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Un chef si singulier

Qui ne connaît pas l’expression « la solitude du chef » ? Elle est souvent présentée comme une difficulté, une charge inhérente à la fonction. Cela mérite d’être examiné plus avant.

source

1/ En quoi serait-ce une charge, tout d’abord ? En ce que le chef aurait la « responsabilité » de choisir, notamment dans des circonstances difficiles. Le chef serait celui qui devrait choisir entre deux mauvaises solutions. Ce qui le placerait dans des tourments que ne connaîtraient pas ses subordonnés, tourments de lui seuls connus, surtout s’il s’avère après coup qu’il a pris la mauvaise décision.

2/ Au risque de me répéter, car je crois l’avoir déjà dit, s’il y avait le choix entre une bonne décision et une mauvaise, il n’y aurait pas besoin de chef, puisque la décision s’imposerait d’elle-même. En fait, le niveau de responsabilité s’élève à la mesure que la complication (voire la complexité) des problèmes à résoudre augmente. Il y a des chefs parce qu’il y a des décisions à prendre. Il y a d’autant plus besoin de chef que les problèmes sont complexes.

3/ Remarquons toutefois que dans la plupart des cas, il n’y a pas non plus souvent de « mauvaises » décisions : les options proposées au choix sont souvent mélangées, avec toutes deux (dans le cas de deux options, mais le nombre ne fait rien à l’affaire) des aspects positifs et des aspects négatifs. Ce qui fait que la décision prise aura toujours des inconvénients, et justifiera toujours les critiques rétrospectives des opposants (en cas d’échec mais aussi de réussite, car la réussite sera le plus souvent partielle et incomplète).

3bis/ Ajoutons que nous raisonnons ici dans un système fixe, où les variables sont connues : à l’évidence, une couche de difficulté s’ajoute en ce que les informations sont toujours parcellaires : le chef peut estimer avoir toujours besoin d’une information supplémentaire, ce qui entrave sa capacité de décision, ainsi que le notait déjà Clausewitz. La solitude du chef vient donc de ce que non seulement il doit choisir entre des « mauvaises » décisions, mais qu’il doit s’appuyer sur les éléments lacunaires (en incertitude), enfin qu’il doit décider du moment de sa décision, qui sera structurellement incomplète. C’est notamment très gênant pour des chefs « ingénieurs » dont la formation scientifique incite à toujours vouloir posséder une information supplémentaire : comme si dans la vie, les choix étaient des problèmes de mathématiques !!! De là vient la notion de « décider en incertitude ». En fait, on ne décide qu’en incertitude. Sinon, on ne décide pas !

4/ Mentionnons enfin le cas du chef militaire, pour qui les tourments peuvent être le plus élevés, dans la mesure où ses décisions entraîneront des morts, les siens ou ceux d’en face, ce qui pose pareillement des problèmes éthiques. Cette prise de décision est à la source des fameux tourments évoqués ci-dessus, souvent évoqués dans les romans. Il faut toutefois se méfier de cette perception romancée… et romantique.

5/ Car la solitude du chef est, d’abord, un avantage. Elle est la condition qui permet au système d’avancer. C’est bien parce qu’il est seul, et qu’il décide, que le chef est chef. Cela remet en question la fameuse règle du consensus, si souvent louée dans les décisions contemporaines : en effet, derrière ce consensus, c’est surtout l’indécision qui est mise en avant. La décision collégiale, prônée pour sa légitimité apparente, présente l’inconvénient majeur de répartir la responsabilité, donc l’irresponsabilité : puisque je ne suis pas totalement responsable, je suis totalement irresponsable.

6/ La décision collective peut surtout être inefficace : je ne dis pas qu’elle l’est à coup sûr, ce qui serait maximaliste ; mais elle peut l’être, puisque pour « plaire à tous » elle promeut toujours la voie médiane, là où parfois il faudrait justement une décision tranchée.

7/ C’est pourquoi il y a un grand péché à voir des chefs refuser de décider. Malheureusement, ils arrivent aussi au pouvoir, reflet le plus souvent de décisions collégiales préalables : alors, leur seule décision consiste systématiquement à ne pas décider, afin de laisser la collégialité, organisée ou non, décider à leur place. Ainsi s’expliquent de nombreuses technostructures, qui vivent leur vie tant que la pression extérieure ne les force pas à constater leur inefficacité.

