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Hélie de Saint-Marc (Vivier-Dequest)

Beaucoup connaissent Hélie Denoix de Saint-Marc, au parcours hors normes. Beaucoup se souviennent de ces mots "Depuis mon âge d'homme, monsieur, le président, j'ai vécu pas mal d'épreuves : la Résistance, la Gestapo, Buchenwald, trois séjours en Indochine, la guerre d'Algérie, Suez, et puis encore la guerre d'Algérie". L'épreuve et des heures terribles de l'histoire de France (parmi combien d'autres pages sombres elles aussi pour qui connaît un peu son histoire). Un destin et une rectitude qui ne justifient pas une position politique (c'est une autre affaire) mais suscitent l'intérêt si l'on demeure à hauteur d'yeux, à hauteur humaine, loin des idéologies. La profondeur du personnage à frappé beaucoup plus que les utilisations politiques qui ont pu en être faites : c'est d'ailleurs parce qu'il s'en est toujours défié qu'il a conquis l'attention et le respect du public. Un moment d'authenticité qui ne ment pas, une rareté en cette fin de vingtième siècle.

C'est pourquoi cette bande dessinée a suscité l'intérêt : le "héros" était là, quel traitement en ferait-on ? A dire le vrai, les hagiographies en BD m'ont très rarement convaincu. Peut-être celle de Camus (est-ce un hasard ?), parue l'an dernier, constituait-elle un précédent.

Disons-le d'emblée : la BD est réussie. Il ne s'agit pas d'un simple récit linéaire mais le scénario met d'emblée en regard l'expérience et la conscience de l'acte. Cette distanciation est suggérée par l'enquêteur (journaliste, scénariste, historien ? qui sait ?) qui interroge HDSM au soir de sa vie. Dès lors, en permanence, le lecteur est amené à interroger l'expérience et la conscience de cette expérience, mais aussi la conscience morale qui amène à choisir, et pour quelle raison, d'agir de telle façon plutôt que de telle autre.

On sent une ouverture passionnée à l'autre, qui ne signifie pas une compromission. Le "gamin de la haute" s'intéresse au communisme en camp de concentration mais il ne bascule pas dans l'idéologie, sans pour autant dénier la part de justesse (d'aspiration à la justice ) qui y réside. Dans le contexte idéologique de l'époque, dans les circonstances inhumaines de Büchenwald, cela démontre une solidité intérieure exceptionnelle.

Cette ouverture à l'autre incite à comprendre l'attachement aux populations Thos, au bout de la RC4, mais aussi à comprendre aussi bien les pieds-noirs, avec leurs excès et leurs sincérités, que les Algériens, avec leurs attentes et leurs espoirs.

Cela incite aussi à admettre ses limites, ses hésitations, ses erreurs tout comme l'acceptation de la responsabilité de ses actes, bons ou mauvais, jusqu'à passer devant la justice pour ne pas se dérober. Ici, peu importe la cause, je crois. C'est la hauteur d'âme qui impressionne et suscite l'attachement.

Ainsi, la très belle figure du commandant de Saint-Marc est-elle très bien rendue.

Un mot du dessin : je ne suis pas un spécialiste et me risquerais à dire qu'il y a de l'aquarelle, du crayon "noir" (mine de plomb?) mais aussi ce que je crois être des "crayons de couleur". Le traitement permet de rendre compte de l'obscurité de l'Occupation ou des camps, du chatoiement fascinant de l'Indochine, de l'ocre jaune du désert algérien, tout comme des parfums de l'époque (vêtements, véhicules, paysages urbains reconstituent une ambiance désuète). Le traitement des visages évite le réalisme des BD contemporaines et pourtant il est crédible et traduit la vérité des êtres.

Vous l'aurez compris : il s'agit d'une réussite qu'un amateur de BD appréciera indépendamment du sujet. Si en plus celui-ci vous attire, vous n'avez plus à hésiter.

O. Kempf

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