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mardi 16 juillet 2013

Vues américaines sur l'Iran

A la suite d'un dialogue avec Si vis pacem., voici quelques aperçus des différentes vues américaines de l'Iran : Elles sont plus diverses qu'elles n'en ont l'air et que ne le suggère l'illustration.

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mardi 8 janvier 2013

Iran : l'isthme asiatique

J'avais évoqué le cinquième isthme européen lors d'un billet sur la Russie et les limites européennes. J'y annonçais deux autres isthmes : celui de la mer Noire menant, via le Bosphore, à la Méditerranée : il est assez connu pour ne pas poser de difficultés. Et un autre isthme, dirigé vers le sud, au travers de l'Iran, et qui séparait l'Asie de l'Ouest du reste du continent. C'est ce dernier isthme que je veux décrire aujourd'hui, puisqu'il me paraît fondateur d'une géopolitique de l'Iran.

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vendredi 17 juin 2011

Les relations entre l’Iran et l’Afghanistan depuis la Révolution islamique par P. Dionisi

Le Chef d’escadrons Pierre Dionisi, stagiaire à l’Ecole de guerre, étudiant à l’Institut national des langues et civilisations orientales, avait déjà publié cet hiver un intéressant article sur la Tunisie. Il nous en propose un nouveau, (sous la direction de Madame Claire Lemesle-Joly, professeur agrégé de géographie), qui traite de la relation entre l'Iran et l’Afghanistan.

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Il y a là en effet une conjonction souvent négligée : on analyse l'Iran à la lumière du Moyen-Orient, du golfe persique, de la problématique arabe et musulmane. Quant l'Afghanistan, c'est forcément en lien avec le Pakistan (moi-même l'évoquait récemment) voire de l'Asie centrale. Rarement regarde-t-on à l'est de l'Iran, à l'ouest de l'Afghanistan (même si, à la fin, les afghans battent les persans, voir ici). On évoque enfin le Baloutchistan (peu mentionné dans l'article ci-dessous) mais il s'agit alors d'une question irano-pakistanaise.

On apprendra ainsi l'ouverture politique des Iraniens, en 2001 : ouverture rejetée par G. Bush, avec les conséquences qu'on sait. On y voit également la question des réfugiés, du trafic de drogue, des relations économiques : merci donc à P. Dionisi.

O. Kempf

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mercredi 18 août 2010

Iran : le clivage au pouvoir

Dans Le Monde d'hier soir, l'article de M.-Cl. Decamps éclaire bien le clivage qui est en train de se manifester au sommet de l'Etat iranien. Nous l'avions déjà évoqué l'an passé (ici et ici), mais il semble désormais plus lisible de l'extérieur.

Mais alors qu'autrefois on distinguait une sorte de différend entre Ahmadinedjad et Khameney, c'est aujourd'hui entre le premier et le clan Larijani. Celui-ci représenterait le pouvoir "conservateur", islamiste. Ahmadinedjad, lui, serait une sorte d'ultra-nationaliste, afin de récupérer le volet "nationaliste-moderniste" du mouvement vert, dans l'opposition.

Voici en fait la vraie nouveauté, par rapport à mon analyse de l'an passé : j'avais alors du mal à qualifier réellement la ligne politique d'Ahm. Elle se précise, à cause des élections législatives qui auront lieu dans dix-huit mois. Preuve qu'il y a un système politique en Iran, et que la dictature y est plus complexe (et plus fragile aussi) qu'il y paraît.

O. Kempf

Réf : Iran : Mahmoud Ahmadinejad en butte aux vives critiques du clan conservateur LE MONDE | 17 août 2010 | Marie-Claude Decamps | 703 mots Réélu avec de forts soupçons de fraude, en juin 2009, le président Mahmoud Ahmadinejad semble devoir gouverner dans la contestation. Pas celle de l'opposition réformatrice dont tous les dirigeants sont en prison, mais celle de son propre clan conservateur. Réservé aux abonnés.

mardi 16 février 2010

Normalisation iranienne

Ainsi, le pouvoir a réussi à empêcher que la grande manifestation de l'opposition, pour le 31ème anniversaire de la révolution, tourne court.

C'est d'une normalisation qu'il s'agit. Pas seulement parce que le pouvoir maîtrise la société, quitte à utiliser la dissymétrie de la violence par rapport aux protestataires non violents. Surtout parce qu'il rentre dans la norme régionale et perd son exception.

C'était un régime théocratique : ce n'est plus qu'une dictature, un régime autoritaire, comme tous ses voisins. "Normal", quoi.

