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L'axe Athène-La Haye passe-t-il par Berlin et Paris ?

La démocratie est aujourd'hui en butte à l'austérité. Cela s’observe beaucoup ces temps-ci en Europe. Mais ces tensions internes à l'Europe ont aussi des enjeux externes.

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1/ Tout d'abord, nous observons les métastases de la crise grecque, qui n'est plus seulement économique, mais désormais politique. Le résultat des dernières élections a donné une chambre ne permettant pas de constituer un gouvernement. Les partis qui acceptent les conditions d'austérité imposées par l'UE, le FMI et les autres prêteurs internationaux n'obtiennent pas de majorité, même avec une structure de grande coalition.

  • les électeurs ont voulu punir les deux pays "responsables" de la crise : c'est en effet leur gestion démagogique et corrompue qui a mené le pays là où il est. Avec une docilité consentante de la population, qui se venge sur ses élites d'erreurs que chacun a partagées.
  • le souhait est contradictoire : l'euro sans l'austérité. Ce qui semble inatteignable. Même si ailleurs en Europe, les radicaux de l'austérité commencent à admettre que l'austérité seule ne peut tout résoudre.
  • Cependant, les Grecs sont confrontés à Charybde et Scylla, la peste et le choléra.
    • Car s'ils restent dans la zone euro, ils poursuivent la récession jusqu'à ce que les purges permettent enfin de reconstruire une économie un peu équilibrée.
    • mais s'ils en sortent, ce sera pire : car la dévaluation ne permettra pas de regagner en compétitivité, puisque les Grecs ne produisent pas grand chose de monnayable... Bref, la récession en pire.

Quand on observe toutes les déclarations allemandes sur l'éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro (qui ne serait pas grave), les choses sont dites et les pressions on ne peut plus claires : L’Allemagne ne paiera pas.

2/ Par ailleurs, cette contradiction démocratique entre austérité et vote se retrouve, de façon moins paroxystique, aux Pays-Bas (cf billet). Certes, il y a eu un accord a minima pour voter un budget en attendant les élections à l'automne, mais les données paraissent similaires, avec des difficultés à constituer un gouvernement stable, et la possibilité d'une chambre ingouvernable.

3/ Les réactions à l'austérité se font jour ailleurs : qu'on pense aux manifestations en Italie, ou à la résurgence des indignados en Espagne. A chaque fois, on proteste à coup de vote ou de manifestations contre l'austérité, la rigueur, le chômage et la décroissance. Ainsi, il y a une sorte de tension entre les nécessités de l'austérité, et les vœux des populations. Autrefois, les gouvernements auraient cédé et accepté une sorte de laisser-aller. Ce n'est plus possible aujourd'hui.

4/ C'est pourquoi il est très probable que les Français et les Allemands vont trouver les moyens de négocier.

  • on ne renégociera pas le traité stricto-sensu mais on lui adjoindra un volet croissance, ce qui permettra aussi bien à Berlin qu'à Paris d'afficher sa bonne fois.
  • La France ne votera pas une règle d'or mais une loi pluriannuelle de finances publiques qui en tiendra lieu et permettra d'obéir aux règles du traité. Ce dont tout le monde se satisfera.
  • La BEI sera sollicitée, la taxe sur les transactions financières adoptée, et on trouvera un moyen d'avoir l'équivalent d'eurobonds qui n'en porteront pas le nom.

5/ Comme me le disait un de mes interlocuteurs ce week-end : on va avoir un deuxième festival de Cannes, avec plein de prises de vues et des acteurs qui joueront leur rôle, avec ce qu'il faut de dramaturgie pour que le public frissonne et accepte, finalement, les efforts qui seront nécessaires. Et puis on verra ce qui se passera cet été. ON devrait encore avoir un ou deux sommets "historiques".

6/ Est-ce aussi simplement désespérant ? En fait, l'enjeu doit s’apprécier à l'aune de la guerre financière entre les deux rives de l’Atlantique (voiri ici) : en sauvant l'euro, en démontrant qu'il peut marcher, on gagne des galons dans la bataille des dettes qui est aujourd'hui en cours. Les Américains n'ont jamais cru à l'euro, ce qui explique d'ailleurs en grande partie les objurgations des Krugman, Soros et autres Stiglitz. C'est d’ailleurs cette contrainte extérieure qui fait que l'austérité européenne est aujourd'hui incontournable. Le problème n'est pas seulement de suivre un "modèle allemand", c'est surtout de convaincre des créanciers internationaux (non-européens). Aujourd’hui, ils regardent plus l'Europe que les Etats-Unis. C'est peut-être injuste. Mais ce sont leurs créances.

