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lundi 9 février 2009

Wehrkunde (45° du nom) : premiers éléments

La Wehrkunde de Munich s'est donc terminée.

Voici les liens vers les discours les plus importants actuellement en ligne :

Joe Biden : ici L'analyse de la menace : "And we must recognize new forces shaping this young century:

   The spread of mass destruction weapons and dangerous diseases;
   A growing gap between rich and poor;
   Ethnic animosities and failed states;
   A rapidly warming planet and uncertain supplies of energy,  food, water;
   The challenge to freedom and security from radical fundamentalism"

On notera (changement par rapport à l'administration Bush) "la montée des inégalités" et le réchauffement climatique.

Le deuxième thème du discours évoque "The False Choice Between Security and Values". Bref, plus de torture.

Ensuite, le programme d'action : "First, we will work in partnership whenever we can, alone only when we must. " : acceptation de la négociation multilatérale "we will strive to act preventively, not preemptively to avoid wherever possible a choice of last resort between the risks of war and the dangers of inaction" : C'est la fin de l'action préemptive. Or, même en Europe et en France, de bons esprits nous expliquaient que c'était l'avenir....

Ensuite, troisième axe "We do not believe in a clash of civilizations. We do see a shared struggle against extremism – and we will do everything in our collective power to help the forces of tolerance prevail."

Dernier point "Renewing Our Alliance" : L'Alliance atlantique retrouve un intérêt qu'elle avait perdu depuis dix ans (et l'affaire du Kossovo). Cela étant, cela va de pair avec l'acceptation de la PESD, politesse nécessaire pour permettre le retour de la France : "We also support the further strengthening of European defense, an increased role for the European Union in preserving peace and security, a fundamentally stronger NATO-EU partnership and deeper cooperation with countries outside the Alliance who share our common goals and principles." Sur le BAM, voir mon billet

S. Ivanov : ici Je note : "The START I treaty, which has played a historic role in nuclear missile disarmament, is due to expire on December the 5th , 2009. It is time we move further." "Our principle attitude to the issues of anti-missile defense development remains very much the same. " "Now a few words about Treaty between the US and the USSR on the elimination of their intermediate range and shorter-range missiles (Intermediate Nuclear Force Treaty) (INF)" "As far as nuclear non-proliferation is concerned, our main priority remains to increase the efficiency of the NPT."

"The Comprehensive Nuclear-Test-Ban Treaty (CTBT) is an important instrument for strengthening the international regime of nuclear non-proliferation and nuclear arms limitation. Russia has ratified the CTBT in year 2000" "We view the Additional Protocol to the IAEA Safeguards Agreement as an effective tool to enhance potential of the Agency in this respect. "

Un paragraphe traditionnel sur le traité FCE, puis ceci : "And finally, we participate in multilateral export control activities, including Wassenaar arrangements for control of conventional armaments and dual use goods and technologies, the Nuclear Suppliers Group (NSG) and the Missile Technology Control Regime (MTCR). "

On aura compris : la position russe consiste à lier toutes les négociations multilatérales, notamment en matière nucléaire. La droit contre "l'unilatéralisme du BAM".

Comme d'habitude, l'analyse de Kissinger mérite le détour (voir ici) : il explique que l'actualité nucléaire est plus urgente que jamais.

Le discours d'A. Merkel est en allemand (ici) : Victor, une traduction en FR STP ?

Le discours de D. Milliband est intéressant, car il appelle à une négociation pan-européenne (cf. mon billet sur la déclaration Merkel-Sarkozy) : "Europe's security architecture therefore needs to address both new global fears and our traditional concerns. And it needs to build on the systems and institutions that proved themselves over the last few decades - NATO, the EU, the OSCE, the UN and the Council of Europe - while reaching out to forge new relationships to underpin our stability and prosperity. "

Les discours de MM. Jones, de Hoop Scheffer, Holbrooke, Petraeus et Sarkozy n'ont pas encore été retranscrits...

O. Kempf

samedi 7 février 2009

Déclaration Merkel-Sarkozy : plus importante qu'il n'y paraît !

La conférence de Munich (Wehrkunde, site ici, véritable « Davos de la sécurité » ainsi que je l’ai très tôt surnommée, voir ici §3) qui s’est ouverte ce matin poursuit ses travaux (voir ici), et personne ne doute qu’ils aient un rôle préparatoire au prochain sommet de l’OTAN en avril, et au-delà sur les discussions à venir sur la sécurité européenne. C’est pourquoi il est très utile de décrypter le texte signé en commun par A. Merkel et N. Sarkozy, dans le Monde de Jeudi : ce texte restera une référence pour l’année. (voir ici pour le texte intégral, et voir un autre commentaire ici)

1/ Tout d’abord, chacun aura noté le symbole : les deux dirigeants, qui ne s’entendent guère, font œuvre commune pour revivifier le moteur franco-allemand. Cela corrige l’isolationnisme de l’an passé : celui venant de Paris qui « tirait la couverture à lui » ; celui de Berlin qui s’en allait vers l’est (voir ici) : on avait la désagréable impression d’un lent divorce. La réunion du couple tient à deux facteurs : celui d’afficher une bonne entente avant le sommet accueilli par les deux pays (Strasbourg et Kehl) ; mais aussi, l’émergence de B. Obama qui ouvre un nouveau cycle international et polarise vers lui les regards. Il y a moins de place pour exister individuellement, et la nécessité de peser force les deux riverains à se rapprocher.

