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Un week-end d’élections

Il y a donc eu plusieurs élections ce week-end. Et si celle qui eut lieu en France fut importante, le plus intéressant réside dans la comparaison des différents résultats.

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1/ Une élection municipale en Italie, tout d’abord. J’en retiens trois choses : la persistance de l’anti-berlusconisme (et simultanément la baisse de la ligue du nord) ; la demande générale de lutte contre la corruption et pour un renouveau de l’Etat (ce qui rappelle les demandes arabes des révoltes de l’an passé). Enfin, l’émergence d’un parti « cinq étoiles » tout à fait en marge du système. Il fait penser aux partis pirates dont j’ai déjà parlé et cette aspiration à une nouvelle forme de politique.

2/ Une élection législative en Serbie. Qui s’est déroulée « normalement », sans être polluée par les suites des conflits ex-yougoslaves. Elle donnait le choix entre deux partis pro-européens. Et l’absence de partis extrémistes. Conclusion intermédiaire : quand on est en dehors de l’UE, on a envie d’y entrer et on ne l’accuse pas de tous les maux…

3/ Les élections législatives en Grèce, bien sûr. Ce furent presque les élections les plus importantes du week-end. A cause de la montée du parti néo-nazi, mais aussi de partis radicaux qu’on a tôt fait de désigner d’anti-européen, à gauche comme à droite. Les choses sont probablement plus compliquées : il s’agit d’un vote contre l’austérité. Un vote plus économique que politique, même s’il a bien sûr des conséquences politiques, et notamment celle de rendre improbable la formation d'un gouvernement, et donc l’application du plan de sauvetage. Le débat devient alors celui-ci : les Grecs acceptent-ils de « perdre » leur souveraineté budgétaire, mais de conserver la protection qu’offre encore l’euro ? ou au contraire, choisiront-ils la fuite en avant d’une souveraineté politico-économique, qui passera par la sortie de l’euro, hypothèse qu’on ne peut plus négliger. On ne pourra pas répondre à cette question dans les jours qui viennent : mais à coup sûr, d’ici la fin de l’année.

4/ C’est en tout cas cette question grecque qui a retenu l’attention internationale, et pas seulement des marchés. Cela nous amène à notre élection « à nous ».

5/ J’évoquerai prochainement la question de la politique étrangère du nouveau président de la République. Constatons que s’il a dit peu de choses à ce sujet lors de la campagne, le grand sujet à la fois intérieur et extérieur fut celui de la croissance européenne qui viendrait compléter l’austérité. On a compris qu’il ne s’agissait pas d’une politique de relance keynésienne, comme en 1981, mais d’une politique de croissance coordonnée au niveau européen. Or, le moment semble favorable à ce discours.

6/ Tout d’abord, parce que tous les économistes américains la recommandent, ouvertement (Siglitz) ou non (Bernanke). Ensuite pare que beaucoup de pays européens, du sud mais aussi du nord (cf. billet sur les Pays-Bas) tiennent un discours similaire. Enfin parce qu’en Allemagne même, les esprits commencent à évoluer. Pour deux raisons.

  • La première tient à la baisse de la croissance : l’Allemagne se rend compte que 40 % de ses exportations sont à destination de l’UE, et que les récessions du reste de l’Europe l’affectent et qu'elle est au bord de la récession. Bref, elle n’est pas simplement un isolat vertueux au milieu d’une Europe dispendieuse.
  • La seconde tient aux négociations salariales : le syndicat des services Verdi vient ainsi d’obtenir une croissance de 6% des salaires, et il est probable que cela constituera un précédent pour le reste de l’économie.

7/ Dès lors, l’Allemagne va peu à peu se rendre compte qu’elle a intérêt à augmenter son coût unitaire du travail, à la fois pour favoriser le pouvoir d’achat (ce qui n’est pas une mauvaise idée avant une année électorale) et pour aider ses partenaires européens à trouver des gains de compétitivité. Cela passera probablement par un peu d’inflation. Cela posera la question de l’objectif de la BCE, habituellement fixé à 2 % annuels. Ce taux doit-il être considéré en moyenne européenne, ou pays par pays ? ou plus exactement, pour le pays le plus important de la zone, à savoir l’Allemagne ?

