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A propos du sénat

Les élections sénatoriales ont lieu ce dimanche. Occasion, au-delà des commentaires "simplement" politiques sur le sujet, d'évoquer le rôle géopolitique, souvent méconnu, du Sénat, bien plus significatif qu'il y paraît. En effet, on verrait mal autrement la raison d'une deuxième assemblée. Le bicamérisme n'est pas juste une commodité démocratique.

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1/ Le sénat est en effet l'expression d'une représentation "territoriale". La première assemblée est centrée sur les individus, la deuxième sur les territoires. Qui n'a pas aperçu cette distinction fondamentale n'a rien compris. Cela justifie d'ailleurs le système de votation (élection indirecte par un collège de grands électeurs, Maires et conseillers) mais également la grande permanence politique : le sénat bouge à mesure des territoires, c'est-à-dire lentement.

2/ Le Sénat est traditionnellement le « grand conseil des communes de France ». Il tempère ainsi le système centralisé et évite le système fédéral : il a donc un vrai rôle géopolitique, qui équilibre la centralisation, même si on peut également noter son rôle d’équilibre politique à la première assemblée ou à la majorité en place (il a ainsi servi de contre-pouvoir à De Gaulle en 1969, puis à Mitterrand dans les années 1980).

3/ C’est dans cette perspective qu’il faut d’ailleurs considérer l’organisation territoriale : les 36.000 communes françaises. ce qui est une exception européenne. C’est un émiettement considérable, et pourtant les Français y sont très attachés. La commune, selon Armand Frémont, est le lieu de la liberté quand le département serait celui de l’égalité. Or, la plupart des communes sont rurales, et le rôle du Sénat n’est pas seulement la chambre des communes de France, mais aussi la chambre de la ruralité et de l’espace français

4/ C'est pourquoi le reproche traditionnel (un sénateur rural vaut trois fois moins d'électeur qu'un sénateur urbain) ne tient pas réellement. Pourtant, on observe une lente évolution d'une part à cause des réformes du mode de scrutin (sans même parler du chamboulement que provoquera la réforme territoriale), d'uatre part à cause du socialisme municipal qui progresse continûment, enfin à cause d'un lent basculement de la démographie française, désormais urbaine à 80 %.

5/ Cela étant, ce n'est pas parce qu'une majorité de Français vivent dans les villes qu'il faut penser exclusivement l'espace comme un espace urbain. C'est d'autant plus vrai de la France qu'elle a un vaste territoire, avec des zones peu peuplées, et d'autres peu développées : le sénat répond à ce déséquilibre, et dépasse le seul jeu des rapports politiciens du gouvernement. Introduisant de l'espace, il introduit de la longue durée par rapport à la première assemblée, centrée sur l'individu et son rythme plus court.

Il faut garder cette compréhension du Sénat à l'esprit, avant de se lancer dans les commentaires qu vont fleurir ce soir sur les "significations politiques du scrutin". Le Sénat reste une assemblée essentielle à la géopolitique française. Quelle que soit sa couleur politique.

O. Kempf

Commentaires

1. Le dimanche 25 septembre 2011, 18:35 par AGERON Pierre

je vois que vous vous nourrissez de saines lectures:)) Mais j'ai une hésitation. Est : "La région, espace vécu" "Portrait de la France"?

égéa : c'est La France, géographie d"une société, qui est paru chez Champs

2. Le dimanche 25 septembre 2011, 18:35 par Le marquis de Seignelay

Méfiance, le bicaméralisme n'est pas la panacée démocratique. Encore une fois, il faut regarder un peu au Nord de nos territoires. De même, il existe au moins une constitution où la haute chambre est inutile puisqu'elle est élue sur un mode similaire à la chambre basse (un peu plus au sud de nos territoires, légèrement à l'Est -cf billet Egea sur l'Italie).

Un certain rôle géopolitique dans la France européenne, mais quid de l'Outre-mer ?

De même, est-il normal que le Sénat représente surtout les communes, alors que tout les courants politiques (ou presque) s'accorde sur la nécessaire recomposition communale et régionale pour peser dans l'Europe, si ce n'est plus ?

3. Le dimanche 25 septembre 2011, 18:35 par panou

Tout à fait d'accord avec vous sur la notion d'espace local des sénateurs opposée à "l'individualisme" des députés.Il est relativement facile de parachuter un candidat député alors qu'il est impossible de pratiquer la même opération avec un sénateur y compris avec le récent systéme de listes sur les départements peuplés.
j'ai noté aussi qu'un sénateur fait apparaître toujours son attachement territorial alors que bon nombre de députés se référent à leur groupe politique.Il faut dire que les redécoupages de circonscriptions ne leur facilitent pas la tâche.
A la lecture des travaux en commissions des deux assemblées c'est trés souvent le Sénat qui fournit le travail le plus fouillé et du coup plus consensuel.Lors de leurs visites à l'étranger on remarque d'ailleurs que les clivages politiques sont beaucoup moins marqués au sein des délégations sénatoriales qui connaissent souvent mieux leurs sujets.
Cette connivence territoriale jointe à la durée d'un mandat plus long et moins prenant(plus facile de rencontrer tous les grands électeurs que tous les citoyens) permet de prendre de la hauteur....et à mon sens le Président actuel compte là dessus pour se rasseoir dans son large fauteuil.
De Gaulle qualifiait le Sénat d'assemblée du seigle et de la châtaigne.l'origine sociologique des sénateurs actuels lui donne tort.Les représentants des ruraux y compris aux postes de maires sont de plus en plus délaissés par les agriculteurs et les commerçants villageois.La complexité des tâches d'un maire de petite commune qui doit s'impliquer dans des structures multiples(regroupements inter communaux plus les divers syndicats du même type) leur prend trop de temps(pas de RTT et de 35 heures pour eux) et la complexité de ce mille feuilles territorial les dépasse.De plus en plus ce sont des jeunes retraîtés ou des fonctionnaires qui prennent leurs relais.Il y a là une rurbanisation de la fonction.
Pour évoquer l'actualité en fouillant les derniers résultats notons la progression du nombre de grands électeurs qui ont voté FN dans un scrutin où jusque là il ne pouvait compter que sur un patit nombre de partisans,conseillers régionaux essentiellement.

égéa : tout à fait d'accord avec la rurbanisation et ses csq politiques.

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