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L'Islande d'Yves Cadiou

La publicité a quand même de grands mérites, forcément insoupçonnés. Or donc, grâce à la pub d'égéa, Yves Cadiou part en Islande. Il nous promet au retour un billet, mais comme on fait tout voyage trois fois (une fois avant pour en rêver, une fois pendant, le plus bête, et une fois après pour en parler), voici déjà le voyage d'avant qui nous rappelle que géographiquement, l'Islande est la tête émergée non de l'iceberg (qu'allez-vous croire ?) mais du rift transatlantique, celui qui sépare l'Atlantique en deux et éloigne sans fin l'Europe de l'Amérique : je ne doute pas que c'est ce symbolisme géopolitique qui attire Yves.

Je ne saurai trop lui conseiller de prendre des tonnes de citronnelle, car il y a plein de moustiques, en Islande :il paraît même qu'il y en a plus que de dettes, c'est dire s'ils sont nombreux.

Tout ceci nous rappelle que la géopolitique, c'est d'abord de la géographie, et donc des voyages. Au fait, avez-vous acheté le hors série de cette semaine du nouvel Obs, sur les grands récits de voyages : Marco Polo, Christophe Colomb, A David-Neel, René Caillé, entre autres... un fond de bibliothèque qu'un géopolitologue amateur se doit de posséder. Vous n'imaginez pas l'importance géopolitique du "devisement du monde" de Marco Polo. Un texte de voyage, source de rêve, motivant tous les aventuriers à contourner ce monopole de la route de la soie, et paf, un nouveau monde.... Comme quoi, la littérature voyagère d'Yves nos ramène à notre sujet...avec ou sans blonde !

réf : billet sur l'Islande et l'UE O. Kempf

On va sortir du sujet, tant pis : amis d’égeablog, je vous prends tous à témoins parce que vous avez vu. Aussitôt que j’ai dit à Olivier Kempf qu’en cliquant sur une de ses pubs j’ai trouvé un vol vers l’Islande à un prix abordable, il m’a taxé : « mais alors, vous pourrez me faire un article sur l’Islande, pour mon blog ? » Ce n’était même pas une question, c’était l’expression d’une certitude. Avec le stylo sous la gorge, je ne pouvais pas refuser. Alors j’ai dit « bon d’accord, OK ! ».

Ce qui m’embête, ce n’est certes pas d’écrire au retour un article, j’aime beaucoup écrire. Non : ce qui m’embête, c’est qu’il va être déçu parce que je ne suis pas vraiment géopolitologue. Si je fais volontiers de la sociologie niveau café du commerce, je ne suis pas vraiment un analyste des relations internationales. Vous voilà prévenus. Et me voilà, j'espère, pardonné.

Pour parler d’Islande je vais procéder en deux temps. Le mieux à faire est de commencer à écrire avant de partir, d’expliquer sans l’avoir vue pourquoi l’Islande m’intéresse, à peu près les mêmes motifs pour lesquels, j’en suis sûr, elle vous intéresse tous. On verra ensuite ce qu’il en sera quand j’aurai fait connaissance.

Ce pays m’intéresse au point d’accepter pour le voir de me taper quelques corvées qui n’ont même plus l’attrait de la nouveauté pour moi : les heures d’avion, plus la valise à faire et à défaire, le train pour aller à Roissy en traînant ladite valise, au guichet d’icelandair l’enregistrement de la brosse à dents (je veux dire « mes bagages », ce qu’il y a dedans ne vous regarde pas… à ce propos, on verra comment sont les contrôles islandais, sûrement pas pires que leurs homologues états-uniens pour qui le monde est peuplé de terroristes), l’attente avant l’embarquement, et au retour bis repetita.

Ce cérémonial voyageux, devenu presque habitude parce que naguère j’ai beaucoup voyagé, ne devrait plus m’ennuyer mais ça m’ennuie pourtant. En plus des vrais voyages j’ai aussi un peu essayé, ce fut un temps dans le sillage d’une blonde dont la peau sentait bon, de faire partie de ces gens qui croient voyager quand ils vont bronzer à la piscine en prenant l’avion. Des séjours d’une semaine de sieste entre deux avions, certains clients appellent ça voyager. Dans ces conditions rien, ou presque rien, ne différencie Zanzibar de Marie-Galante, de Bodrum, de Djerba. J’ai laissé tomber ce genre de voyage répétitif et laissé tomber, bien que sa peau fût douce, cette vraie blonde qui n’imaginait pas voyager autrement. Ceci pour vous dire à quel point l’Islande m’intéresse en vous précisant que ma motivation essentielle n’est pas (pas seulement) le charme des Islandaises qui sont des Vikings, une origine que leur drapeau scandinave revendique ostensiblement.