8/ Le besoin de chef reviendra alors, avec sa vertu (sa solitude) et ses défauts (sa solitude).

Mais en tout cas, ne plaignez plus la solitude du chef : elle lui est essentielle, consubstantielle. Et si vous entendez un chef s’en plaindre, c’est qu’il n’est pas fait pour ça ! Le chef est singulier, il n’est pas pluriel.

Cela laisse ouverte une question : comment le chef doit-il décider ?

O. Kempf

Commentaires

1. Le dimanche 11 septembre 2011, 19:51 par yves cadiou

Les points 5 et 6 (consensus, décision collective) font une confusion entre deux types de situations fondamentalement différentes : le chef chargé par une autorité supérieure de diriger une mission collective (un chef, une mission, des moyens) et le chef chargé par le groupe (la Nation) de veiller au bien-être du groupe. Par « bien-être », je n’entends pas « confort » mais « réalisation d’un destin collectif ».

Dans le premier cas, la recherche du consensus n’est pas opportune parce que ce chef est, en principe, le plus qualifié techniquement pour décider. Ce chef peut toutefois, sans que ceci atténue sa responsabilité ni sa solitude, consulter ses subordonnés.

Dans le deuxième cas, chaque individu du groupe (chaque citoyen, élément du Peuple souverain) est qualifié, sinon techniquement du moins en droit, pour orienter la décision. Celle-ci comporte une part de spiritualité parce qu’elle se réfère, explicitement ou non, aux valeurs morales dont cette Nation est dépositaire.

Solitude. Dans le premier cas on est seulement dans la recherche d’un résultat concret : l’essentiel de l’action du chef d’orchestre que vous avez mis en illustration se situe avant la séance publique, dans le choix des musiciens et de leur nombre pour chaque instrument puis dans les répétitions. Lors de la séance publique, la solitude du chef d’orchestre est mise en scène par son positionnement physique. Dans le deuxième cas, la réalisation d’un destin collectif rend légitime et même nécessaire que la décision soit collégiale (un gouvernement réuni en conseil des ministres) et contrôlée, le cas échéant censurée, par les représentants de la Nation. Il n’y a pas de solitude du chef quand la décision est collégiale et contrôlée.

Chez nous, il n’y a solitude du chef politique qu’en situation d’article 16. C’est pourquoi la fonction où l’on est susceptible d’assumer un jour la solitude de l’article 16 ne doit être confiée qu’à une personnalité ayant un passé, une œuvre et du prestige.

égéa : pour votre dernier §, je retrouve là une de vos marottes que vous aimez complaisamment conter ici. Malheureusement, de telles personnalités sont rares. Car au fond, à cette aune, à part De Gaulle, qui en fut capable ?