Ce sont les nouveaux jeux de la puissance.

O. Kempf

Commentaires

1. Le dimanche 13 mai 2012, 19:06 par Daniel BESSON

Bonjour ,
Cit : mais s'ils en sortent, ce sera pire : car la dévaluation ne permettra pas de regagner en compétitivité, puisque les Grecs ne produisent pas grand chose de monnayable... Bref, la récession en pire
Il faut cesser de présenter la Grèce comme produisant seulement de la feta et des bibelots imitant l'Antique ( au demeurant certains vases non " made in China " sont trés finement travaillés et peints ! ) .
http://en.wikipedia.org/wiki/Econom...

On peut en particulier parfaitement imaginer ce que représenterait une dévaluation de 30% pour les chantiers navals Grecs capables de produire des navires de guerre , des submersibles et des yachts de luxe !
http://en.wikipedia.org/wiki/Hellen...
http://www.superyachts.com/motor-ya...
ou pour les armateurs Grecs
http://en.wikipedia.org/wiki/Greek_...
http://www.balkanalysis.com/blog/20...
On assisterait ainsi à une relocalisation des activités maritimes et la renaissance d'un pavillon Européen cad une première en Europe depuis 60 ans ! Quand aux importations , les Grecs y trouveront alors tout simplement une opportunité pour développer certains secteurs industriels !
Cordialement
Daniel BESSON

égéa : merci de ces précisions. Je croyais que les chantiers grecs avaient périclité à la suite de la montée en puissance des chantiers japonais, puis coréens, puis chinois. Pensez vous vraiment qu'une baisse de 30% du coût du travail suffirait à relancer ce secteur ?

2. Le dimanche 13 mai 2012, 19:06 par Daniel BESSON

Bonjour ,
Les chantiers Grecs ont effectivement subi la concurrence des chantiers Asiatiques mais c'est bien l' " Euroisation "de la Grèce qui leur a causé le plus de difficultés . Les gains de productivité obtenu par les méthodes de construction modulaires sont aujourd'hui appliqués par tous les chantiers et les marchés se gagnent donc aussi sur le prix de revient et 30% de baisse des coûts ( hors éléments importés comme moteurs , électronique de navigation ) est loin d'être négligeable !
La " dévaluation compétitive " n'est pas un mythe , surtout lorsque l'on parle de 30% ! De plus cette dévaluation va profiter aussi au tourisme et des grands pays touristiques Méditerranéens , la Grèce va vite capter une partie d'une clientèle plus regardante à cause de la crise !
La véritable crainte désormais des responsables Européistes , c'est de voir une Chine Grecque , une Chine Espagnole et une Chine Portugaise aux frontières même de l'Europe avec des coûts de production inférieurs à 30% vers lesquelles se délocaliseront les entreprises ! D’où leurs appels à ce que la Grèce reste dans le système de l'Euro ! ...
Cordialement
Daniel BESSON

égéa : si je suis votre raisonnement, alors la Chine a tout à craindre d'une sortie de la Grèce : raison de plus pour lui prêter des sous ?

3. Le dimanche 13 mai 2012, 19:06 par Daniel BESSON

Bonjour ,
Les raisons et les modalités de l'appui de la Chine sont parfaitement explicitées dans cet article : Un " hub " logistique et éventuellement une " maquiladora "
http://www.usinenouvelle.com/articl...
http://www.lemonde.fr/economie/arti...
L'autre atout de la Grèce est son secteur pharmaceutqiue qui , toujours en cas de dévaluation , lui permeterait de devenir le pôle Européen du médicament générique .
L'Espagne qui produit des pièces détachées pour l'industrie automobile Européenne , des pièces pour l'aéronautique et des chantiers navals [ des industries développées par les " technocrates " du Franquisme à partir du début des années 60 ] aurait in fine beaucoup à gagner à sortir de l'Euro !
Il faut se souvenir que Grèce , Espagne et Portugal ont été intégrés pour des raisons idéologiques ( fin des régimes dits " autoritaires " ) en dépit de tous les avertissements lancés à l'époque !
Cordialement
Daniel BESSON

égéa : merci de toutes ces précisions : elles feront un bon article sur Ice Station zebra !

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