L’Islande d’abord pour moi depuis longtemps, c’est l’angoisse de mes lectures d’ado, le naufrage du « Pourquoi-pas ? » avec Charcot et la majeure partie de son équipage, par mauvais temps à la sortie d’un port imprononçable, en panne de chaudière à cause d’une mauvaise tourbe qui chauffe mal. Charcot, avant de couler dans la nuit (je ne sais pas si c’est la nuit mais c’est l’imaginaire que j’en ai gardé), ouvre la cage de son oiseau de compagnie pour lui laisser une dernière chance. L’oiseau accepte de s’envoler dans la tempête. Cet oiseau sédentaire, on doute qu’il s’en soit tiré mais il n’y avait plus rien d’autre à faire.

Par-dessus cette image sombre, l’Islande est ensuite un sommet. Je vous prie par avance d’excuser le simplisme des explications « scientifiques » qui vont suivre, je ne suis pas compétent pour faire mieux. L’Islande est un sommet non parce que nos cartes sont orientées avec le nord en haut, mais bien le sommet d’une chaîne de montagnes volcaniques, la dorsale médio-atlantique que vous connaissez tous. D’autres sommets de cette dorsale émergent, Jan Mayen, les Açores, Ascension, mais le sommet islandais nous rappelle opportunément que la planète dite « bleue » sur laquelle nous vivons est surtout une boule de métal en fusion recouverte d’une fine croûte, solide mais qui présente quelques points faibles.

le rift islandais

Sous l’Islande existe un « point chaud », comme sous l’Auvergne et autres lieux volcaniques. Le couvercle auvergnat étant moins fissuré que le couvercle islandais je ferais peut-être mieux d’aller à Saint-Flour, ou à Chaudesaigues dont les sources sont à 82°. Non : l’Auvergne vaut le voyage mais je connais déjà. Sous nos pieds, cette boule de métal en fusion peut certes nous inquiéter mais il faut surtout se souvenir qu’elle est génératrice d’un phénomène grâce auquel notre vie à la surface de la Terre est possible : ce métal fondu et mouvant induit le champ magnétique terrestre qui absorbe (ou qui dévie, je ne sais pas) la radio-activité solaire. Le Soleil est une énorme bombe H qui n’en finit pas d’exploser. Cette bombe crache continuellement dans l’espace une radio-activité mortelle à laquelle heureusement nous échappons grâce au champ magnétique à 60 kkm au-dessus de nos têtes (les « ceintures de Van Allen »).

Une récente hypothèse attribue la disparition des dinosaures à un arrêt temporaire du champ magnétique terrestre. On est tenté de dire « Dieu merci » parce qu’avec ces bêtes monstrueuses qui bouffaient tout, nous ne serions pas ici. L’Islande, avec son volcanisme à fleur de peau, nous rappelle ce miracle. Par conséquent on ne lui en veut pas de charger l’air, de temps en temps, avec de la poussière qui gêne nos avions. Les dinosaures disparus, la vie sur Terre a pu reprendre à partir de petits mammifères qui, vivant dans des terriers, avaient été protégés. Ou peut-être à partir de mammifères marins, eux aussi protégés, devenus ensuite terrestres. Puis l’Evolution s’est faite peu à peu, produisant enfin après quelques dizaines de millions d’années de progrès génétiques celui que l’on attendait tous, la perfection de la Création, le roi du monde, j’ai nommé : l’Homme ! Tsa-tsoin-in... (tonnerre d’applaudissements).

« Je suis navrée de vous contredire, monsieur. L’homme n’est pas le sommet de la création. Voyez, j’ai là un document irréfutable : la Genèse. L’homme ne fut créé que le cinquième jour. Le sommet de la création, c’est la Femme parce qu’elle fut, et elle seule, créée le sixième et dernier jour

  • Ah…? Je… euh… oui, vous avez raison Madame, excusez-moi, j’ai été inattentif pendant un instant.
  • Un instant qui dure depuis cinq mille ans. Mais il faut réviser vos vieux préjugés, monsieur : maintenant on est au Troisième Millénaire, depuis dix ans.
  • Pas tout à fait : dix ans dans un mois seulement. » Ouf, j’ai eu le dernier mot. Mais de justesse.

L’Islande, c’est aussi l’île de Calypso si l’on en croit l’Odyssée. Je devine que je ne suis pas au bout de mes surprises. Je vous raconterai. Si j’en reviens, de mes surprises.

Ah et puis pour recentrer en finale sur l’objet de ce blog : le volcanisme islandais s’explique parce que l’île est située à la jonction (ou à la séparation) de la plaque américaine et de la plaque eurasiatique. Tout un symbole.

