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Stratégie de la France et Europe (2/2)

Suite et fin de notre billet de l'autre jour.

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2/ La question posée par le LB est la suivante : comment dépasser ces deux limites ?

21/ Tout d’abord en se plaçant résolument dans une démarche politique, donc inter-nationale.

Cela entraîne deux conséquences.

  • Il faut tout d’abord répondre à la question des « grands » acteurs, à savoir la Grande-Bretagne et l’Allemagne. N’en choisir qu’un (l’Allemagne, option longtemps privilégiée, ou la GB, option Lancaster House) ou associer les deux sont des choix politiques.
  • Il faut ensuite, et dans tous les cas, associer les pays moyens (Italie, Pologne, Espagne, Suède …) et les petits (Belgique, Grèce, Portugal, Finlande …), ce que la France fait rarement et mal, tant elle est obsédée par la puissance.

22/ Il faut ensuite repenser notre « puissance ».

Pour cela, il s’agit de mieux dire ce que nous ne pouvons partager et ce que nous acceptons de sacrifier. Cela renvoie à la notion d’intérêt vital, d’intérêt supérieur et d’intérêt majeur.

Intérêts vitaux : Nous ne pouvons partager la réalité ultime de l’Etat souverain sur un territoire habité par une population. Aujourd’hui, l’Etat national dispose encore du monopole de la puissance légitime. La défense doit donc assurer la sécurité du territoire, la protection des citoyens, la continuation des pouvoirs publics : voici des intérêts « vitaux » qu’on ne saurait partager pour l’instant.

Cela suppose l’arme nucléaire (garante de paix et permettant d’éviter les défaites de 1870 ou de 1940) mais aussi une armée prête à intervenir à l’extérieur, soit pour défendre les DOM-COM qui appartiennent au territoire (syndrome de Dien Bien Phu) soit pour défendre les intérêts supérieurs (syndrome de Suez).

Ce domaine a une dimension principalement militaire.

Intérêts supérieurs : ceux-ci en revanche peuvent et doivent être partagés. Il s’agit de la défense de l’Europe et de la préservation de son unité.

  • - Le premier intérêt pose la question de l’Otan : or, trop de nos partenaires européens estiment que la défense de l’Europe est assurée par l’Alliance, malgré les mises en garde américaines et l’affaiblissement du couplage transatlantique.
  • - Quant à la préservation de son unité, la question mérite d’être posée à nouveau. Et si la CEE ne disposait pas en son temps d’outils pour résoudre la crise yougoslave, elle n’aurait aujourd’hui plus besoin de l’Otan ou de l’Onu pour intervenir.
  • - Ces domaines connaissent une tonalité militaire majeure mais non exclusive.

Intérêts stratégiques majeurs : Enfin, une démarche dynamique proposerait de nouvelles ambitions. La notion d‘intérêts stratégiques majeurs viendrait compléter cette répartition. Ils seraient de l’ordre de la sécurité avec des dimensions civiles et militaires. Deux catégories d’intérêts viennent à l’esprit :

  • - la première est géographique, et vise les voisinages. Ainsi, il est opportun de proposer la zone arctique, la zone des confins slaves ou la zone méditerranéenne comme des zones d’intérêt stratégique majeur de l’UE, même si celle-ci accepte de déléguer leur mise en œuvre à des coopérations locales avec un siège Européen de droit (ainsi, seuls certains Etats sont membres du conseil baltique).
  • - La deuxième est transversale. Ainsi les espaces maritimes, la sécurité des flux, l’espace exo-atmosphérique ou le cyberespace pourraient constituer des centres d’intérêt majeur.

Cette répartition en cercles permettrait de satisfaire ceux qui sont disposés à avancer sur une coopération plus aboutie, à qui on proposerait de partager les intérêts supérieurs, et ceux qui adoptent une attitude de consommation de sécurité qui verraient leur avantage à collaborer sur les champs d’intérêt majeur.

O. Kempf

Commentaires

1. Le lundi 24 septembre 2012, 21:32 par oodbae

c'est beau.

egea : dans l'ellipse du commentaire, je discerne quelque ironie... Le texte est-il si quelconque ?

