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La résilience dans l’antiterrorisme

Voici un petit livre, publié par un éditeur novateur et courageux, qui mérite absolument votre intérêt.

La résilience dans l’antiterrorisme, par Joseph Henrotin, Editions L’esprit du livre, Mars 2010

Le mot de « résilience » est très à la mode : développé par le psychiatre Boris Cyrulnik, il a rencontré la faveur des journalistes et des intellectuels, au point que les Britanniques l’ont inséré dans leur doctrine en 2003. La France ne pouvait rester en retard d’une mode, et la résilience est donc entrée en grande pompe dans notre arsenal conceptuel puisque la résilience est promue par le Livre Blanc. Comme je suis un indécrottable sceptique et que je n’ai aucune honte à dire quand je n’y comprends rien, je suis toujours resté distant envers ce qui m’apparaissait comme un truc de communicant. D’ailleurs, j’observe que deux ans après, malgré quelques articles pompeux mais embarrassés de certains qui voulaient être à la pointe de l’innovation intellectuelle, on en reste là.

C’est pourquoi j’ai lu avec le plus grand intérêt le dernier ouvrage de Joseph Henrotin, qui est quelqu’un de ...

...sérieux, et qui publie dans une petite maison d’édition qui se lance dans les ouvrages de stratégie et qu’il faut encourager. Je constate d’emblée qu’il restreint la résilience à l’antiterrorisme, ce qui allait probablement de soi mais méritait d’être dit : la résilience serait donc la réponse à une attaque terroriste. On comprend l’innovation en 2003, voyons ce qu’elle donne quelques années plus tard, alors que la menace terroriste s’est sinon apaisée, du moins relativisée.

Son livre est divisé en quatre parties : « les sociétés du risque face au terrorisme », « la résilience dans la défense », « la conduite de la résilience : facteurs et acteurs » et « développer les résiliences ».

Dès l’introduction, J. Henrotin rend compte de la confusion et la complexité du mot (« capacité d’une société donnée à encaisser les conséquences d’une crise majeure » selon la définition britannique, plus acceptable que la définition du LB : « volonté et capacité d’un pays, de la société et des pouvoirs publics à résister aux conséquences d’événements graves, puis à rétablir rapidement leur fonctionnement normal, à tout le moins dans des conditions acceptables »), pour affirmer que « le concept est donc dynamique, il l’est d’autant plus qu’il constitue une forme de stratégie » (p. 12).

Le premier chapitre décrit le terrorisme comme mode de guerre, et la disproportion entre les effets physiques et les effets psychologiques, puis il s’attarde sur l’objectif de disruption des sociétés techniciennes, quand l’événement terroriste réussit à dépasser le seuil de tolérance et se transforme en « crise », caractérisée comme le moment où « les capacités du système à prendre en charge l’événement, à le réguler, sont débordées » (p. 26) (on appréciera au passage cette définition de la crise, mot si souvent employé qu’il ne signifie plus rien d’opératoire). Dès lors, la disruption entraîne un certain nombre de risques liés à l’organisation de nos sociétés, et notamment tous les réseaux : informatiques, électriques, d’adduction d’eau potable, de fluide énergétiques, … Toutefois, la disruption générale reste difficile à obtenir (p. 32), et l’auteur rappelle que les stratégies destinées à « casser » le moral des populations au cours de la seconde guerre mondiale ont toutes échoué.

Le chapitre II expose tout d’abord les formes de la lutte anti-terroriste (coopération, prévention, interdiction, rétorsion). La question se transforme alors : qu’est-ce que le pouvoir politique (ou les populations) est-il prêt à accepter ? C’est poser la question du niveau de perte acceptable (qui renvoie, comme le note J. Henrotin, à la notion de zéro mort ou de moindre mort). « La tolérance aux pertes est fondamentalement bien plus à nuancer que ce que l’on pensait dans les années 1990 » et « c’est d’abord au niveau des décideurs et des médias que se produit la construction de la problématique de la perception des pertes » (p. 40).