Dès lors, c'est le rêve "islamiste" qui est touché. En perdant l'idéal révolutionnaire, la clique au pouvoir (puisqu'on ne sait plus qui dirige ; Ahmadinedjad, Khameney, ou -plus probable- les pasdarans) fait définitivement périr l'illusion de la solution par l'islam.

Cela prouve qu'Huntington a tort....

NB : cet article a été rédigé dimanche. Je lis avec une certaine satisfaction que les grands esprits se rencontrent : dans le Monde de ce soir, l'édito constate que l'Iran est devenu une sorte de dictature militaire, et une page complète ainsi qu'un encart du journal évoque les pasdarans... De ma part, une petite satisfaction (idiote, je sais) ; de la vôtre, le sentiment que c'était prévisible, et qu'on ne fait qu'enfoncer des portes ouvertes et qu'il n'y a pas lieu de faire tant le faraud. Vous avez raison, comme toujours !

O. Kempf

jeudi 7 janvier 2010

Téhéran 2010, c’est comme Prague 1968

A lire dans le Nouvel observateur de ce jour, l’article sur l’ordre des pasdarans fait inévitablement surgir des analogies. En effet, la militarisation du régime, au travers des « pasdaran », les gardiens de la révolution, fait penser à l’abandon de plus en plus net du prétexte musulman.

En clair, la mise au pas qui s’annonce rappelle la mise au pas des pays de l’est dans l’orbite de l’URSS communiste. Mais Téhéran 2009 ne s’assimile pas à Budapest en 1956 : c'est plutôt Prague en 1968. En effet, l’affirmation de la doctrine Brejnev a surtout signifié une chose : à partir de là, plus personne n’a cru que le communisme pouvait constituer un système viable de gouvernement. Le « socialisme à visage humain » disparaissait pour toujours comme option. Le communisme n'était plus qu'oppression.

Ce qui signifie que la remise au pas probable qui s’annonce en Iran, et qui se fera par la violence armée, assurera au pouvoir l’ordre. Mais ce monopole de la violence ne sera plus légitime. Surtout, c’est l’idée d’une révolution musulmane qui sera définitivement atteinte. Ce sera simultanément la mise sous le boisseau des aspirations populaires en Iran, et de l’islamisme comme modèle pour les pays voisins.

L'islamisme est condamné, comme le fut le communisme.

O. Kempf

vendredi 14 août 2009

Précisions iraniennes : la guerre des services

On commence enfin à en savoir un peu plus sur les différends qui agitent le pouvoir iranien et que j'avais du mal à comprendre. J'avais donc risqué il y a dix jours une analyse qui paraissait cohérente. Elle prônait qu'il y avait des sous-clans appuyés sur des options politiques différentes.

Elle semble confirmée par cet article d'avant-hier, qui décrit les luttes des services secrets : entre un service officiel, en passe d'être désavoué, et un service plus occulte, et aux mains d'Ahmadinedjad, sous la direction de Mohamed Hedjazi, et maintenant de deux religieux venus des renseignements militaires, Hossein Taeb et Ahmad Salek. Ceci expliquerait dès lors la défiance de Khameney, soutenu par le Parlement, pourtant ultra-conservateur, contre un pouvoir Bassidji qui fomenterait un coup d'État dans le coup d'État...

La formation du gouvernement d'Ahmadinedjad indiquera plus clairement cette ligne de partage....

A suivre, donc...

O. Kempf

mercredi 5 août 2009

A propos du pouvoir iranien

Il y a quelque chose que je ne comprends pas dans ce qui se passe en ce moment en Iran, c'est le différend entre Khameney et Ahmadinedjad.

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1/ En effet, on a tendance à opposer conservateurs (les auteurs du coup de force) et libéraux (les opposants). C'est bien sûr beaucoup plus compliqué, puisqu'on a du mal à expliquer les opposants comme libéraux : ils sont tous déterminés à maintenir le système de la République islamique (je parle ici des principaux leaders).

2/ En revanche, il y a des luttes visibles du côté des "oppresseurs". En effet, des voix se sont élevées pour dénoncer un ministre qu'Ahm. voulait nommer, au motif qu'il aurait autrefois été mesuré à propos d'Israël. Il semble pourtant que ce soit surtout sa mesure dans la répression qui ait suscité l'ire d'Ahm.

3/ L'attitude de Kha. est elle aussi surprenante : décidant le coup de force, mais tenant Ahm. à distance.

