10 ce léger mépris pour les dirigeants américains a toujours persisté dans les mentalités européennes, particulièrement françaises
11 il y a, à l’échelon inférieur, une élite gouvernementale et administrative qui bénéficie d’une excellente formation (..) et d’une permanence dans les hautes fonctions dont on a peine à imaginer l’équivalent en France (…) Par ailleurs, il y a des échanges continuels entre la haute administration et l’université qui aboutissent à une communauté de vues qui constitue l’un des points forts de la politique américaine
12 L’idée centrale qui sous-tend cette étude (et qui n’est pas une simple hypothèse de travail, mais bien un constat maintes fois vérifié) est donc que la puissance des Etats-Unis n’est pas le simple résultat d’une inertie découlant de l’étendue continentale, de la richesse en matières premières, encore moins d’un hasard ou d’un accident. Elle est vraiment le résultat d’une stratégie consciente, soigneusement définie, puis mise en œuvre. (…) Le contraste est grand avec la France, dans laquelle les autorités réagissent le plus souvent à l’actualité immédiate, sans vision prospective à long terme.
25 Le bref historique qui précède a essayé de suggérer le mélange de facteurs culturels profondément enracinés et de circonstances toujours changeantes dans le façonnage de la tradition diplomatique américaine et particulièrement son attitude) l’égard des pactes. IL ne faut pas trop prendre au sérieux la valeur sacrée du message d’adieu de Washington. Si le président Wilson avait manifesté plus de tact à l’égard du Congrès, il aurait très vraisemblablement fait accepter la Société des Nations.
26 Le premier trait caractéristique est ce mélange de moralisme et de réalisme qui irrite si for les Européens qui y verraient volontiers une marque d’hypocrisie. (…) L’ethnocentrisme est ici flagrant et à peu près incurable. 26 Dans le même temps, il se double d’un indiscutable réalisme, au moins dans l’appréciation des intérêts américains : si les Etats-Unis sont bons, il est normal que leur politique soit bonne et donc profitable pour eux. La difficulté de comprendre le point de vue e l’interlocuteur s’accompagne d’une bonne maîtrise des mécanismes diplomatiques et d’une adaptation, parfois remarquable par sa rapidité, quand les circonstances l’exigent.
28 Ce pragmatisme s’est accompagné, dans l’ensemble, d’une grande prudence qui a rarement été évaluée à sa juste valeur.
29 Les Etats-Unis ont une conception utilitariste qui fait qu’un pacte doit être respecté lorsqu’il est signé mais qui n’interdit pas, qui commande même, d’une part de chercher à en tirer tout le profit possible, d’autre part de le répudier lorsqu’il n’est plus profitable.
31 conservation de la liberté d’action : La méfiance à l’égard des pactes est moins le produit du souvenir du message de Washington que celui d’une analyse très réaliste des effets induits d’une alliance. 32.. se manifeste également par un recours fréquent à des mesures unilatérales plutôt que contractuelles : ce sont les doctrines, régulièrement énoncées par un président sur telle région du monde.
34 recherche de l’hégémonie : Il serait plus juste de parler de rapport de clientèle, à l’intérieur duquel le faible parvient à préserver ses intérêts et à poursuivre ses propres buts de politique étrangère.
37 Recherche des bénéfices et refus des coûts. Les Etats-Unis (…) ont parfaitement conscience des rentes de situation que leur procure leur position dominante, mais ils rechignent à en acquitter le prix. Ainsi, ils feront passer leur intérêt national avant le maintien de la stabilité internationale.
37 Discours justificateur : ils jouent admirablement des relents isolationnistes qui agitent leur opinion de manière récurrente.
38 le plus étonnant dans l’affaire est que la plupart des pays européens prennent au sérieux ce genre de menace et accordent la priorité au maintien du lien transatlantique. C’est le syndrome de l’orphelin à l’échelle internationale contre lequel les arguments objectifs ont peu de chance de prévaloir. Il y a là l’un des plus grands obstacles à la construction d’une Europe unie.
