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Macaronésie

Je viens de découvrir l'entité géographique de Macaronésie (parfois aussi dénommée Macronésie). Je ne la connaissais pas, et elle présente un intérêt certain. On les appelle également "îles fortunées" (ce que signifie Macaronésie en grec ancien).

cart_Macaronesie.jpg

Elle est en effet constituée des îles au large de l'Espagne, du Portugal et de l'Afrique, située sur la partie est de l'Atlantique. : on y compte les archipels des Açores, de Madère, des îles Canaries et des îles du Cap-Vert.

Géographiquement, elle "appartiennent" à l'Europe ou, s'agissant du Cap-Vert, à l'Afrique, si du moins on s'en tient à la latitude. Les Açores pourraient même être considérées comme partiellement américaines, puisqu'elles sont juste situées sur le rift transatlantique.

Politiquement, elles dépendent du Portugal (Madère et Açores), de l'Espagne (Canaries) et du Cap Vert (ancienne colonie portugaise, indépendante depuis 1975). Mais l'UA les désigne comme "territoires africains sous occupation étrangère" (avec Sainte Hélène, La Réunion et Mayotte).

Humainement, ces îles étaient non occupées, sauf les Canaries occupées par des Guanches, originaires d'Afrique du Nord. Madère et les Açores étaient vides quand elles ont été conquises et aménagées par les Espagnols et les Portugais au XV° siècle.

On voit par cet exemple que les conditions géographiques ne suffisent à elles seules à définir géopolitiquement un pays.

Réf :

  • Ce billet d'un blog volcanique
  • ce billet sur Les cartes pré colombiennes et la connaissance de l'Atlantique avant la Renaissance
  • cet extrait d'un bouquin sur l'écologie locale

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 20 juillet 2010, 16:25 par

J'ai un instant cru que c'était une blague sur l'Italie ! :)

égéa : ben non : les blagues, ce sera en août, normalement

2. Le mardi 20 juillet 2010, 16:25 par Thibault Lamidel

A voir que c'est grâce aux îles portugaises de cette zone que le Portugal va doubler sa ZEE via la procédure de la "dorsale continentale" (ou océanique ? Je doute). Le domaine maritime lusitanien pourrait passer de 2 à 4 millions de km² (autant que le Royaume-Uni il me semble la France est à 11 millions de km²).

A voir une réaction espagnol via une telle procédure ?

Cette unité géographique est intéressante puisqu'elle renvoie à deux zones géographiques bien connu :
- premièrement, au Pacifique et sa grande structuration en archipel ;
- deuxièmement, au Cap Horn où les projets de domaines maritimes contigus (brésilien, argentin et chilien) du continent sud-américain jusqu'aux possessions antarctiques remettent en cause la même chose qu'en Macaronésie : la liberté de circulation sur les mers. En effet, si les projets sud-américains se réalisaient, ils seraient impossible de passer le cap Horn sans entrer dans un territoire national. Et quid, si jamais les domaines maritimes espagnoles et portugais serait contigus jusqu'à ces archipels ? S'ils empêchaient d'emprunter le détroit de Gilbraltar sans passer obligatoirement par leur territoire ?

Il faut aussi noter une nette tendance à l'agrandissement étatique sur les mers. C'est bien le nouveau terrain de jeu des rivalités politiques entre puissances et empires. C'est bien pratique puisque c'est un terrain très peu médiatisé. Et l'arme par excellence, c'est la Marine. Le moyen naval par excellence, c'est le sous-marin. C'est-à-dire, des choses très peu visible, sauf si on s'y intéresse.
On attend la position américaine face à cette tendance au rétrécissement des zones maritimes internationales. Ils sont les héritiers du principe de circulation libre sur les mers, transmis par Sa Gracieuse Majesté. Sachant qu'Outre-Atlantique, ils étaient déjà contre la Convention de Montego Bay.

égéa : vous avez raison, le domaine maritime est celui de la dernière expansion coloniale, j'avais écrit un billet là-dessus, autrefois.

3. Le mardi 20 juillet 2010, 16:25 par

Sans être spécialiste mais ayant eu naguère un peu à connaître de ces questions, je voudrais faire plusieurs observations à la suite du commentaire de Thibault Lamidel.

