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La crise est normale

Nous avons tendance à considérer la crise comme "anormale" : en effet, elle vient perturber l'ordre établi. C'est du moins ainsi que nous la percevons. Il y aurait ainsi une situation stable, que la crise viendrait déranger. Du coup, il faudrait combattre la crise pour revenir à cette stabilité préalable.

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Le simple fait de décrire la crise de cette façon nous fait voir que c'est une illusion. En effet, il n'y a pas de situation "stable". Un ordre est toujours en mouvement. La stabilité (l'établissement, les deux mots ont la même racine) ne sont que transitoires. Des états intermédiaires. Ce qui est logique puisque nous ne cessons de dire que nous sommes en évolution, et que nous voulons la croissance. La croissance suppose donc un changement de l'établissement. La crise n'est que l'occasion de ce changement.

Plus exactement, elle révèle l'insuffisant changement de l'organisation. C'est parce qu'il n'y a pas eu assez de changement qu'il y a crise, qui ne fait que révéler un décalage.

Dès lors, la crise n'est pas un traumatisme. La crise suscite la décision. Trop souvent pourtant, le décideur cherche à "calmer" la crise et à revenir à l'état antérieur. Qu'il faille faire retomber la fièvre peut constituer une bonne tactique, à la condition de procéder au changement à l'issue du répit. Le répit n'est qu'un délai accordé, non le retour à la situation normale. La situation préalable n'est pas normale. La crise le révèle et exige des décisions (immédiates ou légèrement décalées dans le temps).

Celui qui voit venir le répit a tort de croire qu'il s'est tiré d'affaire. Ne voir que le péril dans la crise, c'est ne pas comprendre sa fonction, qui est de conduire à la mise en place de nouvelles normes, et donc d'un nouvel équilibre.

Qui sera temporaire, comme le précédent.

La crise est le moteur de l'action. Elle est le paradis du décideur.

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O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 7 mai 2013, 22:54 par oodbae

D'ailleurs, tous les parents le savent, ce n'est pas parce que les enfants piquent des crises qu'il faut s'affoler. Elles sont normales. Grâce aux grands esprits de la pédagogie, on leur donne même des noms: crise des 2 ans , crise d'adolescence.

Mais il y a aussi des crises de couples et beaucoup de séparations font suite à des crises [de couple], de sorte que le système objet de la crise ne survit pas à cette crise.

Ainsi, si il y a trop de crises dans les couples, il y a moins de couples, donc moins d'enfants, donc moins de crises. Plus de crises font moins de crises.

C'est la crise de la crise!

2. Le mardi 7 mai 2013, 22:54 par yves cadiou

Depuis cinquante ans, j’entends parler tous les jours de cette crise. Cinquante ans dont il faut toutefois décompter la décennie soixante où l’on parlait plutôt des prochains biens d’équipement que l’on achèterait : machine à laver, tourne-disques (avec conflit de générations au sujet de ce qu’on mettrait sur le tourne-disque), télévision (sans conflit de générations parce qu’il y avait une seule chaîne), voiture que l’on garerait facilement en bas de chez soi. A l’exception de cette décennie particulière « la crise », qui devrait être par définition un mal de courte durée, semble être un mal chronique. Je dis « semble » seulement parce qu’en fait nous n’avons jamais cessé de progresser.

Partant des constats ci-dessus je déduis qu’il faut, comme souvent, différencier le vrai et le réel : de même que le Père Noël est vrai parce que tout le monde y croit ou fait semblant d’y croire, « la crise » est vraie. Elle est une fiction qui arrange beaucoup de monde et principalement le personnel politique qui y trouve à la fois un argument (d’ailleurs très médiocre) pour faire patienter les impatients au motif que la situation est transitoire et une explication facile (très médiocre aussi) à son piètre bilan au moment où il doit revenir devant les électeurs.

Crise normale donc, mais surtout normale dans le discours politicien : une habitude de langage et un abus de langage.

Bien évidemment, aucun lecteur ne voudra voir dans votre titre une allusion au président normal. Ou alors il faudrait être vraiment taquin.

3. Le mardi 7 mai 2013, 22:54 par AGERON Pierre

Votre rafraîchissant billet me rappelle un devoir imposé par un de mes enseignants en master. Le sujet en était "Vive la crise" et il fallait choisir une situation catastrophique (au sens de la géo des risques) et démontrer en quoi elle avait été bénéfique, malgré les apparences....

égéa : vive la crise, l'émission de Y Montand en 83..

4. Le mardi 7 mai 2013, 22:54 par Colin L'hermet

Bonjour,

Normal.
La norme.
Le standard.
L'absolu.
La monstruosité.

En thermodynamiqque, on sait que le seul immobilisme est le zero absolu à -273,15 Kelvin.
Au-dessus, il y a de l'activité électronique, de l'échauffement, de la chaleur.
Et on postule que le 0 Kelvin n'existe probablement pas. Ou alors aux environs d'objets célestes particuliers qui ne baigneraient pas dans la radiation apparemment universelle de 13 Kelvin.

De ce fait, tout ne serait qu'équilibre précaire car variation infinie (et infinitésimale si on a de la chance).
Et c'est le pas de variation qui fait le changement.
Le "surgissement" de la situation n'est qu'une succession de déplacements imperçus des équilibres dans l'ensemble étudié. Jusqu'à un seuil où le nouvel équilibre, dérangeant, urticant, menaçant, voire destructeur, est enfin perçu.

Le monde est définitivement thermodynamique.
Différence de potentiels, flux, équilibre... et entropie !
Et notamment parce que nous avons choisi de faire reposer notre économie, eko-nomia, la manière de gérer le domaine, sur ces mêmes postulats empruntés aux sciences.
C'est pourquoi nos sociétés se retrouvent si bien dans cette analogie.

Ah, si on avait écouté Marcel Mauss !
./.

PS : j'ai bien aimé le clin d'oeil d'Oodbae. Trop de crise tue la crise.

Bien à tous,
Cl'H./.

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