4/ J'ai l'impression, mais il s'agit d'une hypothèse, qu'il y a deux sous-clans qui s'affrontent. Kha. croit sincèrement qu'il est de son devoir de prôner une aile radicale islamique, quitte à atténuer l'aspect "républicain" de la République islamique. Ahm. est lui beaucoup plus laïc (moins pieux?) et d'une certaine façon, beaucoup plus moderniste. Ce qui l'intéresse consiste à mener une opposition radicale à l'Occident. Quitte à aller dans l'alliance de tous les exaltés musulmans, peu importe qu'ils soient chiites ou sunnites (dans ce dernier cas, il s'agit de l'hypothèse d'A. Adler).

Ce ne sont qu'hypothèses, bien sûr. Je demande donc l'indulgence, et surtout le débat et les propositions alternatives.

Réf :

  • Ce billet exposant les différends entre Kha. et Ahm. Ici
  • ce billet d'analyse par un spécialiste de l'Iran, Fariba Adelkhah : ici
  • Mes billets sur l'Iran : ici.

O. Kempf

mercredi 24 juin 2009

Iran et fait révolutionnaire

J'expliquai dans ces colonnes qu'il y avait eu un fait révolutionnaire lundi dernier, quand trois millions d'Iraniens étaient descendus dans la rue.

Ce moment est apparemment passé, puisque le régime a repris la main. S'il y a eu des violences, il n'y en a pas eu énormément (malgré le tapage médiatique... et même si c'est bien évidemment trop). On a l'impression que les deux partis jouent un jeu délicat et subtil :

- le clan Khamenei - Ahmadinedjad ne veut pas trop brusquer la rue, car il s'agit encore de préserver l'illusion de la Révolution islamique, pour légitimer la confrontation à venir avec M. Obama.

- les opposants ne veulent pas aller à l'affrontement car ils jouent l'opinion publique interne et visent à déligitimer le régime, et à pérenniser le mouvement (grève, constitution de parti politique, enracinement). Il s'agit pour eux de gagner la hiérarchie chiite qui ne se satisfait pas vraiment de la position extrême du pouvoir et de son coup de force.

Ainsi, le pouvoir a gagné. Mais ce n'est qu'une manche, car dans la durée, il est probablement perdant.

En effet, c'est probablement le projet de République islamique qui vient de disparaître avec le coup d'Etat : l'intégrisme apparaît lui aussi capable de tyrannie et de despotisme. La vraie révolution de 2009 est là....

O. Kempf

vendredi 19 juin 2009

Despotisme et élections : ah! ça Iran ça Iran ça Iran, les a.... à la lanterne.....

1/ Pour une dictature, se prêter au jeu des élections est toujours dangereux. Souvenez-vous d'Eltsine, élu président de Russie pour faire exploser l'URSS.Souvenez-vous de Milosevic cédant au Kossovo à cause de l'opposition politique interne, puis quittant le pouvoir l'année suivante à la suite des élections. Mais il s'agissait là de cas européens, et on cherche ailleurs un exemple similaire où les élections poussent un tyran dehors...

2/ C'était pourtant un des projets néo-conservateurs que d'introduire le virus démocratique dans le Moyen-Orient, afin de forcer sa réforme ; on sait ce qu'il en fut, notamment en Irak : il fallut chasser le tyran avant d'introduire un système de vote, encore imparfait ; il en est de même en Afghanistan.

L'ironie de l'histoire veut donc que ce soit un pays de l'axe du mal, une théocratie accusée de tous les maux, un Iran qu'on dit soutenir le terrorisme et de développer l'arme nucléaire, bref, un condensé de toutes les phobies occidentales (seule la Corée du Nord a plus mauvaise image dans nos opinions pleines de bonne conscience et politiquement conformes), que ce soit un tel pays qui illustre la force du virus démocratique.

En effet, l'Iran de la révolution khomeyniste est aussi celui qui introduisit, il y a 30 ans déjà, un système électoral unique dans la région, car participant effectivement à la dévolution du pouvoir. L'inventeur de l'islamisme était aussi celui qui allait permettre de le dépasser.

place_liberte_Iran.jpg Manifestation vers la place de la iberté (à/d http://fr.globalvoicesonline.org/2009/06/19/12712/)

3/ Car de quoi s'agit-il aujourd'hui ? d'un fait révolutionnaire démocratique. Je parle de fait révolutionnaire, car il est aujourd'hui impossible de prévoir l'évolution à court terme du rapport de forces entre un pouvoir recroquevillé mais disposant du monopole de la violence, et une population qui lentement et continûment s'oppose au vol de sa volonté. Mais cette imprédictibilité n'empêche pas de noter que le "grand méchant", "l'ennemi", est aussi celui qui utilise l'arme fondamentale du modèle qui lui est opposé, la démocratie, à la différence de tous les despotismes environnants qui sont, eux, officiellement alliés à l'Occident.

