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Endettons nous, Folleville

La semaine qui vient de passer aura des conséquences sur l’économie européenne et son avenir politique, nous y reviendrons, mais surtout sur les grandes données financières et économiques mondiales. La conclusion est claire : il est urgent de s'endetter.

source

1/ En effet, le 6 septembre, Mario Draghi, directeur de la Banque centrale Européenne, annonçait qu'il procéderait à une action "illimitée" pour racheter de la dette des États de la zone euro, surtout si les taux exigés par les marchés sont trop élevés.

2/ Huit jours plus tard, Ben Bernanke, le directeur de la Réserve Fédérale américaine, lançait un nouveau plan de Quantitative Easing, destiné cette fois aux titres liés à l'immobilier américain (à hauteur de 40 Milliards de dollars par mois...), là encore sans limite de temps ou de valeur cumulé des rachats.

3/ Le point clef n'est donc pas dans la succession de nouvelles du côté européen (décision du tribunal de Karlsruhe, assouplissement au Portugal, ...), mais dans le couplage transatlantique des interventions des banques centrales, utilisant des outils "non conventionnels" pour casser la crise.

4/ En utilisant la théorie économique standard, on ne comprends pas ces interventions : en effet, dans un marché gorgé de dettes (privées et publiques : on oublie souvent les premières, au moins aussi importantes que les secondes), Dra-nanke a décidé de rajouter de la dette à la dette. Que les précédentes interventions similaires n'aient donné que peu d’effet ne surprendra que les incultes : il y a eu un phénomène de trappe à liquidité (même si à la différence de la théorie de Keynes, cette relance n'est pas le fait de l’État mais de banques centrales : on admettra que la différence est ténue).

5/ C'est donc une logique simili-keynésienne qui est poursuivie : En fait, peut importe la dette ou le surcroît de dette : il s'agit en effet de relancer la confiance, en estimant qu'on relancera par là la croissance, et ensuite l'inflation. Autrement dit, en faisant marcher la planche à billet à plein régime (car l'annonce de notre duo, ne vous y trompez pas, n'est rien d'autre que de la création monétaire à cadence accélérée), on estime qu'on tuera la dette par l'inflation. Muraille de dette, dites-vous ? Il y aura une montagne d'inflation pour la tuer, ce n'est pas grave.

6/ La décision que vous ou que moi devons donc logiquement prendre est la suivante : empruntez pour acheter des valeurs solides (or, immobilier). Les prix sont hauts ? ils ne le sont qu'en valeur faciale, qui paraîtra minimale dans un ou deux ans, quand on aura pris 10 ou 20 % d'inflation annuelle... Et dans cinq ou dix ans, quand vous devrez payer 3% d'intérêt pour des emprunts en valeur 2012 sachant qu'alors les prix auront été multipliés par deux et les taux par trois, vous serez content de votre appartement.

Il ne reste plus qu'à convaincre votre banquier : or, comme il n'est pas sot, il a déjà compris ce que vous vouliez faire. Pourquoi croyez vous que les crédits se tarissent partout ?

O. Kempf

Commentaires

1. Le dimanche 16 septembre 2012, 22:19 par VonMeisten

Attention : l'inflation se maîtrise très mal, qualitativement
ou quantitativement. L'inflation peut toucher certains biens, ou pas d'autres, et par exemple, peu ou pas les salaires !
Et, c'est un peu comme la guerre : facile à déclencher, difficile à maîtriser...

2. Le dimanche 16 septembre 2012, 22:19 par yves cadiou

On a parlé ici, il y a une quinzaine de jours, de l'inflation des années 70, remède décidé par le pouvoir politique.
Mais cette fois, c'est différent parce que le directeur de la BCE ne s'appuie sur aucune légitimité populaire.

3. Le dimanche 16 septembre 2012, 22:19 par

Bonjour,

Si les mesures de relances Keynésiennes actuellement à l’œuvre entraînent une hausse des prix avérée, la hausse des salaires n'est pas au rendez vous, bien au contraire.

La hausse des prix qui concerne principalement les matière premières est une forme d'inflation importée sur laquelle nous avons peu de levier. La crise économique ne laissant aucune marge pour augmenter les salaires.

Ce phénomène n'est donc pas de l'inflation mais est appelé stagflation.

Contre ce phénomène, les stratégies dont vous parlez sont plutôt risquées. Par exemple l'immobilier étant sur-évalué par rapport au revenu n'a aucune chance de se maintenir à ce niveau.

Bonne semaine,

MoB

4. Le dimanche 16 septembre 2012, 22:19 par Colin L'hermet

Pardon, MoB,
mais cela fait des années que je m'étonne de la survivance de la bulle de l'immobilier.

Or une grande part du patrimoine de l'Etat est immobilière.
La surévaluation immobilière est donc un facteur positif en ce qu'elle gonfle les actifs nationaux (via la CDC notamment, qui intervient ensuite en sous-main comme fréquent relais d'investissement).

Une simple réévaluation, donc à la baisse, des valeurs immobilières viendrait à faire crever une bulle qui soutient pas moins de 30% de la richesse nationale évaluée.
Autant annoncer une faillite programmée dans un contexte aussi contraint par les autres paramètres.

L'effet de persuasion a toujours marché : contre toute logique, nous avons réussi à maintenir une croissance permanente de cette bulle.
Donc, si vous m'en croyez, le fait d'un décrochage encore accru, entre niveau de vie moyen et valeur de l'immobilier, n'est absolument pas annonciateur d'une remise en ordre des compteurs.
Le risque est bien trop grand.
La sacro-sainte niaiserie du "too big to fail" (ici du "too big pilar to be deflated") est résolument à l'oeuvre dans le traitement irationnel de cette question.

