Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Dépendance cyber US

J'ai trouvé ceci, en commentaire de l'excellent billet Big data subir ou accompagner de Thierry Berthier, sur le blog de JP Baquiast. Il s'agit de toute la liste des dépendances que nous, Européens et Français, avons envers les systèmes cyber US. Ce qui amène forcément quelques commentaires.

source

  • Nous dépendons des USA pour les systèmes d'exploitation: Windows, Unix, Linux, OS X et IOS d'Apple, Androïd pour nos téléphones: qui nous certifie que ces sytèmes d'exploitation ne peuvent par scanner le contenu de nos machines lorsqu'ils opèrent des mises à jour de leur logiciel?
  • Nous dépendons des USA pour les langages de programmation: Java, javascript, C, C++, Perl, et dans une certaine mesure Php, mais aussi Python, Lisp, Jess, etc...
  • Nous dépendons des USA pour les bases de données: Oracle, MySQL, PostgreSQL, Sybase, Virtuoso, etc...
  • Nous dépendons des USA pour les plateformes de développement informatique: Visual Studio, Eclipse, Netbeans...
  • Nous dépendons des USA pour les navigateurs internet: Firefox, Chrome, Internet Explorer...
  • Nous dépendons des USA pour les moteurs de recherche: Google, Yahoo, Bing...
  • Nous dépendons des USA pour l'échange de photos en ligne: Instagram, Skydrive,Flickr, etc...
  • Nous dépendons des USA pour les réseaux sociaux: Netlinks, Viadeo, Facebook...
  • Nous dépendons des USA pour les communications instantanées: Twitter, Skype, visiophonie, chat sur Skype/Outlook/Gmail...
  • Nous dépendons des USA pour la bureautique en ligne ou bureautique tout court: Google Doc, OpenOffice, Microsoft Office, outils bureautique d'Apple...
  • Nous dépendons des USA pour la plupart des logiciels d'impression et imprimantes: Xerox, Hewlett Packard, etc..
  • Nous dépendons des USA pour beaucoup d'outils GPS
  • Nous allons dépendre dans un proche futur des voitures Google sans conducteur qui pourront remplacer tous les taxis et même nos véhicules particuliers
  • Nous dépendons des USA pour la plupart des ordinateurs et cartes d'ordinateurs (conçus aux USA, et fabriqués en Chine)
  • Nous dépendons des USA pour la majeure partie des solutions de Cloud Computing et de stockage des données, qui se font à l'aide de solutions américaines.
  • Nous dépendons des USA pour les serveurs utilisés en programmation: JBOSS, TOMCAT, APACHE, RESIN, WEBSPHERE,WEBLOGIC, etc...
  • Nous dépendons des USA pour les lieux où l'on met nos applications téléphoniques à acheter en ligne : soit Google, soit Apple
  • Nous dépendons des USA pour les outils de localisation géographique: mappy, google earth, google map, etc...
  • Nous dépendons des USA (dans quelle mesure pour le coup?) pour Wikipedia.
  • Nous dépendons des USA pour la plupart des firewalls existants.
  • Nous dépendons des USA pour la plupart des anti-virus existants.
  • Nous dépendons des USA pour la plupart des recherches actuelles faites en informatique et outils informatiques: la liste donnée ici n'est pas exhaustive (ex: Photoshop, Word, Excel, Firebug, CMS, outils de gestion de données...) mais n'est qu'une infime partie de ce que produisent les USA.

Accessoirement, quand le rapport Bockel appelle à boycotter les routeurs d'origine chinoise (Huawei et ZTE), il omet de signaler que les routeurs américains doivent, par la loi, incorporer une porte dérobée au profit des autorités américaines. Échapper à une surveillance chinoise et opter pour une dépendance américaine ? où est l'avantage ?

Pendant ce temps, tout un tas de pays n'acceptent pas cette situation et bâtissent leur propre système national : Chine, bien sûr, mais aussi Russie ou Iran. Le lecteur dira qu'il s'agit là de régimes autoritaires, et qui ne sont pas "alliés". Il reste que ces pays sont encore nourris d'une logique de souveraineté, ce qui n'est plus le cas français, il faut malheureusement le constater. PRISM nous rappelle que dans le cyber (comme dans le monde du renseignement) il n'y a pas d'amis.

