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Maroc : changement profond

C'est une décision d'ampleur inédite que vient de prendre le roi du Maroc : la transformation du royaume en monarchie parlementaire.

carte_maroc.jpeg source

Il s'agit évidemment d'une conséquence du printemps arabe de cet hiver. Et cela appelle des commentaires immédiats.

1/ On est frappé de la décision : face au changement, la seule solution lampédusienne est le changement. En cela, le roi du Maroc décide d'innover, car il a constaté que l'immobilisme (tunisien, égyptien ou en ce moment syrien) n'avait pas d'avenir. Mais il s'appuie sur la relative stabilité du royaume, grâce à une monarchie anciennement établie (de temps en temps, l'établissement a du bon) et des réactions locales fortes, mais qui ont pu être contenues, le temps de reprendre l’initiative : on admirera donc la tempérance et la maîtrise du temps. Ce calendrier retenu est subitement accéléré, avec un référendum en juillet et de nouvelles élections dès la rentrée. Autrement dit, le roi joue la partition juancarliste, celle du roi d'Espagne qui, en son temps, avait su transformer l'essai de la démocratie : il est de nos jours encore en place...

2/ Il faut constater ensuite que les transitions tempérées s'opèrent en ce moment en Tunisie et au Maroc (pour l’Égypte, il faut rester encore circonspect, car on ne sait pas encore ce sur quoi cela va déboucher). J'en tire deux conclusions : la première est que la pression va s'accentuer sur l'Algérie (à la veille du cinquantenaire de l'indépendance...) : entre des pays démunis qui opèrent la transition politique et un pays riche qui stagne politiquement, à n'en pas douter, le contraste va s'accentuer.

3/ D'autant qu'il faut bien remarquer que ces transitions ont lieu d'abord au Maghreb, et non au Machrek : la domination traditionnelle de ce dernier est en train de s'effacer. Je note que globalement, c'est l'Occident du monde musulman qui se réforme, et non son Orient. C'est dû à plusieurs raisons :

  • la plus grande proximité de l'Europe (la diffusion télévisuelle des chaines européennes y est plus marquée),
  • l'héritage de l’histoire (et de la colonisation, qui a laissé une couche de culture européenne plus prononcée, même si les décolonisations furent plus difficiles, surtout en Algérie : ceci expliquant d’ailleurs peut-être que l'Algérie n'ait pas encore entamé sa transition)

4/ La dernière raison me semble tenir à la persistance d'une culture non arabe, en l'occurrence berbère : le fait berbère a joué un rôle en Tunisie, il joue un rôle au Maroc (la prochaine constitution reconnaitra d'ailleurs le berbère comme langue officielle, à l'instar de l'arabe; enfin, le roi est toujours marié à une jeune fille berbère, il est donc toujours fils de berbère, ce qui permet une unité du pays en sa personne). J'admets volontiers quand on me dit qu'il ne faut pas pronostiquer un irrédentisme berbère (surtout qu'il fut plus ou moins instrumentalisé par les colonisateurs). Il n'en reste pas moins une spécificité qui continue de nos jours : une altérité qui force au dialogue.

Il faudra observer avec la plus grande attention les linéaments de l'histoire en marche. Mais ce jeune marchand de quatre saisons qui s'est suicidé, dans un bourg obscur de l'intérieur tunisien, n'a pas fini de bouleverser le monde.....

O. Kempf

Commentaires

1. Le samedi 18 juin 2011, 18:44 par ABBASSI

Copie à revoir. certains constats sont recevables mais d'autres laissent entrevoir des relents "d'européocentrisme" par exemple. Il faut bien étudier la région concernée avant de se lancer dans des explications hasardeuses.
Avant de commencer à écrire sur le thème en question, je conseille cet ouvrage qui permettra de se rendre compte de bien des choses et ne jamais oublier certains réflexes à avoir lorsqu'on étudie des pays comme le Maroc ou le Moyen-Orient.
Thierry Hentsch, L'orient imaginaire: la vision politique occidentale de l'Est méditerranéen, ed de Minuit, 1988.
Bonne lecture