Lorsqu’on parle d’archipel, on est naturellement amené à évoquer l’Océan Pacifique. Surtout avec cette Macaronésie atlantique dont le nom fait écho à celui de la Micronésie pacifique. Passant d’un océan qui nous est familier à un autre qui est au-delà du Nouveau-Monde, on oublie leur différence principale : l’immensité de l’Océan Pacifique. C’est une caractéristique physique qui interdit de transposer trop vite nos points de vue élaborés dans l’Atlantique-nord et ses mers bordières.
Voici un exemple pour illustrer cette immensité : alors qu’il suffit de six heures d’avion pour traverser l’atlantique de Paris à New-York, il faut au même genre d’avion huit heures pour aller seulement du milieu du Pacifique (Tahiti) au continent le plus proche. Huit heures au cours desquelles on commence par survoler les Tuamotu vingt minutes après le décollage, puis plus rien, uniquement de l’eau jusqu’à Los Angeles à la vitesse de 900 km/h. Pendant ces huit heures on survole le plus vaste désert du monde.

Deuxième observation, les non-spécialistes confondent souvent « eaux territoriales » (jusqu’à 12 milles des côtes) et « zone économique exclusive » (ZEE, jusqu’à 200 milles des côtes ou jusqu’au rebord du plateau continental s’il est à plus de 200 milles). Les extensions de ZEE ne remettent pas en cause la liberté de circulation sur les mers : alors que le passage n’est pas libre dans les eaux territoriales, il est libre dans les ZEE, y compris pour les sous-marins en plongée : l’exploitation des ressources est réservée à l’Etat riverain mais on n’est pas sur un territoire national.
Par conséquent dans le cas soulevé par Thibault Lamidel concernant le Cap Horn, il faut savoir si les projets des Etats portent sur l’extension des eaux territoriales, sur l’extension des ZEE, ou sur une mise en commun des ZEE avec le Brésil qui n’est pas riverain du Cap Horn.
Si la revendication concerne les ZEE (ce qui est probable) la liberté de circulation au Cap Horn ne sera pas remise en cause.

Même chose pour la liberté de circulation en Macaronésie : ces îles ne sont pas assez proches les unes des autres pour délimiter une mer territoriale qui leur serait commune.
Pour ce qui concerne la ZEE, on voit mal comment le Portugal pourrait inventer une sorte de continuité entre sa portion continentale et ses îles pour étendre sa ZEE : il n’y a pas de plateau continental et tous ces territoires sont séparés par des distances supérieures à 2 x 200 milles. La revendication portugaise porte probablement sur l'extension de sa ZEE à partir des Açores, en assimilant le rift à une plateforme continentale. C'est plutôt contestable mais pourquoi pas.

Concernant tous les détroits (Gibraltar, Pas de Calais, Bouches de Bonifacio…) l’on est clairement dans des eaux territoriales où les Etats peuvent réglementer. Ce ne sont pas des eaux internationales bien qu’elles soient propriété de deux ou trois Etats différents. L’intérêt des Etats riverains dans les détroits internationaux est de s’entendre pour une réglementation cohérente.
A noter, le cas est contraire, que notre dispositif très contraignant sur le Rail d’Ouessant a dû obtenir l’accord de l’OMI (l'organisation maritime internationale) parce qu’il s’étendait au-delà de nos eaux territoriales : d’abord jusqu’à 15 milles de nos côtes et beaucoup plus après un élargissement décidé en 2003 : le Rail d’Ouessant est dans notre ZEE mais ça ne suffit pas pour nous permettre d’y réglementer la circulation sans l’autorisation de l’OMI.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Conven...

4. Le mardi 20 juillet 2010, 16:25 par Thibault Lamidel

Monsieur Yves Cadiou a raison, je suis allé un peu vite en besogne dans mes projections, quitte à me tromper.

Il est bien vrai que la ZEE n'est pas un domaine territorial au sens strict du terme. Mais c'est un début de quelque chose puisque ce statut donne le droit à un Etat de réglementer l'usage, la pratique de la zone, sans toutefois lui permettre d'en interdire l'accès.

Le Figaro livre un article sur la stratégie chinoise pour "territorialiser" la mer de Chine méridionale :

http://www.lefigaro.fr/internationa...

