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Elections 2010 : Tchéquie

Je débute par la Tchéquie une série de billets sur les élections qui se sont déroulées en Europe au cours de ce premier semestre.

Les élections tchèques ont eu lieu le 29 mai 2010. Elles sont surprenantes, même si elles n'ont pas attiré l'attention.

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1/ Le parti socialiste CSSD, avec 82 sièges et 22,08% des voix, qui demeure le parti majoritaire, n'a pu rivaliser contre la coalition de centre-droit entre le grand parti conservateur ODS (20,3%), le parti des TOP - nouveaux arrivants à droite- (15,7%) et le parti des Affaires publiques (VV, 10 %), qui dispose désormais de 118 sièges des 200 de la Chambre basse, soit 46% des voix. (voir ici).

On en tire plusieurs conclusions :

2/ Tout d'abord, une lassitude envers les deux grands partis de gauche et de centre droit. D'où l'émergence de nouveaux partis (TOP et VV) même si ce dernier a un programme obscur et vaguement populiste. Il reste que l'écroulement du CSSD (qui obtenait 28 % des suffrages selon les sondages quelques semaines avant l'élection) constitue une surprise. C'est aussi dû à l'utilisation du "vote préférentiel" qui a visiblement bouleversé les prévisions et augmenté la volatilité électorale.

3/ Ensuite, le maintien de préoccupations "politiques" : s'il y a une certaine déception envers les partis de l'établissement, les Tchèques ont cependant considéré la crise grecque (qui était alors à son paroxysme) et ont donc fait des choix politiques : en élisant une coalition de droite, il prônent une politique de rigueur et d'austérité. Mais on constate la sortie du Parlement des chrétiens démocrates et des verts. Et une défiance croissante envers l'euro.

4/ Car là est la bonne nouvelle : il n'y a pas eu de raidissement identitaire, par exemple à l'encontre des Roms, alors que 4/5 des Tchèques considèrent la cohabitation avec eux problématique (voir ici).

En conclusion, des élections surprenantes à bien des égards, mais qui ne se manifestent pas par l'émergence de partis extrémistes.

Réf.

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 8 juillet 2010, 18:27 par boris friak

La question des Roms, importante pour tous les pays d'Europe centrale, pourrait servir d'étincelle à une refondation des relations internationales en donnant une existence et une légitimité aux "Etats" sans terre. En fait on peut imaginer de confier des responsabilités aux chefs des gens comme on en donne aux chefs des lieux. A la différence de la plupart des pays d'Europe centrale et orientale on ne fait pas, en France, la distinction entre nationalité et citoyenneté. Les modes de vie actuels (nomadisme, cosmopolitisme, etc.) appelent des évolutions dans ce domaine dont, probablement, la fin des monopoles étatiques classiques. [On observe clairement aujourd'hui l'inadéquation des solutions des droits de la famille quant à l'homoparentalité ou au mariage religieux qui font changer le statut de la même personne selon le lieu de séjour].
L'inspiration peut provenir de certaines organisations du pouvoir coutumier africain où, par exemple, le juge d'un différend sur l'irrigation (chef des lieux) ne sera pas le même que le juge d'un différend familial (chef des gens).

Une vision matricielle de la puissance publique viendrait, en outre, faire souffler un vent frais sur les questions géopolitiques!

égéa : je trouve votre commentaire particulièrement pertinent !

2. Le jeudi 8 juillet 2010, 18:27 par

Cette notion de "chef des gens" est à développer, en l'espèce je la vois comme l'expression d'un communautarisme religieux/ethnique/...
Des expériences ou projets ont été tentés/annoncés au UK et au Canada (tribunaux religieux). Et faut-il rappeler le système cadial traditionnel à Mayotte.

Se posent de nombreuses questions :
-Légitimité de ces "chefs" : quelle "base de gens" les désigne ? qui contrôle et administre ces "bases des gens" ? qu'est-ce qui se passe si du jour au lendemain je décide, en tant qu'individu libre, que je ne fais plus partie de telle communauté "non territoriale", potentiellement pendant le règlement d'un différend ?
-Sur quelle "base législative / jurisprudentielle" s'appuient-ils ? Accepte-t-on ainsi une inégalité formelle (l'égalité réelle étant, avouons-le, une utopie...) entre citoyens d'un même pays (disons la France, certains autres pays s'en accommodant) ?
-Limitation des prérogatives, notamment dans le cas d'un différend entre personnes qui ne reconnaissent pas forcément ce "chef"
-Positionnement par rapport à l'ensemble des citoyens (si l'on considère que cette notion doit encore avoir un sens) à leurs représentants, à l'exécutif, le judiciaire, l'administration... ==> pour le moment le "chef des gens" de plus haut niveau est aussi "chef du territoire national".

Bref, vaste sujet...

égéa : quelles judicieuses remarques.... C'est au fond la question de la légitimité de la représentation du pouvoir. que celui-ci s'exerce sur une base territoriale ou sur une base "personnelle". Il est vrai que l'État à l'occidentale fait coïncider la citoyenneté avec la nationalité. 