L’auteur évoque ensuite la résilience dans l’architecture antiterroriste, aux côtés du politique, du droit, des services de renseignement, des systèmes de sécurité et de défense, etc. Il note que la société réseau (il aurait dû dire réticulaire) « offre des facteurs d’efficience » : « la résilience spontanée est une composante des systèmes de secours » (p. 46). Une stratégie antiterroriste ne peut se limiter à l’essentiel : chercher à empêcher des attentats, mais elle doit aussi trouver d’autres champs. C’est là où la résilience produit ses effets, puisqu’elle constitue un discours stratégique (on notera le parallélisme des formes avec la dissuasion nucléaire, elle aussi discursive). Il s’agit en effet d’affirmer : « si vous frappez, vous ne produirez pas les effets escomptés, votre action sera inutile » (p. 49).

L’auteur s’attache alors au rôle de la surprise : « une bonne partie du choc causé par les attentats, que ce soit au niveau des sociétés ou des individus, et qui est l’une des causes des risques de disruption, provient de l’effet de surprise causé par l’attaque » (p. 51). Je note qu’il s’agit là d’une loi générale, valable en guerre classique comme irrégulière et antiterroriste : ici, la surprise pèse non sur le décideur militaire mais sur son commanditaire civil. Les bombardements de Londres en 1917 ont causé bien plus de panique que ceux de 1940, pourtant bien plus violents, massifs et destructeurs : mais alors, Churchill avait promis du sang et des larmes, les Londoniens n’ont donc pas été surpris, et le moral a, incroyablement, tenu. « La résilience britannique a tendu à augmenter » (p. 52). L’information joue donc un rôle déterminant, puisque c’est elle qui affaiblit la surprise, essentielle à l’action terroriste.

Joseph Henrotin consacre ensuite son troisième chapitre aux facteurs et surtout aux acteurs. Il évoque le couplage « acceptation/relativisation » qui doit éviter de surestimer la menace, pour éviter la paranoïa tendancielle de « nos sociétés de la peur, obsédées par l’élimination de l’incertitude et qui tendent à paramétrer des variables qui ne peuvent l’être » (p. 68). « La logique sécuritaire tend à éliminer toute source potentielle de risques de nos quotidiens, que ce risque soit médical, alimentaire, hygiénique, routier, aéronautique, militaire, social, éducationnel (sic) climatique ou autre (…). C’est, évidemment, l’illusion ultime de la modernité, peut-être le dernier feu de l’âge des Lumières et certainement la dernière poussée du positivisme » (p. 70).

Pour développer les résiliences (chapitre 4), l’auteur insiste sur le rôle des médias et de l’éducation. L’action des premiers est complexe et fréquemment ambiguë (p. 84), car cela pose « la question de la manipulation de l’information dans un contexte de résilience construite » (p. 87). Mais il faut faire attention : « bien souvent, ce que l’on nomme l’opinion publique n’est rien d’autre que les médias » (p. 89). Dès lors, l’auteur suggère une évolution de la trinité clausewitzienne, où les trois pôles seraient le gouvernement, les institutions de sécurité, et l’ensemble « population et médias » : « plus ils se rapprochent, plus le degré de résilience d’une entité donnée est important » (p. 90). Quant à l’enseignement, l’auteur remarque que « la résilience construite est une des formes stratégiques ayant le moins d’impact budgétaire (…). Or, la sécurité ne s’achète pas mais elle se conçoit et se perçoit » (p. 100).

Dans sa conclusion, J. Henrotin admet d’emblée : « le concept est imparfait ». Il revient donc sur la notion traditionnelle de moral : « si elle peut rejoindre la notion de moral, la résilience la précède » (p. 103). Parmi les défauts, « le rôle des cultures mériterait une attention plus soutenue », et « le concept de résilience implique une acceptation du risque (ou de la menace) qui peut sembler relever, du moins a priori, d’une certaine passivité alors que la sécurisation d’infrastructures est active ». Mais pour lui, c’est un champ de recherche qui est ouvert et qu’il s’agit de cultiver.

