1/ Il s'agit certes de troubles sociaux : une population relativement éduquée s'aigrit, avant même toute considération politique, à cause des difficultés à trouver du travail et, surtout, à profiter de la croissance affichée depuis quelques années. Cela rappelle évidement la situation chinoise, la différence tenant au modèle tunisien, complètement tourné vers le marché européen, qui connaît la crise économique depuis deux ans : la rétroaction sur la "Chine du Maghreb" est sensible. On ne peut que penser à l'agitation sociale qui s'exprime en Chine, et qui est visiblement de plus en plus fréquente, beaucoup plus que les revendications politiques (inflation, corruption, scandales immobiliers, santé publique, ...).

2/ De même, on peut constater que cette révolte a lieu principalement à l'intérieur du pays, les côtes étant préservées car encore favorisées par le développement économique. Là encore, cela fait immanquablement penser au schéma chinois.

3/ Cela étant, cette comparaison doit s'arrêter là. Tout d'abord à cause des évidentes différences d'échelle, de culture, d'alphabétisation de la population, de proximité des standards européens (y compris culturels), ou de modèle économique. De même, on ne sait comment évoluera l'actuelle crise tunisienne qui risque de rester limitée dans le temps : il en est de même pour le cas chinois.

4/ Toutefois, la leçon est ailleurs: les difficultés ne viendront pas de révolutions politiques mais de révoltes sociales, à cause de masses qui ne se trouvent pas suffisamment insérées : on est fort loin de la table rase fantasmée d'autrefois.

Cela me rappelle Jules Romain, qui entre deux guerres notait : "si la révolution consistait à avoir une salle à manger Henri II chez soi, tout le monde serait révolutionnaire". Le style Henri II est passé de mode (regardez dans les brocantes, c'est incroyable), mais le fonds de la remarque demeure plus que jamais pertinent.

Et si on relançait la mode du Henri II, dites ?

NB : je signale un blog sur le monde arabe, qui a quelques mois et qui me paraît de bonne qualité : regards sur le monde arabe. On y apprend d'ailleurs qu'une tunisienne est "miss monde arabe", ce que je trouve bien plus intéressant que l'élection de miss France. D'ailleurs, il y aurait un sensationnel billet à écrire sur la "géopolitique des miss" : il va falloir que je m'y intéresse. Si vous avez des idées, des liens, n'hésitez pas... Une miss Taïwan, miss Tibet, miss gouvernement polonais en exil, miss "minorités valaches", miss pôle nord.... Regardez, je suis sûr que vous trouverez plein de trucs.

O. Kempf