Et un article d'Ice Station Zebra qui laisse entendre que le Portugal pourrait viser une zone continu de ses côte aux Açores :

http://zebrastationpolaire.over-blo...

Le concept d'eau territoriale est très élastique. Des quelques miles de l'avant seconde guerre mondiale, les eaux américains se sont étendues jusqu'à la dorsale océanique de l'Atlantique pour nécessité de guerre. Une fois cette dernière finie, elle a retrouvé son niveau d'antan. Mais face à la course économique des grands fonds (pêche, pétrole, gaz, nodules polymétalliques), cette "nouvelle aventure coloniale" il a été décidé de créer la "ZEE" que nous décrit monsieur Cadiou au-dessus. Création dans la convention de Montego Bay sur le droit de la Mer de 1982.

La chose a été accepté de différente manière. Toutes les ZEE n'ont pas été crée, surtout en Méditerranée il me semble, et aux larges des côtes américaines. La chose est vu par certains comme un commencement de territorialisation supplémentaire de la Mer. C'est notamment le point de vue américain, l'Oncle Sam ayant essayé de rejeté cette nouveauté. C'est une crainte qui se confirme quand on observe à quoi peut servir l'outil ZEE. Par exemple, le Brésil compte défendre sa "souveraineté économique" sur son "Amazonie Bleue". Volonté qui est suivit par un formidable développement de ses moyens navals. Ou de l'exemple chinois mis ci-dessus. C'est d'ailleurs un exemple intéressant puisqu'il reprend la stratégie navale soviétique où flotte de Guerre, de Commerce et Scientifique "tire" dans la même direction stratégique. Leur développement, coordonné, sert la même cause.

Par contre, il est vrai que l'on ne sait pas encore si le Brésil souhaite remettre en cause la liberté de circulation sur les mers dans les ZEE. Ce que l'on sait, c'est qu'il existe ce triple projet Argentin/Brésilien/Chilien de faire rejoindre terre américaine et antarctique. Le principale obstacle à ce projet étant la présence de l'Angleterre via ses nombreuses îles. Présence plus que symbolique puisque ce sont les Etats-Unis qui soutiennent la liberté de circulation sur les mers. Et donc, d'où la Guerre des Malouines de 1982 d'ailleurs, et le Brésil qui soutenait et soutient l'Argentine dans son combat. Les Etats-Unis soutenant l'Angleterre (et la France ayant soutenu, de facto, tout le monde dans le conflit, c'est beau).

D'où encore une fois l'outil géopolitique qu'est la ZEE et qui est un commencement. Certains voudront le pousser à son paroxysme : territorialisation, d'autres les réduire : liberté de circulation absolue.

5. Le mardi 20 juillet 2010, 16:25 par

Nous sommes d’accord, Thibault Lamidel, lorsque vous dites que cette notion de ZEE est une appropriation sinon vraiment une territorialisation. C’est effectivement « un début de quelque chose ».

Sur le principe (c’est-à-dire vue de loin) la notion de ZEE est relativement nette mais elle devient floue lorsqu’on passe à l’application (c’est-à-dire vue de plus près). Par exemple on peut se demander si les câbles sous-marins qui se multiplient relèvent du droit de passage ou sont les installations fixes qui servent une activité économique. Je ne sais pas si la question s’est déjà posée mais sinon elle se posera.

Je suis allé voir le lien que vous indiquez vers Zebra, merci. Je crois qu’il y a une confusion assez généralement répandue entre deux notions un peu voisines mais différentes : plateau continental et ZEE. Celle-ci s’étend conventionnellement à 200 milles des côtes, quelle que soit la profondeur. La notion de plateau continental (celui-ci apparaît très bien sur google earth) est d’abord une notion géographique et non juridique : les géographes ont constaté que souvent aux abords des continents les fonds descendent jusqu’aux environs de 300 m en pente douce depuis le continent (d’où le nom de plateau, et l’adjectif continental) et que soudain vers la profondeur de 300 m un rebord très net marque la limite du plateau avant les abysses. La Mer du Nord, la Manche, la Mer Celtique, l’Adriatique sont entièrement sur le plateau continental alors que la Méditerranée, profonde de 4000 m par endroit et la Mer des Caraïbes (plus de 7000) ne peuvent pas être considérées comme « continentales ».