En conclusion, j’avouerai que je sors moins sceptique de ma lecture sinon convaincu par le concept de résilience. Je note que cette résilience s’attache à la « sécurité intérieure », qu’elle paraît contingente puisqu’adaptée au risque terroriste. Celui-ci constitua une « surprise stratégique » (autre invention du LB, d’ailleurs notée par J. Henrotin). Il paraît peu probable que nous soyons encore « surpris » par cette forme d’action. Pour autant, la résilience n’est-elle qu’un feu de paille ? Non, si l’on considère nos sociétés sous leur caractéristique d’être très organisées et réticulaires, cette complexité emportant avec elle des risques systémiques. En cela, ce livre nous permet d’élargir notre compréhension stratégique et il mérite d’être lu avec attention.

Référence : La résilience dans l’antiterrorisme, par Joseph Henrotin, Editions L’esprit du livre, Mars 2010

O. Kempf

Commentaires

1. Le lundi 15 novembre 2010, 18:46 par Christophe Richard

Bonjour, merci de cette présentation qui va aider le père Noël à remplir mes petits souliers.
J'avais "loupé" le livre l'an dernier lors de sa sortie, c'est manifestement une faute.
Je note au passage avec beaucoup d'intérêt la recomposition de la trilogie clausewitzienne, qui vient préciser la "disparition" du peuple évoquée par Jean Pierre Gambotti dans un article publié récemment sur le site de la RDN.

Bien cordialement

2. Le lundi 15 novembre 2010, 18:46 par

Bonjour. Cette rapide présentation montre bien l'inanité du concept de résilience, qui suppose d'une part une défaite préalablement acceptée, d'autre part des moyens pour faire du nation-building à la maison, alors que les armées de l'OTAN ne sont même pas capables de le faire au Kosovo ou en Afghanistan. Comme le Livre Blanc, c'est vraiment du temps perdu.

Ce type de nouveau concept soulève néanmoins une question essentielle : il ne peut tenir la route que si, effectivement, la notion de nation, disons de peuple, est évacuée du modèle. Soit qu'on ne s'en occupe plus, soit qu'on le traite comme un débile, un enfant. Or l'histoire a montré que les opinions et les nations ont les reins bien plus solides que leurs dirigeants, et gardent leur nerf là où les élites autrefois élues craquent. Pour un Churchill ou un de Gaulle, combien de Reynaud, de Bazaine, ou de Morin accusant ses con...citoyens (interview récente) de lacheté et de munichoiserie, alors que, en 1938, ce sont précisément nos gouvernants qui ont cédé, tous seuls.

Sortir la nation du modèle, 250 ans après Rousseau, est un pari stupide : il va être payé très cher par tous ceux qui, du court-circuitage du référendum de mai 2005 à la transposition d'un concept de résilience tout droit sorti des divans des psys germanopratins, tournent le dos à ce pour quoi des millions de Français sont morts, de Bouvines à la Marne : la démocratie.
égéa : je ne suis pas sûr qu'à Bouvines on soit mort pour la démocratie. Ni même à la Marne, d'ailleurs. Nation, patrie et démocratie ne me semblent pas tout à fait synonymes.....

3. Le lundi 15 novembre 2010, 18:46 par Nono

Je ne suis pas d'accord avec Philippe Immarigeon: à mon sens, le concept de résilience n'évacue surtout pas le concept de peuple ou nation, au contraire. Pour moi, un exemple de résilience, c'est le peuple allemand sous les bombardements pendant la 2nde Guerre Mondiale, qui a tenu et résisté jusqu'au bout (et pas seulement à cause du joug nazi) malgré les défaites et les morts, alors que ces bombardements étaient justements faits pour casser les moral des populations et les pousser à capituler. Et ça parce que le peuple se sentait allemand et menacé, et qu'il résistait.

La résilience, ce n'est pas l'acceptation de la défaite, mais, au contraire, l'acceptation du fait de prendre des coups, mais de continuer quand même parce qu'on croit la victoire possible : "Tomber 7 fois et se relever 8" (Même si je ne l'ai pas lu). Et ça, c'est la marque des peuples, des groupes, mais menés par des leaders, des vrais, des Churchill, des De Gaulle, pas des Reynaud ou des hommes politiques qui veulent se retirer aux premiers morts. Si les leaders assument leurs décisions, déjà, ça fait beaucoup, et je crains qu'en matière de terrorisme, le fait de ne pas saccepter le moindre mort et du coup de créer des contraintes sécuritaires immenses (allez, vive les scanners corporels!! Vive l'espionnage électronique généralisé sans contrôle) fait qu'au moindre "trou dans la raquette", on ne vas pas accepter et se "coucher".
La résilience, c'est le contraire du "zéro mort" et du principe de précaution.