8/ Voici les termes de la négociation européenne qui va s’ouvrir le 23 mai, à l’occasion du conseil européen. Si la négociation sera serrée (c’est le lot de toutes les négociations), il semble malgré tout que les esprits soient mieux disposés à en discuter, à la fois à cause des résultats des différentes élections européennes, à cause du discours de campagne du nouveau président qui a incité de nombreux esprits européens (Monti, Barroso et même Cameron) à revenir au mot « croissance », à cause enfin de l’évolution économique intérieure de l’Allemagne.

Économie et politique, intérieur et extérieur : tout est aujourd'hui bien mélangé...

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 9 mai 2012, 20:47 par oodbae

Et la politique de défense européenne, qu'en disent is? Et de la cyber-criminalité? Tout cela porte un parfum d'une guerre de retard.

Ah, pardon, vous parlez du sommet du 23 mai, où l'on parlera économie, comme si l'économie était une fin en soi. On parlera croissance? Bien sûr, maintenant que les banques se sont débarassées de leurs actifs pourris et qu'elles ont fait payer leurs dettes par les économies européennes, elles peuvent à nouveau prêter à des taux usuriers aux états européens et à leurs administrations.

Mais, pardon, je divague. A propos de la Serbie, je suis étonné que vous mettiez ce petit pays, à la grande âme certes mais petit par la taille, sur le même plan que tout autre européen à propos de la favorabilité á l'UE, comme si on pouvait passer sous silence que ce pays est le seul européen à avoir subi deux amputations de son territoire en 20 ans et contre son gré depuis la fin de la 2gm, le tout à la suite d'un conflit armé sanglant mêlant l'ensemble de l'Europe +les USA ligués contre elle. Passant sous silence que ce pays est humilié depuis plus de 20 ans maintenant, tant par ses alliés ancestraux (France), que par ses voisins proches (ex-yougoslavie). A titre de comparaison, rappelons nous toutes les concessions que la France, le peuple français, a faites à l'Allemagne dans les années 30 en souvenir de 5 années de guerre. J'inviterais le lecteur à consulter cette vidéo. http://www.realpolitik.tv/2010/06/i...

En ce qui concerne les hausses salariales en Allemagne, les syndicats ont simplement exigé des employeurs qu'ils remplissent leur part du contrat social. Puisque les salariés ont accepté une pression sur les salaires, voire un gel même dans le service public, le chômage partiel, la hausse des cotisations sociales à l'assurance maladie, le tout sous le prétexte de la crise [mondiale] et la vision á long-terme, et constatant que l'économie allemande fleurit et a recrû, et puisque les syndicats représentent les salariés, à la différence d'en France, les chefs d'entreprise se sont à leur tour vus invités à faire un effort, incités par quelques grèves massivement suivies dans les services publics ou pseudo-publics tels que l'enseignement ou les transports en commun. Mais autant que je sache cette hausse ne concerne pour l'instant que le service public, ce que vous suggérez, donc, ne concernerait pas encore le service privé, évidemment. Les allemands accepteront ils des concessions européens qu'ils ne se sont pas encore accordées, ou à l'instant seulement? bien sûûûr.
Je ne vois toujours pas trace, ici en Rhénanie du Nord, d'une prise de conscience de la dépendance de l'Allemagne vis-à-vis des économies européennes, malheureusement. Comment la croissance pourrait elle être coordonnée à l'échelle européenne? Au moyen du fonds de sauvetage créé sous Merkozy? Par la fixation de barrières douanières aux portes de l'Europe? Ce serait un bien bel hommage à M. Sarkozy, et si peu de tant après l'élection! je n'y crois pas.
Et puis, en Allemagne, la récolte des "Landtagwahlen" n'est pas terminée, notamment en Rhénanie du Nord- Westphalie. Même si l'alliance CDU-FDP baisse dans les résultats électoraux, les concurrents SPD-Grûnen ne prennent pas d'envol car les "Piraten" attirent les voix indécises, le Shleswig Holstein en est le dernier exemple. Or, essayez de parler d'investissement public et de plan de relance à un libéral du FDP... et à un "pirate" ... Alors, patientons avant d'anticiper.