D’après ce que j’ai vu sur Zebra, le Portugal nomme plateau des profondeurs abyssales de 6000 m, ce qui ne convient pas si l'on se réfère aux définitions usuelles de la géographie. Du fait que la zone revendiquée par le Portugal se situe à plus de 200 milles des côtes, l’acceptation de la revendication serait un bouleversement des règles existantes, avec de nombreuses répercussions ailleurs sur la planète Mer.

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Il est probable que ce seront les progrès technologiques qui feront évoluer le droit : jusqu’à présent, aucune rentabilité ne justifiait d’exploiter des ressources minières situées sur le sol ou dans le sous-sol marin à plusieurs milliers de mètres de profondeur et c’est pourquoi le plateau continental est (était) une limite généralement acceptée.

Mais maintenant que l’on peut imaginer une exploitation minière abyssale rentable, des revendications nouvelles apparaissent. De nombreuses solutions juridiques peuvent être inventées, d’autant plus intéressantes qu’en faisant un peu de fiction futuriste l’on peut aussi imaginer que le Droit des Abysses actuellement en voie d’élaboration s’appliquera un jour (dès le XXII° siècle ?) au Droit de l’Espace. Je vous vois sourire, mais songez : en 1910, personne n’imaginait la Toile par laquelle nous communiquons en ce moment ni les satellites géostationnaires, ni comment on plongerait à dix ou onze mille mètres.

Je reviens sur notre Planète Bleue et au présent : l’immensité de la ZEE française est surtout due à la règle des 200 milles autour de nos nombreuses îles, notamment en Polynésie et dans l’Océan Indien. Sur quelques unes de ces îles, de plus en plus nombreuses à mesure qu’elles se dépeuplent, notre souveraineté pourrait être contestée comme je l'ai déjà exposé ici http://www.egeablog.net/dotclear/in...) , ce qui réduirait à chaque fois notre ZEE. Pour l’instant l’enjeu n’est pas conflictuel car il ne s’agit que de droits de pêche, non négligeables mais pas énormes. Que l’on y trouve un jour prochain des ressources minières rentables et le problème sera différent.

La « dernière expansion coloniale » dont vous parlez, cher Monsieur Kempf, est étroitement liée à la technologie du colonisateur comme toutes celles qui l’ont précédée… et comme toutes celles, inimaginables aujourd’hui, qui suivront.

6. Le mardi 20 juillet 2010, 16:25 par Thibault Lamidel

Je me faisais état de deux réflexions dans ce sujet.

La première, est-ce la dernière aventure "coloniale" (à entendre dans le sens d'appropriation de nouvelles "terres" vierges) de l'homme sur notre planète ? A moins de refaire une "vraie politique coloniale" comme on l'entend historiquement, les océans sont le terrain de jeux préféré. Peut être le dernier, l'unique. C'est presque de l'administration "secrète" puisque ces enjeux sont si discret dans notre monde de médias numérisés qui reconfigure la notion d'espace-temps. Je pense notamment aux sous-marins qui depuis le début de la guerre froide, permettent la plus grande liberté d'action puisque seuls les concernés savent ce qui se passent. Je pense notamment à tout les "incidents" entre américains et soviétiques. Ainsi qu'à la "diplomatie sous-marine" qui doit s'effectuer pour réguler les aspirations de certains, en contradiction avec les "discours médiatiques". Doit-on faire référence au sous-marin chinois ayant fait surface à deux miles d'un PA américain ?

Ce qui m'amène à ma réflexion qui rejoint celle de Yves Cadiou : les océans, dernier champs de bataille terrestre avant l'espace ? Nous avons plusieurs compétiteurs qui peuvent prétendre à rentrer dans cette course spatiale à plus ou moins long terme. Je pense aux pays des "armées du million d'hommes" : Inde, Chine, Etat-Unis, Europe et... Brésil avec le Mercosur ?