4. Le lundi 15 novembre 2010, 18:46 par

@ EGEA : On se sera compris : Bouvines, Valmy ou La Marne, c'est la liberté qui est en jeu, celle de choisir son destin, et pas de laisser la reine de Hongrie, un dictateur stalinien à Pékin ou un technocrate otanisé en mal de concept décider à la place de la nation. Et hors de la nation, qu'elle soit limitée à la France ou étendue à l'Europe, je ne vois pas comment peut fonctionner la démocratie.

C'est bien pour cela que d'aucun tentent de nous convaincre depuis les années 80 qu'il s'agit d'une vieille lune. C'est la première étape pour instaurer ce que Mercier de la Rivière appelait le despotisme de l'évidence et de la raison. There is no alternative. Tocqueville, dans "L'ancien régime et la Révolution", expliquait qu'il fallait lire "despotisme" tout court, celui qu'il annaonçait dans "Démocratie en Amérique", une invention, ajoutait-il, non de 1789 ni même de 1793, mais de la secte des économistes. Sauf que leurs tristes épigones qui tentent de nous convaincre qu'on a perdu notre temps à démolir la Bastille pratiquent la méthode Coué. Et cela aussi Tocqueville le racontait, lorsqu'il évoque l'échec de Turgot et Condorcet lors de la Guerre des Farines de 1775 : on ne peut pas, on ne peut plus dissoudre le peuple. Certains s'y essaient à intervalles réguliers : ils finissent comme Charles X. Who's next ?

5. Le lundi 15 novembre 2010, 18:46 par JH

Euh... je crois, Jean-Philippe, qu'il faudrait que vous le lisiez avant d'en conclure qu'on accepte la défaite ou qu'on dissout la nation !

C'est justement tout l'inverse. Olivier ne peut évidemment pas rendre compte de tout dans un CR mais le but ultime est de pouvoir utiliser la cohésion nationale comme un levier permettant d'encaisser les coups et de continuer à être ce que l'on est - comprendre, ne pas déposer les armes au premier coup de tabac. En ce sens, c'est un concept sans doute plus démocratique qu'il n'y paraît, au-delà de la trajectoire personnelle de gens comme Furedi ou Durodié (ne leur dites surtout pas qu'ils sont psys ;o) Ceci dit, il existe un risque de transformation de la résilience en "silver bullet", qui doit répondre à tout et qui obère toute autre action. Il existe, c'est vrai. Mais à ce train, toute construction intellectuelle est condamnée ;o)

Pour Christophe, ce livre à ses défauts, il reste un premier défrichage d'ordre essentiellement théorique et je m'aperçois que je n'ai sans doute pas suffisamment insisté sur les définitions différenciant "populations" et "nations". Vieux dilemme de la généralisation théorique et excellent sujet de thèse sur le postmodernisme en Europe ;o)

Et, au fait, merci Olivier pour cette critique !

égéa : prego. C'est ton éditeur qui va être content !

6. Le lundi 15 novembre 2010, 18:46 par

Résilience dans l’antiterrorisme.

S’interroger sur le sens des mots à la mode est effectivement un exercice salutaire parce que ces mots cachent souvent des erreurs collectives, des « évidences » qui sont considérées comme telles par le simple fait qu’elles sont largement partagées. Alors oui, « résilience » est un mot qu’il faut examiner de près. Mais j’avoue que dans le rapprochement de ces deux mots, « résilience », « antiterrorisme », c’est le deuxième qui me semble le plus chargé en idées toutes faites et trompeuses. Et même particulièrement la deuxième partie du deuxième mot : terrorisme, qu’est-ce à dire ?