40 en fait, la pactomanie de Foster Dulles n’est qu’une illusion d’optique découlant de la création de l’OTASE en 1954 puis du CENTO en 1958.
43 La Grande-Bretagne s’accrochera toujours à sa relation privilégiée avec les Etats-Unis pour de raisons plus négatives (rejet d’une Europe unie) que positives, car les bénéfices qu’elle en a retirés dans le long terme sont parfois discutables.
45 Les pays américains n’ont rien à voir, même de manière symbolique, avec la défense du continent américain. Par principe, il a bien fallu intégrer le territoire des Etats-Unis dans l’Otan, mais il est resté en dehors de la chaine des commandements intégrés. Il n’y a donc pas de commandement nord américain, mais un simple groupe stratégique régional. (…) La création d’un pilier nord-américain aurait pu donner quelque consistance à la revendication, de l’autre côté de l’Atlantique, d’un pilier militaire européen, donc avec un commandement suprême européen.
58 L’Otase n’était qu’une transposition de l’Otan dans une région qui ne s’y prêtait pas. Il n’y avait pas de perception commune de la menace et surtout pas de consensus sur l’attitude à lui opposer.
''Dans le chapitre sur l’OTAN, pas de remarque ou nouveauté sinon deux petites scories : l’oubli de Cinchan, et les accords Ailleret-Lemnitzer considérés de 1964, alors qu’ils sont postérieurs. '' 95 Tant qu’une institution reste en place, une institution concurrente ne peut véritablement s’imposer. L’Europe politique et de défense n’existera vraiment une le jour où l’Otan lui aura cédé la place. Les Etats-Unis l’ont parfaitement compris, d’où leur volonté obstinée de maintenir l’Otan et leur critique d’une Europe de la défense.
100 Plus que jamais, les Etats-Unis semblent convaincus qu’ils sont les seuls à avoir une capacité et aussi une vision mondiale. Les autres pays, quels qu’ils soient, ne peuvent donc avoir qu’un rôle de suiveur et non de partenaire. Sauf peut-être la Grande-Bretagne, ils seront de plus en plus de Limited partners et non plus des Strategic Partners.
102 Lorsque la IV° flotte est recrée en 2008, dans le cadre du Southern Command, ce n’et qu’une mesure symbolique, pratiquement une coquille vide, qui ne s’accompagne d’aucun renforcement des moyens. On en reste à une stratégie déclaratoire. S’i fallait recourir effectivement à la force, le recours aux alliés serait, presque toujours, nécessaire. Les Etats-Unis en prennent conscience, même s’ils répugnent à l’avouer.
103 Les Etats Unis ne dénonceront jamais l’Otan. L’organisation leur est trop précieuse. A ceux qui s’inquiètent d’un possible désengagement des Etats-Unis, il faut répondre que cet engagement des US en Europe est la condition sine qua non de leur statut de puissance mondiale. Et de ce fait, la marge de manœuvre des Européens est pourrait être plus grande qu’eux-mêmes ne le croient.
105 Impression dominante de cohérence … parce qu’ils en avaient les moyens bien sûr, mais aussi parce qu’ils ont su s’en servir. L’isolationnisme n’ayant jamais été une politique sérieusement envisagée par l’élite dirigeante. Souci quasi obsessionnel de la conservation de leur liberté d’action. 106 Le résultat a été plus que globalement positif, à rebours des analyses pessimistes de l’école réaliste conduite par Hans J Morgenthau. Le réseau d’alliances mis en place dans les années 1940 s’est révélé remarquablement solide. N’ont périclité que les alliances des années 1950. Aujourd’hui, l’Otan, l’ANZUS et le traité avec le Japon demeurent. Une alliance est d’abord l’expression d’une volonté de défense commune. Elle révèle son autre dimension, celle d’un instrument d’influence à l’égard des membres subordonnés. 107 D’autre part, le délaissement des alliances institutionnelles entraîne mécaniquement leur affaiblissement par désintérêt réciproque et signifie donc une perte d’influence à terme. L’administration Obama en semble consciente et essaye de relancer la dynamique des pactes.