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L'Occident rêveur

Quelles sont les particularités du rêve occidental ? Il convient de revenir à Colomb, Christophe de son prénom.

source

On explique la geste de Colomb par son avidité, sa recherche d'une autre route des épices et des richesse associées, telles qu'elles furent révélées et popularisées par Marco Polo. Mais il y a bien des Chinois, des Indiens et des Arabes avides...

Alors, le rêve d'aventure, à la suite de Marco ? Mais déjà, rêver d'aventure et d'extraordinaire, voici un état d'esprit bien particulier. Tous les peuples rêvent, comme le montrent leurs poésies.

Mais tous rêvent "ici".

L'Occidental a, le premier, inventé le rêve d'ailleurs. L'Occidental rêve la différence. L'altérité. L'antithèse.

Ainsi s'explique son inexplicable aspiration à l'universel, c'est-à-dire au dépassement de l'altérité, à l'ultime synthèse.

Donc, à sa perpétuelle insatisfaction.

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 6 novembre 2014, 05:07 par Pascal

"Je suis de cette ville qui est une ville infinie,Et le chemin qui y mène est un chemin sans fin" Djalâleddin Mohammad Roumi (1207-1273)

Guidée par l'ardeur
constante de cette flamme
à la nuit j'irai
jusque sur la voie des rêves -
qui pourrait m'en chercher noise ?
Ono No Komachi

A peine - à peine la nuit
s'ouvre sur la baie d'Akashi
et déjà vers le brouillard
derrière l'île disparaît
le bateau où est ma pensée
Anonyme (Kokin wakashū 905)

Nous nous sommes simplement accoudés au balcon portant nos regards sur les vapeurs bleutées coiffant les montagnes au loin. Trân Nhân Tông (1258-1308)

Perses, Japonais, Vietnamiens, eux-aussi rêvent d'ailleurs et eux-aussi ont exploré au-delà de l'horizon visible

2. Le jeudi 6 novembre 2014, 06:12 par Yves Cadiou

L'imagination, plus exactement que le rêve. Le rêve n'a pas vocation à se réaliser. L'imagination est, au contraire, nécessairement à l'origine de tout projet (c'est bien le sens du mot pro-jet : jeter en avant, jeter pour). L'imagination réalisée est partout autour de nous : chaque objet qui existe est sorti d'une ou plusieurs (voire plusieurs milliers d') imaginations. Même au milieu du désert (liquide, solide ou amazonien) votre présence résulte de votre imagination. Christophe Colomb n'a pas rêvé, il a imaginé et il a réalisé.
Nous Français (exceptionnels Français, n'en déplaise) sommes parfaitement occidentaux parce que qui vivons sur la ligne de contact entre l'immense plaine eurasiatique (sept mille kilomètres de terre sans barrière montagneuse) et un océan dont les caractéristiques physiques sont extraordinaires ( je reviendrai en annexe sur ces caractéristiques locales, avec l'autorisation du Maître du Blog). C'est l'imagination qui nous a attiré vers l'ouest depuis la plus lointaine préhistoire. Il faut regarder la géographie pour comprendre ce qui a fait de nous des « occidentaux » par référence aux hommes qui n'ont pas migré vers l'ouest mais sont restés à l'est.
L'on peut supposer que dans les steppes d'Asie nos lointains ancêtres préhistoriques vivaient en tribus nomades de chasseurs-cueilleurs, et peut-être éleveurs, qui se déplaçaient alternativement du nord au sud suivant les saisons. L'hiver les individus les plus fragiles mourraient de froid ou de faim. Parmi ces tribus qui peuplaient l'Asie quelques unes prirent conscience d'un phénomène que nous avons tous observé nous-mêmes : le soleil du matin est glacial alors que le soleil du soir est plus doux. Par conséquent certaines tribus, selon l'intelligence et le charisme de leurs membres dominants, infléchirent vers l'ouest leur mouvement en espérant trouver des hivers moins froids au pays du soleil couchant. Et de fait, à mesure de ce déplacement vers l'ouest les hivers sont moins froids. Le mouvement de ces tribus vers l'ouest dure probablement pendant quelques centaines de milliers d'années, ne rencontrant aucun obstacle infranchissable : les fleuves qui jalonnent le parcours, orientés pour la plupart sud-nord et quelquefois nord-sud, sont franchissables avec un minimum d'ingéniosité mais l'on ne trouve en Eurasie aucune haute montagne formant barrière et s'opposant, non seulement par leur altitude mais par leur froid qui contredit la théorie du soleil couchant, à la progression vers l'ouest comme les Rocheuses en Amérique du nord et les Andes en Amérique du sud.
Finalement nos lointains ancêtres arrivent au bord de l'Atlantique par vaguelettes successives et là ils se sédentarisent parce qu'ils y trouvent des conditions qui rendent inutile le nomadisme saisonnier : des hivers doux où l'on ne meurt pas de froid. Des hivers où l'on ne meurt pas de faim non plus parce que la mer ne gèle pas, permet toute l'année de ramasser des coquillages et, pour les plus habiles, de pêcher : ceci est impossible à l'intérieur du continent où les fleuves et lacs gèlent l'hiver. Nos lointains ancêtres trouvent également sur la côte atlantique des conditions favorables à leur sécurité avec des îles ou des presqu'îles faciles à défendre contre les prédateurs comme les loups, les ours, les autres tribus hostiles et cannibales.
Et nous voilà « occidentaux » pour toujours, par suite de notre imagination. Au-delà de l'occident eurasiatique l'anticyclone des Açores, avec les vents et les courants qu'il génère, avec les bateaux construits par notre imagination, nous fait découvrir un autre monde. Mais c'est un autre monde.
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Ps : l'Atlantique au contact de la plaine d'Eurasie, i.e. la côte française de l'Atlantique (y compris la Manche, qui est une annexe de l'Atlantique, une mer largement ouverte sur l'océan) de Biarritz à Boulogne.
Ce qu'il faut remarquer d'abord, c'est la chaleur de cette portion d'océan. Chaleur toute relative parce que l'eau, aux pointes de Bretagne, est à 17° environ l'été ; en hiver elle est à 12°. C'est froid pour les baigneurs mais c'est chaud comparé à l'autre rive de l'Atlantique : des froids glaciaires sévissent à New-York chaque hiver, nos télévisions nous en informent volontiers, des hivers comme on n'en connaît pas sur notre rivage. Et pourtant New-York est beaucoup plus au sud que nous : New-York est à la même latitude que Naples et plus au sud que n'importe quel point de notre territoire métropolitain parce que New-York (latitude 40°N) est environ cent kilomètres plus au sud que Bonifacio (latitude 41°N). De même il fait parfois très froid à Montréal qui est pourtant à la même latitude que Royan. Les pointes de Bretagne sont à 200km plus au nord que Saint-Pierre-et-Miquelon.
Cette dissymétrie des températures s'explique : nous connaissons tous l'existence du Gulf-stream, mais s'il n'y avait que le Gulf-stream, ce ne serait pas suffisant. Il y a aussi, et surtout, la dérive nord-atlantique et le rift médio-océanique.
La dérive nord-atlantique est générée par l'anticyclone des Açores. Celui-ci crée autour de lui un régime de vents qui sont permanents : au sud, c'est l'alizé soufflant d'est en ouest, et au nord à notre latitude c'est le contre-alizé soufflant d'ouest en est. Ce contre-alizé, on l'appelle plus couramment « vent d'ouest ». Ce vent d'ouest est à ne pas confondre avec les perturbations d'ouest qui sont autre chose. Par son frottement à la surface de l'océan, le vent d'ouest crée un courant marin général d'ouest que l'on appelle « la dérive nord-atlantique » : celle-ci vient continuellement vers nous à la vitesse d'1 km/h (un demi noeud, si l'on veut parler comme les marins) et nous amène un peu de chaleur du Gulf-stream mais surtout la chaleur de la dorsale médio-atlantique.

