L'ouvrage se lit très vite (200 pages en format quasi poche, écrit gros, pour dix euros) et on y sent une jubilation destructrice du fameux "modèle allemand" répété à satiété par les médias. Ainsi donc, l'Allemagne n'est-elle pas écologique, ne dépend-elle que de deux industries (dont l'une extrêmement polluante, l'automobile), est-elle organisée pour demeurer vieille et organiser la rente de ses vieux rentiers, organise-t-elle un massacre social extrêmement inégalitaire pour construire une bulle financiéro-économique qui dépend de l'exploitation de ses voisins pour survivre.
J'ai été moins convaincu des deux chapitres sur la chose militaire ou le club ethnique chrétien, tirés par les cheveux à mon sens.
Puis la verve reprend, cette fois contre les institutions européennes sous contrôle allemand et mises à profit des seuls intérêts germains. Dès lors, le suivisme français de "droite" comme de "gauche" est-il un bal des faux-culs, se mettant à la traîne de l'ordolibéralisme d'outre-Rhin.
On l'aura compris, il s'agit d'une charge. Comme l'exige le genre, elle est excessive puisque l'objet consiste à provoquer un choc de conscience, une conversion des mentalités. Ce n'est donc pas cela qu'on reprochera à l'auteur.
Il manque peut-être un développement sur les raisons de l'assentiment démocratique des électeurs allemands : s'ils étaient autant massacrés que cela, soutiendraient-ils sans discontinuer Mutti ?
De même, pas un mot de la Grande-Bretagne tandis qu'il est vaguement suggéré que l'Allemagne s'aligne, simplement, sur les États-Unis : pour le coup, cela manque de précision et de réflexion et on aurait aimer une analyse un peu plus fouillée de ces relations ambiguës.
Voici donc un brûlot. Qui sera rejeté par la droite (pensez, c'est Mélenchon) et par la gauche (pensez, c'est Mélenchon). Celui qui ne se sent aucun alignement sur ces deux catégories (encore moins sur celle de centre ou d'extrême quoi que ce soit) ira butiner avec profit, même et surtout s'il n'est pas d'accord avec la thèse. Au moins, elle fait réfléchir. Pas de bonne synthèse sans bonne antithèse. Là, on est servi.
A. Le Chardon