Qu'est-ce qui pourrait être coordonné au niveau européen qui ne l'est pas déjà? Qu'est ce qui ne sera toujours par coordonné et qui devrait l'être depuis longtemps? Voilà deux questions auxquelles aucun journal, ni aucun expert, ni aucun politique, ni aucune conférence de sous-ministres sous-délégués à la gestion des contrats de coopération entre divisions des départements d'entraide et de soutien aux sous-ministères chargés de l'harmonisation européenne, n'apportera. On aura un sommet armoricain, voilà, un sommet par définition mais pas un sommet d'importance.

Cordialement,

2. Le mercredi 9 mai 2012, 20:47 par yves cadiou

Pour ce qui concerne la France, il est un peu tôt pour évoquer « la question de la politique étrangère du nouveau président de la République ».

A supposer même que le Président de la République puisse avoir, au motif de la coutume, une politique personnelle alors que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation » (article 20 de la Constitution ; celle-ci différencie clairement la fonction présidentielle et la fonction gouvernementale), la politique présidentielle ne pourrait pas être en contradiction avec celle du Gouvernement.

Or la couleur du Gouvernement sera celle de l’Assemblée élue en juin prochain. Rien ne dit que l’on aura encore cette fois la configuration (néfaste, à mon avis) que l’on vient d’avoir pendant cinq ans avec un Gouvernement et une Assemblée qui, pour de mystérieux motifs, se considéraient comme aux ordres du Président.

3. Le mercredi 9 mai 2012, 20:47 par FFF

Tout d'abord j'aimerais vous envoyer le lien d'une conférence de Tomas Sedlacek, un économiste Czech qui, en réponse à la question s'il est possible d'avoir Economie sans croissance, dit: oui.

http://www.youtube.com/watch?v=A1tj...

A propos de la Grèce, elle a des échéances à respecter pour juin et tout indique qu'elle ne les respectera pas. D'ailleurs le nouveau gouvernement a déclaré nul les accords sur l'austérité en Grèce, et aucun pays, aucun peuple, ne peut accepter de perdre sa souveraineté.

Le fait étant que Portugal et Espagne ont poursuivi leurs plan d'austérité. Mario Monti réduit les dépenses de l'Etat et les impôts; il fait une relance libérale. Et l'Islande, dont on recommence à parler, n'a pu se récupérer qu'après avoir déclaré faillite.

Or, la faillite est prévue dans le droit d'entreprises parce qu'elle est, parfois, la meilleur et la seule sortie. L'euro a été établi sans aucun plan de faillite et la confrontation à cette possibilité vis-à-vis de la Grèce nous a tous mis en garde. Cependant cela fait déjà deux ans que nous nous habituons à l'idée et, surtout, que les marchés et les banques ont eu le temps de se débarrasser des titres grecs. La sortie de la Grèce n'aurait pas le même effet sur le marché qu'il y a deux ans, et n'impliquerait pas que l'Espagne ne tienne pas ses engagements de part le fait que l'Espagne, elle, a poursuivi sont plan d'austérité.

Les marchés ont l'avantage du pragmatisme, et l'inconvénient des délais, puisque le temps passe vite.

Je vous souhaite une excellente journée,

FFF

4. Le mercredi 9 mai 2012, 20:47 par oodbae

Bonsoir,

En Rhenanie du Nord - Westphalie, c'est le SPD de Mme Kraft qui a gagné , de sorte que l'alliance "Rot-Grün" ,i.e socialistes-écolos, possède la majorité absolue au parlement du land avec env 50,45% contre à peu près 26 % pour la CDU. Ce résultat éectoral est déjà en soi intéressant car Mme Kraft était dèjà à la tête du NRW avant le scrutin, donc ce vote maintient en place un(e) sortant(e), à l'inverse de la tendance souvent observée en Europe depuis 2009.