2. Le dimanche 11 septembre 2011, 19:51 par nicalb

Bonjour,
Vos réflexions sur "le chef et la prise de décision" me semble particulièrement importantes ; en effet, j'estime que la formation actuelle (mais aussi la gestion des personnels) de nos chefs militaires tend plus à leur inculquer l'état d'esprit des généraux de 1940 (qu'est ce qui est bon pour ma carrière ?) que le désir de servir la communauté (qu'est ce qui est bon pour l'institution ?).
En cela, ils ne sont, malheureusement, pas différents de la jeunesse actuelle (et de l'état d'esprit général) devenue beaucoup plus individualiste.
Je suis,en règle général, assez d'accord avec vos réflexions ; je voudrais juste ajouter une petite précision concernant ce que vous nommez "la décision collective" ce qui pourra aussi amorcer la réflexion future que vous lancez "Comment le chef doit il décider ?".
Dans le milieu militaire, à mon sens, "la décision collective" n'existe pas (à la différence par exemple d'un maire qui doit trouver une majorité avec ses conseillers municipaux) ; en effet, le chef militaire se fait toujours préparer ses décisions par ses subordonnés mais, in fine, il choisit une option et tous la mettent en œuvre (cela était nommé "le centralisme démocratique" chez les communistes)
Ainsi, étant donné l'état d'esprit et la formation reçue par les chefs militaires (cf reflexions ci-dessus), soit les subordonnés écrivent ce que le chef veut entendre (ce sera mieux pour leur carrière) soit le chef ignore les avis divergents de son opinion.
(NOTA : je ne parle ici que des décisions "d'état major" et non des décisions opérationnelles sur le terrain où heureusement la pensée du service collectif est prépondérante).
Il serait, à mon sens, intéressant de pouvoir consulter les différents avis fournis à un chef (militaire ou politique) avant sa prise de décision (lorsque je parle d'avis, je ne parle pas uniquement des rapports édulcorés qui arrivent sur le bureau du chef de haut niveau, mais aussi des "premiers jets" de ces rapports rédigés par les "indiens" de base); cela pourrait même être un indicateur de performance du système et d'évaluation du chef.
NOTA : Le cas le plus parlant actuellement et le plus médiatisé est le choix des drones ; si l'on pouvait comparer les rapports écrits il y a bientôt 15 ans par des "indiens" et qui ne sont jamais arrivés aux chefs de haut niveau, les décisions prises par certains chefs "intermédiaires" de ne pas faire suivre, cela permettrait de comprendre l'impasse où nous nous trouvons ; un autre domaine où l'on ne va pas tarder à ce rendre compte de l'impasse dû à cet état d'esprit et à ses manières de faire, c'est l'écoute spatiale.

3. Le dimanche 11 septembre 2011, 19:51 par fp

En m'attardant sur la différence entre le commandement et le management et en voulant sortir de l'éternel "pouvoir exorbitant du militaire qui peut donner la mort, la recevoir ou ordonner de la donner", je me suis demandé si la "décision dans l'incertitude" n'était pas une vraie caractéristique du militaire. L'incertitude existe aussi dans l'entreprise, mais est-elle aussi épaisse que sur le champ de bataille ?

égéa : je crois, oui. Au moins autant, car "le monde est complexe" (désolé d'insister, mais je viens de découvrir la notion et mets un peu de temps à l'assimiler), et la friction existe pareillement, ainsi que le brouillard de la concurrence.

En revanche, il y a une "culture" militaire qu'on trouve rarement dans l'entreprise. Je me réfère pour cela au discours d'adieu du général Irastorza, CEMAT. Il insiste sur quelques mots qui disent l'exception militaire, au moins autant que l'exorbitance que vous mentionnez (et qui demeure la base de tout, y compris de la déclinaison que voici) : 

  • Mission
  • rigueur
  • enthousiasme
  • volonté
  • camaraderie
  • Reconnaissance (il veut dire gratitude)
4. Le dimanche 11 septembre 2011, 19:51 par

@ yves cadiou

Malheureusement votre analogie avec le chef d'orchestre ne fonctionne pas vraiment, ou alors trop. Un chef d'orchestre engagé pour un concert ne choisit ni ses musiciens (ou alors il est aussi directeur de la formation qu'il a devant lui mais là il lui faut prendre en compte les contrats, chose compliquées pour les orchestres nationaux, plus facile quand on fonde un ensemble plus petit) ni le nombre de musiciens puisque c'est le compositeur qui définit l'instrumentation d'une oeuvre.

Ses choix, il ne peut les faire passer que lors des répétitions (ou avant, par écrit ou de vive voix sans jouer), souvent très peu nombreuses avant un concert pour ce qui est des professionnels en milieu philharmonique.

Le chef d'orchestre a donc très peu de maîtrise sur ce qui se passe du point de vue humain avant de lever sa baguette pour la première fois lors de la première répétition.

5. Le dimanche 11 septembre 2011, 19:51 par yves cadiou

Je fais suite à l’observation d’égea sous mon commentaire n°1.
Les personnalités d’exception ne sont pas nombreuses, par définition. Toutefois ne sont pas si rares celles qui disposent d’un passé, d’une œuvre et potentiellement de prestige si les circonstances s’y prêtent.
Ce qui est rare, c’est qu’elles soient présentées à nos suffrages par suite de la présélection qu’en font les partis politiques et la presse : le monde politico-médiatique favorise plutôt les « communicants », même s’ils n’ont rien à communiquer. Je serais tenté d’écrire « surtout s’ils n’ont rien à communiquer » parce qu’alors ils ne dérangent personne.

