Le Monde a publié quelques extraits du dernier livre de JP Jouyet, ex Secrétaire d'Etat aux affaires européennes. J'en extrais ceci, qui tient à la relation SArkozy-Merkel.
Depuis le début de la présidence française et peut-être même un peu avant, on ne cesse d'évoquer l'agacement que Nicolas Sarkozy suscite chez Angela Merkel. Qu'en est-il ?
Je crois que cet agacement a été réel et réciproque, et qu'il s'est estompé pour cesser tout à fait au moment de la tenue du G20 à Washington en novembre 2008. La chancelière allemande a reconnu chez le président français une énergie, une volonté de trouver des solutions face à la crise qui ont balayé les petites crispations. J'ajoute que l'on a eu tendance à personnaliser les relations entre ces deux personnages portés en pleine lumière, par la tempête financière notamment. Mais il faut savoir qu'entre la France et l'Allemagne, depuis le début de l'Europe, l'Union est un combat, pour parodier les discours que tenait jadis le Parti communiste.
Autrement dit, l'amitié avec les Allemands n'a rien de naturel. C'est une amitié de raison, qui emprunte plus à Hegel et à Descartes qu'à Rousseau et à Goethe. En fait, la France et l'Allemagne ne s'entendent sur rien dès que l'on entre dans les détails. Un exemple : les deux pays sont d'accord pour défendre une industrie forte en Europe contre les visées de la City londonienne ; mais dès que l'on commence à aborder la question par secteur - automobile, chimie, aluminium, aéronautique... -, les antagonismes apparaissent. Face à la crise financière, c'est pareil.
Ainsi, la réunion des deux s'est faite, par la raison, à la suite du G20 en novembre. J'ai l'impression que chez ces deux atlantistes convaincus, chez ces deux sincères américanophiles, le spectacle de la déroute américaine a été un choc déclencheur, et qu'ils se sont rendus compte qu'ils ne pouvaient faire autrement que de se rapprocher.
En clair, l'absence de garant américain force les Européens à l'autonomie.
C'est ce qui sous-tend l'article du 5 février, que j'ai analysé ici.
O. Kempf