Cela a t il des conséquences sur la politique économique de l'Allemagne et sur la politique économique européenne? Pour ceux qui me feraient l'honneur de lire le commentaire, je rappelle qu'environ 18 millions de personnes vivent en Rhénanie du Nord Westphalie et que c'est la région la plus riche d'Allemagne, peut-être d'Europe. Autrement dit, le NRW est à l'Europe ce que la Californie est aux USA. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que les français ont soutenu les mouvements séparatistes après la grande guerre, mais cela, c'est une autre histoire... Voici donc un chapître de son programme électoral: http://www.hannelore-kraft.de/html/... , où elle evoque la taxe Tobin (" Finanztransaktionssteuer") et une forte solidarité européenne, chiffrant la dépendance de l'économie allemande à plus de la moitié des exportations. Ceci irait dans le sens de l'analyse de M. Kempf, à savoir une plus forte solidarité européenne et plus d'impôts.

Cependant, ce même programme électoral affirme aussi dans le même chapître que:
" Nous voulons que le NRW continue de bénéficier du fonds de stabilisation européen (troisième paragraphe)
- nous voulons une politique économique [encore plus ]commune (NDLR: donc à contresens d'une réappropriation des politiques économiques par les états notamment en ce qui concerne les emprunts nationaux et les droits douaniers, premier paragraphe)

On observe donc bien que la candidate SPD veut participer à la consolidation de la coopération européenne... dans ses aspects bénéfiques pour les allemands et le NRW en particulier. Rien de très étonnant même si on serait heureux d'observer le même patriotisme chez les francais, soit dit en passant. Et plus haut, Mme Kraft affirme avoir continué de réduire les dettes du Land, contredisant les prophéties électorales des adversaires de la CDU et du FDP. (http://www.hannelore-kraft.de/html/...). Ce dernier point est important. En Allemagne, on peut être socialiste ET être fier de réduire la dette publique ET se faire élire avec une telle combinaison... Autant dire que la croissance à crédit ne sera toujours pas tolérée par les allemands.

Par ailleurs, à propos du coût du travail et de l'inflation, la Bundesbank a annoncé qu'elle avait l'intention de la laisser filer... les gros titres ont déjà grondé et brandi le spectre de l'inflation de 1923 et des valises de billets et des 125 g de beurre à 125 miliards de marks. Il est des traumatismes dans l'inconscient collectif allemanf que nous, francais, avons du mal à saisir.
Il y a là trois remarques importantes. D'une part, la Bundesbank n'a pas attendu le sommet du 23 mai (donc on peut se demander de quoi ils vont discuter autour de leur château Chinon, les technocrates et autres politiques européens). D'autre part, la réaction médiatique ne s'est pas faite attendre. Enfin, le vote "SPD-Grün" montre que les allemands n'ont pas voté pour enrichir les grecs mais pour être protégés par leur état.
De manière générale, je suis circonspect face à l'attente vis-á-vis des allemands qu'ils acceptent la "croissance". D'une part parce qu'ils en parlent justement depuis le début de la crise, soit depuis 2008, de "croissance", qu'ils n'ont justement jamais cessé d'en parler, de la croissance, et qu'ils ont ont bien ri jaune à propos de la contestation de la réforme des retraites francaise, et de la soi-disant sauvegarde du modéle social francais par décret. D'autre part parce que si les socialistes allemands ont bien accepté au temps de Schröder le théorème " si plus de gens vivent plus longtemps, il faut plus de cotisations et plus longtemps". Ils en ont payé le prix fort, à savoir une déroute électorale en 2005 et l'arrivée de Mme Merkel au pouvoir. Je doute qu'ils offrent ce sacrifice politique sur l'autel de la solidarité européenne au nom d'idéologies "keynésiennes", ou semblables, contraires à la justification de ce choix politico-économique d'alors.

Cordialement,

égéa :merci de ce commentaire sur cette élection régionale qui était effectivement importante (et peu suivie en France)

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