Dissuasion britannique

Trois généraux viennent de déclarer publiquement que le Royaume-Uni n'avait plus besoin de dissuasion. Motif : plus d'ennemi, et ça coûte trop cher.

1/ On sait comment s'organise les débats outre-Manche. A la différence de la France où l'on accepte difficilement l'expression de débats autonomes (Surcouf), on les instrumentalise à Londres. Ce fut le cas à propos de l'engagement en Afghanistan, c'est à nouveau le cas ici. D'où la seule question qui compte : s'agit-il seulement d'une initiative "militaire", ou vient-elle de plus haut à Whitehall ? Notamment de permettre la construction d'une doctrine Brown de défense.....

2/ On voit bien les dangers d'un tel débat, sous l'apparente évidence. Tout d'abord, cela pose la question du Bouclier antimissile (BAM). On le sait menacé avec la nouvelle administration américaine, qui n'en fait plus une priorité. Il faut dire que le BAM avait permis de réconcilier, lors du 2ème mandat Bush, les néo-cons et les archéo-kremlinologues (type Condie Rice et Dan Franck).Avec Obama, nul besoin d'une telle réconciliation. Nul besoin politique, s'entend, car le Complexe militaro-industriel a tout à fait besoin de perspectives industrielles à 30 ans, que lui garantissait le BAM. Et ce besoin est exacerbé avec les risques de réduction à venir du budget militaire américain. Donc, si les Européens disent qu'il n'y a plus de dissuasion nécessaire, l'ultime assurance nucléaire réside dans le BAM.

3/ On voit bien la manœuvre anglaise : promouvoir un recouplage transatlantique, suffisamment tôt avant le prochain sommet de l'Otan, et alors que le gouvernement Obama a, entend-on, l'intention de placer le BAM sous la direction de l'alliance.

4/ Là est la dernière subtilité : celle de dynamiter la PESD qui, peu à peu, s'émancipe. Si le seul parapluie nucléaire vient du BAM, sous direction américaine, s'en est fini d'une défense européenne autonome. Cela annihile toutes les possibilités sérieuses de trouver un accord avec la Russie. Et cela met une pression terrible sur le dernier acteur nucléaire indépendant du continent, la France.

On voit que la question est sérieuse.

O. Kempf

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