Mais l’optimisme est permis, encore une fois grâce à la Toile qui change la donne : il suffit de se promener sur les blogs pour voir qu’il existe des gens qui ont quelque chose à dire. L’on y voit aussi que parmi ceux qui devraient avoir quelque chose à dire en qualité d’élus, c’est plutôt l’indigence conceptuelle qui règne. Heureusement de nos jours les élus et les candidats ne peuvent plus cacher leur manque d’idées sous le mauvais prétexte que la presse ou le règlement de l’Assemblée ne leur donne pas la parole : désormais les gens qui ont réellement quelque chose à dire peuvent, quand ils le veulent, s’exprimer publiquement sur la Toile où les moteurs-de-recherche leur amènent les lecteurs et les commentateurs que le sujet intéresse.

Un récent exemple illustre ce qui précède quant à ceux qui n’ont rien à dire et ne peuvent plus le cacher : le 12 juillet dernier, au cours du débat sur la Libye, un député se bâillonne ostensiblement avec son écharpe tricolore d’élu (à laquelle il fait ainsi outrage, soit dit en passant) pour protester contre le règlement qui lui interdit de s’exprimer. On pense « qu’à cela ne tienne, on verra sur son blog ou sur celui de son parti ce qu’il veut dire sur la Libye ». J’y suis allé voir : rien ! Le coup du « je ne dis rien parce qu’on m’empêche de parler », ça ne marche plus.
Par conséquent la parole est désormais à ceux qui ont quelque chose à dire, ce qui laisse espérer l’émergence de personnalités qui jusqu’à présent étaient empêchées de faire connaître leurs idées.

égéa : je précise aussitôt que si Yves à l'air de vouloir voter pour moi, je n'ai aucune ambition politique et ne rêve pas d'un destin......

6. Le dimanche 11 septembre 2011, 19:51 par

Fp certes le militaire je vous l’accorde possède ce "pouvoir exorbitant qui peut donner la mort, la recevoir ou ordonner de la donner" mais il n’est pas le seul, le médecin qui décide d’un protocole pour lutter contre le cancer de son patient, l’urgentiste qui doit faire un choix technique engageant la vie, le scientifique qui sait que sa découverte peut avoir des conséquences autant bénéfiques que maléfique… « Le travail des contrôleurs aériens peut se résumer à une séquence de prises de décisions. Certaines décisions sont difficiles à prendre en raison de l’incertitude qui peut régner sur l’issue d’une situation complexe » Ce ne sont pas des chefs ès qualités mais ils ont aussi en partage la solitude et si j’ai bien compris le philosophe Edgar Morin : L’Explosion des savoirs, la complexité du réel, sont tels que l’incertitude est désormais une constante du réel.

