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Taiwan : identité chinoise

Intéressant article du Monde sur Taïwan, hier. Qui amène qq commentaires.

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Le reportage montre en effet les évolutions de l'île (je découvre d'ailleurs qu'il y a une population aborigène qui y demeure encore). En effet, après avoir été colonisée par les Japonais, son histoire tourne avec l'arrivée du Kuo Mintang en 1949 : la nouvelle élite des Chinois du continent domine l'île (et sa population autochotne), et se prétend représenter "toute la Chine". Puis le tournant des années 1970, quand la RPC remplace Taïwan dans les instances internationales, ouvre une nouvelle période, et au fond une interrogation :

  • poursuivre le débat "nous représentons toute la Chine" ?
  • Aller vers une "indépendance" qui constaterait deux systèmes ?
  • Au contraire, entamer un rapprochement d'abord économique mais aussi politique (d'ailleurs mené par le Kuo Mintang) dans une sorte d'inversion du projet d'une seule Chine ?

Mais au fond, on assiste à une nouvelle phase, que fait bien sentir le reportage : celle d'une sorte de néo-nationalisme qui part de l'expérience de la démocratie, acquise depuis maintenant une vingtaine d'années : ce que ne dit pas l'article, c'est que Taïwan se sent comme "en avance" par rapport à la Chine, ce que même les Chinois continentaux découvrent. Et les aspirations continentales à plus d'ouverture et de transparence trouvent un modèle sur l'île : au fond, les masses retrouveraient des schémas politiques du passé (dénués de leurs oripeaux idéologiques). Ainsi, Taïwan aurait réussi à hybrider plusieurs traditions...

Pourtant, Taïwan demeure un pion essentiel dans le projet géopolitique de Pékin (du moins dans sa partie maritime) : en effet, Taiwan articule la mer intérieure occidentale (liant la péninsule de Corée, le Japon et Taïwan) et la mer de Chine méridionale (qui fait d'ailleurs l'objet de revendications deplus en plus vigoureuses de Pékin depuis quelques moins, avec occupations d'îlots dans les Spratleys et les Paracels), comme je l’expliquai dans un billet passé.

Du coup, l'évolution taiwanaise va à l'encontre d'une démarche plus large qui dépasse le simple dialogue Pékin Taipei.

O. Kempf

Commentaires

1. Le dimanche 5 août 2012, 22:40 par

Bonsoir.

Le Monde diplomatique a consacré quelques articles à Taïwan au début de l'année à l'occasion des élections qui s'y déroulaient :

- http://blog.mondediplo.net/2012-02-...
- http://blog.mondediplo.net/2012-01-...
- http://www.monde-diplomatique.fr/20...

Bonne soirée.

2. Le dimanche 5 août 2012, 22:40 par Ronin

Je n'ai pas lu l'article du Monde.
Cependant je me permets de donner mon avis, un peu différent du votre...

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre idée d'hybridation des traditions des taïwanais. Taiwan est profondement chinoise, ce pays s'est simplement occidentalisé dans les années 80 de par l'ouverture de son formidable marché du secteur primaire. La "manufacture du monde", véritable eldorado de production à bas coût pour l'Occident, s'est ensuite transformée dans les années 2000 en producteur mondial d'industrie technologique de pointe.
C'est le volet économique qui a construit la puissance taïwanaise (discutable selon les termes de puissance de Joseph Nye). Mais dans le fond, Taïwan est chinoise culturellement parlant, et Pékin continue de le revendiquer.
Certes Taipei a acquis sa souveraineté, et est reconnue réglementairement pas l'ONU et par plus de 150 pays comme une nation, mais n'oublions pas qu'historiquement Taïwan est chinoise depuis plus de 3000 ans, l'émancipation par Tchang Kai Chek face à Mao ne date que de 1949... une poussière en somme.
D'ailleurs les taïwanais parlent chinois, pas taïwanais, et la langue vernaculaire est le premier critère civilisationnel, n'en déplaise à Huttington et autre "philosophe" catalyseur de violence.
Pour Pékin, Taipei c'est la Chine, il ne faut pas l'oublier. Une bonne partie de la politique de défense chinoise est orientée sur une invasion rapide de Taïwan (moins de 36h pour atteindre Taipei avec moins de 20.000 morts selon le LB chinois de 2008). Les principales bases maritimes abritant les régiments amphibies chinois sont stationnés face à Taïwan.
Encore une fois c'est l'économie qui a sauvé Taïwan. Pékin a peu à peu declassé sa posture stratégique agressive depuis 1980 car Taïwan est devenu un partenaire économique colossal : 70% des IDE de la Chine vont vers Taïwan et inversement. Les 2 économies sont maintenant profondément imbriquées.