La deuxième est de savoir quand les océans vont passer "à la moulinette industrielle". Concernant les nodules polymétalliques dont certaines régions marines regorgent, un numéro de la Revue Maritime évoqué leur potentiel... Au début des années 80. Aujourd'hui les Etats surveillent le développement de cette industrie. Mais aucune mise en chantier concrète n'est faite. A voir quand le pas sera franchit...

Pour les ZEE, à voir ce que donneront cette nouvelle vague de "conquêtes". La France devrait déposer son dossier pour les Kerguelen. Il me semble que l'île est en face de nos possessions antarctiques... A voir le sud-américain, à voir comment va se réguler l'arctique. A voir la Macaronésie. Wait and see...

Par contre, pour Egea, et concernant le livre sur la géopolitique de la France, il me semble qu'il faille voir que nous sommes une des nations les plus maritimes. Notamment concernant notre BITD (et civil), "nos" marines et nos possessions outre-mer. Nous avons une grande carte à joué sur les océans. Peut être même plus que les anglais ! Il y a un début de prise de conscience à la tête de l'Etat.
Le tournant est historique puisque l'intégrité française sur le continent n'est plus menacé. Les menaces des Habsbourg et de la Prusse ont disparu. L'Europe, est de cet archipel est devenue une Mer pacifique pour les Etats qui la composent. Nous pouvons donc nous projeter plus en avant sur les océans. C'était cette menace continentale qui nous retenait. Dorénavant, elle n'existe plus. Dont acte, basculons nous sur le "sixième continent" ? J'ai noté malicieusement que si nous comptions nos troupes et matériel "à la manière américaine" (US Navy + USMC + USCG), nous avions une Marine très forte (70 000 hommes avec les Troupes de Marine et la Gendarmerie Maritime) face à l'Armée de Terre (plus que 100 000 hommes environs). Le rapport est d'autant plus fort si l'Armée de l'Air est mis dans la balance "projection de forces".

égéa : que vous êtes futé... En tout cas, le débat est intéressant. Pour la GP de la France, il s'agit effectivement d'une des pistes de réflexion.... On lira deux billets sur le sujet de cette colonisation : QUI a des droits sur l'arctique et 2009 année coloniale.

7. Le mardi 20 juillet 2010, 16:25 par

Les Kerguelen sont le point haut d’un plateau sous-marin qui s’étend jusqu’à 1600 km (environ 900 milles) en direction de l’Antarctique, c’est-à-dire beaucoup plus que la ZEE des 200 milles.
Actuellement dans notre ZEE Kerguelen, la pêche est la seule ressource exploitée : il y a là notamment un poisson qui s’appelle la légine, qui vaut extrêmement cher sur les marchés asiatiques et dont il faut éviter la surpêche.

D’après ce que j’ai entendu dire au Cercle de la Marine, la France le fait efficacement « manu militari », le cas échéant en confisquant le bateau et en expulsant l’équipage vers son pays d’origine. Tout en respectant scrupuleusement, bien entendu, les règles du Droit.

Pour l’instant il n’y a pas d’autre ressource exploitée dans cette ZEE. Mais l’on peut imaginer que l’exploitation minière du plateau situé autour des Kerguelen pourrait devenir rentable, d’autant plus que la surface de la banquise diminue comme dans l’hémisphère nord et recouvre de moins en moins ce plateau.

Aux Kerguelen comme ailleurs, la communauté internationale a un intérêt collectif à faire prendre en charge par un Etat désigné (et capable) la sécurité publique et la protection environnementale.

Ceci est vrai dans toutes les zones où se développent et se dévelloperont des activités humaines, en dépit des oppositions passéistes exprimées par les tenants de la liberté (en clair : le droit du plus fort). On n’est plus au XX° siècle et encore moins au XIX° : les zones de non-droit ne sont pas la solution d’avenir.

De ce point de vue notre revendication Kerguelen est très cousine des revendications russe, danoise et canadienne sur la dorsale Lomonosov dans l’Arctique et assez comparable à la revendication portugaise en Macaronésie dont on parle ici. La revendication portugaise toutefois ne peut pas s’appuyer sur des hauts-fonds qui n’existent pas entre le Portugal et les Açores. Par conséquent elle argumente plutôt sur la nécessité de désigner une autorité de police dans un secteur où se développeront certainement à l’avenir des activités extractives.

