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Chtchoukine, Vermeer : les expo de 2017

L'exposition Chtchoukine à la fondation Vuitton est terminée mais elle mértie quelques mots. L'exposition Vermeer au Louvre débute et le peintre mérite à coup sûr l'attention du géopolitologue, tant il fut un des seuls à mettre des cartes dans ses cadres. 

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Disons d'emblée un mot des conditions de ces expositions, pour déplorer leur piètre qualité (vous pouvez sauter ce paragraphe grognon). Chtchoukine rencontra un tel succès qu'il fallait s'inscrire à distance. J'avais réservé pour 21h00, suis arrivé à 20h50, ne suis entré qu'à 21h30 passées. Au moins le circuit à l'intérieur du musée était-il cohérent. Du côté du Louve, j'ai rarement été confronté à quelque chose d'aussi cataclysmique. Une réservation improbable sur Internet, une file d'accès au musée incroyable, ensuite un préfiltrage où on apprend que le billet ne suffit pas, qu'il faut aller au guichet retirer une contremarque avec heure de passage (2ème file), puis on nous fait attendre, puis une fois ce sas passé on refait encore la queue... Finalement, on entre dans un espace exigu avec des tableaux mis côte à côte et tirant "profit" d'une initiative absolument géniale du muséiste, celle de mettre les données techniques de l'oeuvre et les commentaires éventuels par terre ! Quand il y a quatre rangs de personnes devant soit, qu'on n'aperçoit l'oeuvre qu'entre trois épaules en se haussant sur la pointe des pieds, c'est un trait de génie indépassable. Bref, j'ai été de mauvaise humeur tout du long. La prochaine fois, faites ça dans une cave et illuminez avec trois bougies, avec des commentaires inscrits à la suie sur les murs, cela fera "performance" et art contemporain !!!! Et surtout, le Louvre, trouvez une surface d'exposition un peu plus ample que ce manège riquiqui autour duquel on tourne sans place... Mais venons en aux oeuvres.

Chtchoukine

Chtchoukine était un riche russe qui fit une collection d'avant guerre entre la fin du XIXème siècle (début vers 1880) et la révolution bolchevique (il prit alors la fuite pour mourir à Paris en exil en 1937). Sa collection permet de voir des oeuvres tout à fait méconnues et frappe par son éventail, allant des impressionistes aux cubistes en passant par les fauves.

Tout chez lui commence par Cézanne, son maître à voir. Chaque série de sa collection part d'un Cézanne qui inspire la quête. On voit ainsi quelques très beaux Monet (les toiles montrent très bien l'évolution entre les premiers cadres, peu convaincants, et ceux de la maturité), peu de Van Gogh, des Pissaro, une longue série de Gauguin. Je confesse n'avoir jamais été inspiré par ce peintre, fasciné par des paganismes colorés mais finalement assez ternes. Les fauves sont à l'honneur, avec une incroyable succession de Matisse mais aussi des Marquet et des Derain et, bizarrement, aucun Dufy. J'ai surtout noté un incroyable "Nu, noir et or" de Matisse tout à fait étonnant.

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PIcasso est à l'honneur, au long de toutes ses périodes : bleue, rose, cubiste. Chtchoukine a réllement senti et soutenu toutes les avant-gardes picturales de son époque. On note quelques abstraits, quelques auteurs russes. Il en reste un très beau parcours qui valait le détour. Il faut maintenant aller à Moscou pour les revoir.

Vermeer et les maîtres

L'expo coorganisée par le Louvre, le musée de Dublin, la National Gallery et le Museum of Art réunit 12 toiles (un tiers de toute l'oeuvre) de Vermeer, qui travailla à partir de 1660 environ. Je réussis ainsi à voir des toiles que je n'avais jamais vues, sachant que le Mauritshuis de La Haye n'a rien prêté...Du coup, les organisateurs ont confronté les toiles de Vermeer avec celles de ses contemporains, montrant ainsi la différence de traitement et les inspirations croisées. Il en ressort la profonde originalité du Delftois.

