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Triangle européen et "Europe de la défense"

A l'heure de la commission sur le LB, les termes de la lettre de mission rappellent l'objectif d'une Europe de la défense. Personnellement, je n'aime pas beaucoup cette expression : intraduisible en anglais, incomprise à l'extérieur, elle constitue un mantra français qui constitue un de ces compromis, résultat du consensus et non fabricateur de consensus. Ce n'est pas la défense de l'Europe (parce que pour beaucoup d'Européens, il y a l'Alliance atlantique pour ça), et ça sonne mieux que de la coopération de défense, un peu trop intergouvernemental et pas assez "ambitieux"... Accessoirement, cela a permis de convenir aussi bien à la droite qu'à la gauche (consensus, vous disais-je) ce qui fait qu'on peut la critiquer sans être partisan.

source

Donc, comme en France on se paye de mots, on a inventé une expression et tout le monde est content. Mais comme l'expression est un entre-deux, elle a perdu de son utilité originelle.

En fait, la défense est le résultat d'une souveraineté, l'expression d'un monopole de violence légitime. Parler de l'Europe de la défense pose la question de la responsabilité de cette défense.

1/ Soit c'est le niveau supérieur (UE) : mais les traités n'accordent pas à celle-ci de responsabilité directe, et le traité de Lisbonne a surtout insisté sur l’aspect diplomatique (SEAE) plus que sur l'outil militaire, même si on a renommé le tout "PSDC".

2/ Accessoirement, l'UE ne se vit pas comme "puissance" et n'a donc pas de stratégie (sans vouloir offenser J. Solana, le rédacteur de la mièvre "stratégie européenne", mièvre car déjà à l'époque résultat d'un consensus, celui du moins disant stratégique : elle a dix ans !).

3/ Il faut donc revenir aux Etats-membres. Or, si la France et le Royaume-Uni partagent la même vision de la puissance, et donc des moyens de l'exercer (et donc de l'utilisation d'abord d'un hard power), ils ne sont pas d'accord sur l’instrument pour communautariser leurs efforts en la matière : OTAN pour le RU, UE pour la France.

4/ Quant aux partisans de "l'Europe de la défense", la France et l'Allemagne, ils ne ne sont pas d'accord sur ce qu'est la puissance, l'Allemagne voyant surtout l'aspect économique, la France l'aspect militaire. Dès lors, les Allemands signeront tout ce que voudront les Français en matière de PSDC (état-major stratégique, headline goal d'Helsinki, ...), ils mettront peu de choses en œuvre : s'ils vont en Afghanistan c'est avec beaucoup de caveats, et ils s'abstiennent pour le vote de la 1973 et refusent de s'engager en Libye.

4 bis/ Au fond, pour les Allemands (et pour beaucoup d'Européens, voire la majorité), l'outil militaire n'est plus un truc utile pour réponde aux défis du moment. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils appuient les développements dans "l'Europe de la défense" : cela a peu de coût pour eux, une sorte de gendarmerie qu'on envoie pour des opérations humanitaires. ce n'est pas un hasard non plus s'ils refusent de partager notre dissuasion nucléaire : trop hard pour eux.

5/ Mais avez vous remarqué, au passage, qu'ils sont au coude à coude avec nous en exportations d’armement, quand ils étaient un acteur plus mineur il y a quinze ans ? Qui a dit qu'une attitude volontaire dans les opérations suffit à appuyer le segment économique ?

6/ Bref, tant qu'on n'aura pas dépassé cette impasse à l'intérieure du triangle européen, on pourra toujours chanter l'Europe de la défense à tue-tête, ça ne fera pas avancer le schmilblick. Et je crains que la commission LB ne soit vraiment en mesure de trancher l'impasse.

O. Kempf

Commentaires

1. Le dimanche 2 septembre 2012, 21:49 par

Très bonne remarque, Olivier, l'expression "Europe de la défense" est intraduisible en anglais. Si on cherche un peu, j'ai l'impression qu'elle l'est également dans d'autres langues comme l'italien et l'espagnol, où on évoque parfois la "défense européenne", concept plus vague et qui ne met pas en jeu la souveraineté. Il faudra interroger les deux spécialistes britannique et allemand invités à la commission du LB ;-)

egea : eh oui, Pierre : typiquement franco français, ce qui montre à quel point notre vision "européenne" est étriquée.... On se fait plaisir, on ne cherche pas à avancer.

2. Le dimanche 2 septembre 2012, 21:49 par Colin L'hermet

Bonsoir,

Une (im)pertinente Europe de la Défense, ce serait Europa in arms.
Une telle expression intègrerait doublement la notion d'armement et la volonté de s'en servir.
Tout ce qui fait justement défaut aujourd'hui.

Mais je puis comprendre qu'une telle appellation soit bien peu vendeuse : elle rappelle des heures sombres à l'intérieur de l'ensemble européen et inquiète au dehors...
Or l'horizon kantien que nous prêtons à la construction européenne nous a toujours portés à souhaiter éviter d'inquiéter nos voisins, petits (cf la PEV) comme grands (URSS en son temps), de peur de devoir gérer leurs broncas ou leurs crocs-en-jambes...

Un résultat en est ce consensus moins-disant que vous rappelez.
Un autre résultat consiste en ces coopérations structurelles permanentes CSP qui devraient permettre de voir émerger une Europe de la défense "à deux vitesses".
Entre le consensus et le désorbitage, le choix est malaisé.

Bien à vous,
Cl'H

3. Le dimanche 2 septembre 2012, 21:49 par

Une défense européenne ne peut s'organiser contre l'inertie des pays de l'Est qui ont réglé leur question militaire une bonne fois en intégrant l'OTAN.
L'Europe de la défense est pour eux une dispute franco-américaine initiée à l'ère gaulliste et conduite par un pays "surévalué" et peu fiable (historiquement).
Si comme vous le dites, les Allemands n'ont pas d'intérêts vitaux engagés dans ce projet, aucun de ses "clients politiques" ne rejoindra la France. Et je ne pense pas que les Anglais aillent plus loin que les accords passés avec le gouvernement français précédent. Ils n'y gagnent rien.

4. Le dimanche 2 septembre 2012, 21:49 par francky

L europe n a aucun interet...

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