Enfin sur le domaine démocratique, oui vous avez raison, le modèle taïwanais liberal commence à faire des petits en Chine, surtout auprès des jeunes, qui commencent peu à peu à aspirer à un nouveau modèle de régime politique différent de celui du RPC (mais certainement pas à l'image d'une démocratie occidentale, les jeunes chinois comme les jeunes russes sont plutôt en train de créer un nouveau modèle politique, un espèce de "neo-autoritarisme" aggrementé d'un soupçon de liberté individuelle).
Toutefois ce modèle n'est pas nouveau. Il existe déjà depuis plus de 10 ans dans les 2 places fortes occidentales que le régime de Pékin n'arrive toujours pas à endiguer : Schangai la belle internationale (l'américan dream asiatique), et Hong-Kong l'heritiere britannique.

Mais quoi qu'il en soit, la tradition taïwanaise n'est pas le produit d'un hybride de traditions, la culture y est, et y restera, chinoise. Ce qu'à connu Taïwan dans les années 50, le Japon l'a connu à partir de 1868 au début de l'ère Meiji avec une puissante industrialisation. On prend ce qu'il y a de bon à prendre chez les occidentaux, mais on garde le fond de notre culture. Personnellement je trouve qu'ils ont bien raison.

egea : votre comparaison finale avec le Japon Meiji va dans le sens de ce que je voulais suggérer. Je crois que nous sommes d'accord.

3. Le dimanche 5 août 2012, 22:40 par Ronin

Oui mais attention les conditions historiques sont radicalement différentes.
Dans le cas du Japon, c'est la Nation elle même sous l'autorité de l'empereur, après avoir maté les dernières révoltes de la caste samouraï, qui a décidée elle-même de son occidentalisation à marche forcée.
Concernant Taïwan, 1949 a vu la création d'un nouvel État nation à travers la fuite des dernières armées chinoises nationalistes après 10 ans de guerre civile opposant Mao à Tchang Kai Tchek. Par la suite Taipei s'est occidentalisé car il y a vu une manière efficace et durable de s'opposer à Pékin. Taïwan s'est donc occidentalisé plus par opportunisme que par conviction.

Maintenant sur le sujet qui nous intéresse le plus, à savoir la partie d'échec que commence à se livrer Washington et Pékin en mer méridionale de Chine, je pense que Taïwan va y jouer une pièce maîtresse, un fou ou un cavalier, comme le Japon ou la Corée du Sud.
Ces 3 pièces joueront vraisemblablement dans le camp américain. Du moins c'est leur ligne de conduite stratégique depuis 50 ans. En se livrant à une modeste prospective, je pense que Taïwan accueillera à terme une base américaine majeure (ce sont les prévisions actuelles), qui participera au maillage US de la zone (2 bases au Japon, 2 bases en Corée du Sud). La vraie question est, Taïwan a t-il une géopolitique propre ? Quel sera sa stratégie nationale à horizon 2030 decorellée de toute influence US ?
La voilà la vraie question à mon avis.
Eventuellement un breveté du secteur Asie à la DAS pourrait y répondre brillamment...

4. Le dimanche 5 août 2012, 22:40 par BQ

Mainland China et Taïwan ont un intérêt commun: que cette dernière devienne un 2ème Hong-Kong.
Problème: il n'y a pas de traité prétexte à une date de hand-over comme en 1997. Et surtout, les US n'en veulent pas, mais pas du tout...

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