Ainsi, le sujet du CID est paru (voir ici)
"Si l'Etat est fort, il nous écrase. S'il est faible, nous périssons." Cette analyse de Paul Valéry vous semble-t-elle aujourd'hui pertinente?
Th. Hobbes
J'essayerai de suivre un plan en trois parties, qui est évidemment peu naturel pour un tel sujet, mais les correcteurs de la revue verte sont tant bornés qu'ils jugent mauvais le plan en deux parties : tout le monde n'a pas eu la chance d'être bien formé.... même si je suis loin d'être convaincu qu'un plan en deux parties sera considéré comme horresco referens par le véritable correcteur. Mais le candidat pâtit là du monopole de la Revue d'études....
1/ Le sujet est d'apparence classique. En effet, on peut le traiter sous l'angle de la philosophie politique classique, avec l'échelonnement suivant :
I / La nature ne favorise pas la société, (L'homme est un loup pour l'homme, Hobbes), il faut donc un contrat social (Rousseau) pour parvenir à un Etat fort qui régule cette société, le Léviathan Hobbesien, ou l'action du Prince de Machiavel.
II/ Toutefois, l'excès de pouvoir de l'Etat est une menace pour la liberté de l'homme (Locke, Traité du gouvernement civil) car dans l'Etat de nature, les hommes sont libres et égaux. Le pouvoir politique ne doit pas entraver cette liberté (libéralisme politique). IL faut donc des pouvoirs qui s'équilibrent (exécutif et législatif) auxquels Montesquieu ajoutera le judiciaire.
III/ Le XX° siècle a inventé les Etats totalitaires (communisme, nazisme), poussant à leurs extrêmes des idéologies politiques. Ils ont été critiqués par Aron ou A. Arendt. Des auteurs plus récents ont cherché à les dépasser, par exemple J. Rawls (Théorie de la justice) ou Léo Strauss.
Bon. Bof, en fait, car ça ne colle pas trop au sujet.
2/ Une autre façon de l'appréhender passerait pas les sciences politiques, en s'appuyant par exemple sur l'histoire institutionnelle de la France :
I/ La révolution française cherche à mettre à bas un pouvoir absolu, mais se résout dans l'empire bonapartiste, pouvoir lui aussi absolu
II/ Toute l'histoire institutionnelle de Napoléon à la IV° république sera la recherche oscillante d'un point d'équilibre entre un Etat faible mais inefficace, et un Etat efficace mais menaçant les libertés, avec ce goût français pour les Constitutions
III La V° République semble avoir trouvé ce point d'équilibre d'un exécutif fort mais légitime (A), même si la multiplication des révisions constitutionnelles pose la question de la pérennité de cet équilibre (B).
Là aussi, traitement habituel, historique. Il est peut-être plus facile pour le candidat normal du CID, qui n'a pas besoin de beaucoup de connaissances pour arriver à une copie qui se tienne. Mais là encore, c'est un peu éloigné du sujet, même si un traitement habile permettrait d'éviter le piège.
3/ On peut aussi utiliser le prisme d'une sociologie politique, autour bien sûr de Weber.
I/ L'Etat a le monopole de la violence légitime sur un territoire et une population (A) ce qui se traduit par une doctrine de la souveraineté intérieure (police, justice) ou extérieure (défense, diplomatie) (B)
II On s'interroge ainsi sur les conditions d'exercice de ce monopole de la violence : soit qu'il ne soit pas monopolistique (violences concurrentes, sécessionnistes, privées ou révolutionnaires) (A), soit qu'il y ait excès de violence (totalitarisme, Etat policier, big brother) (B)
III Pour éviter ces excès, l'Etat doit donc rechercher la légitimité (A) qui passe par les conditions d'exercice de la démocratie et de ses moyens (B)
4/ Le candidat du CID, féru de géopolitique, pourra enfin utiliser le prisme des relations internationales, avec force exemples, pour traiter le sujet. Par exemple.
I/ Un Etat trop fort est une menace pour son environnement car il l'entraîne dans une dynamique de conquêtes, ce qui provoque sa chute (exemples : tous les systèmes impériaux, jusques et y compris l'URSS, et si on est critique, l'Amérique bushienne)
II/ Un Etat trop faible est une menace pour ses citoyens (Etats faillis, cf Somalie) mais aussi la proie de son environnement (Sudètes, etc.)
III/ Un Etat régulé doit trouver sa place dans une société internationale : là, le candidat choisit selon ses opinions l'exemple retenu, par exemple la construction européenne, la mondialisation libérale, la noosphère theillardienne, ou la communauté onusienne.
5/ Et si on essayait un plan en deux parties ?
I L'Etat doit naviguer entre les excès de son pouvoir
A/ Soit l'abus de pouvoir, qui entraine l'oppression
B/ Soit l'absence de pouvoir, qui entraîne l'anarchie
II Il doit donc être encadré par un contre-pouvoir
A/ A l'intérieur, pas l'organisation démocratique
B/ A l'extérieur, par la société internationale
On raffine ensuite l'esthétique en plaçant deux paragraphes par sous-parties, avec à chaque fois un exemple (auteur, situation historique ou géopolitique) et le tour est joué, avec équilibre. On ne peut pas se planter (un plan bateau a un immense avantage, il ne coule pas) et le classement dans les meilleures notes se joue dans l'introduction, la richesse pertinente des exemples, et surtout la conclusion (qu'on aura bien pris soin de rédiger au brouillon avant la rédaction du corps du devoir).
6/ J'ai croisé aujourd'hui un ou deux candidats : ils m'ont avoué ne plus lire mon blog depuis une semaine, de crainte de ne pas avoir choisi "le" plan. Ce qui est évidemment idiot, puisqu'il y a mille et une façon de traiter un sujet, mille et une façons d'obtenir une bonne note : on ne cherche pas un corrigé type, mais une façon de traiter, de développer des arguments de façon cohérente et équilibrée, avec ce qu'il faut de culture générale pour illustrer la copie.
Je souhaite pleine réussite aux candidats de cette année, et à ceux qui s'y colleront l'an prochain....
O. Kempf