Il y a de nombreuses raisons à cela : d'abord, le fait que l'Iran est un pays beaucoup plus avancé que ses voisins, indépendant de puis plus longtemps, et ayant expérimenté la voie islamiste avant les autres. Tout ceci a été évoqué par E. Todd et Youssef Courbage dans "le rendez-vous des civilisations", qui explique que les crispations actuelles sont d'abord le signe de l'inéluctable modernisation de l'islam.

RDV civilisations Todd

4/ Au-delà pourtant, on a le sentiment d'un accroc dans le drap de l'histoire : comme si on assistait à un saut temporel qui nous fait brusquement entrer dans quelque chose de nouveau, une alter-modernité qui unirait Orient et Occident. Certes, le fait technologique a joué son rôle : on lira avec attention l'excellent billet de Charles dans Electrosphère, repris par ailleurs dans AGS. On pourrait d'ailleurs ajouter que cette technologie permet un soft power, ce que suggère Charles sans en prononcer le nom : la diffusion des idées réformatrices s'accompagnant alors d'un saut technique (parchemin, imprimerie, cybergée).

Mais ce qui paraît le plus fondamental tient à la légitimité. Le pouvoir a le monopole de la violence.Jusqu'à la semaine dernière, ce monopole était légitime, puisqu'il y avait un assentiment autour de la Révolution islamique. Ce qui se passe depuis la semaine dernière est un coup d'Etat qui s'exerce non contre le peuple, mais contre la légitimité. Et il est extrêmement important que le "guide de la révolution", celui dont la fonction consiste à garantir cette légitimité, ait pris "parti". Il était au-dessus, il vient d'entrer dans la mêlée. Ainsi, le raidissement de son discours, manifeste depuis son prêche de ce matin, sanctionne-t-il sa défaite à terme : car perdant la légitimité, il perdra le pouvoir. La question est maintenant de savoir quand : une semaine, un mois ou dix ans....

La légitimité a d'ailleurs changé de camp, puisqu'elle est "non-violente" : la maturité politique des manifestants est remarquable et sidérante ; on a l'impression d'un gandhisme de masse ! comme si la foule en colère savait qu'il ne faut pas favoriser le cycle répressif, qui déchaîne la violence et renforce la brutalité du pouvoir ; qu'il faut au contraire le désarmer spirituellement par l'absorption de sa violence, en refusant la rivalité mimétique dans laquelle veulent entrer les basijis.

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Légitimité, cyberpolitique, contre-mimétisme sont les mots de ce nouveau vocabulaire. Il faut y ajouter communication symbolique, puisqu'il s'agit, encore un fois, d'une révolution de couleur (orange, tulipes, roses, ... fabrications médiatiques destinées à abreuver les scénographies médiatiques) : Celles-ci sentaient toutefois le marketing occidental. Dans le cas présent, le plus remarquable coup de génie consiste à accaparer la couleur de l'adversaire, à la retourner, à lui faire symboliser la conversion : à regarder les images, j'ai d'ailleurs l'impression que les opposants usent du vert clair, quand le vert des islamistes paraît souvent plus sombre : suggestion? ou réalité ? symboliquement, cet éclaircissement serait génial (le vert éclairé, comme il y eut des despotes éclairés : nouvelles lumières).

5/ L'Iran était visionnaire en mettant au jour la "révolution khomeyniste" de 1979 : elle était incompréhensible, orientale, négligée donc. Mais elle annonçait l'entrée du XXI° siècle. Ce qui se passe cette semaine correspond à l'accouchement couronnant une longue gestation (Intifada, Oslo, Tchétchènes, twin towers, Hezbollah, Hamas et Talibans) et l'entrée fracassante dans un monde nouveau.

6/ La conclusion est limpide : tout système de vote corrode inéluctablement le pouvoir. La seule solution consiste à le bannir absolument (Tien an Men et Birmanie). Mais il n'est pas sûr que ce soit plus durable.....

O. Kempf

samedi 18 avril 2009

A propos de l'Iran

Cela fait longtemps que je voulais revenir sur l'Iran.