A suivre.

Yves Cadiou

Commentaires

1. Le dimanche 14 novembre 2010, 16:01 par Françoise

On peut dire aussi , Monsieur, que les plaques américaine et européennes s'expliquent grâce au rift qui les joint .
Je peux vous renseigner sur deux points au moins : c'est le beau pays des grands espaces, qui mérite que l'on y voyage à pied -je l'ai fait un peu - mais où il est difficile de le faire . Une petite île (tout est relatif mais bon) qui enferme de grandes distances. Et , autre bonne nouvelle : il n'y a pas de moustiques (ils ne tiennent pas dans le vent ) mais des sortes de moucherons nombreux autour des lacs (nombreux), mais pas en ce moment bien sûr . Et ils ne piquent même pas - moi aussi on m'a fait peur avec cela , j'ai eu l'air fin avec mon équipement anti-guerilla qui plombait mon sac à dos... quel beau voyage, et comment les Islandais ont-ils bien pu faire pour survivre des siècles, il n'y a strictement rien à manger ? hormis les moutons les macareux les baleines le requin fermenté, encore faut-il attendre qu'il fermente . Même les lapins n'y survivent presque pas.
Enfin elles sont des viking(ue)s certes , mais on dit que des esclaves celtes y ont laissé leurs gènes aussi. Je n'ai pas trouvé de sources sérieuses le confirmant.
Bon voyage.

2. Le dimanche 14 novembre 2010, 16:01 par Antoine

Pour les esclaves celtes, c'est exact car les Hommes du Nord (Norvégiens essentiellement) qui colonisèrent l'Islande passaient d'abord "visiter" l'Irlande quelques temps, parfois plusieurs années. On raconte également que des moines/ermites irlandais s'étaient installés en Islande et que les Normands auraient par conséquent suivi leur exemple.

3. Le dimanche 14 novembre 2010, 16:01 par Pierre AGERON

" de faire partie de ces gens qui croient voyager quand ils vont bronzer à la piscine en prenant l’avion. Des séjours d’une semaine de sieste entre deux avions, certains clients appellent ça voyager. Dans ces conditions rien, ou presque rien, ne différencie Zanzibar de Marie-Galante, de Bodrum, de Djerba. J’ai laissé tomber ce genre de voyage répétitif"

Cher Y. Cadiou,
Vos propos ci-dessus me font penser que la lecture de J.D. Urbain "L'idiot du voyage" est encore à conseiller. Ou comment le mythe de l'authenticité contre le voyage de masse est devenu l'alpha et l'oméga des opérateurs touristiques.
In fine, on constate un "cycle du produit" (Vernon) touristique.
1)Des pionniers lancent une mode,
2) des industriels s'y intéressent, organisent la massification hôtelière ou la pénurie selon la cible visée (cf. tourisme pour classe aisée à Maurice par ex.)
3)Soit le produit se banalise et fait partie des fondements économiques de la contrée, soit la massification ne prend pas et abandon, d'où recherche d'une nouvelle destination.

Cf. également S. Brunel et "la planète disneylandisée" ou les travaux de R. Knafou et du MIT à paris VII.

L'Islande est un cas particulier. C'est à la fois une destination mineure en termes de flux total mais un haut-lieu ("hot-spot") du trek-randonée, une destination installée depuis longtemps chez de nombreux opérateurs. En un sens la massification a bien lieu mais un segment du marché particulier mais en expansion (cf la multitude de site web sur le tourisme en Islande sur http://www.icetourist.is/)

A mon humble avis donc, l'originalité en matière touristique est difficile à défendre. Un avis contradictoire est bien sûr le bienvenu.

égéa : depuis l'invention  du mot tourisme, à la suite du grand tour des Anglais au XVIII° siècle, le tourisme a toujours été une affaire de mode. Mais aussi, d'une certaine façon, une affaire de curiosité. Certains privilégient la mode, d'autres la curiosité. De toute façon, un site n'existe pas en soi, mais dans le regard de celui qui l'observe.

Pierre, il faut absolument que vous veniez parler de la géopolitique des voyages.....

4. Le dimanche 14 novembre 2010, 16:01 par

Parlons voyage alors, après que le Maître du blog nous a rappelé que « la géopolitique, c'est d'abord de la géographie, et donc des voyages ».

