Grand Prix (Marvano)

Voici une belle édition intégrale, qui reprend trois volumes parus séparément. Il s'agit de l'histoire du sport automobile allemand entre les deux guerres, donc au moment, vous l'avez compris, de la naissance du nazisme.

Grand Prix, l’intégrale, par Marano, chez Dargaud.

La BD frappe par sa subtilité, la finesse de ses constructions graphiques et scénariques, mais aussi la délicatesse avec laquelle l'époque est rendue. Je sais, utiliser le mot de délicat est délicat (!) mais il est ici approprié. Car si rien n'est caché des horreurs du système nazi, on ne verse pas dans les excès de la dénonciation. Disons que le système est suffisamment haïssable en soi-même pour que l'auteur n'ait pas besoin d'exprimer très fort l'horreur qu'il lui inspire : cela coule de source et du coup, c'est bien plus convaincant que les postures trop moralisatrices qui, justement, font la morale et suscitent paradoxalement l'agacement. Ici, Marvano ne fait pas la morale mais on la trouve quand même.

De cet arrière plan historique (qui n'est pourtant pas l'essentiel du livre, nous y venons), je remarque également la façon qu'il a de rendre l'évolution, le raidissement, l'accélération de l'histoire entre les années 1920, la prise de pouvoir d'Hitler puis la fin des années 1930 : cela est très bien senti et correspond à ce qu'on sait de l'époque.

Toutefois, là n'est pas le sujet du livre : plus exactement, si ça l'est, il s'efface devant un autre sujet, plus visible et tout aussi intéressant : à la fois la naissance des voitures de sport allemandes (Audi et Mercedes), mais aussi la caste des pilotes de l'époque qui, toutes nationalités confondues, étaient encore des gentlemen qui risquaient leur peau à bord de leurs bolides. D'ailleurs, on est effrayé par l'absence de mesure de sécurité aussi bien sur les voitures que sur le bord des circuits...

Et puis il y a les hommes : les directeurs d'écurie, les femmes, les espions et espionnes, les docteurs qui cherchent à s’échapper... Le scénario est touffu mais on ne s'y perd pas, aussi bien entre l'histoire (la vraie, celle des pilotes et de leurs exploits) et l'histoire (la fausse, celle inventée pour que l'album ne soit pas un simple documentaire, mais ait une intrigue qui prenne le lecteur). Du coup, l'intrication de ces deux histoires avec la grande Histoire est passionnante et particulièrement réussie.

Le dessin est impeccable, le rendu des paysages et du dynamisme (la vitesse) ne souffre aucun défaut et ravira les amateurs.

Vous l'avez compris, l'album vaut le détour.

Le Chardon

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