Les extensions de ZEE ne consistent pas à se partager les ressources qui sont désormais, aussitôt que produites et parfois avant d’être produites, mises en vente sur le marché mondial : il n'incombe plus aux Etat de désigner les clients. L’extension des ZEE consiste désormais à se partager les tâches de sécurité face aux risques conflictuels ou technologiques.

Les demandes d’extension des ZEE sont peut-être une nouvelle forme de colonisation, ce qui nous ramène à la définition de ce mot : trop souvent on le rapproche de la notion de droit d’exploitation. Pour ma part je le rapproche plutôt de la notion de devoir de protection.

8. Le mardi 20 juillet 2010, 16:25 par Thibault Lamidel

Je vous rejoins sur l'intérêt de la protection de ces zones. Mais c'est un tantinet romantique comme explication que ce manque d'opposition face au développement des ZEE. Le nerf de la guerre, c'est l'argent. Et l'argent le plus emblématique, c'est l'or noir. Et c'est bien ce dernier qui motive toutes ces extensions de ZEE. A presque tout nos exemples, il existe des recherches en énergie fossile. Par exemple, les escarmouches anglaise et argentine post-guerre des Malouines sont motivés par de possible réserve de pétrole autour de l'archipel. Ou encore, nos Kerguelen, les demandes portugaises... Tout cela pour dire que le besoin de réglementation né du besoin économique.

Et donc je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point... On est bien en présence de guerre économique. D'ailleurs, on observera un basculement de l'économie maritime. C'est prétentieux, je sais. Mais souvent, l'échange sur la Mer se résumait à la pêche et au commerce. Dorénavant, la Mer est une source de richesse "maison". On ne va plus protéger la ligne de commerce pour ramener les richesses d'autres terres que la sienne. Non, avec le développement de la prospection du pétrole sous-marin et de ces fameux nodules polymétalliques, on redécouvre l'indépendance, l'auto-suffisance (rêvé) face aux fournisseurs traditionnels. On pourrait même parler d'isolationisme ! C'est tout un basculement qui explique l'intérêt stratégique mondiale du débat américain sur le forage dans les ZEE : plus d'indépendance par des dommages à leur environnement ? Les russes ont répondu : il faudrait vraiment être bête pour se priver d'une telle richesse. Et casser ainsi le pouvoir du cartel arabique. On en parlait sur un de vos sujets monsieur Kempf, sur la catastrophe en Louisianne.

Pour pousser le raisonnement plus loin, on pourrait dire qu'on va peut être vers la recréation d'Empire, style XIXe, avec économie fermé au monde, aux échanges grâce à l'exploitation des mers. Bien sûr, ils ne seront pas tellement fermé. Mais cette modélisation me paraît bien conceptualiser la chose.

Par contre, je me demande si on ne perd pas notre rang sur la Mer. Le décret créant la "fonction garde-côtes" est paru. Espérons que ce soit un simple changement de nom de l'Action de l'Etat en Mer. Et que cela revient à organiser un "GIR maritime". Mais c'est tout de même une défaite intellectuelle. Et par là, je doute de la place de notre Marine dans notre société. S'il suffit de copier... La France cède donc au mouvement... Garde-côtes. Nous avions notre modèle qui, bien que complexe, marchait. Maintenant, nous avons un sophisme : nous faisons à l'américaine. C'est génial. Mais, pour rester dans le tempo, j'ai déjà acheté mon pop-corn en attendant le moment où l'on découvrira qu'à défaut de résoudre la problématique des moyens, on a simplement changer la méthode... D'ailleurs, cela ne vous rappelle pas un grec antique ? Dites moi quel peuple, je vous rédigerez sa constitution ! Ah, quand il faudra affecter des moyens à cette fonction, qu'il faudra organiser cette "troisième flotte" avec les deux autres, il faudra bien changer encore de méthode. Et on découvrira que tout ne se copie pas.

D'ailleurs, est-ce allé contre l'esprit inter-armes de créer un service administratif spécifique à l'Action de l'Etat en Mer plutôt que de tout confier la direction de l'intervention en mers françaises à une seule autorité, la Marine ?