Le système de préparation à la décision dans une entreprise comme au sein d’un Etat-Major est conçu pour lever le maximum d’incertitudes à celui qui est chargé de prendre une décision parce qu’il est le chef. Mais le chef ne fait pas que décider, il est aussi accessoirement contraint d’en assumer les conséquences, c’est à dire d’assumer ses décisions lors de la conduite, il en est responsable. En cela, le chef militaire n’est pas si éloigné du chef d’entreprise puisqu’ils sont autant dans la conduite que dans la préparation contraint à faire des choix. Il me semble que la solitude de l’un comme de l’autre n’est que relative et brève, un chef est avant tout un fédérateur, parce qu’avec la complexité des savoirs il ne peut, décider sans qu’en amont une équipe ait mouliné pour lui l’ensemble des connaissances.
La grandeur du chef reste celui de son rayonnement. Les grands chefs de guerre qui ont marqué l'histoire étaient avant tout des chefs qui savaient s’entourer et qui faisaient confiance à leurs subordonnés.
L’empereur Napoléon Bonaparte est un chef de guerre incontestable qui a probablement livré davantage de batailles qu'Alexandre le Grand, Hannibal et César réunis. Ses campagnes couvrent toute l'Europe de l'Espagne à la Russie, en passant par l'Allemagne ou l'Italie du Nord, sans oublier l’Orient avec l'Égypte et la Syrie et pourtant à Saint Hélène il écrit : « Ce n’est pas un génie qui me révèle tout à coup, en secret, ce que j’ai à dire ou à faire dans des circonstances inattendues pour les autres, c’est la réflexion et la méditation ». Il avoue au maréchal Gouvion-Saint-Cyr : « Si jamais je venais à rédiger un jour les principes de la guerre, on serait étonné de leur simplicité ». Oui mais il savait lui aussi s’entourer, par un décret en date du 19 mai 1804, il nommait maréchaux d’Empire quatorze de ses anciens compagnons d’armes qui l’avait aidé à gravir les échelons du pouvoir.
Ils avaient une moyenne d’âge de quarante ans et s’appelaient : Augereau, Bernadotte, Berthier qui fût son chef d’Etat major dès 1805, Bessières , Brune, Davout, Jourdan, Lannes, Masséna, Moncey, Mortier, Murat ,Ney, Soult et 259 généraux de division, 703 généraux de brigade furent nommés entre 1805 et 1815.
« Les généraux ne sont rien », disait Napoléon, « Moi seul je sais ce que je dois faire » les adjudants généraux ou adjudants-commandants étaient employés comme chefs d’état-major. Ensuite venaient les aides de camp chargés de seconder les officiers généraux. Le cabinet du major général était divisé en quatre bureaux (secrétariat, mouvements des troupes, comptabilité, renseignements) et composé surtout d'employés civils, d'officiers à la retraite et de commissaires des guerres, à l’époque on savait utiliser les compétences. Même si Napoléon méprisait ses généraux, il pouvait compter sur leur bravoure, il savait aussi les écouter mais exigeait de leur part une exécution parfaite et ce n’est pas la moindre qualité d’un chef celle de savoir organiser et préparer l’action et récompenser…

7. Le dimanche 11 septembre 2011, 19:51 par nikesfeld

Je me dois d'introduire ici un peu de subversion dans cette vision d'Epinal du chef.
Il est vrai et juste de faire cette liaison chef-gestion. Le reste est un peu plus de l'ordre de points de vue.

Une petite question pensez vous qu'un rebelle puisse être un chef en étant pleinement lui même ?

Comment conciliez-vous vos positions avec les observations suivantes : il existe plusieurs formes d'exercice de la direction-management. Par exemple le modèle le plus simpliste présente en 4 formes les modes d’exercice du pouvoir (Le narcissique, Le possessif, Le séducteur, Le sage).
Certains de ces modes impliquent bien des décisions solitaires mais pas tous.

Il existe dans cette notion de chef plusieurs éléments implicites: L'autorité, la responsabilité, la direction, le fédérateur, le limitateur.
Observons ! Nous avons tous un chef. Plus nous montons plus il devient flou ou impersonnel, mais nous avons toujours un limitateur ou contrainte qui est extérieur à l'individu. Généralement nous l'appelons le Chef !
Le fédérateur provient du fait que n'est chef que celui dont plusieurs personnes reconnaissent son statut. Pour la morale populaire le "vrai" chef est celui "qu'on suit". Constatons encore une fois par de simples observations, que parfois (souvent?) il y a des chefs qui ne le sont pas vraiment (moralement et effectivement en terme de gestion). Le chef est donc irrémédiablement lié à une Union de personnes. C’est donc une fonction.

La direction, comment devient on chef ? La morale toujours elle, tend à nous dire que le chef c'est celui qui "prend des risques". De façon dégradée, on admet que cela soit "celui qui s'en sort le mieux". Cela renvoie à un constat par rapport à l'activité du groupe et des attitudes adoptées dans le passé par celui-ci. Il n’y a pas nécessairement de nécessité de résultat.


« Chez nous, la solitude de l’article 16 ne doit être confiée qu’à une personnalité ayant un passé, une œuvre et du prestige. »



La vision d'EGEA du chef est propre au courant militaire, surtout dans le sens de cette vertu d'acceptation de la décision et dans son application du groupe.

