suivie : celle qui consiste à dire qu'il s'agit de l'expression d'une frustration religieuse, version locale du choc des civilisations. A cette aune, les talibans seraient l'incarnation en Asie centrale des thèses d'Huntington. Or, selon Adler, il faut probablement lire les choses autrement : voir qu'en Pakistan, le sentiment de révolte tient principalement à des facteurs sociaux, populaires et anarchisants. Et qu'il faut comparer ces révoltes paysannes à celles qui existent ailleurs, en Asie du sud (on notera au passage que le cadre de référence n'est plus l'Asie centrale) : au Népal, où le mouvement néo-maoïste a pris le pas sur une monarchie vieillissante ; au Sri Lanka, avec le mouvement des Tigres Tamouls ; et en Inde, où les deux vieux partis de gouvernement (Congrès et BJP) peinent à trouver le ton juste face au mouvement des "dalits" d'Uttar Pradesh, dirigé par la populiste Mme Mawati.

D'où la conclusion d'Adler : il faut considérer tous ces mouvements comme la révolte de "barbares" contre les Etats du sous-continent issus de la matrice britannique, patricienne et démocratique : peu importe que le système en place soit hindou ou musulman ! Du coup, le problème étant commun, le diagnostic doit être commun et amener les élites au pouvoir à coopérer, par delà les vieilles rancunes frontalières (lignes Duran ou Cachemire) : Afghanistan, Pakistan, Inde, même combat....

L'intérêt de cette présentation revient bien sûr, selon moi, à présenter ici encore une lecture qui soit sociale et donc politique du problème : bref, à prendre ses distances avec la grille d'interprétation religieuse à laquelle nous sommes tous habitués.

Ce changement de point de vue est probablement la matrice des succès futurs...

O. Kempf

Références

On se reportera à mon billet de la semaine dernière

Mais aussi aux excellents billets de Clarisse sur le Pakistan : ici sur les derniers jours du Pakistan, et ici sur le Balouchistan.

vendredi 24 avril 2009

Tamouls: chronique de la fin et nouvelles leçons opérationnelles

Je reviens sur la défaite des Tigres Tamouls, que j'avais déjà évoquée dans un billet il y a trois mois, et dont je partage toujours l'analyse (rassurant de vérifier, de temps à autre, la pertinence des analyses, et leur durée...). J'ajouterai ceci :

carte_srilanka.jpg carte issue de http://pagesperso-orange.fr/patricia.chapoutot/images/carte_srilanka.jpg

1/ Le terrorisme ne peut pas durer sans se transformer en action armée, qui doit s'organiser. Le but reste toujours la conquête du pouvoir, donc de territoire. Les Tamouls, à partir des attentats suicide, se sont transformés en armée insurrectionnelle, avec une marine et une aviation....

2/ Conclusion partielle : dans la guerre irrégulière, les forces "régulières" utilisent de plus en plus les formes de leurs adversaires (d'où la vogue des forces spéciales), tandis que les forces "irrégulières" vont aller en se régularisant. Dans cette démarche l'un vers l'autre, on devrait arriver à un point où "ça s'équilibre" : il y a "équilibre" des modes d'action (pas forcément des moyens), autrement dit une "symétrie", même si elle n'est pas "conventionnelle".

3/ De façon plus géopolitique, la défaite des Tamouls met un terme à la vieille grammaire des luttes de libération nationale. ON se souvient d'Izetbégovic dire, en 1993, qu'une lutte de libération nationale ne pouvait échouer au XX° siècle. Il récitait là la vieille syntaxe de la décolonisation.

carte_sri_lanka_2.jpg carte issue de http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/srilanka

4/ Or, on s'aperçoit aujourd'hui que les nouvelles indépendances sont peu convaincantes. Si izetbégovic a connu les accords de Dayton, on ne reste pas impressionné par l'éclat du succès de la Bosnie, quinze ans plus tard. Timor est in,dépendant, sans convaincre. Le Kossovo a déclaré sa souveraineté, qui n'est pas reconnue par une majorité d'Etats. Et la révolte Tamoule a échoué.

5/ La grande différence tient à ceci : on a assimilé libération à décolonisation. Mais il n'y a plus de colonies, n'en déplaise à certains en Guadeloupe. Il y a donc des situations démographiques qui sont des héritages de l'histoire, de peuplements, d'influence politique.... Il faut donc penser les conflits "intérieurs" selon cette nouvelle grille de lecture.

O. Kempf