9. Le mardi 20 juillet 2010, 16:25 par AH

Depuis quelques jours je suis avec intérêt ce débat entre Thibault Lamidel et yves cadiou...
Je me rejouis qu'une question maritime puisse faire l'objet de longs débats sur ce site. Le fait maritime doit effectivement avoir une place digne de l'importance de ses enjeux...
Permetez-moi de rectifier quelques imprécisions :
- il ne s'agit pas d'extension de ZEE, mais de l'extension du plateau continental ; vous trouverez sur le site officiel "Extraplac" http://www.extraplac.fr/index.php tous les éléments nécessaires à la compréhension du programme français d'extension du plateau continental ; pour faire simple, à la différence de la ZEE, cette extension donne uniquement des droits sur le sol et sous-sol de la mer, et non plus sur la "colonne d'eau" et notamment les ressources halieutiques.
- sur la "fonction garde-côtes", il y a beaucoup à dire : il s'agit déjà d'une "fonction" et non pas d'une "nouvelle flotte" ; les synergies permises par l'AEM sont donc conservées ; la coordination des moyens inter-administrations est renforcée, notamment à l'aide de la création d'un comité directeur et de celle, prochaine, d'un centre oérationnel...
- on utilise le terme "inter-armes" en interne armée de terre ; le terme "interarmées" pour parler des relations entre les armées ; pour la fonction garde-côtes on parle d'inter-administrations ou inter-ministériel...
D'ailleurs la direction de l'intervention en mer n'est pas confiée à la marine nationale, mais à un préfet maritime en métropole et à délégué du gouvernement (haut-fonctionnaire de l'état) outre-mer. Il se trouve effectivement que ce préfet maritime est un officier de marine, mais sous cette casquette "civile", il exerce des attributions de "préfet" !

En complément, j'aimerais signaler la parution du dernier livre de M. Hervé Coutau-Begarie, Le meilleur des ambassadeurs, qui traite de diplomatie navale pour laquelle la France se place au 2ème rang mondial derrière les USA...

10. Le mardi 20 juillet 2010, 16:25 par Thibault Lamidel

Je suis tout à fait d'accord avec AH sur les lacunes de mon discours et mon manque de rigueur. Je vais essayer d'étudier "à fond" les subtilités de la notion "ZEE" grâce à vous deux.

Concernant l'AEM, je plaide le manque de rigueur sur l'inter-armes et interarmisation. Je ne distingue pas la création d'une nouvelle flotte. Mais la consécration d'une flotte existante, consacré à cet ensemble de missions (protection ZEE), à côté de la flotte "logistique" ou deuxième flotte dans son sens très large. Et de la première, la flotte de guerre. Je conçois que ce classement puisse être très personnel.
Je plaide pour notre système sous la coordination d'un préfet maritime. Tout comme je plaide pour une autre évolution : confier tout les moyens maritimes à la Marine Nationale. Ce qui impliquerait de déposséder Douanes, Affaires Maritimes, etc... J'invite les curieux à s'intéresser à la nomenclature de la "flotte française" établi par Netmarine. En 2008, on a pas loin de 150 "patrouilleurs" de toutes sortes.

Par contre, je redis que la fonction garde-côtes ne remplacera pas le manque de moyen : par exemple, un nouveau nom de fera pas apparaître des patrouilleurs hauturiers et des moyens de surveillances. Ce que je crains, c'est la raison d'avoir appelé cela "garde-côtes". Notre modèle n'était pas à plaindre. Et dans le "camp occidental" nous assistons un alignement systématique de "garde-côtisation". Dans mes cours d'économies, on m'affirmait pourtant qu'il faut des éléments hétérodoxes dans un système..

J'ai hâte de lire le dernier de Coutau-Bégarie, je ferai le siègle de ma BU pour qu'il soit commandé...

11. Le mardi 20 juillet 2010, 16:25 par yves cadiou

Dans les deux commentaires ci-dessus (AH et TL), plusieurs données intéressantes et nouvelles pour moi. On m’excusera de les prendre dans le désordre et de ne pas toutes les traiter. La différence entre ZEE (pêche) et plateau continental (sol et sous-sol) est certainement opportune mais l’on peut imaginer des difficultés d’application (quid du ramassage des crabes ?). Tous ces problèmes de cas limites sont déjà complexes lorsqu’on est entre nous, entre administrations françaises qui ne demandent qu’à s’entendre, mais si l’on y ajoute les rivalités économiques et le cas échéant de la mauvaise foi, ça devient extrêmement difficile et l’on risque de s’y perdre.