Pas d'amis dans le cyber, ce qui correspondant bien au monde post-hobbesien, et zéro polaire que nous décrivons sur égéa depuis maintenant quelques mois : la lutte de tous contre tous. Le Cyber est décidément en phase avec la situation géopolitique de ce XXI° siècle.

Ceci pose implicitement la question des "alliances". En effet, nous poursuivons dans le cyberespace le mode de relations géopolitiques que nous avions établies dans le monde d'avant. Or, non seulement celui-ci est modifié par la simple irruption du cyberespace, mais aussi parce que tout un tas de données géopolitiques ont été radicalement altérées : fin du schématisme bipolaire, fin de la centralité occidentale (ce qu'on appelle, en termes élégants, émergence), planétisation. Autrement dit, malgré nombre de Livres Blancs successifs, nous continuons toujours de "raisonner" selon une grammaire qui n'a plus court.

Le cyber n'est pas simplement un outil d'ouverture maximale des sociétés : il peut aussi être, si l'on en a la volonté, une opportunité de renationalisation des politiques. Mais tout est question de volonté, et à force de dire qu'on est interdépendants, on le croit et on s'abandonne au déclin délétère.

Autrement dit encore, le cyber peut être l'occasion d'un sursaut géopolitique (et d'abord, politique). Mais c'est une question de volonté. En France, on n'a pas de pétrole, mais on n'a pas de volonté.

O.Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 10 juillet 2013, 20:12 par Ph Davadie

Ne récolte-t-on pas les fruits de ce qui ne cesse d'être semé ?
Comment peut-on réintégrer l'OTAN et y demander des postes de responsabilité sans avoir des systèmes interopérables (pour le moins) avec ceux de la puissance tutélaire ?
Mais à la série de constats "nous dépendons des USA pour...", il est possible de répondre "qu'est-ce qui empêche la France de produire..." Certes, cela ne fonde pas une stratégie, mais peut amorcer un réveil.

Autre thème. JP Baquiast parle de l'identité numérique d'une façon fort intéressante dans son blog cité supra : "L'identité numérique, qui fait l'objet de nombreuses études, s'intègre parfaitement, en tant que composante, à l'ensemble plus large formé des projections algorithmiques. Mieux encore, le formalisme des projections permet de décomposer l'identité numérique en sous-ensembles associés aux algorithmes utilisés par l'opérateur. Cette décomposition peut alors être exploitée par un système automatisé d'analyse sémantique qui cherchera à structurer les données brutes ouvertes avant de les exploiter."
L'identité numérique ne serait donc qu'une parcelle de l'identité réelle. Et à force de prendre la partie pour le tout, n'en vient-on pas à raisonner de travers ?

2. Le mercredi 10 juillet 2013, 20:12 par

Monsieur Kempf,

Je comprends l'embarras que l'omniprésence des firmes américaines peut provoquer dans ces nombreux domaines, mais quid des logiciels libres ? Je prends l'exemple d'Openoffice. Ce traitement de texte est gratuit donc il ne saurait être, ou tout sous une forme plus "light", contingenté par des logiques économiques (notamment tout ce qui tourne autour du piratage et du droit d'auteur) et aurait donc tendance à moins faire appel à son Etat de tutelle pour défendre son secteur industriel. In fine, dans ces cas la nationalité du détenteur des droits importerait moins.
Toutefois, je suis bien conscient de ce que vous avez dit sur les backdoors informatiques imposées par la loi américaine et j'aurais aimé en apprendre plus. Pourriez-vous apporter des éléments supplémentaires ?

Vous remerciant d'avance,

Michel DENIAU

égéa : cette loi est signalée par David Fayon dans "Géopolitique de l'Internet" (Economica, 2013), p. 148."Ainsi aux Etats-Unis, nous avons une obligation légale d'installer des portes dérobées dans le logiciel des routeurs pour permettre d'éventuelles écoutes téléphoniques".  Il cite le Patriot Act (loi CALEA de 1994) et un article du Patriot Act 1 qui étend à toutes les données ce qui était auparavant réservé à la téléphonie.

3. Le mercredi 10 juillet 2013, 20:12 par yves cadiou

« On n'a pas d'idées mais on a du pétrole » (Jean-Loup Dabadie).
Ceci pour répondre à votre « on n'a pas de pétrole mais on n'a pas de volonté ». Un peu d'auto-dérision est toujours stimulante.