1/ Pour cela, j'ai relu mes billets sur le vieil EGEA. Et plusieurs mois après, je me rends compte qu'ils n'ont pas vieilli, et qu'ils sont toujours pertinents. On lira donc :

2/ Quels sont les fondamentaux géopolitiques de l'Iran ? en allant du plus permanent au moins permanent :

  • une civilisation pluri-séculaire, "perse". Un profond sentiment de grandeur et d'empire.
  • un relief assez prononcé
  • une prégnance chiite, même si elle n'est pas exclusive, contrairement à ce qu'on affirme trop souvent
  • une situation médiane : entre le Proche Orient et l'Orient (Asie centrale, Asie du sud) ; entre deux zones principales de crise : à l'ouest, le duo Israël Palestine et l'Irak : à l'est, le point de fixation afghan et au-delà la rivalité indo-pakistanaise
  • un axe nord-sud maritime : au nord, la Caspienne, assez rassurante d'un point de vue iranien (acteurs faibles et convergence d'intérêt avec la Russie) ; au sud, le golfe Persique (rivalité avec les Etats arabiques) et au-delà l'océan Indien. Maîtrise du détroit d'Ormuz.
  • une dimension pétrolière qui altère toutes les perceptions depuis 70 ans, notamment envers les Arabies, mais aussi la Caspienne.

3/ La tonalité actuelle tient au régime politique de l'Iran. La révolution islamique a été un précurseur, puisqu'elle a introduit la question islamique dans le monde moderne, dès la guerre froide. Cette question a pris une dimension nouvelle à la suite des attentats du 11 septembre, même si, pour énormément de raisons, Al Qaida a peu à voir avec le projet iranien : en effet, celui-ci a revêtu la forme nationale iranienne et peut difficilement s'en disjoindre. Le guide suprême n'a pas le pouvoir mais est un arbitre. Le peuple contribue à la désignation des gouvernants par le mécanisme de l'élection. Ces deux critères expliquent qu'on ne peut assimiler l'Iran contemporain à une simple dictature. Il faut donc s'intéresser au jeu politique, d'autant plus qu'un choix crucial aura lieu à l'occasion des prochaines élections de juin : entre un "radical" et un "réformateur". L'essentiel du débat tournera autour des questions intérieures, et notamment de la question économique, puisque l'Iran traverse une passe difficile, renforcée par la crise et le tassement des prix du pétrole. Ceci explique que toute radicalisation extérieure favorise mécaniquement Ahmadinedjad à l'intérieur. Ceci explique par conséquent pourquoi les Occidentaux en général, les Américains en particulier, sont en ce moment si polis : plus ils sont doux, plus ils favorisent le renouvellement du gouvernement.

4/ Et le nucléaire, alors ? eh! oui, je n'en ai pas parlé jusque là, car cela compte finalement assez peu. Bon, je continue d'être provocateur. Il y a des raisons objectives à ce que l'Iran soit une puissance nucléaire, puisqu'il est situé à mi-chemin entre deux Etats nucléaires qui sont pour lui inquiétants : Israël et le Pakistan ; il y a aussi la rhétorique bushienne qui a longtemps menacé l'Iran. Et puis il y a des raisons subjectives : volonté de s'affirmer comme puissance régionale, besoin d'une assurance après le déferlement américain en Irak, tropisme néo-gaulliste, etc. L'Iran joue habilement son jeu (puisqu'il n'a toujours pas contrevenu aux règles en vigueur du TNP, ce que l'on oublie trop souvent). Bref, polémiques et procès d'intention s'agglutinent.

5/ Cela ne veut pas dire pour autant que l'Iran ne cherche pas à devenir une puissance nucléaire. Le seul débat important, c'est jusqu'où il veut aller : Avoir la bombe ? avoir la bombe plus les vecteurs transportant la bombe ? avoir les moyens d'avoir la bombe ?

6/ C'est ce que chacun comprend désormais, et notamment la nouvelle administration Obama : comment inciter l'Iran à choisir la solution la plus basse, et donc la plus tolérable : celle de ne parvenir quà être un pays du seuil, sur le modèle japonais. C'est-à-dire, avoir les moyens d'avoir la bombe, pour profiter de la rhétorique de la dissuasion, tout en restant dans une norme acceptable selon la grammaire de la communauté internationale. Cela présenterait plusieurs avantages : le maintien d'une ambiguïté fondamentale nécessaire à tout discours de dissuasion (je l'ai mais ne l'ai pas mais l'emploierai si nécessaire) ; et une ambiguïté constitutive qui répondrait à l'ambiguïté israélienne qui pratique, elle aussi, un discours de pays du seuil ( je n'ai jamais reconnu que j'avais la bombe mais tout le monde est persuadé que je l'ai).

7/ Il va de soi qu'une telle solution serait optimale pour Washington, dans toutes les dimensions : à propos d'Israël, de l'Irak, de l'Afghanistan, du Pakistan, de l'Arabie, de la Russie. Et qu'elle ne serait pas mauvaise pour l'Iran non plus. Ceci explique la volonté générale de décrispation actuelle. On verra son résultat, qui dépend fondamentalement des urnes. C'est l'incertitude des démocraties....

O. Kempf