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Deux exemples pour illustrer la complexité qui précède et l’importance de trouver des solutions pragmatiques :

1 / il est vrai que l’Amiral à Brest occupe une fonction civile. Mais tout le monde (moi aussi) considère que ce dispositif est judicieux à cause de l’île Longue et de ses approches : par exemple il est de notoriété publique dans les parages que c’est à cause des multiples capteurs placés sur le fond à la sortie du Goulet de Brest que la pêche aux coquilles Saint-Jacques est interdite entre Camaret et Le Trez-Hir.

Partout ailleurs sur nos côtes, la surveillance et le sauvetage sont coordonnés par les CROSS qui sont des établissements militaires dans la tradition des sémaphores. Lorsque c’est nécessaire à une opération de sauvetage (sauvetage des personnes, à différencier de la simple assistance) ils ont autorité, sous réserve de certaines conditions liées aux circonstances, sur les moyens de l’Etat en mer ainsi que sur les moyens civils et privés qui passent par là, bateaux comme avions (Monsieur Kempf, vous pouvez être réquisitionné avec votre voilier : n’oubliez pas de veiller le canal 16 à la radio du bord). Ce dispositif est judicieux aussi parce que ce sont le plus souvent des moyens militaires qui surveillent le rail d’Ouessant. A cet égard l’on peut observer que le remorqueur de haute-mer « Abeille-Bourbon », naguère « Abeille-Flandres » popularisé par la télé sous le nom « Abeille d’Ouessant », est un parfait exemple de sous-traitance à une compagnie privée de tâches qui incombent à l’Etat (et en l’occurrence à l’Armée de Mer) pour la part de la mission qui ne comportera jamais l’usage des armes.

2 / complexité encore, et importance de trouver des solutions pragmatiques : voici un petit souvenir personnel. Je fus pendant quelques années directeur de la protection civile à la préfecture du Morbihan. Je devais donc me coordonner avec le CROSS Etel pour deux motifs : parce que d’une part un accident de personnes en mer (par ex. incendie sur un bateau) se termine toujours par un recueil plus ou moins volumineux à terre ; parce que d’autre part la surveillance des plages, jusqu’à trois cents mètres en mer devant la plage, incombe aux autorités territoriales (terrestres). Nous avions donc, théoriquement, un problème de limites et d’interface. Surtout dans ce pays où la limite est très fluctuante.

Un jour où l’on n’avait pas d’urgence et avant que le problème ne se pose « à chaud », j’ai demandé au directeur du CROSS où il plaçait la limite entre la terre et la mer. Il m’a fait une réponse qui m’a parfaitement convenu : « la terre, c’est où on peut aller à pied, la mer c’est où il faut une embarcation pour y aller». J’ajoute (car l’on peut toujours trouver des cas qui échappent aux principes simples) que pour les endroits où l’on ne peut aller ni à pied ni en bateau (les vasières, les côtes escarpées) les secours y vont en hélicoptère, celui-ci aux ordres de l’autorité terrestre ou maritime qui a commencé le sauvetage.

Je ne vous parle que du sauvetage, mais théoriquement la complexité augmente pour le partage des tâches administratives dans la bande côtière : le contrôle technique des navires à passagers s’apparente à celui des établissements recevant du public ; les ostréiculteurs et mytiliculteurs disposent de concessions dont ils ne sont pas propriétaires sur le domaine maritime : ils sont propriétaires des installations mais non de l’emplacement. La Préfecture Maritime de Brest a diffusé pour toutes les administrations concernées un document aussi clair que possible sur ce sujet du partage des tâches, secteurs et responsabilités. Il est consultable (et copiable à vos frais) dans ces administrations si ça vous intéresse.

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Nous voici assez loin de la Macaronésie, mais la connaissance des règles nationales, complexes mais finalement assez bien conçues, est une base indispensable (ou du moins utile) pour s’aventurer sans trop de risque de s’égarer dans une réglementation internationale mouvante, en évolution.

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