2. Le samedi 18 juin 2011, 18:44 par yves cadiou

Le commentaire n°1 laisse entendre qu'il faut penser autre chose de ce qui se passe au Maroc. On veut bien le croire mais on aimerait pouvoir lire une argumentation qui nous préciserait quels sont les constats "recevables" et où l'on peut "entrevoir des relents d'européocentrisme".
Une analyse contradictoire et étayée permettrait au lecteur de se faire une opinion. Toutefois, on n'ira pas jusqu'à admettre que le Maroc se trouve à l'est de la Méditerranée et encore moins au Moyen-Orient, erreur qui relativise l'adéquation du livre conseillé au regard du sujet étudié.

égéa : ouarf......!

3. Le samedi 18 juin 2011, 18:44 par panou34

Juan Carlos a une autre stature que M6 ne serait ce que par sa culture générale et sa formation militaire. Quant au glissement du Maroc vers le Moyen Orient une importante démarche vient de survenir:les négociations d'adhésion au Conseil de Coopération du Golfe qui jusqu'ici ne réunissait que l'Arabie séoudite,Oman,Bahrein,Qatar,Emirats et Koweit. Adhésion à un ensemble bien lointain qui est imitée
par la Jordanie qui a au moins le golfe d'Aqaba à faire valoir dans cette dérive des continents.
Au printemps de 1789 et à ses conséquences napoléoniennes les monarchies continentales européennes répondirent par la Sainte Alliance.Le Conseil de Coopération du Golfe dont le but essentiel est un pacte de sécurité conjointe y ressemble fortement.
Autre point commun à toutes ces familles régnantes, leur implication économique et on n'a pas entendu M6 faire don à sa patrie d'une partie de ses intérêts. Là est aussi le probléme de ces monarchies.....et on est bien loin de Juan Carlos une fois encore.
Le CCG peut être rapproché aussi d'un succédané de l'Otan. A cet égard si les E-U sont loin d'exercer une grosse influence économique au Maroc à la différence de Paris et Madrid,leurs représentations diplomatique et militaire dans le pays ont toujours été particuliérement pointues, les cables Wikileaks rédigés à Rabat et Casablanca sont trés illustratifs de cette veille sur un pays géostratégiquement essentiel pour Washington.
Enfin au sein de toutes ces familles monarchiques l'administration américaine a toujours en réserve un prince et un émir capables de remplacer le titulaire au cas où la rue imprévisible deviendrait par trop menaçante.....un Louis Philippe en quelque sorte. Pour le Maroc il sera intéressant de suivre les positions du cousin de M6 Moulay Hicham depuis sa résidence de Princeton.
M6 commence à être contesté au Maroc et il va certainement faire traîner et exploiter le probléme sahraoui qui maintenant plus que lui est le point qui fait unanimité y compris pour les islamistes durs de plus en plus présents dans les manifs du mouvement du 20 février.

4. Le samedi 18 juin 2011, 18:44 par tim

Qu'entendez vous par solution lampédusienne?

égéa : Lampedusa : que tout change pour que rien ne change....

5. Le samedi 18 juin 2011, 18:44 par

Le roi ne reste pas les deux pieds dans le même sabot certes, mais ses conseillers ont limité l'ouverture.
Ce que la population attendait était la remise en cause de l'Etat quotidien mieux connu sous le nom de Makhzen. C'est le couvercle en fonte sur la cocotte.
La redistribution des pions entre le palais, le cabinet et le parlement ne les convainc pas, car leur vie de tous les jours n'est pas "gérée" depuis cet étage de pouvoir.
Reste la question du travail.
Le pays n'en donne pas, les jeunes traînent ou émigrent, et le plus gros propriétaire foncier du royaume, dit-on (mais cela suffit pour soutenir l'émeute), est le roi et sa famille.
A mon avis, ce n'est pas fini.

Il faut dire aussi, en réponse au premier commentateur, que l'environnement dans lequel baignent les populations maghrébines est aujourd'hui très différent grâce à Internet, de ce qu'il était en 1988, juste avant le Déluge.

égéa : d'accord....

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