Il s'agit d'une chaîne de volcans sous-marins et même abyssaux qui culminent à 2500 et 3000 mètres de profondeur, qui est située au milieu de l'Atlantique. Alors que la profondeur de l'Atlantique est généralement de 4000 mètres, ce relief sous-marin a été partiellement décelé dans la deuxième moitié du 19e siècle mais c'est seulement dans la deuxième moitié du 20e siècle, à partir de 1970, que l'on a pris conscience du volcanisme de cette dorsale et que l'on a commencé à l'étudier. L'Islande est le point culminant, émergé, de la dorsale. L'intensité du volcanisme islandais, ses éruptions fréquentes, ses coulées de lave, ses geysers, ses mares de boue en ébullition, ses chaudrons de sorcière, ses sources chaudes, ses fumerolles trouve sa réplique sous-marine à 2000 km à l'ouest de la côte française par 2500 à 3000 m de profondeur. La croûte terrestre est particulièrement fine à cet endroit et le magma chauffe l'eau des abysses. La température de l'eau ainsi réchauffée atteint 350° mais la forte pression l'empêche de s'évaporer : à 2500 mètres de profondeur, la pression est 250 fois supérieure à la pression atmosphérique. Cette eau en surchauffe ne s'évapore pas mais se dilate pourtant. Devenant ainsi moins dense, elle monte lentement vers la surface. Au cours de cette ascension sur plus de 2km, elle se disperse dans l'eau environnante tout en dispersant sa chaleur autour d'elle. Arrivée à la surface, où elle n'est plus en surchauffe mais encore relativement tiède, elle est prise en charge par le contre-alizé qui la pousse vers nous tout en se réchauffant lui-même à son contact.

Par conséquent la chaleur qui arrive vers nos rivages est certes un peu due au Gulf-stream mais elle est surtout due à cette géothermie abyssale dont nous bénéficions grâce au vent d'ouest généré par l'anticyclone des Açores.

Ce phénomène connu depuis peu (étudié seulement depuis 1970), c'est-à-dire la conjonction de la dérive nord-Atlantique et du volcanisme abyssal, confirme que cet océan qui baigne la côte française, de Biarritz au sud à Boulogne au nord, et qui rencontre sur nos côtes la plaine eurasiatique est, lui aussi, un phénomène exceptionnel.

Parce que l'histoire est dans la géographie, un événement humain exceptionnel devait nécessairement se produire à l'endroit de cette rencontre entre l'Eurasie et l'Atlantique. C'est ainsi que l'exception française, notre exception française, était inscrite dans la géographie dès le deuxième jour de la Création du monde. On peut le dire de façon plus poétique : nous sommes à la conjonction des quatre éléments, la terre, l'eau, l'air, le feu. Nous avons été amenés ici, à la limite occidentale de la plaine eurasiatique, par le cinquième élément : l'imagination. Le rêve, si vous voulez, mais le rêve qui se réalise.

3. Le lundi 10 novembre 2014, 08:34 par oodbae

chacun voit midi à sa porte.

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