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Leçons de guerres tchèques

Quelques jours passés en Bohémien, cela vous change d'être l'éternel romanichel. Et cela incite à quelques réflexions sur les guerres tchèques au travers de l'histoire... même si l'adjectif est probablement usurpé, dans la longue durée. Mais au fond, tous les adjectifs nationaux ne sont-ils pas très récents ? Bref, il sera question de Wallenstein, du SERG, d'Austerlitz, de Sadowa...

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1/ A Prague, le grand palais Wallenstein. Il fut un entrepreneur de guerre, comme nous le rappelle GH Bricet des Vallons, dans son très long article sur le sujet, paru dans "Guerres et économie" (vous ne l'avez pas encore lu ? décidément, vous ratez tous les bouquins importants. Cet article-là, a minima, est un impératif). Entrepreneur de guerre, donc, avec tous les défauts du genre, si bien dénoncés par Machiavel dans l'Art de la guerre à propos des condiotierre. En effet, s'il fut au service du Saint-Empire, il négociait beaucoup avec les adversaires, mettant les pays en coupe réglée, levant des impôts pour financer ses troupes est enrichir; On est loin des fidélités nationales.

Et pourtant, il était de noblesse de Bohême, avec donc une sorte de patriotisme. Et s'il se vendait au plus offrant, c'est à Prague qu'il vivait. Et son palais est d'un goût exquis (le jardin, à l'écart du tumulte touristique, est une pure parenthèse).

C'est une époque pré-westphalienne. Mais dès lors, si nous sommes désormais dans un post-westphalisme, est-ce le retour des entrepreneurs de guerres ? Moui... Blackwater a moins de goût que Wallenstein, quand même.

2/ Prague fut la capitale du Saint Empire, plus que Vienne et avant Vienne, même si Vienne le devint à partir de 1611, me dit mon guide. Ainsi, la Bohême-Moravie perdit sa puissance au cours de la guerre de Trente ans, au moins autant que les États allemands. En France, nous ne nous souvenons que de la division de l'Allemagne et du sac du Palatinat (les Palatins aussi, d’ailleurs, et probablement plus que nous).

Westphalie, c'est la fin de la puissance du SERG. Deux empires s'élevèrent : la Prusse, westphalienne et nationale ; et l'Autriche-Hongrie, westphalienne et pluri-nationale.

3/ Au passage, ce nationalisme fut répandu par la Révolution et son bras armé, Napoléon. L'impérialisme napoléonien répand le nationalisme en Europe. Et la grande bataille d’Austerlitz eut lieu au sud-est de Brno, la capitale de la Moravie. Vienne était déjà conquise. Napoléon affrontait les deux parrains de cette Mittel Europa, le Russe et l'Austro-hongrois.

Au passage, on ne cesse de louer le talent de l'empereur. Je n'en disconviens pas, mais tout repose sur Davoult, monté à marche forcée de Vienne, et qui attire au sud, tout en les contenant, les forces de Dokhtourov.

4/ Soixante ans plus tard, la bataille de Sadowa (près de Hradec Karlove) décide du vainqueur, entre le Prussien et l'Austro-hongrois. Elle intervient certes après le printemps des peuples de 1848, lointaine conséquence de la Révolution française. On peut surtout y voir le premier exemple d'une guerre moderne (bien que moins aboutie que la guerre de sécession).

En effet, les Prussiens disposent d'un fusil à rechargement rapide. Pas les Austro-Hongrois, obligés de recharger debout, à une cadence six fois plus lente. Ainsi, une supériorité technique donne une victoire tactique, aux effets stratégiques. La technique peut, parfois, décider de la fortune des batailles, et du sort des guerres. Malgré ce qu'en dit Luttwak (voir mon billet ici).

C'est dans tous les sens du terme une bataille décisive. Notons que le vainqueur comme le vaincu étaient culturellement proches l'un de l'autre, et acceptaient tous deux le sort des armes. Surtout, Vienne n'eut pas le sentiment que Sadowa marquait un tournant. Ce fut tout le modernisme de Bismarck de "transformer politiquement l'essai".

Aujourd’hui, avec l'absolutisation de la guerre, d'abord pour des raisons idéologiques (nation en arme, diabolisation de l'ennemi, tout ou rien) mais aussi de la montée en puissance technique (l'escalade nucléaire), on ne voit plus de bataille décisive. Il faut des guerres très longues pour aboutir à des résultats de moins en moins probants.

D'où deux conclusions interrogatives :

  • Paradoxe : plus l'enjeu est important, moins la bataille sera décisive, car moins les acteurs accepteront sa décision ?
  • Paradoxe lié : si l'enjeu n'est pas assez important, pourquoi livrer bataille ?

O. Kempf

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