Comme souvent, l'illustration de votre billet correspond parfaitement à votre raisonnement et selon le cas permet d'en trouver le point fort ou au contraire la faille. Cette fois-ci, le dessin indique la faille. Non pas tellement parce qu'il est à l'encre de Chine mais parce que ce dessin dit « y a kèkchose qui va pas ».
Il ne suffit pas d'écrire 21 fois (j'ai compté : ça ressemble à une salve d'honneur) que « nous dépendons des USA » pour que ce soit vrai. C'est à moitié vrai. Par conséquent c'est à moitié faux. Donc pas vrai.

En lisant votre raisonnement selon lequel nous dépendons des USA, on ne voit pas aussitôt ce qui ne va pas à cause de la répétition insistante. Mais le dessin (très beuark) éveille heureusement un sain doute. Ce qui ne va pas dans votre raisonnement (excusez-moi, Docteur), c'est qu'il sous-entend que les USA sont un ensemble monolithique, une sorte d'Etat totalitaire à l'ancienne, et par conséquent capable de tout.

Que le gouvernement fédéral soit moralement capable de tout, c'est très possible (litote, understatement). Mais qu'il soit capable de tout parce qu'il disposerait de tous les moyens, c'est surestimer son pouvoir.

Certes l'affaire PRISM a démontré la puissance de l'équipement informatique du gouvernement fédéral. Mais le gouvernement fédéral ne dispose pas aussi facilement des firmes privées dont le siège se trouve sur son territoire. Du moins sur le territoire de l'un ou l'autre des cinquante Etats qui font partie (pour combien de temps encore ? C'est une autre question) des Etats-Unis.

Il y a une différence entre le gouvernement fédéral et « les systèmes cyber US » qui sont le fait d'entreprises commerciales privées.

Certes, la loi fédérale prévoit des backdoors. Certes, la stratégie à long terme de toute entreprise commerciale est d'acquérir le monopole dans son domaine d'activité puis dans les domaines voisins. Mais ceci n'est pas la même chose que l'impérialisme plus ou moins agressif dont l'Administration fédérale fait preuve. L'esprit de conquête n'est pas le même dans les deux cas, car l'un pratique l'échange gagnant-gagnant alors que l'autre ne connaît que l'échange gagnant-perdant. Hollywood travaille pour vendre ses films, non pour répandre la culture américaine même si en définitive c'est le résultat de son commerce. De même les entreprises informatiques américaines cherchent à gagner le maximum d'argent, et non à asservir le monde.

Après avoir ainsi relativisé, sans la nier complètement, notre dépendance, voyons comment nous pouvons la réduire autant que possible.

Vous dites que nous manquons de volonté politique. C'est malheureusement vrai, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres. Nous ne manquons pas seulement de volonté politique, nous manquons tout autant de compétence politique. Du moins les gens qui auraient la volonté et la compétence sont-ils écartés du pouvoir par les partis politiques dont les leaders, intimement conscients de leur médiocrité, craignent par-dessus tout d'être supplantés.

Mais ça ne durera pas éternellement : le jour où ce double problème politique sera résolu, nous pourrons tirer les leçons à la fois du Plan Calcul de 1966 et du développement de notre arme nucléaire sous la Quatrième République : alors que pour le Plan Calcul nous étions seuls, pour notre arme nucléaire nous avons bénéficié de l'appui discret d'atomistes soviétiques (c'est du moins ce qui se murmure chez les retraités de cette aventure qui fréquentent les mêmes villégiatures que moi ; je n'ai aucun motif de ne pas les croire).
Alors nous ferons (sous condition de compétence et de volonté politique retrouvée) un nouveau Plan Calcul en nous associant cette fois, discrètement ou non, à des gens capables et désireux de nous aider : par exemple la Chine qui fabrique déjà l'essentiel de nos composants, ou l'Inde dont les programmeurs sont doués, ou la discrète Singapour qui attire beaucoup des talents d'Asie et au-delà.

Peut-être actuellement dépendons-nous des Américains à cause du manque de compétence et de volonté qui caractérise notre personnel politique depuis trop longtemps. Mais ça ne durera pas éternellement.