C’est pourquoi il faut bien comprendre toutes les arrière-pensées de cette phrase : « Aucun pays n’est aujourd’hui capable de résoudre seul les problèmes du monde ». Autrement dit : Barrack est un sauveur, mais d’abord de l’Amérique. Le « reste du monde » continue de tourner, et nous y jouerons notre part.

2/ En matière de sécurité, les deux dirigeants parlent autant d’OTAN que d’Europe : cette équivalence surprend. Car sans aller jusqu’à l’autonomisme de l’année 2003, il était d’usage d’expliquer la doctrine traditionnelle : l’UE a une compétence générale, quand l’Alliance n’a qu’une compétence relative aux seules questions de défense. Or, pas une fois cette double particularité n’a été rappelée dans l’article. Ce qui est logique de la part de deux néo-atlantistes ; expression surtout de la nouvelle doctrine bruxelliste (voir mon article dans DN&SC de début 2008) qui refuse l’opposition entre les deux organisations.

3/ Du coup, on ne comprend plus très bien à quoi sert chacune. Cela est sensible par l’utilisation massive du mot « partenariat » ou partenaire. Le partenariat est atlantique et transatlantique, il est de sécurité ou « de sécurité et de défense », il est fort, bien sûr, parfois stratégique, ou très important, c’est selon, il est entre l’OTAN et l’UE, entre l’UE et les Etats-Unis, il est avec la Russie, ... A un moment, nos auteurs soulignent que « ces progrès renforcent le partenariat transatlantique de sécurité et l’Alliance atlantique ». C’est que les deux choses doivent être bien différentes !

Bref, ce mot est tellement commode qu’il est employé à toutes les sauces et perd donc de son sens. Etre partenaire, c’est en fait parler poliment aux autres. C’est plus chic que « concertation », plutôt réservé à la scène intérieure.

Du coup, on ne comprend pas très bien ce que les deux dirigeants veulent réellement faire à propos de l’UE et de l’OTAN : comme si l’absence de conception claire était la marque de leur pragmatisme affiché. Après tout, pourquoi pas, même si bien sûr l’analyste, qui théorise et coupe les cheveux en quatre, est bien déçu. Pour simplifier, plus qu’une déclaration d’intention, il s’agit d’une déclaration de bonne volonté. Apparemment.

4/ Car heureusement, ils entrent dans le vif du sujet. La brigade franco-allemande est maintenue, et il y aura un bataillon allemand en territoire français (Strasbourg ?). Et le sommet sera sur une terre franco-allemande. Bref, n’en doutez pas bonnes gens, le moteur franco-allemand tourne encore.

5/ La coopération OTAN-UE ne va pas assez loin : elle doit s’approfondir. Mais on ne nous dit pas en quoi, ni surtout pourquoi. Car pour coopérer, chacun doit apporter quelque chose que l’autre n’a pas. Or, on n’a pas répondu à cette question préalable... C’est qu’en fait, il faut autre chose.

6/ La question des missions de l’Alliance est ensuite évoquée. L’article rappelle l’article 5, puis que l’alliance est une alliance défensive, qui doit apporter « la sécurité commune face aux menaces du monde ». On notera au passage l’équivalence théorique entre défense et sécurité, comme si elle allait de soi. On notera surtout que cette définition défensive est énoncée dans le paragraphe sur la Russie, et non sur celui des missions de l’alliance : il y a un message subliminal évident, n’est-ce pas. Car les missions de l’alliance, ce sont ses opérations, dans les Balkans mais aussi en Afghanistan, où l’alliance lutte contre le terrorisme. Et les deux pays maintiennent que l’alliance « restera engagée ». Les deux précisent la nécessité d’une « approche politique » : on comprend que le débat au sujet de l’Afghanistan tournera aussi (d’abord ?) sur la question de ce traitement politique.

7/ La Russie, donc. Avec qui il faut « reconstruire un partenariat », vous l’auriez deviné. Et c’est ici que s’exprime la différenciation du tandem. La Russie doit respecter Helsinki et la charte de Paris, c’est-à-dire « l’intégrité territoriale, l’inviolabilité des frontières et l’égalité au sein de l’espace atlantique ». C’est assez malicieux quand on sait que la Russie n’a eu de cesse de citer l’intégrité territoriale pour dénoncer l’indépendance kossovienne... et qu’elle avait échangé, à Helsinki, la troisième corbeille contre justement la proclamation de l’intégrité territoriale.

