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La force et le droit

Je crois que c'est Aron (Paix et guerre...) qui constate qu'à l'origine, la force fonde le droit. Certes, ensuite, le droit encadre la force, et cedant arma togae . Mais cela n'est qu'une conséquence.

source

Aujourd'hui, la guerre est morte, et avec elle l'Etat, donc le droit. (voir billet)

Le "dérèglement de la violence" (expression de Monique Chemiller-Gendreau qui vient de publier De la guerre à la communauté universelle. Entre droit et politique, Paris, Fayard, mars 2013: le bouquin a l'air excellent), entraîne le dérèglement de l’État. Elle pose la question de la souveraineté, qui ne serait plus une notion structurante, du moins suffisamment.

Or, le dérèglement de la violence entraîne le dérèglement du droit. Tout ceci s'accompagne d'une confusion des normes, puisqu'on ne cesse de faire la morale (le politiquement correct, c'est-à-dire le "convenable" des dames charitables de la fin du XIX° siècle) en oubliant toute éthique. de même, on ne cesse de produire des lois qu'on ne cesse de contourner, comme nous le rappelle l'affaire Apple.

Il est à craindre que cet entassement des dérèglements (cette dérégulation générale) ne trouve sa solution que dans l'explosion des violences accumulées.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 29 mai 2013, 22:02 par Dio

Ne nous laissons pas aller à une vision édulcorée de la chose juridique Celle-ci est complexe.

Il existe non pas un déréglement de la violence mais bien un trop plein de réglementation (pus de 10,000 lois et plus de 100,000 décrets en application). Les textes normatifs sont non seulement plus nombreux mais plus denses, plus volumineux. On semble donc assister à ce que Fréderic Rouvillois nomme la sur-réglementation.

Dire que le droit est déconnecté de sa dimension éthique constitue une autre contre vérité qui mériterait d'étre débattue avec une solide argumentation. La profusion des mécanismes style comités d'éthiques, et la mise en oeuvre d'études d'impact témoignent de cette connexion.
Evitons les simplifications qui sapent la légitimité de nos institutions.

Cordialement,

2. Le mercredi 29 mai 2013, 22:02 par R2MI

Mouai, le problème est entre la prétention démocratique et la réalité non démocratique de nos sociétés.
Nous sommes des anonymes à qui l'on a fait croire être la source de tout pouvoir.
Le jour où les règles seront justes, claires et donc légitimes alors la violence se régulera d'elle-même, comme en toute société. Pour cela, il faut de la transparence pour responsabiliser et des contre-pouvoirs pour contre les abus de pouvoir.
Plutôt que de se résigner à subir des "explosions des violences accumulées", il s'agit juste de la citoyenneté, qui règle aussi avec élégance la question de l'intégration.
Maintenant ni la République française ni l'Union européenne ne sont démocratiques alors aux armes, citoyens car il y a du boulot ! Un moyen est l'association Anticor.

3. Le mercredi 29 mai 2013, 22:02 par oodbae

Bonsoir,

J'ai l'impression qu'egea a entendu récemment la citation de Bismarck "la force prime le droit" !

Lors de l'affaire de Tarnac et des caténères rompus (2008), Mme Alliot-Marie, alors ministre de l'intérieur, prévenait déjà que le principal danger pour la société était provoqué par des risques toujours grandissants d'actions d'individus ou de groupuscules isolés, sans structure d'ampleur.

C'est effectivement un dérèglement de la violence, quand la société retourne la violence contre elle-même. Si les groupes humains forment une société lorsqu'ils réduisent au minimum les violences réciproques, cela correspond à une désagrégation de la société.

Déjà en 2008, on faisait ce constat. Ce n'était déjà pas nouveau. Ca ne s'est pas amélioré depuis!

cordialement

4. Le mercredi 29 mai 2013, 22:02 par

Le sujet est intemporel mais il est devenu d’actualité. Nous aurons bientôt une réponse pratique à la question théorique de la force et du droit. Par conséquent une réponse à la question que le législateur refuse de traiter depuis des décennies, celle du droit en opex.

La question fut longtemps esquivée par le pouvoir politique qui interdisait benoîtement au militaire d’ouvrir le feu en premier. Depuis 2005, l’ouverture du feu est autorisée mais la solution reste incomplète.