3. Le jeudi 8 juillet 2010, 18:27 par oodbae

A la lecture des deux commentaires ci-dessus, je dois dire que l'état nation à la francaise et l'exclusivité de l'identité francaise sur tout autre communautarisme me semble plus l'exception que la règle dans le monde.

En GB, par exemple, on est citoyen britannique, sujet de sa majesté, mais le statut de royaume uni conserve sa signification... d'union d'états ou de nations au sein du royaume. l'Écosse possède un parlement, se prononcera bientôt sur une possible séparation totale du RU de GB.

En Russie, de même qu'au temps de l'URSS, les républiques diverses accordaient des nationalités propres à leurs ressortissants. On était citoyen soviétique de nationalité tchétchène. Les USA d'Am du Nord (le nom complet), sont eux mêmes une union d'états, comme leur nom l'indique, malgré une unicité de la langue officielle (aux accents près). C'est d'ailleurs sur cet aspect que Raymond Aron avancait l'idée dans "Paix et guerre entre les nations" que l'URSS et les USA étaient en fait plus proches l'un de l'autre que l'URSS des pays ouest-européens, formulant un paradoxe en considération de l'opposition idéologique entre les deux blocs dont ils étaient les centres.

En Allemagne, même si l'homogénéisation est plus avancée, les Länder conservent encore quelques degrés d'autonomie. D'une part en ce qui concerne leur budget. Comme l'article 109 de la constitution allemande le précise en son paragraphe 1, les états (i.e Länder) et la fédération sont idépendants les uns de l'autre en ce qui concerne leur budget. En matière d'éducation, les programmes scolaires variaient jusqu'à il y a peu d'un état à l'autre (j'utilise l'imparfait car j'ai cru lire qu'une réforme uniformisatrice avait eu lieu depuis 2000). Un bac (Abitur en allemand) en Rhénanie-Westphalie n'avait donc pas la même valeur qu'un bac en Bavière ou en Silésie.

En Chine, je ne crois pas me tromper en affirmant que les régionalismes sont très forts. Au delà de la langue, qui varie tellement qu'un shangaien ne comprend pas un pékinois, les régions (ou états?) sont assez cloisonnées pour empêcher les migrations non-voulues de populations, notamment depuis les régions pauvres jusqu'aux régions riches. Ceci a permis aux chinois de tester le capitalisme dans certaines régions tout en préservant les modèles en place ailleurs. C'est ainsi que les citoyens chinois ont besoin d'un visa de travail pour aller travailler à Shangai quand ils n'en sont pas originaires, et que d'autres ont contourné la politique de l'enfant unique en accouchant dans plusieurs "états" chinois.

En conclusion, je tends à croire que la vision francaise de la nationalité et de l'état, comme elle est souvent représentée ou rappelée en ces temps de débats identitaires : " la nation francaise regroupe des individus dans l'unicité de la république", qu'on qualifie parfois de jacobine en mémoire de la Révolution Francaise, est considérablement nihiliste, détruisant les identités régionales, culturelles et religieuses.
La laicité francaise est ainsi plus contraignante que la neutralité belge en termes de religion, autant que je sache. Mais la nature [humaine] ayant horreur du vide, d'autres courants se pressent pour remplacer ceux qui ont disparu ou disparaissent. Le fameux "retour du religieux" en est un exemple, les lobbies pour la reconnaissance dans la constitution des langues régionales, les mouvements indépendantistes dans les DOM-TOM en sont d'autres. Les doubles-nationalités, les mariages mixtes, les chaînes câblées et à présent l'Internet en sont des vecteurs. Le vote des étrangers aux élections locales, la création du CIF (Conseil de l'Islam de France) sous M. Chirac, le droit du sol en matière de nationalisation, en sont des conséquences factuelles.

Abordant les questions de JGP ci-dessus, je tenterai d'apporter des éléments de réponse, en fait un seul.

Toutes ces personnes se différencient peut-être en ce qui concerne leur religion, leur langue, leur régime alimentaire, leur vision politique. Elles partagent cependant quelque chose, à savoir la terre sur laquelle elles vivent. Cette terre est le fondement de l'état. La question est en fait de savoir à quelle échelle le découpage de la terre permet de différencier des citoyens ou des nationalités. En France, l'échelle est celle de l'état entier. En Russie, celle de la république au sein de la fédération.
Evidemment, les populations nomades auront toujours un problème avec cet état de faits, comme le constatent les tibétains, les berbères nomades, les roms depuis des lustres, mais c'est normal car leur rapport à la terre est par essence contradictoire par rapport à celui des sédentaires.
D'où la création de taxes de douane pour compenser leur non-payement de l'impôt dû par les sédentaires (je simplifie) et d'où peut-être une crise des états depuis le libre-échangisme (économique j'entends ...) qui affaiblit de fait la légitimité des états aux yeux des sédentaires puisqu'elle les rend redevables d'impôts que les nomades ne payent plus, eux. Ainsi, les plus mobiles sont avantagés économiquement...

pardieu, je devrais approfondir mon propos!

Cordialement

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