En échange de cette affirmation de principe, les deux proposent de nouveaux critères à l’élargissement : c’est absolument nouveau, car les précédents élargissements avaient été conduits sur la base de critères politiques, et en fait selon la décision américaine. Or, l’accès à l’OTAN suppose :

- « le libre choix de pays européens, des démocraties indépendantes et libres » : évident ? notez le critère européen : il n’y aura pas d’alliance globale, l’alliance reste géographiquement circonscrite à l’aire de l’Atlantique nord. C’est une alliance géographique. Le débat avait été lancé à Riga en 2006, et tous les Européens avaient refusé de suivre les Américains sur une extension mondiale. Le tandem affirme là la position européenne. - « cela implique d’abord à être capable d’en assumer les lourdes responsabilités, d’apporter une contribution réelle à la sécurité des alliés, et de partager leurs valeurs. De même l’élargissement doit contribuer à la stabilité et à la sécurité du continent, qui bénéficie aussi à la Russie. Dans ce contexte, la coopération au sein du conseil Otan-Russie (le COR) joue un rôle essentiel ». Le mot nouveau, par rapport aux critères qui avaient été élaborés dans les années 1990, c’est « stabilité ». En clair, un pays instable n’entrera pas. Autant dire qu’une Géorgie divisée et qu’une Ukraine en permanente crise politique n’entreront pas dans l’alliance. Et que d’ailleurs, tout futur élargissement devra avoir été négocié avec Moscou (via le COR) : les deux dirigeants proposent en fait un droit de veto russe sur les élargissements de l’alliance.

8/ cela vous surprend-il ? c’est que vous n’avez pas tout à fait compris ce dont il s’agit. Nos auteurs poursuivent : ils veulent répondre à la demande de M. Medvedev d’un grand débat sur la sécurité européenne. Il faut reparler d’Otan, d’UE, d’OSCE, de maîtrise des armements (MDA), de désarmement. Il faut donc au préalable renforcer le dialogue avec la Russie tout d’abord dans le cadre du COR, mais aussi entre l’UE et la Russie. Comprendre : si on n’utilise pas le COR, l’Europe le fera toute seule. En marge du dialogue américano-russe.

9/ Car le prochain sommet de Strasbourg évoquera aussi d’autres questions. Celle des capacités. On croit qu’il s’agit du vieux débat sur la modernisation technologique de l’Alliance (référence à l’Initiative sur les capacités du sommet de Prague) ? Que nenni : il s’agit de dépenses budgétaires : Allemagne et France s’approprient la règle des 2% du budget. Nul doute que le tandem y voit un moyen de relancer des dépenses publiques de souveraineté qui feront du bien aux industries nationales, en ces temps de dépression. Il faudra observer le budget allemand sur le sujet (Victor, nous comptons sur toi)

10/ S’agissant du BAM, les négociations doivent associer la Russie : en clair, les deux appellent à geler le déploiement de l’outil et donc à faire résipiscence auprès de Moscou. Car ni Berlin (pour cause de réticence à la question nucléaire) ni Paris (pour cause de maintien de la dissuasion) n’ont été très enthousiastes sur le sujet. Ça tombe bien : Obama non plus n’est pas convaincu, et tout le monde s’attend à un enterrement du projet, ainsi qu’on la compris de sources tchèques.

11/ S’agissant de la MDA, A. Merkel et N. Sarkozy appellent la reprise des négociations START, la ratification du TICE, mais aussi la relance des négociations FCE : à chaque fois, la position est plus proche de Moscou que de Washington.

12/ En revanche, en matière de prolifération, la solidarité avec les Etats-Unis est de mise, le tandem soutenant la plus grande fermeté envers l’Iran.

13/ En conclusion, que dire ? Qu’en fait, les deux pays tirent les conséquences du nouveau siècle qui s’ouvre. Ossétie et crise financière sont passées par là. L’élection de B. Obama n’est qu’un élément de l’équation. Dès lors, les vieux débats ne sont plus de mise, et l’Europe existe d’abord comme acteur stratégique autonome. Les deux dirigeants expliquent ainsi que les vieilles coquilles ont vécu : - peu importe au fond la différence entre Otan et UE : ce n’est qu’un héritage du passé, conservons le pour ce qu’il sert, pas pour développer autre chose. Les intégristes du tout OTAN ou du tout UE sont des doctrinaires. Inutiles. - Allemagne et France sont d’accord sur ces options là : voilà la réponse à ceux qui s’inquiétaient de leur éventuelle discorde. - il faut se rabibocher avec la Russie. Je n’entrerai pas dans le débat de la pertinence de cette perspective, je constate seulement que nos auteurs veulent une Europe qui marche sur ses deux pieds : atlantique à l’ouest, et russe à l’est. - C’est pourquoi ils soutiennent hardiment la nécessité d’une conférence de sécurité européenne. Ce qui est logique, puisque c’est leur priorité d’Européens. Il n’est pas sûr que cela soit celle des Américains.....

O. Kempf

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