Tels les Napolitains, continuons de danser sur le volcan !
Bien à vous,

Cl'H

5. Le dimanche 16 septembre 2012, 22:19 par Patrick Saint-Sever ssp consult

bonsoir,

deux brèves remarques, l'une sur le fond, l'autre sur la forme:

- la création monétaire "sans limites" ne risque aucunement abonder l'économie ou "sauver l'emploi" d'une part car la confiance ne se décrète pas par des masses de capitaux à prêter à taux bas, il faut des "instincts animaux" orientés positivement: or comment faire confiance à des technos en défaut récurrent d'analyse, prévisions et diagnostics depuis 5 ans, mais fort auto-satisfaits? D'autre part car cette "politique" n'a pas cela comme objectif, il s'agit simplement d'abonder les banques pour les refinancer et les sauver, ou leur donner des munitions gratuites pour continuer à spéculer et socialiser les pertes. La création monétaire se déverse directement sur les bulles d'actifs, dont effectivement l'immobilier, qui corrigera fortement puisqu'il n'est plus un vecteur de spéculation à la mode chez les Institutionnels. La "manne" n'a pas vocation à venir dans l'économie réelle. Au passage mentionnons que l'inflation, ce n'est pas la hausse des prix, c'est également un phénomène de défiance, mais non plus à l'égard seulement des perspectives économiques, mais quant à la valeur de la monnaie versus les marchandises, quant à l' instrument social qui doit rester indiscutable pour mesurer et clore les relations d'endettement. C'est un début de guerre civile puisque la norme est mise en cause.
- au plan de la forme, la "trappe à liquidités" de Keynes c'est comme l'oubliette du château fort: tout le monde en parle (je ne suis pas le dernier) et cela n'existe pas, sauf exception. Outre le fait que ce sont les épigones (souvent bien peu fidèles) de Keynes qui ont manié ce terme (lui parlant de "préférence pour la liquidité"), il est peu souvent relevé que Keynes écrivait (Théorie Générale chapitre 13) qu'il n'avait jamais rencontré ce phénomène: "Une fois le taux tombé à un certain niveau, tout le monde préfère l'argent liquide à la détention d'une créance qui rapporte un taux d'intérêt aussi faible. (...) Peut-être ce cas ce cas limite prendra-t-il une certaine importance pratique dans l'avenir, mais nous n'en connaissons pas d'exemple dans le passé". C'est là que nous constatons le grand snobisme de Lord Keynes, qui visiblement en bon anglais ne s'intéressait pas à l'Autriche, l'Allemagne et leur situation du début des années 20....

Avec la valeur de 33% du Pib de la zone euro, le bilan de la BCE (comparé à 19% "seulement" pour la Fed) est à des niveaux effectivement "non conventionnels"... Keynes peut revenir il verra certainement enfin une superbe et profonde oubliette, une "trappe à liquidités". Verra-t-il au fond la "relique barbare"?

Les paris courent. Une chose est certaine: dans telle configuration dire que tel pari est risqué perd de sa signification, car tout est très risqué, il n'y a plus d'étalon du risque, il n'y a plus de zéro risque, puisqu'il n'y a plus de monnaie, potentiellement.
De sorte qu'emprunter même à taux fixe en période inflationniste ne sera plus comme par le passé un jeu à somme favorable pour le client. Attention, les banques ont pris le pouvoir, elles ont capacités coercitives, demandez aux ménages subprime US et aux ménages grecs: pendant la crise les exploits des huissiers continuent. Et l'indexation des revenus type 70's, c'est fini.Et nous sommes un pays de vieux, plus de baby boomers.

Faites vos jeux (du -grand- cirque). La roulette tourne, suspense. Pourvu qu'elle ne soit pas russe!

6. Le dimanche 16 septembre 2012, 22:19 par yves cadiou

À lire les comm qui précèdent, je crains que l'on ait inventé une nouvelle roulette : non plus avec un revolver mais avec un pistolet.

7. Le dimanche 16 septembre 2012, 22:19 par BQ

L'inflation, bcp à dire en effet, mais ce n'est probablement pas le "risque" ici.
L'hyper-inflation, elle, est un vrai risque.
Et l'hyper-inflation, phénomène fréquemment constaté (en périodes récentes, de l'Allemagne des "roaring thirties"... au Zimbabwé actuel) n'est jamais provenue d'un hausse des coûts, des salaires..., mais d'une fuite par rapport à des billets qui brûlent les doigts. Ces billets ne me nourrissent pas par exemple, et constituent une mauvaise protection contre le froid, avec un rendement thermique très faible si j'allimente mon foyer avec.

De plus, ces billets forment un piètre gilet pare-balles. Et ils sont extrêmement encombrants à transporter; d'autant plus que dans ces cas-là, un billet de 100 000 s'échange a priori contre 5 à 6 billets de 10 000 seulement.

8. Le dimanche 16 septembre 2012, 22:19 par BQ

J'oubliais le plus important; entretemps, j'ai eu soif, et mes proches aussi. Je vais devoir "payer le prix de la liquidité" comme ils disent.
Et il faut que je m'y prenne différemment maintenant; car j'ai essayé tout à l'heure avec des billets, j'ai failli m'étouffer.

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