Attention il y a compétition dans la société avec d'autres courants. Le monde du management a pour fantasme l'autorité qu'incarne le militaire hors il y a de grosse contradiction dans le domaine des idées, voir des idéaux.
On mythifie dans le monde du management l'engagement "militaire" sans accepter les conséquences, la responsabilité implique la mort possible du chef (voir son sacrifice).

Il y a des visions plus "civile" d'un chef qui conduisent souvent à croire que les Hommes politiques sont des chefs.
En tout cas l’idée d’Yves (que je suis) est un archétype du chef, DE GAULLE historisé, dont je ne sais s’il tire son origine de la mythologie grecque ou du christianisme (notion d’élu) ce chef charismatique proche du génie, incontestable qui dans ses décisions tombe toujours dans le vrai.

« L’Explosion des savoirs, la complexité du réel, sont tels que l’incertitude est désormais une constante du réel. »
 Là se trouve justement un nouveau fait dont je placerais un curseur historique au niveau de la guerre civile américaine. Car à contrario de l’époque « napoléonien » il y a de criant échec au niveau des généraux mettant en valeur cette prédominance de l’« extrême complexité » (administrative).

« Le chef peut estimer avoir toujours besoin d’une information supplémentaire, ce qui entrave sa capacité de décision, ainsi que le notait déjà Clausewitz. »
 Nous en arrivons au contexte actuel où le manager cherche en permanence l’information exhaustive (qu’il militaire ou scientifique ;). Il endosse donc un statut de chef sans en utiliser et accepter les ressorts historiques. Cela montre bien qu’il y a un entre-deux dans cette notion de chef.

Enfin, il y a certains principes dans l'exercice de gestion qui s'opposent à une trop grande systématisation de la notion. Notamment le fait que l'on ne doit pas accorder trop de temps aux conflits de personnes qui va à l’encontre de cette nécessité de fédérer.
Idem une grande réserve doit être prise dans justement "la prise de décision" car il y a dans les groupes complexes une économie informelle interdite au chef qui a un impact sur la perception du résultat. Cela va en contradiction avec le fameux « décider en incertitude ».

Mais tout n’est pas plus simple en disant "le chef est celui qui décide en son âme et conscience".

égéa : merci de ces précisions, qui ne me semblent pas subversives. Il reste qu'à la fin, le chef est (doit être ?) celui qui décide. Qui effectue le choix ou, éventuellement, qui en porte la responsabilité. Peu importe (temporairement) comment il parvient à cette décision, si elle est le résultat de son impulsion ou la résultante d'un groupe, le chef est celui qui "dit" la décision.

Après, ce qui m'intéresse, c'est justement d'avoir une approche comparative, et pas seulement militaire. J'aime ainsi beaucoup votre dernier paragraphe illustrant les paradoxes de la décision (le décalage entre le principe affirmé et la pratique qui va à l'encontre) : mais pour le coup, fantasme ou pas, je l'observe dans les deux milieux, militaire et civil......

8. Le dimanche 11 septembre 2011, 19:51 par Midship

(Je suis en session de rattrapage Egéa, après une incorpo synonyme de rupture des liaisons... )

Excellent article que celui-ci !

égéa: merci. Mais vous vivez une vie dangereuse : rupture de liaison égéa, c'est limite de l'anorexie....

9. Le dimanche 11 septembre 2011, 19:51 par Jean-Pierre Gambotti

Elucubration…
Détournons Einstein, qui avait un tel amour pour le militaire qu’il jugeait que pour marcher au pas « une moelle épinière suffit », en suggérant que si le chef n’avait pour fonction principale que de décider, son ordinateur suffirait ! Esprit de décision, charisme, vista (…) et quelques qualités du Prince, tout ça fait un bon chef, mais à mon sens le stratège, l’homme qui conduit des hommes dans l’action est d’abord un créatif, un visionnaire et lâchons le mot un… artiste. Maître de la technè et de la praxis, le chef est surtout celui qui se projette, celui qui voit devant et avant, qui donne du sens. C’est l’homme du noos, la décision n’est, selon moi, que conséquente et seconde.
Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

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