« Résilience », pourquoi pas. La résilience se définit d’abord dans le domaine de la physico-chimie, où l’on sait exactement ce que ça veut dire parce qu’elle est mesurable. Puis ce mot des sciences dures a été copié par les sciences molles, psychologie, psychiatrie, sociologie, qui espéraient peut-être ainsi acquérir la dureté qui leur manque. Reste que le mot résilience (je parle du mot, non de la réalité qu’il désigne) ne pose pas vraiment de problème, à l’exception de son style un peu trop rive-gauche auquel je préfère la devise de mon Régiment, qui a quand-même plus de gueule : « debout les morts ! » http://amicale.3rima.pagesperso-ora...

.
Mais le terrorisme, voilà un mot que l’on ferait bien de regarder de plus près. Faisons d’abord, tout de suite, un petit sondage parmi les lecteurs d’égea, au pied-levé et à mains levées. Allons-y : parmi vous, que ceux qui sont terrorisés lèvent maintenant la main ! Vous voyez bien : personne. Personne n’est terrorisé et c’est pourquoi il ne faut pas avoir peur de le dire : le terrorisme n’existe pas.

C’est une conviction que j’ai acquise en me souvenant du début des années soixante où l’OAS sévissait : j’étais parisien à ce moment-là. C’était dans Paris dix à quinze explosions par jour. Regardez la presse de l’époque : en dernière page de Le Monde, il y avait une rubrique quotidienne intitulée « plastic-gazette » récapitulant les explosions des dernières vingt-quatre heures, indiquant le lieu, l’heure, le poids supposé de la charge, le nombre de victimes et les dégâts matériels. Tout ça dans l’indifférence générale, je m’en souviens parfaitement. Les éditorialistes s'escrimaient avec leur plume, les chroniqueurs s’époumonaient dans leur micro radiophonique (la télé n’existait pas) pour tenter, mais en vain, de susciter l’émotion : seule l’inefficacité de leurs efforts était pathétique.
Non que les parisiens fussent spécialement courageux, mais ils n’accordaient qu’une attention distraite à des événements auxquels ils ne pouvaient rien, comparables aux averses de grêle ou aux accidents de la route.

Indifférence générale, mais pas complètement : pour nous autres ados, c’était l’occasion de rigoler en faisant des fausses alertes à la bombe. Le réseau téléphonique d’alors, relativement rudimentaire (le 22 Asnières), ne permettait pas de définir l’origine des appels. Ainsi, en plus des dix à quinze explosions quotidiennes, il y avait probablement dix à quinze mille fausses alertes. Notamment dans les établissements scolaires les jours de compal. Aussi chez le confiseur qui vendait ses caram’bars deux centimes trop cher (les nouveaux francs, et donc les centimes, datent de 1960 : ça, c’était important). Toutefois dans les commerces privés, nos fausses alertes ne marchaient pas vraiment parce que les commerçants ne voulaient pas virer leur clientèle. A la Poste en revanche, ça marchait très fort : c’était très drôle pour nous de voir les clients sortir en râlant. Nous étions de jeunes cons, je l’admets. Et nous avons vieilli, je l’admets aussi sans oublier que « l’âge ne fait rien à l’affaire » (G. Brassens). Toujours est-il que le souvenir de cette époque où selon la presse la peur était générale, m’a appris que le terrorisme n’est pas une réalité.

Alors qu’est-ce que c’est que ce terrorisme sans terreur ? D’abord il faudrait inventer un mot : par exemple le Trrisme. Un mot qui n’existe pas (un barbarisme !) c’est parfait pour désigner un fait qui n’existe pas.

Ce fait existe cependant un peu : c’est un jeu à trois. Ce jeu, l’on n’a aucun motif de s’en plaindre vraiment, au contraire l’on doit s’en féliciter parce qu’il est la marque de la Démocratie : c’est un jeu entre les élus / la presse / les électeurs. J’écarte du jeu, parce qu’ils sont négligeables, les poseurs de bombes.