D'abord, il traite prcinipalement des scènes d'intérieur, comme la plupart de ses contemporains, selon ce que goût de l'époque exigeait. Mais il organise ses tableaux toujours selon la même composition : un mur en face, une fenêtre (ou une source de lumière) à gauche, deux ou trois éléments de décor, un personnage en situation. On peut avoir quelques centrages sur une activité (la laitière, la dentellière) ou alors un personnage féminin surpris et tournant la tête vers nous (La lette interrompue, Jeune femme assise au virginal). Autrement dit, Vermeer ne surprend jamais par sa composition. De même, on est frappé que toujours, le mur du fond soit une vague blancheur de chaux, accueillant vaguement la lumière. L'essentiel est ailleurs. Car un Vermeer est reconnaissable au premier coup d'oeil (un seul tableau m'a trompé, on y reviendra). Notons enfin qu'il ne peint pas de portrait (seule exception à mon souvenir, La jeune fille à la perle, qui n'est pas dans l'exposition et qui donne à voir un des regards les plus troublants de l'histoire de la peinture : mais s'agit-il d'un portrait ? ou d'une expression saisie par surprise ?).

L'essentiel est ailleurs. Tout est dit. Car Vermeer ne cherche pas, comme ses pairs, à trouver des "solutions" picturales. Tout ce travail parallèle est fort intéressant mais ce n'est pas le sujet de Vermeer. Nul doute qu'il observe ce que font les autres mais l'exposition a du mal à nous convaincre qu'il est inspiré par untel ou qu'il cite celui-là. On sent chez Vermeer une démarche intérieure qui précède la peinture : celle-ci n'est que l'instrument exprimant un autre souci.

Vermeer est toujours grave. Concentré. Profond. Même dans les petites choses de la vie ou les moments volages, comme l'écriture d'une lettre. A part peut-être dans La lette interrompue où l'on décèle de l'amusement de la part  du sujet qui regarde, moqueuse, le spectateur qui l'interrompt (donnant ainsi un des premiers exemples d'inclusion du spectateur dans le tableau), à part aussi de La proposition dont le sujet est libertin, par construction (aussi est-ce une fausse gaité qui est montrée), les tableaux de Vermeer ne donnent pas à voir la gaité. Au fond, Vermeer peint l'intériorité : celle de l'écriture, du travail, de la pratique musicale, ...

Ou encore, peut-être d'abord, la réflexion scientifique. L'exposition montre ainsi le Géographe, qui se trouve habituellement à Francfort et que je vois donc pour la première fois, surtout côte à côté avec l'Astronome, bien connu car accroché au Louvre. Les deux toiles côte à côte mettent en valeur la réflexion scientifique, les deux disciplines laissant de côté le côté magique que pouvait avoir l'alchimie ou l'astrologie. Surtout, Vermeer intitule une toile "le géographe" et devient à ce titre le père pictural des géopolitologues. On note en effet qu'à plusieurs reprises, les cartes sont représentées dans ses toiles, comme par exemple dans La joueuse de luth. Rien que pour ces deux toiles, il faut aller voir l'exposition.

Est-il seulement rationnel, positiviste ? je ne le crois pas. J'ai en effet appris dans l'exposition qu'il était catholique, alors qu'il peint dans un milieu protestant, tolérant à peine le catholicisme. La dernière toile de l'exposition donne ainsi à voir une Allégorie de la foi catholique qui n'a justement aucun des traits convaincants de Vermeer : c'est d'ailleurs la seule toile que je n'ai pas identifiée venant de lui. On sent une oeuvre de commande ou, plus exactement, une oeuvre trop démonstrative et éloignée, en cela, de l'intimité habituelle que dégage le travail intérieur du maître. Mais alors ? Alors, Vermeer n'est pas un peintre propagandiste ou rhétorique, c'est un peintre du resserrement personnel. C'est un mâitre qui peint l'invisible, celui qui n'est pas visible par les yeux. Là est le génie de Vermeer.

Parmi les autres maîtres hollandais présents, j'ai surtout retenu Pieter de Hoch, qui réussit de belles variations sur des rouges orangés tout à fait convaincants. Tant qu'à être au Louvre, on montera deux étages pour aller voir les maitres de Leyde avec une belle série de Rembrandt. Dans la pièce précédente, on verra une autre belle série d'impressionnistes (rare au Louvre, ceux-ci étant habituellement à Orsay, mais il s'agit ici de la donation Lyon) avec notamment une très belle toile de Monet, Environs de Honfleur sous la neige, qui vaut largement La célèbre Pie. Ca consolera ceux qui n'ont pas vu Chtchokine

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Egea

 

Commentaires

1. Le jeudi 16 mars 2017, 19:00 par Assas

Merci pour ces commentaires très justes ,on a l impression d y être ! Pour ma part je préfère " la pie " la présence animale rend le tableau plus vivant et l éclairage apporte une connotation de divinité !

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