2. Le lundi 24 septembre 2012, 21:32 par yves cadiou

Le commentaire d’oodbae m’a fait rigoler, bien que je ne voie pas vraiment ce qui pourrait justifier de l’ironie dans votre billet. J’ai rigolé par pure méchanceté mais j’ai une excuse : je suis foncièrement méchant ; tout petit déjà je m’amusais à arracher les pattes des couleuvres.

Blague à part, je crois que votre méthode d’approche est bonne. J’y ajoute quelques observations complémentaires.

Je ne saisis pas bien la différence que vous faites entre « intérêts supérieurs » et « intérêts majeurs », ni d’ailleurs l’utilité d’une telle différenciation. La classification entre intérêts vitaux et intérêts non-vitaux me semble suffisante.

Les intérêts vitaux ne sont pas précisément définis mais ils sont suggérés dans l’article 16 de la Constitution : « lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu… » Les intérêts vitaux restent indéfinis par ce texte mais on sait au moins, a contrario, ce qui n’est pas vital.

Il faut noter, parce que ça obscurcit les raisonnements sur la dissuasion depuis cinquante ans, que la notion même d’intérêts vitaux n’a pas toujours été comprise par tout le monde politico-médiatique. Bien évidemment il n’est ni possible ni souhaitable de fixer nettement la limite entre vital et non-vital : alors que pour chaque être vivant la limite est nette, elle ne l’est pas pour une Nation. Vous avez raison de ne pas classer Suez dans la catégorie « vital » mais « supérieur » ou « majeur ».

Au contraire en ce qui concerne les DROM-COM, on ne peut pas les classer d’emblée et clairement hors du vital comme vous semblez le faire. Exclure les DROM-COM du domaine vital, ça pose un problème de limite : il existerait alors du territoire national non-vital et du territoire national vital : c’est trop parisien. En poursuivant le raisonnement, le territoire vital pourrait se réduire, par un glissement logique, à peu de chose : par exemple Paris et ses approches, avec l’A86 pour limite. La protection de nos DROM-COM ne peut pas être trop vite classée « non-vitale », pour plusieurs raisons parmi lesquelles il y a une question de principe à l’égard de gens qui veulent majoritairement rester français.

A l’inverse on peut aussi (je ne sais pas) considérer comme un danger vital pour nous une agression qui ne toucherait pas notre territoire et serait perpétrée contre un de nos voisins. C’était le cas au moment de la Guerre Froide où notre arme nucléaire protégeait, bien que ce ne fût pas sa fonction, nos voisins en promettant de transformer en guerre nucléaire (donc mondiale au moins par ses retombées mais peut-être aussi par le jeu des ripostes et des alliances) une guerre classique en centre-Europe.

Par conséquent votre méthode d’approche est bonne pour ce Livre Blanc, mais il reste mal justifié et personne n’en attend grand’ chose d’autre que des motifs à restrictions budgétaires à cause de la perte de notre souveraineté monétaire http://www.egeablog.net/dotclear/in...
C’est peut-être ça, finalement, qui motive l’ironie d’oodbae.

egea : oh, concernant le LB... comment dire ? ça occupe beaucoup certains. EN revanche, je ne crois pas avoir suggéré que les DOM COM étaient hors des intérêts vitaux, au contraire : dans mon esprit, ils en font très clairement partie, pour uen raison de principe et parce que c'est le territoire national. Accessoirement, cela justifie des capacitésd'intervention que l'on peut, aussi, utiliser dans d'autres circonstance, celles des intérêts supérieurs et majeurs.

Quant à la distinction entre ces derniers : il s'agit, d'une certaine façon, de déterminer ce que l'on peut mutualiser sans complexe et ce qui nécessite une vraie confiance. Les uns enaggent sur une dcertaine durée, les autres ne sont affaire que d’opportunité.

3. Le lundi 24 septembre 2012, 21:32 par oodbae

lol.

non, non, il n'y avait aucune ironie. Vous réussissez à synthétiser un programme complexe en un plan homogène, à fournir des détails avec parcimonie tout en énumérant des concepts assez abstraits tels que les intérêts supérieurs, vitaux, stratégiques majeurs. Et le fin du fin, je suis d'accord avec l'ensemble. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple? c'est beau.

cordialement

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