Au Mali les soldats de l'opération Serval, sur ordre de l’ancien maire de Tulle devenu « chef des armées », ont fait des prisonniers au mépris de toute règle de droit. Probablement ont-ils considéré que la parole présidentielle, fût-elle irréfléchie, avait force de loi.

Ces prisonniers seront présentés à des juges, quelques-uns en France, les autres au Mali.
En France les verdicts, qui devraient être des non-lieux compte tenu de conditions d’arrestation sans OPJ, de détention sans juge, puis de transport en France sans extradition, répondront à la question posée ici.

Au Mali, je ne connais pas assez la situation des services judiciaires locaux pour tenter d’imaginer les verdicts ni même les conditions de détention provisoire. Attendons-nous à des protestations d’ONG et attendons-nous à voir la responsabilité prise par le Président français reportée sur nos militaires.

Mon commentaire manque de sérénité parce que je suis un ancien de l'opération Tacaud (1978-80) : pendant cette opération le parti qui est actuellement au pouvoir en France ne se fit pas faute de nous accuser d'avoir abusé de la force au mépris du droit : "génocide" fut le mot officiellement prononcé au Parlement en juin 1978. Je n'oublie pas.
"Calomniez, il en restera toujours quelque chose".
Pour clarifier la difficile relation du Politique et du Soldat, l'on devrait aussi s'interroger sur la parole et le droit.

5. Le mercredi 29 mai 2013, 22:02 par oodbae

@ Dio
Quant à la multiplication des comités d'éthique et autres turgescences de la réunionite, on sait tous qu'ils n'ont d'éthique que le nom.

6. Le mercredi 29 mai 2013, 22:02 par Alphonse

La guerre et le droit ne font pas bon ménages, ou alors c'est un jeu.
Après chacun des belligérants respecte en général ses valeurs, ce qui est un avantage ou une faiblesse.
La violence étant le monopole de l’état fixant aussi le droit, c’est assez logique que si la violence se développe le droit s’étiole.
On voit bien tous les jours que les lois, c’est fait pour être contourné pour atteindre l’objectif que l’on se fixe ou que l’on nous a fixé.
Dans le cyber, c’est la guerre la vrai, sans règle…et le premier réflexe c’est de vouloir fixer des règles, avec comme arrière pensé de vouloir les contourner.
A force de mettre des règles dans tous les sens et pour presque tous, cela augmente les frustrations et qui lorsqu’elles se libèrent provoquent violence, or nous autre misérables occidentaux que nous sommes, ne voulons voir la violence qu’au cinéma, mais surtout pas dans la réalité.

bien à vous,

7. Le mercredi 29 mai 2013, 22:02 par yves cadiou

Le « trop plein de réglementation » mentionné par Dio (n°1 ci-dessus) est une réalité qu’on nomme couramment « l’inflation normative ». Wikipedia consacre à ce sujet une longue page qui nous rappelle qu’en 1991 l’inflation normative était déjà critiquée par le Conseil d’Etat parlant de la « logorrhée législative et réglementaire » et de l'instabilité « incessante et parfois sans cause » des normes. https://fr.wikipedia.org/wiki/Infla... Le droit, comme l’Etat, génère lui-même son obésité qui l’affaiblit. De temps en temps une crise le fait violemment maigrir mais ça ne dure pas.

Bien sûr de temps en temps l’on essaye quelques potions douces mais elles ne sont que des palliatifs, voire des placebo : en décembre 2012 le gouvernement a mis en place une « mission de lutte contre l’inflation normative » qui a rendu son rapport le 26 mars.
On verra par la suite si c’est une commission-Clemenceau, de celles qui servent à enterrer un problème… http://missionnormes.fr/
Vous parlez de la force des armes, mais ce n’est pas la seule : il faut aussi une solide constitution, point trop instable.

8. Le mercredi 29 mai 2013, 22:02 par oodbae

Je recommande de lire le rapport au premier ministre de la commission sur les normes, dont le lien est proposé par cadiou. Même si ils essaient de décourager le lecteur en imposant 20 pages de rappels historiques au départ, les auteurs arrivent à faire rire, grâce à leur prix "oeufs durs et nuggets" et autres prix décernés aux normes selon leur étrangeté. Pourtant, il s'agit d'un rapport au premier ministre! Est-ce un gag, M Cadiou?

égéa : non, ce n'est pas un gag, je l'avais signalé en son temps. Ils avaient aussi reproduit une note lapidaire d Clemenceau, preuve qu'en 1905, les .... onneries existaient déjà...

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