@ Françoise

J’imaginais les millions de moustiques islandais qui m’attendaient, annoncés par Olivier Kempf. Des hordes sauvages quoiqu’éphémères, assoiffées de mon sang savoureux finement enrichi aux bons vins de France, affûtaient déjà leurs aiguillons en ricanant. Je vous remercie de m’avoir rassuré. Avant un voyage, la gestion des rumeurs est l’un des agréments préparatoires : il y a toujours une histoire de Dahut quelque part, mais aussi des vrais risques dont il faut faire le tri. Quelques exemples de tri à faire :

La Guyane française est un pays que je vous engage sincèrement à connaître, sans vous arrêter à la plaisanterie qui va suivre : il faut se méfier des nombreux serpents. Effectivement, il y a des serpents (utiles, d’ailleurs, parce qu’ils dératisent) mais il faut surtout se méfier de la sauce fort pimentée avec laquelle les Guyanaises accommodent la viande de serpent : ça arrache. Se méfier aussi des caïmans, pour le même motif.

Ces anecdotes, et tant d’autres, ne doivent pas nous cacher qu’il existe dans certains pays des dangers parfois inattendus qui sont réels : les mancenilliers aux Antilles, ça c’est vrai mais ces arbres qui dégouttent d’acide sous la pluie sont signalés par une bande de peinture rouge autour du tronc.

En réalité le danger le plus répandu sur la planète, c’est l’insécurité routière, inversement proportionnelle au PIB / hab (c’est une évaluation pifométrique et personnelle). Aggravée par l’inorganisation, elle aussi inversement proportionnelle au PIB / hab, des services de secours et par l’éventuelle hospitalisation qui est une certitude de maladies nosocomiales.

Et j’ajoute, pendant que je suis dans la poésie : dans les pays à faible PIB / hab l’autopsie obligatoire avant rapatriement du corps en cercueil plombé, ça permet au personnel local de récupérer discrètement les dents en or dont le mort n’a plus besoin et qui seraient, de toute façon, perdues. Il n’y a pas de petit profit.

Le touriste réputé « riche » ne voit jamais la réalité des pays qu’il regarde. On ne lui montre que des vitrines. A cause de notre propension à donner des leçons et à édicter des principes universels, nous ne voyons que ce qui nous est présentable. Bien entendu, certains voyagistes vendent des voyages dits « authentiques ». Ce que je sais de ces voyages prétendus « authentiques » ne me permet pas de croire à leur authenticité.

@Pierre Ageron

Ci-dessus, avec cette authenticité trop facilement factice, j’ai commencé à vous répondre. La semaine de piscine n’a pas que des défauts : c’est une façon de se retrouver en couple ou en famille, après une opex par exemple. On n’a pas toujours envie de parcourir le Hoggar en 4x4.

Mais comme le dit OK il y a effectivement matière à une géopolitique du tourisme. Non seulement concernant la sociologie des voyageurs et leur relation, toujours un peu fausse parce qu’on achète et vend du rêve, avec les voyagistes. Mais aussi et surtout l’impact du tourisme sur les pays visités. Il s’agit de relations internationales au plein sens du mot et non pas de relations interétatiques.

Nous autres Bretons, nous connaissons bien les méfaits du tourisme : c’est d’abord ces gens très sûrs d'eux qui nous prennent pour des ploucs mais qui ne savent pas différencier une mouette d’un goéland (comme si vous terrien, vous confondiez un merle et une corneille) ; c’est ensuite des gens qui s’entichent d’un pays qu’ils ne connaissent pas et font construire des villas ou implantent des préfabs. Ces constructions ne sont ouvertes que pendant quelques semaines d’été, puis quelques jours à mesure que les étés passent, puis laissées à l’abandon et enfin en déshérence. Je ne cite pas les noms de ces villégiatures-fantômes aux paysages détruits par des touristes inconséquents. Même dégâts avec les marinas pleines de voiliers qui sortent, au mieux, seulement quelques jours par an et au moteur.
Cet exemple breton, on peut l’étendre aux Antilles pour ce qui concerne les relations avec les résidents permanents. Mon exemple breton me permet d’affirmer qu’il ne faut pas céder aux explications trop faciles pour expliquer les tensions : racisme, dit-on trop souvent au sujet des Antilles. C’est faux.
La sociologie du tourisme, ça fait effectivement partie des relations internationales au vrai sens du mot. Mes exemples ci-dessus me permettent de répéter que le même phénomène se produit entre le nord et le sud de la Méditerranée où, là aussi, l’on entend souvent des affirmations trop faciles pour expliquer les tensions : on rattache abusivement au « choc des civilisations » le dédain de populations, les jeunes surtout, qui ne veulent pas ressembler à leurs visiteurs antipathiques. A Djerba ou Agadir, Séraphin Lampion n’est pas plus apprécié qu’en Bretagne ou aux Antilles. « La géopolitique, c'est d'abord de la géographie, et donc des voyages ». Et c’est aussi des voyageurs dont il faut observer le comportement.

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