4. Le mercredi 10 juillet 2013, 20:12 par Alexandre Gindre

Bonjour,

Je trouve que les assertions suivantes sont particulièrement réductrices et infondées :
Nous dépendons des USA pour les systèmes d'exploitation: Linux
Nous dépendons des USA pour les langages de programmation: Java, javascript, C, C++, Perl, et dans une certaine mesure Php, mais aussi Python, Lisp, Jess, etc...
Nous dépendons des USA pour les plateformes de développement informatique: Eclipse
Nous dépendons des USA pour la bureautique en ligne ou bureautique tout court: OpenOffice
Nous dépendons des USA pour les serveurs utilisés en programmation: TOMCAT, APACHE

Je m'insurge de voir des projets open-source tels que Linux, Firefox, tous les langages de programmation cités plus haut, Eclipse, OpenOffice, TOMCAT, Apache être cités comme dépendants des USA alors que ce sont des projets qui dépendent de leurs communautés respectives. Je ne vois pas en quoi ces projets qui ont, certes, des commiteurs de nationalité Américaine (et des sociétés telles que Google, Red Hat, Microsoft) avoir un quelconque lien avec les USA. Ces projets, de part leur nature même, ne sont pas soumis à un pays. De plus, dire que ces projets dépendent des USA, c'est ne pas reconnaître le travail fastidieux que des développeurs fournissent chaque jour sur ces projets et de rejeter la culture même de l'open-source ! On peut parler de Canonical, avec sa distribution Linux Ubuntu, qui est une société basée en Afrique du Sud et qui se bat depuis des années pour amener les logiciels libres (et souvent open-source) sur les machines des particuliers.

Il est aussi tout à fait possible de trouver des alternatives viables non libres et qui ne "dépendent" pas des USA. Comme par exemple la société JetBrains, une société tchèque, avec ses plateformes de développements ou encore Atlassian, société australienne, avec ses produits de gestion de projet IT.

Les français n'ont pas attendu leur gouvernement pour se lancer dans des projets d'envergure dans le domaine IT, il est possible de citer Bonitasoft qui est devenu un acteur mondial dans le big data. On peut aussi parler de Scilab (concurrent direct de Matlab) développer par l'INRIA et l'ENPC. Il est aussi possible de trouver de jeunes pousses qui en veulent !

S'il doit y avoir un changement de volonté, cela passera par l'accompagnements de ces projets qui veulent changer la donne. Pour ça, il faut se poser et prendre le temps de regarder au tour de soi pour pouvoir apprécier toutes les solutions qui sont proposées.

Cordialement,

Alexandre Gindre

égéa : l'énumération n'est pas de mon fait, mais une citation. Quant à encourager les projets, tout à fait d'accord.

5. Le mercredi 10 juillet 2013, 20:12 par

Merci de ne pas avoir validé mon commentaire précédent... comme c'est souvent le cas. :-D Je saurais quoi faire à mon tour sur mon blog la prochaine fois.

J'ajouterais qu'en plus d'une environnement économique et juridique défavorable aux start-up technologiques, rêver d'un matériel informatique 100% made in France/Europe est illusoire du fait de la nécessité pour les fabricants de trouver un ratio avantageux qualité/coût des composants. Ce qui est également le cas pour les fabricants de matériel informatique Outre-Atlantique.

égéa : euh.. .quel commentaire précédent ? Je l'ai peut-être effacé, car tu n'as pas répondu à la question captcha anti spam; cher Charles...

MAJ : cela étant, je crois que tu m's signalé cet article de Botzmeier qui critique la notion de "espionnage à partir de routeurs de coeur de réseau", dénoncés par JM Bockel. La notion de porte dérobée dans les routeurs est remise en question...

6. Le mercredi 10 juillet 2013, 20:12 par francoisinjapan

Étant dans le secteur de la technologie, je vais me permettre de confirmer plusieurs points:
- Oui, Prism est une attaque, ou plutôt une tentative de prise de contrôle de la Californie par "Les US du 19eme siecle", "le monde des Georges" allant des puits de pétrole du texas à Boston-Cambridge, en passant par la grosse bourgade avec une statue offerte par la France. Il y a bien des tensions en interne.
- Et par ailleurs au niveau de la France. Laissons l'Europe qui n'a pas la structure nécessaire à une direction forte et commune. Le cadre n'est pas propice à des développements aux nouvelles technologies via les start-ups: un créateur d'entreprise innovante ou un post-doc ne peuvent tout simplement pas se loger... pour commencer par un élément de base.

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/1852

Fil des commentaires de ce billet