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Syrie : après le point culminant

Début octobre, je m'interrogeais : " et si Assad tenait, et gagnait ?". On n'en est pas encore-là, mais il semble bien qu'il a contenu l'offensive rebelle, et qu'il reprend lui-même l'initiative. Ce qui illustre la notion de point culminant, chez Clausewitz. Ce moment où l'offensive n'a plus assez d'élan pour emporter le succès, grâce au choc initial.

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"Tant que le défenseur prend des forces avec chaque jour qui passe et que s'affaiblit l'assaillant en parallèle, l'absence de décision favorise le premier; à mesure que se font sentir les pertes consenties par le défenseur, le point culminant va survenir où c'est au défenseur qu'il incombe d'agir et de décider, après quoi tout l'avantage de l'attente est épuisé". Voir CVC, VI, 8 rendu compte ici.

Au début, la rébellion a réussi à s'élargir, à se fortifier, à tenir des zones sans cesse croissante de la Syrie. Et puis cette progression s'est ralentie. Aujourd’hui, la rébellion recule. Pas uniformément, certes. Mais le régime d'Assad veut progresser méthodiquement. Rétablir tout d'abord la maîtrise des environs de Damas, et l'axe joignant Damas à la côte, creuset alaouite. Les alliés chiites (Hezbollah et Iran, mais aussi soutien indirect en Irak, où d’ailleurs la guerre entre chiites et sunnites a repris de plus belle) soutiennent directement, ainsi que la Russie. Celle-ci a d'abord l'expérience de la Tchétchénie... Et elle consolide son point d'appui moyen-oriental.

En face, la rébellion se disloque et se radicalise. Elle n'est pas unifiée, mais constituée d'une multitude de petits chefs de bande, qui agissent de façon dispersée. Là est le grand atout d'Assad : avoir réussi à conserver une action centralisée face à des opposants certes nombreux, mais divisés. Ajoutez à cela l'arrivée des guérilleros djihadistes de toute la région, et la radicalisation des groupes islamistes qui s'affilient à AQ, et vous obtenez un échec.

Les Occidentaux n'en peuvent mais. Les États-Unis continuent leur nouvelle ligne stratégique : "doing nothing from behind". Ce qu'on appelle pudiquement un pivot. Du coup, ils acceptent une "négociation internationale" patronnée avec la Russie, où Assad est invité à la table des négociations. Ce qui était il y a deux mois (ainsi que je l'avais signalé) une concession possible de la part de la rébellion est désormais quelque chose qui lui est imposée. Fort logiquement, la Russie encaisse son profit en livrant, dans la foulée, des S 300 à Damas... Et Assad teste régulièrement les "lignes rouges" émises par les Occidentaux (armes chimiques, ou Golan, voir ici).

La Turquie n'en peut mais. L'attentat de la semaine dernière a été imputé en moins de deux heures au régime syrien. Depuis, on n'en entend plus parler. Peut-être les choses ne sont plus aussi simples, à mesure que l'enquête avance... Quant à Israël, pragmatique, il préfère le diable qu'il connaît à d'autres inconnus (voir ici). Quant à la France, elle a joué en permanence à contre-temps, que ce soit pour la reconnaissance de l'opposition ou pour l'annonce de la levée de l'embargo. Parfois, se taire est de bonne diplomatie !

Qu'envisager à terme ? le sort des armes n'est jamais sûr. Les alliés chiites peuvent se fatiguer (le soutien du Hezbollah est quelque chose de risqué) et Damas peut ne pas recouvrer l'axe sud nord. La prise de Qousseir semble déterminante (y compris sur le jeu politique intérieur libanais). A supposer qu'il y parvienne, et qu'il dégage Homs, on peut ensuite prévoir une lente reconquête du pays insurgé, avec une alliance objective de non agression envers les Kurdes au nord-Est. Cela prendra énormément de temps.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 21 mai 2013, 22:32 par Hans

Les USA soutiennent la France en Libye, on approuve le "leading from behind". Parce qu'ils ne se sont pas assez impliqués au Mali, on créé le "doing nothing from behind". C'est pas sérieux.

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