Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

L'économie chinoise s'essoufle-t-elle ?

Peut-être faites vous partie des heureux chanceux qui sont inscrits sur la liste électronique de Pascal Tran-Huu. Ses messages réguliers sont l'équivalent d'un blog qu'il réserve, en fait, à ses correspondants. L'un de ses récents poulets m'a passionné et il m'a autorisé à le publier. Voici donc sa dernière chronique chinoise. Merci à lui. OK

graphique_eco_chinoise.png

Ce graphique illustre de manière frappante, le problème auquel est confronté la Chine actuellement. Il représente l’évolution du cours du Yuan face à l’Euro : 1 euro vaut 6, 72 Yuans aujourd’hui contre plus de 10 il y a 10 ans.

Depuis 2007, l’excédent commercial chinois n’a cessé de chuter, pour ne plus représenter que 3 % du PIB (contre 9 % en 2007), ce qui s’explique aussi bien par le ralentissement des Etats-Unis et de l’Europe que par une moindre compétitivité liée à la hausse des salaires observée dans les zones urbaines proches des côtes. Hausse des salaires et des charges sociales rendues inéluctables tant la pression des salariés chinois est forte : « Les ouvriers ont davantage de pouvoir qu'autrefois. Le manque de main-d’œuvre a poussé les salaires à la hausse, et les entreprises ont dû accorder des avantages sociaux pour garder leurs employés. Le rapport de forces patron-ouvrier s'inverse » (Geoffrey Crothall, de l'ONG China Labour Bulletin)

Dans le même temps, la Chine connaît depuis 2013, une baisse des investissements directs étranger et une augmentation des sorties de capitaux nationaux. Cette fuite des capitaux explique en partie que des secteurs spéculatifs comme l’immobilier menace de s’effondrer. Un magnat du secteur, Pan SHIYI, PDG de SOHO CHINA a, du reste, fait preuve de son inquiétude, lors d’un forum économique l’année dernière : « Je pense que le marché immobilier chinois est comme le Titanic ; il heurtera bientôt un iceberg. Après avoir heurté l’iceberg, les risques ne seront pas uniquement cantonnés au secteur de l’immobilier. Les plus gros risques seront dans le secteur financier » (« the Titanic on its way to its rendezvous with an iceberg. After hitting the iceberg, the risks will not only be in the real estate sector. The bigger risk will be in the financial sector, »).

Afin de renforcer la compétitivité de l’économie chinoise, la Chine a engagé des réformes, dans les années 90, en vue d’encourager encore davantage l’intégration de la Chine au commerce international et à prendre des mesures pour attirer les entreprises étrangères. Ces mesures sont illustrées par le « Catalogue des investissements étrangers » qui permet aux autorités chinoises d’afficher leur intérêt pour les investissements étrangers selon les secteurs, répartis en trois catégories : les investissements encouragés, les investissements retreints et les investissements interdits. L’actualisation de ce catalogue, en 2012, privilégie l’investissement technologique dans des secteurs très précis, biotechnologie par exemple, mais ne propose quasiment pas d’évolution en matière de services.

Pourtant, la hausse du salaire net réel, la hausse des charges sociales, l'inflation et l'appréciation de la monnaie chinoise, ne sont pas les seules explications qui expliquent la crise économique relative que connait la Chine. La compétitivité est, également, le dernier facteur qui explique ce phénomène. Le classement PISA 2012, met Shanghai à la première place, le premier pays occidental (Le Lichtenstein) est 8e, Hong-Kong à la 3e et Macao à la 6e. Ce classement montre que le système éducatif chinois est performant, mais, en fait, c’est l’arbre qui cache la forêt. Certes Shanghai c’est 23 millions d’habitants, Hong-Kong 7, 8 millions et Macao seulement 566.000, mais elles font figure d’exception à l’échelle de la Chine. Les écoles de ces villes sont très bien équipées lorsque l’on compare aux écoles rurales des provinces pauvres du Guizhou ou du Hubei. L’enseignement primaire et les trois premières années du secondaire sont théoriquement gratuits, mais ce principe n’est pas appliqué partout. En outre, nombre de familles rurales ne peuvent s’acquitter du prix des livres scolaires, et doivent pour cette raison retirer leurs enfants de l’école. L’absentéisme scolaire (vous noterez que le mot anglais est « truancy » ce qui laisse suggérer que l’on est un truand lorsque que l’on ne va pas à l’école…) peut atteindre 60% dans les zones les plus démunies. De plus le gouvernement chinois consacre plus d’argent pour l’éducation dans ces trois villes qui sont, d’ailleurs, les seules à participer au classement de l’OCDE

Des gens peu formés font des ouvriers peu qualifiés or la grande masse des ouvriers viennent des provinces pauvres et sont peu compétitifs. Souvenez-vous de la « Chronique chinoise n°4 » que je vous avais relayé. Mon neveu, en stage dans un cabinet d’avocats chinois, avait, alors écrit : « …faible taux de rentabilité d’un salarié chinois, c’est-à-dire de son efficacité à obtenir le résultat escompté dans les délais impartis. Sans un encadrement strict et systématique, la productivité d’un employé ou d’un ouvrier chinois est proche du zéro absolu. La productivité des salariés français est d’ailleurs réputée et largement saluée par ceux ayant été amenés à travailler avec nos compatriotes. Ainsi, il arrive souvent qu’il faille embaucher deux personnes pour assurer les fonctions d’un poste ne nécessitant théoriquement qu’une personne. Ce manque d’efficacité est donc compensé par une hausse du nombre de personnes employées et par un allongement du temps de travail (les Chinois travaillent 6 jours sur 7 et rattrapent les dimanches les jours de congés pris en plus du minimum légal de 17 jours). Si ce problème peut venir d’un manque de motivation compréhensible, cela résulte très souvent d’une mauvaise communication entre ledit salarié et son supérieur hiérarchique. En effet, un Chinois préférera faire une erreur qui peut être lourde de conséquences plutôt que de reconnaitre qu’il n’avait pas compris les instructions (ou au mieux il se contentera de regarder le plafond). »

Des entreprises françaises l’ont bien compris, ainsi Peugeot finance des écoles dans le Hubei notamment…

Dans ce contexte, les entreprises relocalisent, rarement, et délocalisent, surtout, vers des pays où le coût de la main d'œuvre est toujours très bas. Il y a en effet de nombreux pays d'Asie où le coût de la main d'œuvre, charges comprises, est bien inférieur à celui de la Chine, en tenant du facteur compétitivité, le salaire horaire moyen dans l'industrie le plus faible se trouve actuellement ... au Cambodge : 0,25$ ! Mais dans de nombreux pays, comme au Vietnam, au Bangladesh ou en Inde, le salaire horaire reste tout de même deux à trois fois inférieur au salaire horaire de la Chine. Si vous ajoutez que le PISA de certains pays sont loin d’être ridicule (le Vietnam est 17e…)

Dans ce contexte, la Chine est obligé de changer de modèle économique, pour passer d'une économie basée sur le faible coût du travail et une croissance basée sur les exportations vers une économie tirée par la demande intérieure et l'émergence d'une classe moyenne. De nouveaux pays de délocalisation vont donc émerger Cambodge, Bangladesh, Vietnam, en attendant l’émergence d’autres… Est-ce aussi une des motivations de la forte présence de la Chine en Afrique ?

Pascal Tran-Huu

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/2021

Fil des commentaires de ce billet