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Une histoire de l'Europe (M. Fauquier)

Voici un livre paru en septembre dont je ne vous parle que maintenant : c'est qu'il y avait plus de 700 pages à lire, voyez-vous ! Pour tout vous dire, j'aurais pu le feuilleter, lire quelques pages ici ou là et me contenter d'un signalement. Et puis j'ai commencé l'introduction, puis le premier nœud, puis le premier chapitre... et il a fallu que j'avance jusqu'au bout, intégralement. Voici donc un ouvrage stimulant, sur une matière que l'on croit connaître ; mais son traitement renouvelle l'approche, paradoxalement.

De quoi s'agit-il ? D'une histoire de l'Europe. Certes, mais encore ? Et bien d'une histoire de l'Europe qui ne renie pas les racines chrétiennes de celle-ci; En fait, les ouvrages d'histoire contemporains veulent tellement être neutres que pour éviter tout éventuel reproche de manquement à la laïcité, minorent consciencieusement cette dimension-là. Or, il n'y a pas de neutralité historique, comme Shlomo Sand nous l'a brillamment expliqué dans son "Crépuscule de l'histoire" (lien ici) (autre ouvrage que j'ai lu cet été et que je m'aperçois ne pas avoir chroniqué, fichtre : il vaut le détour, incontestablement).

L'auteur, Michel Fauquier, a donc le projet d'une histoire européenne qui ne cache pas les fameuses "racines chrétiennes de l'Europe", celles qu'il est malséant de relever car ce serait attentatoire à je ne sais pas très bien quoi. Pour autant, il ne s'agit pas d'une œuvre apologétique, on a depuis longtemps quitté le XIXe siècle et à défaut d'être neutre, l'écriture de l'histoire peut être sérieuse, appuyée sur de multiples références, laissant la part aux discussions, présentant les points de vue opposés. "Au demeurant, la subjectivité - ce mot mal aimé et mal traité qui ne sert plus qu'à dire l'erreur dans un monde qui ne croit plus à la vérité- rappelle simplement que l'historien est sujet de l'histoire qu'il écrit et non un menteur compulsif" (p. 13)

M. Fauquier est Professeur, agrégé, docteur ès lettres, et incontestablement un bel érudit. On sait d'où il parle mais il se garde d'être obtus. Par exemple, il fait très bien le point sur l'expression de "Fille aînée de l’Église", qui est selon lui plus "allégorique qu'historique", contrairement à ce qu'un certain discours voudrait faire accroire (pp. 155-156).

Il organise son ouvrage en quatre parties : Les fondements (Athènes, Rome et Jérusalem), pp.19-134 - Les temps médiévaux : un Occident chrétien (pp. 135- 280) - L'époque moderne : une difficile gestation (pp. 281-498) - L’époque contemporaine : à la croisée des chemins (pp. 499-716). Chaque partie est elle-même divisée en "nœuds", expression qu'il trouve plus appropriée "Nous avons parlé de nœuds et non de tournants car à force de tourner, l'histoire aurait dû revenir d'où elle provenait, ce qu'on ne constate pas". Bref, le mot nœud est préférable à celui de racine, sur lequel il écrit un petit développement intéressant (pp 13 - 14). Chaque nœud fait donc l'objet d'un chapitre. Chaque partie et chaque chapitre se concluent par une bibliographie de "dix titres pour aller plus loin", chaque référence étant commentée.

L'auteur s'intéresse également à la vie des idées : au fond, plus qu'une histoire de l'Europe, c'est presque une histoire philosophique et théologique de l'Europe. Son chapitre sur le "désenchantement du monde" est très représentatif à cet égard. M. Fauquier insère de nombreux extraits des documents au fil du texte. Cela rend l'exposé très riche et très détaillé, notamment sur des périodes moins connues (monachisme, Moyen-Âge voire Renaissance). On le sent moins enthousiaste pour le monde moderne, mais le lecteur l'aura deviné.

Pour finir, notons qu'il s’agit surtout d’une histoire française de l'Europe. On n'y dit quasiment rien de la Russie, de la Scandinavie, des Balkans voire de l'Europe centrale. La question impériale qui touche Italie et Germanie est très approfondie, tout comme la rivalité avec les autres grandes monarchies européennes, Angleterre et Espagne. Le reste est négligé.

Voici donc un ouvrage très personnel et surtout très éloigné de ce que l'on lit habituellement sur le sujet. En ce sens, un ouvrage "radical" qui a les mérites et les défauts des parti-pris. Extrêmement fouillé et érudit, témoignant d'une culture impressionnante, centré sur l'évolution des idées en préalable aux événements, écrit par un auteur catholique et qui ne s'en cache pas, le livre vaut la lecture justement sur ces critères là : quelque chose de différent et (l'auteur nous pardonnera cet adjectif qui ne lui plaira sans doute pas) engagé, utile justement pour ces caractéristiques-là.

Michel Fauquier, Une histoire de l'Europe, Ed; du Rocher, 2018, 750 p. 29 €

O. Kempf

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