En Démocratie, les élus ont un seul souci : leur réélection par les électeurs et pour le reste c’est « après moi le déluge ». Quant à la presse, elle se convainc qu’elle a du pouvoir dans la mesure où elle peut faire pression (presse) sur les élus. En faisant croire que les électeurs sont terrorisés (je répète : combien parmi vous sont terrorisés ? personne), la presse met au défi les élus de résoudre le problème. C’est un problème qui n’existe pas mais qui acquiert une existence parce que tout le monde semble y croire, comme le manteau du roi nu.

Apparaît alors l’antiTrrisme, qui occupe beaucoup de gens de la même façon que le manteau du roi précité occupe beaucoup de valets. Et parlons aussi de résilience si l’on veut, ça fait partie du jeu.

J’attends vos réactions car je sais que l’on croit difficilement celui qui déclare « le roi est nu » et que parfois on l’invective pour qu’il se rétracte. Mais en ma qualité d’ancien jeune con des années soixante, je prends le risque.

7. Le lundi 15 novembre 2010, 18:46 par Jean-Pierre Gambotti

D’abord je ne pense pas qu’il faille considérer le principe de résilience au sens du Livre Blanc comme une nouveauté en stratégie. Disons que c’est un mot d’une belle élégance intrinsèque, échappé des glossaires des experts à l’occasion d’un vrai discours et qui a fait florès dans les médias avant son abâtardissement dans notre volapuk de base.

Pourtant c’est un vrai concept et je me souviens qu’à l’époque où l’on ne badinait pas avec la terminologie militaire, certains de nos camarades stagiaires à l’ESG, avaient planché sur « La capacité d’encaisse aux armes chimiques de la DB77. » Autres temps, autres termes, d’autant que la rusticité de cette formule qui sent son terrien, « capacité d’encaisse », seyait très mal avec le style, la pensée et la belle tenue stylistique du Livre Blanc ! Mais soyons clairs, d’évidence le concept de résilience, au sens de la définition du LB, Chapitre 3, page 62, a toute sa place dans la réflexion de défense.
Ensuite, je reviendrai sur cette manipulation de la trinité clausewitzienne proposée par Joseph Henrotin. Non pas que je conteste à l’auteur la liberté de faire évoluer la pensée de Clausewitz, mais parce que je m’inquiète toujours de l’interprétation de ce concept cardinal de la théorie clausewitzienne, souvent maltraité. Je voudrai rappeler que c’est le phénomène guerre et rien d’autre qui est l’étonnante trinité, trinité dont les « tendances qui prédominent sont (cf Livre 1, Ch 1/28) :
-la violence originelle de son élément, la haine et l’animosité, qu’il faut considérer comme une impulsion naturelle aveugle,
-le jeu des probabilités et du hasard qui font d’elle une libre activité de l’âme,
-sa nature subordonnée d’instrument de la politique, par laquelle elle appartient à l’entendement pur. »
Clausewitz poursuit en nommant les pôles qui concrétisent ces tendances : « Le premier de ces trois aspects intéresse particulièrement le peuple, le second, le commandant de son armée, le troisième relève plutôt du gouvernement. » Incontestablement il ne verrouille pas définitivement son choix, le « particulièrement » ouvre un espace à l’évolution de ce tripôle que l’on confond souvent avec la trinité- tendances- qui, elle, est immuable.
Et , pardon d’insister une nouvelle fois sur ce point, mais toute la théorie clausewitzienne de la guerre est fondée sur ce principe : « Le problème consiste donc à maintenir la théorie au milieu de ces trois tendances , comme en suspension entre ces trois centres d’attraction. » C’est l’image du pendule qui vient la première à l’esprit et la nature de la guerre est bien fonction de l’intensité de l’attraction de chacune de ces trois tendances.
Il est serait très intéressant à partir de cette approche de s’interroger sur les guerres irrégulières vues du côté de l’irrégulier afghan par exemple: quid de l’impulsion naturelle aveugle, de la libre activité de l’âme, de l’entendement pur ?
Pour revenir à la résilience, je pense que la proposition de Joseph Henrotin de rapprocher les trois pôles choisis, est aussi à apprécier en prenant en considération cette relation tendance/pole.
J’espère que cette approche de la trinité répond aussi à l’interrogation de Christophe Richard.
Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

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